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Les spectacles et la vie de cour dans les Continuateurs de Loret en 1671


Cette page constitue une des composantes de la documentation sur LES SPECTACLES ET LA VIE DE COUR SELON LES GAZETIERS (1659-1674)

PAGE EN COURS D’ÉLABORATION (D.C.)

Lettre de décembre 1670-janvier 1671, par Mayolas.

-Comme de coutume en chaque début d’année, le gazetier distribue ses compliments à ses protecteurs :

Parnasse serait-il en friche ?
Pendant que le pauvre et le riche
Que les grands et que les petits
Font des présents de divers prix !
Quoi ce Mont pour moi si fertile
Serait-il aujourd’hui stérile !
Non, vraiment, je ne le crois point,
Car je le trouve bien à point,
Prêt à m’ouvrir toutes ses veines
Pour distribuer les Étrennes,
Et ses canaux me sont ouverts
Pour offrir mes vœux et mes Vers
À ce Monarque incomparable,
Qui n’eût ni n’aura de semblable,
Et que l’on voit si fort briller
Qu’aucun ne le peut égaler.
Mais quelle offrande puis-je faire,
Quelle offrande extraordinaire,
Digne d’un Prince si parfait,
Si Grand, si Sage, et si Bienfait :
Le Ciel par un don Angélique
Le donna d’une Âme héroïque ;
La Nature para son Corps
De ses plus aimables trésors :
Son Sang, sa Royale Naissance
(Favorable à toute la France)
Dans le berceau lui mit soudain
Couronne en tête et Sceptre en main ;
Amour en lui rendant les armes
Lui donna sa grâce et ses charmes :
Le Soleil avec équité
Lui communiqua sa clarté,
Et voulut sans nulle remise
Qu’il prit encor sa devise :
Jupiter ravit de le voir
Lui céda d’abord son pouvoir :
Mars en venant lui rendre hommage
Le pourvut de tout son courage :
La Victoire entre les Guerriers
L’a Couronné de ses Lauriers :
Minerve avec même largesse
L’a bien rempli de sa Sagesse :
Apollon avec les neufs Soeurs
L’environne de ses douceurs,
Et dans le Temple de mémoire
Travaille toujours à sa gloire :
La Fortune n’omettant rien
Voulut d’une humeur obligeante
L’unit à cette belle Infante,
THÉRÈSE cette REINE enfin
L’a régalé d’un beau DAUPHIN,
Suivi d’une Soeur et d’un Frère
Pour rendre ce Règne prospère :
À ces Dons qu’on voit éclater
SIRE, je ne puis ajouter
Sinon que Dieu vous les conserve ;
Et le bien que je me réserve
Est qu’au milieu de tant d’appas
Grand ROI, vous ne m’oubliez pas.

-Retour sur le fameux Dom Lopez, diplomate venu de Guinée et dont il a été question dans la dernière lettre de Robinet de l'année précédente pour sa présence à une représentation du Bourgeois gentilhomme :

Écrivons cette matinée
Que le Roi d’Ardres en Guinée
A mandé vers mon ROI Vainqueur
Un excellent Ambassadeur,
Sans user de longue remise,
L’exact et fidèle Berlise
À l’Hôtel de Luynes le prit
Et pompeusement conduisit
Cet Homme digne de remarque,
Dans un Char de mon grand Monarque
À son Palais rempli d’appas,
Entre deux haies de Soldats,
Où si vous voulez de ses Gardes,
Qui portent bien les hallebardes,
Leur Capitaine, Rochefort,
Marquis que l’on estime fort,
Dès qu’il l’aperçut à la salle
D’une manière joviale
Il reçut, il l’accueillit,
Ensuite l’on l’introduisit
À l’Audience favorable
De notre Prince inestimable ;
Sitôt qu’il vit ce Potentat,
Surpris, charmé de son éclat,
Par sa posture et par ses gestes
Il fit des signes manifestes
De la juste admiration
Et de la vénération
Que la présence de mon SIRE
À chacun dans le cœur inspire :
Après cela, très humblement
Il lui fit un beau compliment
Et de la part du Roi son Maître
Au mien il fit très bien connaître
Que la puissance de son nom,
Ainsi que de son beau renom
Ayant attiré son estime
Aussi grande que légitime,
Il offrait dans ses doux transports
Toutes ses terres et ses ports,
Tous ses vaisseaux et sa milice,
Propres à lui rendre service :
En ces termes il harangua,
Et puis sa Lettre présenta
À l’habile et prudent Lionne
(Dont j’honore fort la Personne)
Digne Secrétaire d’État
De mon Triomphant Potentat,
Qui contenait la même chose
(À peu près) que je vous expose :
LOPES après s’en retourna,
Chez lui l’on le ramena,
Satisfait de l’accueil aimable
De ce Monarque incomparable,
Et de la pompe de sa Cour
Que l’on vit paraître en ce jour
Et si superbe et si nombreuse
Si brillante et si merveilleuse,
Que l’Ambassadeur susnommé
En est encor tout charmé :
À l’Audience de la REINE,
Très vertueuse Souveraine,
Étant conduit pareillement
À genoux fit son compliment,
Et ses Enfants comme ses Femmes
Qui conservent ses tendres flammes
Étaient là présents avec lui ;
Et je vous assure aujourd’hui
Que la beauté de ma PRINCESSE
Leur causait autant d’allégresse
Que l’aspect de mon ROI charmant
Lui causa de ravissement :
Desplanes brave Gentilhomme,
Très civil et très galant Homme,
À soin que cet Ambassadeur
Soit traité avecque splendeur.

-Comme la mention "Aux dépens de l'auteur, M.DC.LXX." située en fin de lettre semble en témoigner, la lettre a très certainement été rédigée avant le 1er janvier 1671 : Mayolas annonce l’archevêque de Paris, Hardouin de Péréfixe, certes très malade mais encore en vie. Ainsi :

L’Archevêque de cette Ville,
En Science et Vertus fertile,
Est malade à l’extrémité,
Et de chacun fort regretté ;
Pour marquer l’amour et le zèle
Qu’on a pour ce Pasteur fidèle,
Publiquement on prie Dieu
En mainte Église et Sacré lieu,
Le Ciel ainsi que je souhaite)
Lui rende une santé parfaite.

-La lettre de Mayolas porte bien la marque de l'année précédente. Selon le Journal d'Olivier Lefèvre d'Ormesson (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k6220117v/f1081.image), les deux premiers mariages dont il est ici question ont eu lieu autour du 20 décembre 1670 :

Je mets cet article tout neuf
Pour le Marquis de Châteauneuf,
Secrétaire d’État très digne,
Par son propre mérite insigne,
Ainsi que par le Noble Sang
Qui l’élève dans ce haut rang ;
Mais pour bien poursuivre l’histoire,
Mettons maintenant à sa gloire
Que l’aimable et rare Fourcy
(Qu’avec plaisir je nomme ici)
L’a pris pour son Époux fidèle ;
Puisqu’il a charmé cette Belle,
Jugez, combien elle est charmante,
Agréable, riche et brillante :
Je souhaite dans quelques ans
Qu’ils produisent de beaux Enfants,
Qu’ils aient les Vertus du Père
Et les agréments de la Mère.

Mademoiselle Boucherat
Fille d’un Conseiller d’État
(Que tout le Conseil considère)
S’est mariée aussi naguère
Au brave et Noble de Beaumont ;
Hymen a couronné leur front
Des myrtes les plus agréables
Les plus doux et les plus aimables ;
Comme tous deux sont fort bien faits,
Remplis de vertus et d’attraits,
Je souhaite en cette journée
Qu’ils aient de cet Hyménée,
Après neuf mois et quelques jours
Des fruits dignes de leurs amours.

Le Corps d’une Illustre Duchesse,
Dont la mort cause ma tristesse,
Duchesse de très grand renom
Puisqu’elle était de Saint Simon,
Fut transporté de Saint Sulpice,
(Où l’on lui fit un beau Service)
Pompeusement jusqu’à Senlis,
L’Évêque des plus accomplis
Le reçut d’un air très célèbre ;
Deslions fit le Discours funèbre, [Doyen de la Cathédrale.]
Où des gens de chaque côté
S’étaient rendus en quantité,
Après une Messe authentique,
Et sans doute dite en Musique,
On l’inhuma dedans ces lieux
Où reposent ses grands Aïeux :
THÉRÈSE, ma belle Princesse,
A Brissac parfaite Duchesse
Alla témoigner à loisir
De ce trépas le déplaisir,
Et par sa visite Royale
Apaisa sa douleur fatale.

-Un problème de datation plus sérieux ? Madame de Mortemart, c'est-à-dire Marie-Madeleine-Gabrielle de Rochechouart a en effet été nommée à la direction de Fontevraud courant août 1670. Quant à la cérémonie dont il est question ci-dessous, c'est, selon d'autres sources que Mayolas le 8 février 1671 qu'elle a eu lieu (Pierre Clément, Une Abbesse de Fontevrault [sic] au XVIIe siècle. Gabrielle de Rochechouart de Mortemart, Paris : Didier, 1869. Voir notamment l'"Avertissement" p.VII, par Daniel de Larroque mais surtout le chap. 1 par P. Clément, p.14-15) :

J’écris, avant qu’il soit plus tard
Que Madame de MORTEMART,
Très Illustre et très Vertueuse,
Et très bonne Religieuse,
Digne Abbesse de FONTEVRAUD,
Prit possession comme il faut
(Aux Filles-Dieu) de l’Abbaye
Dont elle est a présent munie :
L’Évêque d’Amiens très savant
Y fit un Sermon ravissant, [De Montmartre, de l’Abbaye au Bois, de Poissy.]
Plusieurs Abbesses assistèrent,
Plusieurs Altesses s’y trouvèrent,
Pour être avec affection
Les témoins de cette action :
Cette Dame dont le mérite
Parfaitement de tout s’acquitte
Remplira sans difficulté
Tout à fait bien sa dignité,
Faisant sa Charge d’importance
Qui n’a point de pareille en France.

-On le voit en fin de propos, la date de cette missive est plus qu'incertaine :

J’ouvre par ce Vers opportun
L’an mil six cent septante-un.

