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Les fils souhaitent qu'ils meurent


"Voilà où les jeunes gens sont réduits par la maudite avarice des pères; et on s'étonne après cela que les fils souhaitent qu'ils meurent."
L'Avare, II, 1

L'idée selon laquelle "les enfants comptent les jours des pères" et déplorent "des pères qui vivent autant que leurs fils", est exprimée

Le souhait de la mort des pères, lieu commun de la comédie des années 1660 (6), met en question les devoirs de parenté.


(1)

Où est le fils si innocent qui ne souhaite point quelquefois la fin de son père? Où est le modéré qui ne l'attende pas? Où s'en trouvera-t-il qui ait tant de piété qu'il n'y pense jamais? Quintilien peu de temps après nous rapporte la plainte que faisait un Proculeius, de ce que sa mort était attendue avec impatience par son fils? surquoi ce fils protestant qu'il ne l'attendait nullement; Je vous prie au contraire, lui repartir finement le père, de la vouloir attendre: Cum Proculeius queretur de filio, quod is mortem suam expectaret; et ille dixisset se vero non expectare; imo, inquit, rogo expectes.
(Discours ou homilies académiques, dans Oeuvres, III,2, éd. de 1756, p. 222.)

(2)

Epigramme de Gombault :
Vieux avares
Admirez les bontés, admirez les tendresses
De ces vieux esclaves du sort.
Ils ne sont jamais las d'acquérir des richesses
Pour ceux qui souhaitent leur mort.
(p. 62)

(3)

On annonce comme prix l’ouvrage suivant :
“l’Abrégé de la Vie des Pères tant souhaité par plusieurs, non pas celui de la vie des Pères ermites du désert, mais de quelques pères avares qui ont des enfants libertins, auxquels il tarde trop que ceux qui ont les ont mis au monde s’en aillent en l’autre et les laissent jouir de leurs biens" (1)

(4)

Deux jeunes débauchés, impatients de la succession de leur père, lui rompent et brisent ses coffres, à l'aide de deux autres valets, et le bonhomme les surprenant, et en tombant dans le désespoir les chasse tous de chez lui.
(IIIe entrée, p. 28)

(5)

Un père, parce qu'il a donné la vie à ses enfants, croit qu'ils doivent toujours être aussi dépendants de lui qu'ils l'étaient lorsqu'ils étaient encore au berceau, et ne leur sachant nul gré de tout ce qu'ils font pour lui plaire, ne fait rien du tout pour eux ; les enfants, de leur côté, n'ignorant pas que la naissance n'est pas la plus grande obligation qu'ils puissent avoir à leurs pères, murmurent même de la vie qu'ils leur ont donnée lorsqu'ils ne font pas pour eux tout ce qu'ils croient qu'ils pourraient faire.
(p. 92-93}

(6)

Nous savons ce que c'est que la perte d'un père,
Jamais de ce malheur fils ne se désespère;
Et l'on trouve toujours aux douceurs d'héritier
Des consolations qu'on ne peut rejeter.
Quelque honnête grimace enfin qu'on puisse faire,
Tout père qui vit trop court danger de déplaire.
(éd. des Oeuvres de 1715, t. III, p. 158-159)

ANSELME
[...]
Peut-on, avec raison, faire ce que vous faites?
Laisser un fils sans charge, étant ce que vous êtes?
Posséder de grands biens, et n'avoir qu'un enfant,
Et le voir tous les jours croupir dans le néant?
Empêcher qu'il ne voie aucune compagnie,
N'écouter, là-dessus, rien que votre manie?
Pensez-vous qu'en secret il ne murmure pas;
Qu'il n'ait point souhaité cent fois votre trépas?

FLORANE
Pourquoi le souhaiter?

ANSELME
Pour se voir en puissance

De faire dans le monde une honnête dépense,
D'imiter ses pareils.

FLORAME
Qu'il attende, s'il veut.

ANSELME
On doit, pour ses enfants, faire ce que l'on peut.
Fuyons l'occasion de forcer la Jeunesse
A pester chaque jour contre notre vieillesse;
A demander au Ciel la fin de notre sort,
Et lui faire des voeux pour hâter notre mort.
Prévenons de bonne heure une chose si dure;
Otons à nos enfants ce sujet de murmure [...]
(IV, 3, p.99-100)


(1) Source : E. Roy, La Vie et les oeuvres de Charles Sorel, Paris, Hachette, 1891, p. 103




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