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Béni soit cet édit


"Oh ! trois et quatre fois béni soit cet édit
Par qui des vêtements le luxe est interdit !
Les peines des maris ne seront plus si grandes,
Et les femmes auront un frein à leurs demandes.
Oh ! que je sais au Roi bon gré de ces décris !"
L'Ecole des maris, II, 6 (v. 533-537)

L'édit auquel fait allusion Sganarelle avait été promulgué le 27 novembre 1660 (1), puis réitéré en mai 1661 (2).

La décision royale est commentée dans les Mémoires de Louis XIV à l'année 1661 (3)

Dans sa Muse historique (Lettre du 30 avril 1661), le gazetier Loret fait état de l'événement (4).

Lors d'une nouvelle réitération, en 1663, de cet édit, Loret reprendra une formule proche de celle de Sganarelle pour célébrer cette décision royale (5)


(1)

Déclaration contre le luxe des habits, carrosses et ornements.
27 novembre 1660

Les soins de la guerre ne nous ayant pas permis [...] de nous appliquer autant que nous l'aurions souhaité à réformer le dedans de notre royaume, nous n'avions pas laissé néanmoins de défendre par divers édits les dépenses superflues et luxe des habits [...] : mais nos défenses, quoique souvent renouvelées, n'ont pas produit tout l'effet que nous en attendions [...].à ces causes [...], statuons et ordonnons par ces présentes signées de notre main ce qui en suit.
Premièrement. Faisons très expresse inhibitions et défenses à toutes personnes, tant hommes que femmes, de quelque qualité et condition que ce soit, de porter à l'avenir [...] en leurs habits [...] aucunes étoffes d'or ou d'argent, fin ou faux [...] à peine de confiscation desdites étoffes, habits et ornements, et de quinze cent livres d'amende [...].
II. Comme aussi pareillement nous défendons de mettre sur lesdits habits, tant d'hommes que de femmes, ou autres ornements, aucune broderie, piqûre, chamarure, guipure, passements, boutons, houppes, chaînettes, passepoils, porfilures, cannetille, paillettes, noeuds et autres choses semblables Lire la suite...
(Isambert, Recueil général des anciennes lois françaises, t. XVII, 1821-1833, p. 382 et suiv.)

(2)

Déclaration du Roi, par laquelle sa majesté, en interprétant celle du 27 novembre 1660, permet à tous ses sujets de porter des passements et dentelles de fil et de soie, du prix et de la façon mentionnée en la présente.
IDEM

(3)

Je renouvelai en même temps, mais avec dessein de le faire mieux observer qu'auparavant, comme je l'ai fait aussi, les défenses de l'or et de l'argent sur les habits et mille autres superfluités étrangères, qui étaient une espèce de charge et de contribution, volontaire en apparence, forcée en effet, que mes sujets, surtout les plus qualifiés et les personnes de ma cour, payaient tous les jours aux nations voisines et pour mieux dire au luxe et à la vanité.
(éd. J. Longnon, 1933, p. 37)

(4)

LETTRE DIX-SEPTIÈME
Du samedi 30 avril

Les équitables règlements
Qui défendent les passements.
Broderie, or, argent, dentelles,
Tant aux Messieurs qu'aux demoiselles,
Etant, par des placards moulés,
Chacun, de peur des commissaires,
Songe, à présent à ses affaires.
Tous ces ornements superflus,
De par le Roi, vont faire flux :
Et mainte blanche main s'occupe
A dégarnir sa belle jupe
De tous ces parements brillants,
Qui ruinaient maris, ou galants.
Encore un coup, adieu guipures,
Points de Gênes et découpures;
Aussi bien ceux qui les portaient,
Plus honnêtes gens n'en étaient,
Et les femmes ou les pucelles,
N'en étaient, un seul brin, plus belles.
Je voudrais que par un autre édit,
Expressément on défendit
Rouges, blancs, pommades et gommes,
Dont se servent jusqu'à des hommes,
Et qui sont (loin d'embellir mieux)
Le dégoût des coeurs et des yeux.
(éd. Ch. Livet, 1848, p. 347)

(5)

Mercredi, si je ne me trompe,
On fit crier à son de trompe
Et point du tout à son de Cor,
Le décrit des Passements d’or,
Des gances, boutons et dentelles,
Tant aux Monsieurs, qu’aux Demoiselles,
Et je vous proteste ma foi,
Que j’en aime encor mieux le Roi.
De longtemps ne s’est fait en France
De si nécessaire Ordonnance :
Et, certes, l’on abusait tant
De cet ornement éclatant,
Que j’ai vu, même, une Fripière
S’en parer devant et derrière,
J’ai vu des Valets arrogants
Presque tous couverts de clinquants,
J’ai vu quelques Marchands de Livres
En avoir pour deux cents vingt livres
J’ai vu, même, des Pousses culs,
En porter jusqu’à trente écus,
Et des Chambrillons un peu folles,
Jusques à cinq ou six pistoles.

Enfin, foi de pauvre Mortel,
Le luxe était devenu tel,
Qu’à tout Homme un peu raisonnable
Il en était insupportable.
Depuis trois jours j’ai cent fois dit
Dieu bénisse ce juste Édit,
Qui défend parure dorée,
Mais il faut qu’il soit de durée.
(Lettre XXIV, du samedi 23 juin 1663, « Raisonnée »)




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