Lettre du 3 janvier 1671, par Robinet.

-Robinet a lui aussi son protecteur, le frère du roi, auquel il rend hommage en ce début d'année :

Que ne suis-je Phébus, en sa propre Personne,
Pour, aujourd’hui, vous faire un rare Compliment,
Héros, brillant Héros, que la Gloire environne,
Et qui, des plus beaux Cœurs, êtes le noble Aimant !

PHILIPPES merveilleux, digne d’une Couronne,
Je vous en ferais un, qui serait bien charmant ;
Et tout ce que Chacun, en ce nouvel An, donne,
Aurait moins que mes Vers, de grâce, et d’ornement.

Mais, n’étant pas Phébus, à la Tresse dorée,
Vous n’aurez, grande Altesse, en mon cœur, adorée,
Que les Vœux que j’y fais, et que j’adresse aux Cieux.

A ce que vos beaux Jours soient tous filés de soie,
Et que, par des Destins dignes d’un Fils des Dieux,
Sans cesse, accompagnés de Bonheur, on les voie.

-Mais ses vœux vont également à tous les grands du royaume :

Après de si justes Souhaits,
Et ceux qu’en même temps, je fais
Pour notre incomparable Auguste,
Que d’adorer, il est si juste :
Pour son Épouse, à tant d’Appas,
Qu’ailleurs qu’en Elle, on ne voit pas :
Pour le Chef d’œuvre de leur Flamme,
Ce Dauphin, dont le Corps, et l’Âme,
Font un Tout plus beau que l’Amour,
Et l’Amour, même, de la Cour :
Pour le plus charmant Cadet, son Frère,
Qui, comme qui sait, des mieux, plaire :
Pour Madame, leur digne Sœur,
Ce jeune Ange plein de douceur :
Pour Mad’moiselle, votre Fille,
Qui, déjà, de Grâces, fourmille,
Conjurant, ardemment, les Cieux,
De ne reprendre dessus Eux,
Que leurs Faveurs les plus propices,
Et de doux Torrents de Délices.

Après, dis-je, ces premiers Vœux,
Formés pour nos vrais Demi-Dieux,
J’en forme de seconds, encore,
Pour leurs Courtisans que j’honore,
La plupart, gratuitement,
Id est, sans aucun fondement,
De Plaisir, de Faveur, ou Grâce,
Qu’en ait reçu notre Parnasse,
Dont je les quitte, comme Gens
Qui ne sont pas moult obligeants,
Et je souhaite que Fortune
Soit à leurs Désirs opportune,
Et qu’ils soient, en toutes façons,
Tant soit peu, moins Caméléons.

Je forme, aussi, dedans ces Rimes,
De troisièmes vœux légitimes,
Pour mes Lectrices, et Lecteurs,
Bénévoles, et Bienfaiteurs,
Qui sont bien deux ou trois Douzaines,
Dont je reçois quelques Aubaines,
Soit Confitures, et Liqueurs,
Dont, j’aime, beaucoup, les Douceurs,
Soit des Pâtés, soit des Fromages,
Soit des Livres, soit des Images,
Soit des Oranges, des Marrons,
Soit des Biscuits, des Macarons,
Andouilles de Châlons, ou Troie,
Et des plus belles que l’on voie,
Des Almanachs, Lapins, Perdrix
À plumage rouge, ou bien gris,
Des Billets doux, des Écritoires,
Et d’autres diverses Histoires,
Compris quelque Présents, encor,
Qui font de la Règle Hic dat Or,
La plus belle et plus nécessaire,
De toute le fameux Despausère.
De tous lesquels Bienfaits susdits,
Grand merci, cent fois, je leur dis,
Souhaitant que les Destinées,
Pendant un grand nombre d’années,
Favorisent tous leurs Desseins,
S’ils sont équitables, et saints,
Et que l’Année, encor, prochaine,
J’en reçoive nouvelle Étrenne.

Je fais de quatrième vœux,
Pas moins justes, et pas moins pieux,
Pour mes Amis, et mes Amies,
Que je ne mets pas aux oublies.
Il n’est rien si rare, et si cher,
Et quiconque en a pu trouver
A trouvé, presque, chose égale,
À la pierre philosophale,
À la Salamandre, au Phénix.
J’en ai bien, pourtant, huit fois, dix,
Si l’apparence j’en veux croire,
Et, pour mon plaisir, et ma gloire,
De pas un, je ne douterai,
Et, pour tous, je souhaiterai,
Que, sans nul secours d’Hippocrate,
Ils aient le Foie, et la Rate
Exempts de toute Obstruction,
Et de toute Opilation.

-La mort de Péréfixe est bel et bien confirmée par Robinet :

Mais, du Monde, ayant fait le tour,
Hélas, faut-il qu’à mon retour,
J’épilogue, enfin, mon Épître,
Par un sombre et triste Chapitre ?

De PEREFIX [sic], notre Prélat,
Dont le mérite eut tant d’éclat,
Et dans la Cour, et dans l’Église,
(Quoi, donc, faut-il que je le dise !)
A treize Lustres, seulement,
Vient de descendre au Monument !
Ah ! c’est comme y descendre en poste,
Quand l’on est dans un si beau Poste.

-Où il est question de l'ambassadeur évoqué par Mayolas à la lettre précédente :

Dom Lopez est, encor, ici,
Sans s'en ennuyer, Dieu merci.
Car, chaque jour, notre beau Sexe,
Qui plaît, beaucoup, encor qu'il vexe,
Le visite soigneusement,
Et le lorgne amoureusement.

D'ailleurs, on lui fait grande Chère,
Autant que l'on la puisse faire,
Et, pour parler de bonne foi,
Un des Ordinaires du Roi,
Civil, et brave Gentilhomme,
Que le Sieur Desplanes, l'on nomme,
Le fait servir d'une façon,
Dont il est tout charmé, dit-on.

-Une nouvelle jeune femme est attachée aux Filles de la Reine :

On a reçu, l’autre Semaine,
Parmi les Filles de la Reine,
Mademoiselle du Rouvroy,
Égale aux Grâces, que je crois,
Ou (car on le peut dire, encor)
A la claire et brillante Aurore,
Tant elle montre en son Teint frais,
Comme elle, de riants Attraits.
Au reste, dans son petit Age,
De douze ans, et non davantage,
Plus de Sagesse, elle fait voir,
Que l’on n’en saurait concevoir :
Si bien qu’elle est le vrai modèle
De toute jeune Damoiselle,
Comme elle sera, d’un Époux,
Quelque jour le Trésor plus doux.

-Pour le jour de l’an, la famille royale s'est déplacée aux Feuillants et a goûté l'éloquence de Charles Maurice Le Tellier :

Avecque la pompe, et la gloire
D’un Triomphe, et d’une Victoire,
Leurs MAJESTÉS, le jour de l’An,
Au bruit du Pata-patapan,
Chez les Pères Feuillants, allèrent,
Et leur piété signalèrent :
Le Général, ce rare Dom,
Qui, de bien dire a le beau Don,
Ayant tant au ROI qu’à la REINE,
Fait Compliment en bonne Étrenne.

L’après-midi, toute la Cour
Entendit chez les Jésuites,
Pères tous remplis de mérites,
Ce merveilleux Prédicateur
Qui, de Reims, est Coadjuteur,
Et doit un jour, à juste Titre,
En porter l’Éclatante Mitre.

-Au moment de dater, Robinet confesse n'avoir pas été si sobre que cela lors de la rédaction de sa missive :

Le troisième de l'An soixante-neuf, et deux,
Je fis ces Vers fort peu pompeux,
Ayant d'une Liqueur vermeille,
Arrosé friquette deux fois.
Liqueur que je crois nonpareille,
Et dont remercier, je dois,
Un Ami qui s'en vint, exprès m'en faire boire,
Comme j'ouvrais mon Écritoire.
C'est un admirable Hypocras,
Que fait Maillard, l'Apothicaire, [Apothicaire de Monsieur, rue S. Honoré]
Et non Maillard, Mari faussaire, [près de la Barrière des Sergents.]
Afin que nous buvions, en Dieux, à ces jours gras.

Lettre du 10 janvier 1671, de Robinet.

-François Harlay de Champvallon a été élevé au titre d’archevêque de Paris :

Le Grand Prélat de Rothomage,
Champvallon, si docte, et si sage,
Est, à présent, notre Pasteur,
Et le charmant Réparateur
De la fraîche et sensible Perte,
Par nous, de Péréfix[e], soufferte,
Grâce, au très judicieux choix
De Louis, la Perle des Rois,
Qui vient, par estime, et prudence,
Pour maints beaux Évêchés de France,
De trier, aussi, des Prélats,
Dont, partout, l’on fait fort grand cas.

-Puis il cite les autres nominations d'importance dans le Clergé français :

Entre eux, Dom Cosme, cet illustre [Général des Feuillants.]
Qui donne à son Ordre, un beau lustre,
Qui ne s’effacera jamais,
Aura la Mitre de Lombés.
Le Père Mascaron, pour Tulles,
Doit avoir de Rome, ses Pulles.
L’Abbé Chaumont, d’Aqs, est pourvu,
Dans la Liste, ainsi je l’ai vu.
L’Abbé le Camus, à Grenoble,
Où l’on voit, dit-on, maint Vignoble.
L’Abbé que l’on nomme Amelot,
Aura Lavaure, pour son lot.
Et l’Abbé Gaillard, qu’on estime,
Reçoit Aps, pour sa légitime.
Quelques autres, déjà, Mitrés,
Montant aux Honneurs, par degrés,
Sont passés, dont ils sont moult aises,
En de plus riches Diocèses.

Veuille le Ciel, qu’en Gens de bien,
Ils usent de tant de beau bien
Duquel l’Eglise, notre Mère,
Rend chacun d’eux, Dépositaire.

