Content-Type: text/html; charset=UTF-8

Les grâces dépendent de l'action


"une grande partie des grâces qu'on y a trouvées dépendent de l'action."
Les Précieuses ridicules, Préface

Dans l'épître dédicatoire de son Feint Astrologue (1651), Thomas Corneille, exprimait ses réserves à l'égard de la publication de sa comédie, selon des arguments et dans des termes très proches de ceux de la préface des Précieuses ridicules :

Le théâtre lui a donné des grâces qu'il est bien difficile qu'il conserve dans le cabinet, et ces sortes de poèmes ne pouvant être soutenus ni par la majesté des vers, ni par la beauté des pensées, l'on en voit peu qui ne perdent presque tous leurs avantages hors de la bouche de ceux qui savent en relever la simplicité du style. Ainsi j'ai sujet d'appréhender que cette comédie dont la représentation vous a diverti tant de fois ne vous semble froide sur le papier, et que vous n'ayez peine à y remarquer les mêmes naïvetés qui vous ont fait rire, accompagnées de la grâce de l'action (...) Pour moi, je me serais contenté du succès qu'elle a eu au théâtre, sans l'abandonner à la presse, si je n'avais voulu détromper beaucoup de personnes qui en ont cru mon frère l'auteur.

La réticence à donner aux presses un ouvrage, qui aurait tout à perdre à un examen approfondi, est un lieu commun de la littérature mondaine.

L'abbé de Pure le reprend dans son roman de La Précieuse (1656-1658) :

si [les choses écrites] essuient favorablement les premiers regards, elles éprouvent mille rigueurs des suivants ; et le beau surprenant n’a point d’effet parce que la réflexion le ruine.
(éd. Magne, Paris, Droz, 1938, t. I, p. 25)

Mlle Desjardins, dans son Alcidamie (1661), explique les raisons pour lesquelles la publication peut occasionner un malentendu dans l'appréciation de l'oeuvre :

comme il ne se rencontre pas toujours des personnes qui puissent dire "c'est un impromptu, je l'ai vu faire et l'auteur l'a fait dans un moment", on l'examine avec la même rigueur que s'il avait été longtemps rêvé; et l'on condamne sévèrement les fautes, sans s'informer si quelque chose peut les rendre excusables.

Dans l'avis "Au lecteur" de sa comédie L'Embarras de Godard ou l'Accouchée (1668) Donneau de Visé reprend le lieu commun, en affirmant que les comédies ne faites que "pour être jouées" :

Les représentations étant l'âme de la comédie, je ne sais si celle-ci plaira autant sur le papier qu'elle a plu sur le théâtre [...]. Aussi, lorsque ces pièces, qui ne consistent que dans l'action, réussissent, la gloire en est autant due aux comédiens qu'à l'auteur.
(n. p.)




Sommaire | Index | Accès rédacteurs