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Des moeurs du temps mettons-nous moins en peine


"Mon Dieu, des mœurs du temps, mettons-nous moins en peine,
Et faisons un peu grâce à la nature humaine ;
Ne l'examinons point dans la grande rigueur
Et voyons ses défauts, avec quelque douceur."
Le Misanthrope, I, 1, v. 145-148

A la fin de sa Prose chagrine (1661), La Mothe le Vayer parvient à la conclusion suivante :

Si les chagrins de la vie sont des maladies chroniques et inévitables tout ensemble, pourquoi les augmenterons-nous par une recherche trop exacte, et pourquoi ne ferons-nous pas réflexion sur nous-mêmes, sans irriter personne inutilement ? [...]Cela veut dire qu'il faut user de toute sorte d'indulgence envers ceux que la conversation civile nous oblige de fréquenter.
(éd. de 1756, III, 1, p. 340-341)

Je ne sais si je ne ferais bien mieux de congédier tant de chagrins inutiles que la philosophie d'Héraclite m'a jusqu'ici inspirés, et passant d'une extrémité à l'autre, m'abandonner au ris de Démocrite, qui, dans un égal mépris des choses de ce monde, me donneront du moins une humeur beaucoup plus supportable.
(ibid., p. 367)

Gardons-nous bien de persévérer dans ces mauvaises habitudes qui nous rendent inappointables avec ceux qui ont le pouvoir d'irriter notre bile ; et pour nous en corriger, soyons plein d'indulgence et de douceur, même envers les bêtes, afin de n'en manquer jamais à l'égard de nos semblables.
(ibid., p. 345)

En effet, dans la mesure où tout est dans "la façon de recevoir la chose", et

puisque ces malheurs ne se peuvent éviter, étant si fort attachés que nous le disons à la condition de notre vie, pourquoi les augmenterons nous par notre impatience et par un chagrin déraisonnable, puisque Démocrite et assez d'autres les ont notablement diminués en se riant de notre faiblesse, et en s'accommodant doucement à tout ce qu'ils ne pouvaient éviter ?
(ibid., p. 372)

(voir aussi "le monde, par vos soins, ne se changera pas" et "rompre en visière à tout le genre humain").




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