-Publication de Crispin Médecin de Hauteroche, créé l'année précédente à l'Hôtel de Bourgogne :

Un Médecin des plus joyeux,
Voire des plus facétieux,
Lequel, au chagrin, de grés casse,
Sans Séné, Rhubarbe, ni Casse,
Depuis peu, paraît à Paris :
Et son Nom vaut bien d’être appris,
Afin qu’à lui ; chacun s’adresse,
Pour, par lui ; perdre sa tristesse.
Il parle ; certes, bon Français,
Et vous l’aimerez, que je crois,[C’est une Comédie du Sieur de Hauteroche, intitulée
Voyez, donc, ici, dans la marge,[Chrispin Médecin, qui se vend chez Claude Barbin,
Son nom, et sa demeure, au large,[sur le second Perron de la Sainte Chapelle.]

Lettre du 12 janvier 1671, de Mayolas.

-D'un gazetier à l'autre les éloges se ressemblent bien qu'ils ne s'adressent pas à directement à la même personne :

SIRE, vos Libéralités
Éclatent de tous les côtés,
Comme je vais promptement mettre
Dans les Articles de ma Lettre,
Et j’espère aussi qu’à son tour
Ma Muse en aura quelque jour.

-La nouvelle selon laquelle l’Archevêque de Rouen est nommé à Paris est ici reprise par Mayolas après Robinet :

L’Archevêque de Rotomage,
Très illustre et grand Personnage,
Dont la Sagesse et le Savoir
À tout le monde se font voir,
(Par le choix aussi beau que juste
De mon Monarque tout Auguste)
Est Archevêque de Paris ;
Et franchement je vous écris
Que ses Qualités admirables
Et ses Vertus incomparables
Rempliront avec équité
Cette éclatante Dignité :
Puisque chacun le complimente
Sur cette nouvelle charmante,
Ma Muse beaucoup l’estimant
Lui fait aussi son compliment.

-À l'ambassadeur Dom Lopes évoqué plus haut, un présent de qualité (vient-il d'Aubusson ?) a été confié. Il doit le remettre à son potentat de la part du roi Louis XIV lui-même. Ainsi :

À l’Ambassadeur authentique
Du Roi d’Ardres vers l’Amérique, [en Guinée.]
De la part de Sa Majesté
On a joyeusement porté
Une riche Tapisserie,
Elle pourra sans flatterie
Parer, meubler en bel arroi
L’Appartement du susdit Roi,
Avec maint Tapis remarquable
Pour orner aussi mainte table,
Des Étoffes pareillement
Pour faire maint beau vêtement,
Encore qu’ils n’en usent guère,
Étant vêtus à la légère,
D’autres gentillesse encor,
Qu’ils estiment bien plus que l’or,
Non seulement pour son bon Prince,
Possesseur de mainte Province,
Mais encor pour ses enfants
Ainsi que pour ses Courtisans,
Sans oublier son Excellence
Qui va bientôt partir de France
Avec ses Femmes et ses Fils
Pour s’en aller à son Pays,
Charmé des beautés des merveilles
De nos richesses sans pareilles,
Tous chargés aussi de présents
Ils s’en retournent fort contents.

-De la même manière que Robinet précédemment, la série des nouvelles nominations ecclésiastiques est ici diffusée :

Disons que l’Évêque de Vannes,
Qui hait fort les choses profanes,
Est nommé depuis quelques jours
Au grand Archevêché de Tours ;
Celui de Leitoure [sic] a sa place,
Et suivra dignement sa trace ;
À Leitour [sic], l’Évêque d’Acqs
Portera dignement ses pas ;
L’Abbé de Chaumont je vous jure
D’Acqs possède la Prélature.
Le savant Abbé le Camus
(Ainsi qu’eux rempli de vertus
Et de qui le cœur est fort noble)
Aura l’Évêché de Grenoble.
De Nîmes ici je vous mets,
Que c’est l’Évêque de Lombez ;
Dont les Sermons font plus d’un Tome,
Des plus sages, des plus brillants,
Abbé général des Feuillants.
De Tulle le Prélat insigne
De celui de Comminge [sic] est digne ;
Mascaron grand Prédicateur
De Tulle sera le Pasteur.
Il faut bien avant que j’achève
Dire que celui de Lodève
Aura l’Évêché de Béziers,
Qui n’est pas loin de nos quartiers.
Avant de finir ce Chapitre
Marquons que de Lavaur la Mitre
Se donne à l’Abbé Amelot ;
Mais écoutez encore ce mot,
L’Abbé Gaillard que fort j’estime
Et de qui l’esprit est sublime,
Tient aussi le rang de Prélat
Puisqu’il a l’Évêché de Gapt.
Ces Prélats que je congratule,
Qu’en ce lieu je récapitule,
Feront avec affection
L’Épiscopale fonction.

-Puis Mayolas évoque une réception fastueuse qui a été donnée pour l’arrivée d’un ambassadeur au moment de l’Épiphanie :

Sur cet article faites halte
Pour voir l’Ambassadeur de Malte,
Hautefeuille de qui le Nom
Et la Valeur ont grand renom ;
Le Jour des Rois, Jour remarquable,
Avec une pompe admirable
Il fit son Entrée à Paris,
Au gré de tous nos beaux Esprits,
Dans un Carrosse magnifique
De notre Monarque Héroïque ;
Un Maréchal des plus fameux
Le fut prendre près de ses lieux
Avec l’Introducteur encore
Le Sieur de Bonneuil que j’honore ;
Les carrosses comme leur train
Éclataient fort dans le chemin,
Ceux des Ducs comme des Duchesses,
Maréchales, et Maréchaux,
Attelez tous à six chevaux,
Des Marquis comme des Marquises,
Des Personnes les plus exquises,
Y compris ceux des Chevaliers,
Firent Flores en ces quartiers :
On conduisit son Excellence
Avec cette magnificence,
En son Hôtel où promptement
On lui fit un beau compliment
Et de bonne grâce et sans peine
De la part du ROI, de la REINE,
Ainsi que de toute la Cour,
Qu’il écoutait bien tout à tour.
Le lendemain aux Tuileries,
(En dépit de l’Hiver fleuries)
Il fut conduit en appareil
Vers ce Monarque sans pareil,
Qui le reçut d’un air aimable,
Lui fit un accueil favorable,
Comme la REINE et le Dauphin,
Et nos autres Princes enfin.

-L’abbé de Péréfixe est mort : Mayolas confirme la nouvelle. Son successeur est également cité. Ainsi :

Je mets sans user de Paraphe,
Pour Péréfixe un Épitaphe,
Étant mort en très bon Chrétien,
Je crois qu’il la mérite bien :
Passant ici fais une pause,
Vois l’Archevêque de Paris,
Sous cette pierre de grand prix,
Hardouin Péréfixe y repose.

Pour exemple je le propose,
Le vice il a toujours repris
Par ses discours et ses écrits,
Mieux que ce Sonnet ne l’expose.

Rhodes l’avait eu pour Prélat,
Et de mon puissant Potentat,
Il fut le Précepteur illustre ;

S’il était grand en ces bas lieux,
De ses rares Vertus la Lustre,
Le rendra plus grand dans les Cieux.

Par sa piété très sincère,
Par son adresse singulière,
Comme par son autorité,
Il a justement augmenté,
Tant pour la gloire de sa Mitre,
Que pour celle de son Chapitre ;
Plusieurs droits beaucoup éclatants,
Usurpés depuis quelques temps,
Avec une Pompe funèbre
Aussi lugubre que célèbre,
À Notre-Dame dans le Chœur
Son corps fut mis avec honneur.
Aussi l’on plaint fort sa personne,
Illustre, vertueuse et bonne,
Et de ce funeste Trépas,
On ne se consolerait pas,
Si de Harlay qui lui succède,
Et de rares Talents possède,
N’était le digne Successeur,
De ce défunt Prédécesseur,
Son Nom, ses Vertus, sa Naissance,
Font qu’ici hardiment j’avance,
Que ce Prélat l’égalera,
Et même le surpassera.

-Où il est de nouveau question du sermon de Charles Maurice Le Tellier, chez les Jésuites, devant Leurs Majestés :

En l’Église des Jésuites,
Très savants et bons Casui[s]tes,
Le ROI, la REINE, avec sa Cour,
Se rendirent le premier jour,
Le premier jour de cette Année,
À trois heures, l’après-dînée ;
Et De Reims le Coadjuteur,
Très excellent Prédicateur,
Par son beau Sermon eut la gloire,
De ravir tout cet Auditoire.

-Un gentilhomme est nommé à une haute charge près de Monsieur. Il s'agit de Claude du Houssay (également orthographié Housset). L'homme est donc désormais chancelier du frère de Sa Majesté :

Faisons encore quelque Essai,
Parlons du fameux de Houssay,
Jadis Intendant des Finances,
(Et ce sont bonnes Intendances)
Il est pourvu par maint denier
De la Charge de Chancelier,
Près de Monsieur, unique Frère
De mon Prince extraordinaire,
Entre ses mains il a prêté,
Le serment de fidélité,
Et son Adresse et sa Prudence,
Feront sa Charge d’importance.

-Un abbé reçoit une abbaye : il devrait s'agir de Charles de Lyonne, l'un des fils de Hugues de Lyonne. Ainsi :

J’écris que l’Abbé de Lesseins,
Animé de justes desseins,
Qui conduisent sa belle vie,
Est régalé d’une Abbaye,
C’est de l’Abbaye d’Evron,
Dont le revenu est fort bon,
Et j’ose dire en mon langage,
Qu’il mérite encor davantage.

Lettre du 17 janvier 1671, par Robinet.

-Les plaintes du gazetier poète : sa tâche n'est pas aisée et lui cause bien des soucis. Ainsi :

Rimer n’est pas chose facile,
Parfois, la Muse est indocile,
Et plus un Monsieur le Rimeur,
Pour se remettre en bonne humeur,
Avec empressement, l’appelle,
Et plus elle fait la Rebelle.
Il a beau, suant de hahan,
Pousser vers elle, maint élan,
Et lui crier « Venez Mignonne,
« Si votre Secours m’abandonne,
« Je vais, sans aucune vertu,
« Ressembler au Cogne-Fétu,
Elle le laisse, mal en fête,
Rouer les yeux dedans la Tête,
Comme un malheureux Constipé,
Ayant besoin d’un Récipé [sic],
Et plus grimacer, sans méprise,
Qu’un Possédé qu’on exorcise.

Grâce à l’obligeante Clion,
Dont je lui dois un million
De grands mercis bien légitimes,
Je ne suis, jamais, dans mes Rimes,
Réduit à cette Gêne-là,
Et dès que je lui dis « ho, là,
« À mon aide noble Pucelle,
« Je vais mettre le Cul sur Selle,
« Afin de rimer pour Monsieur,
« Dont le brillant Extérieur,
« Et les Qualités singulières
« Charment les Belles les plus fières,
Elle accourt de même qu’au Feu,
Et, sans me peiner que bien peu,
Je fais ma Lettre Circulaire,
Ainsi qu’encor [sic], je vais la faire.

-Le gazetier assure qu’il restera fidèle à sa tâche malgré le calendrier chargé de cette période :

Ne pensez pas que maintenant,
Que voici Carême-prenant,
Qui me fournira de matières,
Pour faire Légendes entières,
Et sur des sujets mêmement,
Qu’on peut tourner plus plaisamment,
Et de plus galante manière,
J’aille, pour remplir ma Carrière,
Fleurer, dans les Pays lointains,
Ce qu’on fait chez les Levantins,
Id est, les Peuples de l’Aurore,
Où l’on voit les Perles éclore,
Ni, non plus, que je prenne essor
Chez les frileux Mortels du Nord,
Que (dont ils font mine très grise)
Sangle, sans fin, le Vent de Bise,
Ou chez les Peuples du Midi,
Que, Phoebus, le beau Reblondi [sic],
Tout de rôti, vous accommode,
Par sa fraîcheur, trop incommode,
Et ni, bref, chez ceux du Couchant,
Où ce clair Dieu s’allant cachant,
Au sein de Thétis, ses Feux porte,
Que le Matin, il en rapporte.
Non, dis-je, Lecteur curieux,
Je n’irai point en tous ces Lieux,
Que rarement, chercher Matière
Pour mon Épître Gazetière,
Tant que le Carnaval ici,
Pourra m’épargner ce Souci :
Et, pour la preuve de mon dire,
Je vais commencer d’en écrire.

-Robinet évoque à son tour l'élévation de Claude du Houssay au rang de chancelier de Philippe d'Orléans, son protecteur. Il est question de la fête qu’il a donnée chez lui, probablement pour cette occasion :

Mardi dernier, le Sieur Housset,
Qui bien faire, et bien dire, sait,
Et qui, de la Royale Altesse,
À qui ces Missives j’adresse,
Est, pour ses Talents éclatants,
Chancelier, depuis quelque temps
Donna le Bal d’une manière,
Qui parut toute singulière.
Le Lieu, des mieux, était paré,
Ainsi que, des mieux, éclairé,
Si bien qu’il semblait voir, du Louvre,
Où tant de charmes, l’on découvre,
Un Épitomé, très pompeux,
Aussi, fort propre pour les Dieux.

Grand nombre de Beautés parées,
Comme Déesses adorées,
Et toutes Beautés de la Cour,
Avec les jeux, le Ris, l’Amour,
Qui sont inséparable d’Elles,
Et leurs Camarades fidèles,
Primèrent dans ce Bal charmant,
Où leurs Appas furent l’Aimant
De mains Jouvenceaux d’importance,
Tous, aussi, de la Cour de France,
Lesquels par Règle, et par Compas,
Firent des millions de Pas,
Avec ces Mortelles fringantes,
En toutes sortes de Courantes.

Illec, les Violons, je crois,
Étaient des Violons du Roi,
Qui ne firent que des merveilles
Que l’on peut dire nonpareilles :
Et, d’autre part, tant de Bassins,
Beaucoup plus amples que succincts,
Remplis de Fruits, et Confitures,
Qu’aiment friandes Créatures,
Rangés pyramidalement [sic],
De même que bien galamment,
Furent servis à ces Poupines,
À ces illustres Baladines,
Que c’est de là, que je conclus,
Sans nuls Éloges superflus,
Que ce Bal fut d’une manière
Qui parut toute singulière.

Le susdit Sieur Housset, vraiment,
N’a pu faire, plus dignement,
Son Ingrat dans sa belle Charge :
C’est pourquoi mes Vers je charge
D’aller raconter, en tous Lieux,
Ce Bal, pour lui, si glorieux.

-Un autre bal a été organisé par l’un des Maîtres d’Hôtel du roi nommé Sanguin :

Le même Jour de cette Fête,
Sanguin, Homme de sage Tête,
Et des Maîtres d’Hôtel du Roi,
Donna le Bal, aussi, chez soi,
D’une façon resplendissante,
Et, je vous jure, ravissante.
La belle Foule s’y rendit,
De rares Nymphes, l’on l’y vit,
Tant Pucelles que non Pucelles,
Et qui valaient bien qu’avec Elles,
Les plus beaux et jeunes Galants ;
Les plus blondins, les plus brillants,
Les plus blondissant, et plus souples,
S’assortirent Couples, par Couples,

Je trouve dans mon Memento,
Qu’il en fut là, d’Incognito,
Aussi, Quelques-uns d’une guise,
À leur enlever leur franchise,
Étant des Gens de très bon Lieu,
Et non moins Charmants que le Dieu
Qui maintient l’amoureux Commerce
Qui, parmi le Monde, s’exerce,
Le plus doux, plus universel,
Et des Plaisir, l’Âme, et le Sel,
Le Principe, la Source Vive,
Dont le plus grand Héros dérive,
Et sans qui les plus vils, et plus lourds Animaux
Connaîtraient mieux que nous, et les biens, et les maux
Ce disait fort bien Théophile,
Que je cite en son propre Style.

Au surplus, dans le Bal susdit,
Rien ne manqua, ce m’a-t-on dit ;
Et Collation authentique,
Ce qui veut dire magnifique,
Belle, profuse, et cetera,
De sorte que l’on l’admira,
Fut, même, en trois Endroits, servie,
Où la nombreuse Compagnie,
Comme en trois Classes, se rangea,
Se colloqua, se partagea,
Si qu’on fit là, comme je pense,
En Violons, belle Dépense ;
Mais un Maître d’Hôtel du Roi,
Doit tout faire en très bel arroi.

-Robinet fait mention des apprêts relatifs au spectacle de Psyché :

Tout se prépare aux Tuileries,
Pour de royales Momeries,
Pour Bal, Comédie et Ballet,
Où tout fera du Feu violet.

Jamais, dans les Métamorphoses,
On n’a vu de si belles Choses :
Et ces grands Divertissements
Seront de purs Enchantements.
Mais ce sera, l’autre Semaine,
De quoi rendre ma Lettre pleine,
Et très agréable, je crois,
J’en jurerais quasi, ma foi,
N’était qu’après mon Aventure,
Je tiens pour maxime plus sûre,
Que l’on ne doit de rien jurer,
De crainte de se parjurer.

Sans, donc, m’aller, ainsi promettre
Aucun bon succès de la Lettre
Que je dois faire dans huit jours,
Je poursuis par d’autres Discours.

-Le roi inaugure un arc de triomphe à la porte Saint Antoine :

Dimanche, le Roi, notre Maître,
Et qui, du Monde, pourrait l’être,
A beau Titre de Conquérant,
S’il n’était juste autant que grand,
Fut, avec une Escorte idoine,
À la Porte de Saint Antoine,
Voir un Arc superbe, et pompeux,
Où nos plus arrières Neveux
Verront, ainsi que dans l’Histoire,
Les grands Lauriers dont La Victoire
A couronné ce Potentat,
Depuis que, pour régir l’État,
Ses invincibles Destinées,
(N’ayant, encor, que sept Années)
Lui mirent les Rennes en main,
Et que le charmant Souverain
Tient avecque tant de Sagesse,
Et tant de Gloire que, sans cesse,
Il en est, partout, admiré,
Ainsi que craint et révéré.

-Il inspecte ensuite plusieurs nouveautés architecturales : certaines sont au Louvre, d’autres destinées à Versailles. Sont alors évoqués des sculpteurs que l'on croisera sous la plume de Mayolas d'ici quelques vers... Ainsi :

Le lendemain, tout d’une tire,
Cet actif et merveilleux Sire
Vit, du Louvre, les Bâtiments
Qui seront de grands Monuments,
Encor, de sa Grandeur Royale,
Qu’ailleurs, aucune autre n’égale,
Et les beaux Ouvrages, aussi,
Que Girardon, Guérin, Mercy,
Et Regnaudin, Sculpteurs sublimes,
Dignes des plus hautes estimes,
Font, en Marbre, tout le plus beau,
Pour la Grotte de ce Château
Où, souvent, la Cour fait gogailles,
Et qu’enfin, l’on nomme Versailles.

Ces Ouvrages qu’on tient parfaits,
Et qu’on ne fait pas sans grands frais,
Sont des Figures, ou Statues,
Les unes finement vêtues,
Et les autres montrant, tout nus,
Leurs Membres polis et dodus,
Où le bel Art de la Sculpture
Semble incaguer Dame Nature,
Et faire voir, pareillement,
Que nous avons, assurément,
Des Sculpteurs qui ne cèdent mie,
Aux plus habiles d’Italie.

-Madame la Princesse, à savoir Claire-Clémence de Maillé Brézé, est blessée à l’épée en tentant de s’interposer lors d’une altercation qui éclate chez elle (Voir Madame de Sévigné, Lettre du 23 janvier 1671, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5302b/f45.image, et http://www.cairn.info/zen.php?ID_ARTICLE=LICLA_078_0065). Notre gazetier sait-il le fond de l’histoire, que rapporte Madame de Sévigné et en bon propagandiste de la classe aristocratique ne le mentionne-t-il pas afin de protéger la réputation d’une grande dame ?

Mardi dernier, deux Personnages,
Fort indiscrets, et fort mal sages,
Se querellant, insolemment,
Dedans le propre Appartement
D’une illustre, et charmante Altesse,
Savoir Madame la Princesse,
Mirent, chacun, Flamberge au Vent,
Par un trait de tête à l’évent,
Jusqu’en son Antichambre même,
En faisant un Vacarme extrême.

Cette Princesse, seule alors,
Son Domestique étant dehors,
C’est-à-dire dans un office,
Faisant, à Table, l’Exercice,
Accourut, au bruit, droit vers eux :
Et ces aveugles Furieux,
Continuant, devant icelle,
De pousser leurs coups d’allumelle,
Un, je ne sais comment, glissa
Sur son beau Sein, et l’y blessa,
L’un d’eux est pour, et c’est pour l’heure,
Ce que j’en sais, ou que je meure.

Lettre du 24 janvier 1671, par Robinet.

-A la suite de l'éloge liminaire usuel, Robinet nous offre sa relation de la représentation de Psyché. Ainsi :

N’attendez pas, Prince charmant,
En ce jour, aucun Compliment
De ma Muse, votre humble Ancelle,
Il ne faut point que je le cèle,
Je suis d’Affaire si pressé,
N’ayant pas, encor, commencé,
À plus de neuf heures sonnées,
Les Rimes, par moi, destinées,
Sous vos auspices, au Public,
Qui doivent narrer, ric, à ric,
Le grand Ballet de notre Sire,
Que je n’ai pas, à le vrai dire,
Le temps, quasi, de me moucher.

Je crois, que, sans vous en fâcher,
Vous souffrirez cette licence,
Quoiqu’elle soit contre l’Essence
Des Exordes que je vous dois :
Et là-dessus, de mes cinq doigts,
Je m’en vais, à course de plume,
Faire, non pas un gros Volume,
Mais trois Pages, en style neuf,
Qui seront pleines comme un œuf.

Le dix-sept de ce mois, tout juste,
Ce Ballet, pompeux, grand, auguste,
Et bien digne, veramente,
De divertir la Majesté
Du premier Monarque du Monde,
Tant sur la Terre, que sur l’Onde,
Fut, pour le premier coup, dansé,
En ce vaste Salon, dressé,
Dans le Palais des Tuileries,
Pour les Royales Momeries,
Avec tant de grand Ornements,
Si merveilleux, et si charmants,
Tant de Colonnes, de Pilastres,
Valant plusieurs mille Piastres,
Tant de Niches, tant de Balcons,
Et, depuis son brillant Plafond,
Jusques, en bas, tant de Peintures,
D’Enrichissements, et Dorures,
Que l’on croit, sur la foi des yeux,
Être en quelque Canton des Cieux.

D’abord, comme en un Lieu champêtre,
On voit, dans un Lointain, paraître
Un Port, où la Mer fait flo-flo,
Comme à Dieppe, ou Saint Malo,
Avec de longues Kyrielles
De Navires, et de Nacelles ;
De l’un et de l’autre côté,
Et, même, une vaste Cité,

Flore, que le Printemps ramène,
Se découvre dessus la Scène,
En des Atours fort gracieux,
Avec ses Nymphes, et les Dieux
Tant des Eaux, que des Jardinages,
Qui, pour Valets de Pied, et Pages,
Ont des Dryades, des Sylvains,
Des Fleuves d’Eau douce, et Marins,
Et le reste de leur Séquelle,
Magnifique, et non telle quelle.

Cette Flore, qui faire florès,
Est représentée (à peu près)
Par l’illustre Sirène, Hilaire,
Qui, toujours, a le don de plaire,
Avec son angélique Voix,
Ainsi que la première fois.

En charmant Chacun, elle appelle
Vénus, l’amoureuse Immortelle,
Afin qu’elle vienne Ici-bas,
Achever, par ses doux Appas,
Les Plaisirs dont la Paix foisonne,
Grâces à LOUIS, qui la donne,
En interrompant ses Exploits,
Qui pourraient établir ses Lois
Chez tous les Peuples que la Terre,
Dans sa vaste Rondeur, enserre.
Vénus, à ses Souhaits, consent, [Madlle de Brie]
Et, dans le même instant, descend,
En Couche, tout à fait, divine,
Dans une superbe Machine,
Ayant, auprès d’elle, son Fils, [Mr le Baron]
Qui se plaît fort, parmi les Lys,
Avec six autres petits Drôles
Qui savent là, très bien leurs Rôles.
Les Grâces la suivent, aussi, [Mesdlles du Croisy et de la Thorillière.]
Par un équitable souci,
En d’autres Machines côtières,
Toutes brillantes de Lumières.

Mais, comme elle a le cœur fâché
Des Honneurs rendus à Psyché, [Madlle de Molière.]
Au préjudice de ses Charmes,
N’en pouvant cacher ses alarmes,
Elle fait, bientôt, bande à part,
Et restant seulette, à l’écart
Avec son Fils, en conférence,
Elle l’anime à sa Vengeance,
Puis s’éclipse, jusqu’au Succès
Qu’aura son amoureux Procès.

Sur ce, roule une Tragédie,
Non pas, c’est Tragi-Comédie,
Faite par deux rares Auteurs [Srs Corneille et Molière.]
Qui n’ont que des Admirateurs.

Or, cet excellent Dramatique,
Qu’ici, nullement, je n’explique,
De crainte de prolixité,
Est, comme très bien concerté,
Entremêlé de huit Entrées
Dignes d’être considérées.

La première est de plusieurs Gens,
Qui sont contristés, et dolents
De voir Psyché dans la Disgrâce :
Et qui, dansant de bonne grâce,
Ou, chantant fort plaintivement,
En Italien, mêmement,
Expriment leur Deuil, à merveille,
Et ravissent l’œil, et l’oreille.

Une autre, de Cyclopes, suit,
Mais, nullement, à petit bruit,
Car n’étant pas des Gens d’extases,
Ils achèvent de pompeux Vases
Pour un beau Palais dont l’Amour
Consacre à Psyché, le Séjour,
L’aimant, et trahissant sa Mère,
Comme un faux et malin Compère :
Et des Fées, aux Forgerons,
Faisant des Pas légers et prompts,
Apportent ces Vases superbes
Dignes des beaux Vers des Malherbes.

Des Furies, et des Lutins,
Poussés par de mauvais Destins,
À leur tour, entrent en cadence,
Et n’ont, pour motif de leur Danse,
Que de faire peur à Psyché,
Qui, ceci soit dit sans péché,
Mériterait mieux les Caresses
De beaux Galants, à blondes Tresses.

Apollon, avec les neufs Sœurs,
Qui plaisent fort aux Spectateurs,
Bacchus, de même, avec sa Suite,
À faire Brindes, bien instruite,
Momus, avec la Sienne, aussi,
Et Mars, lors, sans guerrier souci,
Font, enfin, chacun, une Entrée :
Étant venus de l’Empirée,
Avecque leur Sire, Jupin,
Lequel termine à la parfin [sic],
De Vénus, et son Fils, les rixes,
Et, par ses Soins, des plus propices,
Rend l’Amour, Époux de Psyché,
Dont il est, tendrement, touché.

Lors, tous ces Dieux, et leurs Escortes,
Qui sont de nombreuses Cohortes,
Des Déités, jusqu’à trois cent,
Dans ces Cohortes, paressant,
Sur de grands et brillants Nuages,
Disposés à triples Étages,
Célèbrent, par de beaux Concerts,
Par des Danses, et par des Airs,
La Solennité de la Noce,
Comme s’ils étaient chez Mandoce.

La Scène, au reste, incessamment,
Comme, par un Enchantement,
En différents Objets, se change :
Et, par une surprise étrange,
On y voit, tantôt, des Palais,
De Marbre, en un tournemain, faits :
Puis, en moins de rien, en leur place,
Sans qu’il en reste nulle trace,
Des Mers, des Jardins, des Déserts,
Enfin, les Cieux, et les Enfers.
Mais, il me faudrait faire un Livre
Gros comme c’il qui s’en délivre
Chez Ballard, Imprimeur du Roi,
(Je vous le dis de bonne foi)
Pour tout raconter, tout déduire,
Et, parfaitement, vous instruire
De ce Spectacle si Royal.
Ainsi, donc, en Auteur féal,
D’y recourir, je vous avise.

Mais, il faut, qu’ici, je vous dise
Que Lundi, je vis ce Ballet,
Grâce à Monsieur Carnavalet,
Qui joint, par un rare avantage,
La courtoisie au vrai courage,
Et qui m’ayant, de très bon cœur,
Fait, bien des fois, même faveur,
En toute rencontre semblable,
Me fit, par un trait amiable,
Entrer ici, certe [sic], à gogo,
Et, c’est-à-dire, tout de go,
Et de manière aussi facile
Que j’entre dans mon Domicile.

-La cour est en déplacement à Vincennes :

Mercredi, toute notre Cour,
Pour trois jours, changea de Séjour,
Et fut se gîter à Vincennes,
Afin d’étendre, ainsi, la Scène
De ses Ébats du Carnaval.

Le soir, même, on eût là, grand Bal,
Où Roi, Reine, Seigneurs, et Dames,
Brillaient mieux que des Oriflammes,
Et semblaient, par leurs beaux Joyaux,
Des Indiens Orientaux.

La Bérénice de Corneille,
Qui parut une vraie Merveille,
Et digne du Plaisir Royal,
Précéda cet éclatant Bal,
Avecque Collation telle,
Qu’on n’en peut voir une plus belle :
Et l’Orange, et le Citron doux
Qui plaisent fort, au Goût de tous,
Y furent, à ce qu’on rapporte,
Servis de si féconde sorte,
Qu’il ne saurait, en vérité,
En être, en Portugal, resté.

Le Souper termina la Fête,
Et vous pouvez vous mettre en tête,
Que, sans exagération,
Il passa la Collation.

Les deux subséquentes journées,
A d’autres Plaisirs destinées,
Se passèrent, non moins, gai’ment [sic] :
Mais, d’autant que, présentement,
La plupart de ces belles choses,
Sont, encor, pour moi, lettres closes,
A la huitaine, j’en remets
Le Récit que je vous promets.

Comme en la Saison Carnavale [sic],
Le Mariage est un Régale [sic]
Mis en usage volontiers,
Et par le Quart, et par le Tiers,
Il s’en est fait à la Douzaine,
Durant toute cette semaine.

Grands, et Petits, Jeunes, et Vieux,
Ont fait Noces d’un cœur joyeux ;
Et maintes Belles surannées,
De leur Virginités fanées
Ont fait à des Maris tels quels,
Un Don, en face des Autels.

Mais je laisse ces Mariages,
Qui, souvent, sont des males [sic] rages,
Et je vais en rapporter un
Qui n’est point du tout, du commun.

-Une union de haut rang a eu lieu dans l'entourage de la cour : le mariage du fils du duc de Saint Aignan et de la fille de Colbert. Ainsi :

C’est d’un illustre, et jeune Comte,
De qui mille Biens, on raconte,
Soit pour l’Esprit, soit pour le Cœur,
Pour la Fortune, et pour l’Honneur,
Avec une jeune Pucelle,
Douce comme une Colombelle,
Et qui ne manque, Dieu merci,
De pas un des Attraits, aussi,
Qui rendent une Épouse aimable,
Et, voire, presque, adorable.

Ce Comte, dont elle est le Prix,
Du Duc de Saint-Aignan, est Fils ;
Elle, en qui maint mérite brille,
De Monseigneur Colbert, est Fille ;
Et c’est assez, par ces deux mots,
Faire d’eux tous, sonner le los.

De l’Hymen, la Cérémonie
Se fit, en noble Compagnie,
Par l’Episcopus de Noyon,
Qui fit trois Prônes, ce dit-on,
Aux Mariés, pleins d’éloquence,
Et qui ravirent l’Assistance,
Mais, Dieux ! s’il furent un peu grands,
Quelle peine à ces jeunes Gens,
Qui brûlaient de jouer leurs Rôle,
De voir consumer en Paroles,
Le Temps que leurs ardents souhaits
Destinaient à de doux effets !

Le Père de la Fille, au reste,
Fit un Banquet, je vous proteste,
Des plus propres, et des plus beaux,
Tout rempli de friands morceaux.
De plus, avec grand’ Mélodie,
Ce qu’il faut, encor, que je die,
Le Bellérophon de Quinault,
Que l’on exalte, comme il faut,
Et qui, bref, a le vent en poupe,
Fut représenté par la Troupe
De l’Hôtel. Je n’en dis pas plus,
Et je vais dater là-dessus.

Lettre du 31 janvier 1671, par Robinet.

-La plume est parfois à double tranchant : Robinet revient sur des propos qu’il aurait tenus précédemment. Ils auraient été mal compris. Face aux reproches, il tient à rétablir la vérité :

Songer de Perles, ce dit-on,
Est un Songe qui n’est pas bon,
Mais, en parler, je vous assure,
Est encor, plus male Aventure.

Pour avoir, dessus un Collier,
Voulu ma Musette égayer,
D’une manière un peu naïve,
Il faut qu’un Procès s’en ensuive,
Et que l’on prenne au Criminel,
Ce qui n’est, aucunement, tel.

Je puis, sans faire le bon Charle [sic],
(Car mon cœur, par ma plume, parle)
Dire que, nullement, je n’ai,
Ou que je sois un franc Damné,
Pensé faire la moindre injure,
À Personne, dans l’Écriture,
Où j’ai parlé de ce Collier,
Sans nommer, ni qualifier
La Dame qui se tient blessée,
Et, cruellement, offensée,
Par quelques termes d’enjouement,
Lesquels, pris moins sévèrement,
Ne sauraient, ainsi que je pense,
Être d’aucune Conséquence.

Mais, si l’on prend, en mauvais sens,
Mes Vermicelets [sic] innocents,
J’ose, à mes Lecteurs, tout franc, dire
Qu’en faux, je désire m’inscrire ;
Déclarant, ici, net, et clair,
Que je tiens pour contes en l’air,
Toute la Glose, et la Morale,
Que j’ai faite en Prêcheur de balle,
Qui prônais, ainsi, sur un bruit
Dont j’avais été mal instruit :
Et qu’ayant, sur cette matière,
Reçu, depuis, la vraie lumière,
Je change de raisonnement,
Et j’honore profondément,
Ladite Dame complaignante [sic],
D’une Vertu très éminente,
Et pourvue, au surplus, d’Attraits,
Doux, brillants, gracieux, et frais,
Qui peuvent, sans trop de louange,
Se comparer à ceux d’un Ange.

Après cet Acte de Chrétien,
Et juridique Historien,
Qui chante la Palinodie,
Je crois que, par une œuvre pie,
Et de bonne Chrétienne, aussi,
La Dame me fera merci :
Et je vais, dans cette espérance,
Travailler, en toute assurance,
A conter les Nouvelletés
De notre Reine des Cités. [Paris.]

-Où le gazetier revient sur la fête donnée à Vincennes :

Les nouveaux Ébats de Vincennes,
Que je remis, l’autre Semaine,
A vous narrer en celle-ci,
Tout de point, en point, les voici.

Le jeudi, l’on y prit carrière,
Dans une Chasse très plénière,
Où les Dames, fort galamment,
Parurent sous l’Habillement
Des Amazones belliqueuses,
Et tout autant majestueuses,
Mais, à dire la Vérité,
Les passant, beaucoup, en Beauté,
En bonne grâce, en mignardise,
Et, pour parler, avec franchise,
Ayant, ce qu’elles n’avaient pas,
Une Gorges pleine d’Appas,
Avec deux Mamelles, Chacune,
Où les autres n’en avaient qu’une.

Or, après cette Chasse-là,
Où, maint Gibier, l’on accula,
Le Soir, on eût, pour grand Régale [sic],
Par la propre Troupe Royale,
Le Bellérophon de Quinault
Mis au Théâtre, comme il faut,
Et qui plût, certes, à miracle,
A ce que j’ai su d’un Oracle.

La Collation précéda,
Où tout Mets friand abonda,
Dont maintes Bouches bien vermeilles,
Firent leur profit, à merveilles.

Le Bal, cette Fête, finit,
Qui, plus que le Ciel, resplendit,
Quand, avec ses claires Étoiles,
De la Nuit, il perce les Toiles,
Tant, pour lors, brillait notre Cour,
En son riche, et pompeux Atour :
Et le Souper, plein d’opulence,
Pour mieux préparer à la Danse,
La devança. Car, comme dit
Un Proverbe, sans contredit,
Et fondé sur l’Expérience,
Après la Panse, vient la Danse.

Le Mercredi, sur nouveau frais,
Tout de nouveau, l’on fit florès,
L’on eut, encor, la Comédie,
Avec charmante Mélodie,
Par cette Troupe, où Floridor,
Paraît, toujours, comme un Médor.
On eut, encor, Chère semblable,
Ce qui veut dire incomparable,
Et, bref, on eut, encor, le Bal,
Où tout le beau Congrès Royal,
Composait une Mascarade
Que l’illustre de Bensérade
Pourrait, seul, décrire en ses Vers
Admirés de tout l’Univers.

Les Grecs, les Turcs, les Moscovites,
Qui n’ont ni Prêtres, ni Lévites,
Les Arméniens, les Persans,
Et maintes autres telles Gens,
Dont trop longue serait la Liste,
Et pourrait lasser un Copiste,
Se voyaient là, représentés,
Tant par nos grandes Majestés,
Que par leur royale Séquelle,
En Conche, non pas telle quelle,
Chaque Habit revenant à plus
De trois fois, quatre mille Écus :
Si qu’il ne s’était point, encores [sic],
Vu de Persans, de Turcs, de Mores,
Et d’autres Gens, tels que ceux-là,
Si magnifiques que cela,
Ni d’autant illustre Naissance,
Ni d’autant charmante Prestance,
Et ni, pour vous le trancher court,
Si dignes d’hommage, et d’amour.

Après cette Liesse pleine,
Après ces Plaisirs de Vincenne [sic],
Qui bannissaient tous fâcheux Soins,
Et dont, mêmes, furent Témoins,
Les Ambassadeurs des Puissances,
Qui font, ici, leurs Résidences,
Et qu’on traité, bien entendu,
Comme on dit, Bouche que veux-tu ?
Les Majestés, en cette Ville,
Retournèrent au Domicile,
Le jour de l’autre Samedi ;
Et, cinq heures après Midi,
Virent leur Ballet à Machines,
Où, par des merveilles Divines,
De qui les yeux sont éblouis,
On voit, en faveur de LOUIS,
De ce Monarque incomparable,
Tout ce qu’on peut voir d’admirable.

Ce grand Spectacle, encor, Lundi,
Et, sans aucune erreur, Mardi,
Charma tant la Cour, que la Ville,
De qui, là, le Peuple fourmille :
Sa Paternelle Majesté,
Par un cher excès de Bonté,
Qui mérite tout notre Hommage,
Voulant que son Peuple partage,
Les Plaisirs qu’elle prend, parfois,
Au relâche de ces Emplois,
Où, pour le Bonheur de la France,
Elle applique sa Vigilance,
Avec un Succès glorieux,
Que n’ont point eu ses grands Aïeux.

-Le roi se déplace à Versailles et avec lui, sa cour et ses multiples divertissements :

Vendredi, cet auguste Sire,
De qui, si charmant est l’empire,
À son mignon Versaille [sic], alla,
Afin de passer, encor, là,
Avec sa Cour, gaillarde et saine,
Ces derniers jours de la Semaine,
Sans doute, en des Plaisirs nouveaux,
Et d’autres splendides Cadeaux.
Par des Destins, toujours, propices,
Les Jeux, les Ris, et les Délices,
L’accompagnent, à tout jamais,
Dedans ces doux Ébats de Paix,
Comme la Victoire, belle erre,
En ses Entreprises de Guerre.

-Une thèse dédiée au Dauphin a été soutenue au collège Du Plessis :

Dans le Collège du Plessis,
(Où l’on m’avait, des mieux, assis)
Trois Sages, sans un poil de barbe, [l’Abbée d’Itrée, et les Marquis de Vitry]
Qui sont les Enfants d’Honneur [et de Belmare.]
De notre jeune et beau Seigneur,
Le Dauphin, que chacun admire,
Ont, beaucoup mieux qu’on ne peut dire,
Soutenu le dernier Mardi,
Le matin, et l’après-midi,
Une Thèse grande, et non mince,
Dédiée à ce gentil Prince,
Contenant maintes Questions,
Et force Argumentations ;
Sur toute la Philosophie
Qui, l’Âme, si bien, fortifie,
Et qu’ils ont apprise, en jouant,
Presque, plus qu’en étudiant,
Avecque leurdit [sic] jeune Maître,
Ce qui fait leur Esprit connaître.

Ils rétorquaient tout Argument,
Avecque tant de Jugement,
De solidité, de justesse,
Et mêmes, de délicatesse,
Qu’ils en furent très admirés
Par plusieurs grands Prélats mitrés,
Ducs, et Pairs, Maréchaux de France,
Et d’autres Témoins d’importance,
A qui ce célèbre Acte-là,
Tout à fait glorieux, sembla.

Au reste, le Sieur de la Faye,
Qui, dans les Sciences, s’égaie,
En exerçant son bel Emploi
De Valet de Chambre du Roi, [ordinaire]
Fit de ces Soutenants [sic] illustres,
Qui n’ont tous qu’à peine six lustres,
Le Paranymphe, en Prose, et Vers,
Et si coulants, et si divers,
En franche Langue Latiale [sic],
Parlant, même, sur la Morale,
Qu’il n’en fut pas moins applaudi,
De tout ce Monde que j’ai dit.

-François Rouxel de Médavy devient archevêque de Rouen à la place de François Harlay de Champvallon, précédemment cité pour son élévation à l’archevêché de Paris :

L’Archevêché de Rothomage, [Rouen]
Est échû, par un Choix très sage,
Et duquel je suis bien ravi,
À Messire de Médavy, [de Grancey]
Fort digne d’une telle Mitre :
Et naguère, tout le Chapitre,
L’en a complimenté des mieux,
Par la bouche de l’Abbé Fieux.

D’une autre part, l’Abbé de Gorde,
Chez qui le Mérite déborde, [Pr Aumônier de la Reine.]
Par plusieurs nobles Attributs
Qui rendent son Lot sans abus,
A la Tiare d’importance,
Et des plus belles de la France,
À savoir de Langre [sic], Évêché
Qui comporte, avec foi, Duché.

-Des nouvelles des comédiens du Marais : c’est l’annonce de la tragédie à machines de Donneau de Visé, Les Amours du soleil (voir http://livretsbaroques.fr/Tragedies_En_Musique/Louis_XIV/1671_Amours_Soleil_Vise.htm)

La grande Troupe entretenue, [au Marais]
Est plus que jamais, bien pourvue
D’Actrices qui savent charmer,
Et faire le Théâtre, aimer,
Donnera, demain, un Spectacle
Qui doit faire crier Miracle !

Ce sont, en superbe Appareil,
Les brillants Amours du Soleil,
Écrits en un style si tendre,
Qu’aucun ne se pourra défendre
D’y sentir les Émotions
De la Reine des Passions.

On aura, d’abord, un Prologue,
Contenant un beau Dialogue
Dudit Soleil, avec ses Sœurs,
Qui ravira les Auditeurs,
Tant ces Déités du Parnasse
S’entretiendront de bonne grâce.

Au reste, huit grands Changements,
Feront, d’En bas, les Ornements,
Outre (pour plaire davantage)
Les autres d’un second Étage.

Ajoutez-y vingt Caracols [sic]
Qui se font en l’air, ou vingt vols,
Hé bien ! n’est-ce pas un Spectacle
Qui doit faire crier Miracle !

-Est-ce la "dépression" du gazetier ? La tâche épuise-t-elle notre homme ou Robinet a-t-il quelque autre souci d'importance ?

Je suis au bout de mon Rôlet [sic],
Aussi bien que de mon feuillet,
Je n’ai rien davantage à dire,
Mais las ! d’où vient que je soupire !
Hé, ce n’est pas d’amour, vraiment,
Mais vite, datons promptement.

Lettre du 1er février 1671, par Mayolas.

-Le roi et la cour se préparent à effectuer un de leurs nombreux déplacements (ils vont en fait à Versailles comme on l'a vu à la lettre suivante). Mais où qu'ils aillent, le gazetier est sur leur pas... :

Grand Monarque, quoi qu’à cette heure,
Vous alliez changer de demeure,
Vous ne serez pas mal logé,
Car vous êtes bien partagé,
Ayant le Royaume de France,
Où votre suprême Puissance,
Vous fournit des rares Châteaux,
Qui ne sont pas moins grands que beaux.
Je vais, je cours d’une humeur gaie,
Vous voir à Saint Germain en Laye ;
Lorsque vous y faites Séjour,
Avec votre superbe Cour ;
Et quand vous allez à Versailles,
Manger des perdrix et des cailles,
Et prendre l’air doux et charmant,
Dans ce Palais d’enchantement,
J’y marche vite à toute bride,
Avec un courage intrépide ;
Lorsque vous allez à Chambord,
Ma Muse vous y suit encor ;
Quand vous êtes aux Tuileries,
(Que vous rendez toujours fleuries)
Je m’y rends personnellement,
Pour vous faire mon compliment ;
Et quand vous êtes à Vincennes,
J’y chemine sans nulle peine,
Et par là votre Majesté,
Peut voir mon assiduité,
Et reconnaître que mon zèle,
N’est pas moins ardent que fidèle.

-Les nouvelles "religieuses" données par Robinet à la lettre précédente sont ici reprises. Ainsi :

L’illustre et le fameux Grancey,
Très habile et très bien sensé,
De Seez, puis de Langres Evêques,
De Rouen doit être Archevêque,
Le ROI dont il est estimé,
A cette Charge l’a nommé ;
Et comme on connaît son mérite,
Qui de tout dignement s’acquitte,
On juge que sa qualité,
Ainsi que sa capacité,
Le rendent parfaitement digne,
De cette Prélature insigne,
Son savoir, son zèle et sa foi,
Feront hautement son emploi.

L’Abbé de Gordes fort illustre,
Dont la naissance a bien du Lustre,
De Langres doit être Prélat,
Et mon triomphant Potentat,
Qui sait combien vaut sa personne,
Ce Ducal Évêché lui donne :
Et sans doute il a mérité,
Cette éclatante dignité,
Par ses soins et par ses services,
Par ses vigilants exercices,
De la REINE étant le premier,
J’entends le premier Aumônier,
Notre Cour qui le considère,
Est bien aise de cette affaire.

-Nointel, dont le voyage débuté l'année précédente, est arrivé dans l'Empire ottoman.

L’Illustre et l’Excellent Nointel,
Qu’on reconnaît partout pour tel,
Notre Ambassadeur en Turquie,
Avec une joie infinie
Fut reçu chez les Ottomans
Qui lui firent cent compliments ;
Arrivant avec tout son monde,
Au gré des vents, au gré de l’onde,
En ce fertile et beau pays,
Où nous ne sommes pas haïs,
Il fit bravement son Entrée,
En cette lointaine Contrée.
Les Constantinopolitains [sic],
Assez fidèles et hautains,
Le reçurent dedans leur Ville,
D’une manière fort civile,
Et se tenaient sur le chemin
Pour voir sa personne et son train,
Digne de la magnificence,
Du fameux Royaume de France,
Ainsi que de l’Ambassadeur,
Qui fait sa Charge avec splendeur,
Je crois que de Constantinople
Il s’en ira vers Andrinoble,
Ou dans le lieu qu’il vous plaira,
Et le Grand Seigneur saluera,
Dont sans doute son Excellence
Aura favorable Audience.

-Un sculpteur est à l'honneur, dont on a déjà brièvement parlé et dont on reparlera dans la lettre du 7 novembre de cette même année 1671 (voir plus bas) : il s'agit de Thomas Renaudin (1627-1706) qui a travaillé (et travaillera encore) à la décoration des palais royaux (A. Jal, Dictionnaire critique de biographie et d'histoire : errata et supplément pour tous les dictionnaires, Paris, 1867, p. 1044 et Pierre-Nicolas Sainte-Fare-Garnot, Le décor des Tuileries sous le règne de Louis XIV, Paris : Ed. de la Réunion des musées nationaux, 1988, p.92-94).

Renaudin fort Homme d’honneur,
Du ROI l’ordinaire Sculpteur,
Dont le mérite ici j’étale,
En l’Académie Royale, [De Peinture et Sculpture.]
Professeur beaucoup estimé,
Dans ce bel Art est renommé :
L’ayant envoyé jusqu’à Rome,
Digne demeure du Saint Homme,
Pour observer et concevoir,
Remarquer, examiner, voir,
Illec les Figures antiques,
Des Personnages authentiques,
Il a si bien fait son Emploi,
Qu’à son retour, montrant au Roi,
Les copies ou les modèles,
De ces Figures les plus belles,
Ce Monarque Juste et parfait,
En a paru fort satisfait ;
Il faut encore que je vous die,
Que de Saint-Luc l’Académie,
Fameuse par tout l’Univers,
Pour mille Chef d’Œuvres divers,
La première pour la Peinture,
Tant Sculpture, qu’Architecture,
Après celle dont le renom,
Fait qu’à côté je mets mon son nom, [D’Athènes.]
Reçut avec joie infinie,
Avec grande Cérémonie,
À Rome ledit Renaudin,
Qui de son Art sait bien le fin,
Cet accueil, cette bienveillance,
Montre évidemment que la France,
Possède d’aussi braves gens,
Experts, parfaits, intelligents,
Que l’Italie et que la Grèce,
Dont on a tant vanté l’adresse.

-Mis à part les religieux, les hommes de droit sont aussi susceptibles d'avoir droit à leur mention dans ces gazettes. Ainsi en va-t-il pour tous ceux qui font brillamment montre d'éloquence :

Je puis hardiment publier,
Comme le savant Desrichier,
Dont la diserte et docte langue,
Sait fort bien faire une Harangue,
Chaque Jeudi, tous les huit jours,
Doit produire de beaux Discours,
Sur des Questions admirables,
Et du temps les plus remarquables ;
Pour bien vous indiquer l’endroit,
C’est chez du Champs Docteur en Droit,
La rue est de la Bucherie,
Où sa personne est bien chérie ;
Ses Auditeurs particuliers,
Soit Disciples, soit Écoliers,
Qui pendant toutes les journées,
Matinées, après-dinées,
Dans sa Chambre l’écouteront, [Au petit Escalier des Chantres de la Ste Chapelle au :Palais.]
Par ses préceptes apprendront,
Une belle Philosophie,
Qui plaît, illumine, édifie ;
Aussi chacun qui l’entendra,
Sincèrement avouera,
Que cette Science fertile,
Est agréable et fort utile,
Aux pauvres, riches, petits, grands,
Comme à toute sorte de gens,
De quelque sexe et de quelque âge,
De tout état, de tout rivage.

-Le mariage du Comte de Saint-Aignan avec Mademoiselle de Colbert est ici évoqué par Mayolas, à la suite de Robinet :

J’ai su d’un parfait Courtisan,
Que le Comte de Saint-Aignan,
Très digne Fils du Duc son Père,
S’unit d’un nœud saint et sincère
A Mademoiselle Colbert,
De qui le Père fort bien sert,
Par ses soins et par sa prudence
Notre grand Monarque et la France ;
Le docte Évêque de Noyon,
Avec beaucoup d’affection
Célébra la Cérémonie,
En belle et bonne Compagnie,
Que composait des gens exquis,
Princes, Princesses, Ducs, Marquis,
Ils montraient leur réjouissance,
De cette célèbre alliance,
De même que leurs Majestés,
Qui brillent de tous les côtés,
Ensuite l’illustre Assemblée
Chez Colbert fut bien régalée,
De comédie et de festin,
Dont tous furent contents enfin.

-...De même que la succession de Péréfixe :

Je dois mettre dans mon Épitre,
Que les Députés du Chapitre,
De Rouen, ont fait galamment,
A leur Prélat leur compliment,
Compliment de condoléance,
Ensemble de conjouissance,
Étant bien joyeux et marris,
De le voir Prélat de Paris,
L’Abbé de Fieux dont le mérite, [Archidiacre et Chanoine.]
De tout parfaitement s’acquitte,
Parla pour tous avec esprit,
Et l’Archevêque y répondit,
Avec douceur et bienveillance,
Comme avec beaucoup d’éloquence.

-Retour sur la présence du roi à Vincennes et aux festivités qui y furent données. On notera qu'en dépit du sérieux qu'il affiche au début de cette missive, Mayolas semble rapporter les événements avec un certain retard. Car si l'on en croit Robinet à la lettre précédente, la cour a quitté Vincennes pour Versailles il y a deux jours.

Le ROI, la Reine et le Dauphin,
Monsieur, Mademoiselle enfin,
De Guise et d’Enghien les Duchesses
Et d’autres Princes et Princesses,
Seigneurs et Dames de la Cour,
Qui sont belles comme le jour,
Avec plaisir prirent la peine,
D’aller au Château de Vincennes,
Où la comédie et le bal,
Doux passe-temps du Carnaval,
Que pendant trois jours ils y prirent,
Parfaitement les divertissent.

-Sans rien dire de Versailles, Mayolas évoque alors une représentation donnée aux Tuileries en présences de leurs majestés : c'est le retour à Paris évoqué par Robinet à la lettre suivante. Ainsi :

Ces jours passés le grand Ballet,
Où chacun joua son rôlet,
Étala ses grâces divines,
Dans la grande Salle des Machines,
Tant au yeux de leurs Majestés,
Que des autres Principautés,
Du Nonce de notre Saint Père
Que la France fort considère,
Des Ministres, Ambassadeurs,
Et des Dames et des Seigneurs :
Mais il est si plein de merveille,
Qui charment les yeux, les oreilles ;
Qu’il faudrait plus de mille Vers,
Pour dire ses charmes divers,
Puisque tout le monde confesse
(Rempli d’une juste allégresse)
Qu’on ne saurait rien voir de mieux,
Ni mêmes de plus curieux.

Écrit la première journée,
Du mois le plus court de l’année.

Lettre du 7 février 1671, par Robinet.

-La condition de gazetier semble bien difficile : sans donner trop de détails, Robinet fait part d’un autre tracas dans son esprit et dans sa vie pour lequel il demande visiblement le secours de son protecteur.

Prince d’un éclatant Lignage,
A qui, par-dessus l’Apennage,
Convenable au Royal Estoc,
Plusieurs grandes Vertus sont Hoc,
Charmant Protecteur de ma Muse,
Las ! je la sens toute Confuse
Des bontés que, pour Elle, avez
Dans le Cas nouveau que savez.

Mais, à votre Altesse Royale,
Elle jure, en Muse loyale,
Que c’est le dernier embarras
Qu’elle lui mettra sur les Bras.

Hélas ! il est bien vrai de dire
Qu’un Abîme un autre en attire,
Et que quand le Sort, contre Nous,
Déchaîne, une fois, son Courroux,
C’en est fait, rien ne l’amadoue,
J’en suis d’accord, oui, je l’avoue,
Selon un Proverbe de cours,
Les Malheureux le sont toujours.

Combien de Satires ouvertes,
Sans cesse, à nos yeux, sont offertes,
Où, tout franc, l’on nomme les Gens,
Qui n’ont que Lecteurs indulgents !

C’est l’effet du Sort qui m’afflige,
Voilà son Caprice, vous dis-je,
Qui, d’un côté, fait les Heureux,
Et, de l’autre, les Malheureux,
Qui vous soutient l’un, quoi qu’il fasse,
Et, sans raison, l’autre terrasse.

Mais il sera, certe [sic], aussi fin
Qu’il me paraît aigre, et malin,
S’il m’y rattrape d’avantage ;
Et bornant ce plaintif ramage.

En attendant, Prince trop bon,
De savoir le court, et le long
De cette Affaire inopinée,
Je vais narrer, aux Vers suivants,
Pour mes divers Lecteurs, les nouvelles du Temps.

-Robinet donne un surcroît de détail sur les activités de la cour à Versailles puis confirme, après Mayolas, leur retour à Paris :

Notre Cour, ayant, à Versailles,
Fait, en chassant, les Funérailles,
Tant de gros que petit Gibier,
Sachant, comme il faut, giboyer,
Ayant continué de faire,
Beau feu, sans doute, et grande Chère,
Et pris le plaisir des Concerts,
Et des autres Ébats divers,
Qui sont de Saison Carnavale [sic],
Tout ainsi que de l’Hivernale,
Dimanche, revint à Paris,
Sans quitter les Jeux, et les Ris,
Qui volent sur toutes ses traces,
Avec les Amours, et les Grâces,
Qui n’ont point de plus beau Séjour
Que ladite brillante Cour,
En toutes choses, nonpareille,
Et de toutes Cours, la Merveille.

-Passés les joies des divertissements de cour, la période est aussi l’occasion de devoirs religieux :

Le jour qu’on nomme Chandeleur,
Où, des Vierges, la fine Fleur
Fut se purifier au Temple,
Seulement, pour donner l’Exemple
D’une profonde Humilité,
On vit chacune Majesté
Manifester son Zèle auguste,
Et de le noter, il est juste.

Le Roi, donc, lors, accompagné
De son rare et digne Puîné,
Alla ses Dévotion faire
Au célèbre et brillants Repaire,
Ou Monastère des Feuillants,
Qui, de pied, en cap, sont tous blancs.

Notre Reine, ayant avec Elle,
L’Orléanaise Mad’moiselle,
De qui le Port majestueux
Découvre assez, son Sang des Dieux,
Fut, de son côté, chez ces Pères
De Dominique, Enfants austères,
Et, de son beau zèle, enflammés,
C’est à savoir les Réformés,
Qui vivent, certe [sic], de manière,
Tout à fait, sainte, et régulière,
Et comme on doit vivre en un Lieu,
Où l’on se consacre au bon Dieu :
Étant pieux, et charitables,
Aux Affligés, très secourables,
En un mot de vrais Gens de bien,
Ici, je ne les flatte, en rien,
Et j’en parle, en ma Conscience,
Comme de certaine Science.

Leur digne Prieur Golefer,
Lequel, dans son nom, n’a du fer
Que pour montrer son Âme forte,
Étant d’humeur bénigne, accorte,
Et bienfaisante, au dernier point,
Ce que disant, je ne mens point,
Donna, revêtu comme un Pape,
D’une très magnifique Chape,
L’auguste Bénédiction,
(Terminant la Dévotion)
A cette illustre et grande Reine,
Si digne d’être Souveraine
Par ses héroïques Vertus
Qu’on voit briller, tant que rien plus.

-D’autres dévotions, mais aux Tuileries cette fois :

Le même jour, aux Tuileries,
Alors, en Piété, fleuries,
Ces adorables Majestés,
Monsieur, encor, à leurs côtés,
Entendirent, dans la Chapelle,
Vêpres qu’en Musique très belle,
On chanta, solennellement :
Ayant ouï, premièrement,
Dom Côme, qu’à si juste Titre,
On va voir coiffé d’une Mitre ;
Lequel, avec son grand Talent,
Fit un Sermon fort excellent,
Et dont l’Assistance Royale
Admira la belle Morale.

Il y fronda les Vanités,
Surtout, de ces rares Beautés
Qui n’ont point d’autre soin, ni cure,
Que de contrôler la Nature,
Qui ne les a pu contenter,
Par un Soin qui puisse augmenter
Les grâces qu’elle leur a faites,
Pour se rendre, encor, plus parfaites :
Et, par un infaillible Argument,
Les convainquit d’aveuglement,
Dedans un Soin si puérile,
Pour une chose si fragile,
Et qui, souvent, s’évanouit,
Plus vite que l’Ombre ne fuit.

Il en rapporta, pour Exemple,
Las ! bien digne qu’on le contemple,
Et que l’on s’instruise dessus,
Le Trépas, surprenant, des plus,
Par qui, mon Héroïne illustre,
Malgré son jeune et brillant lustre,
Et tant d’Appas qui, de la Cour,
La rendaient la gloire, et l’amour,
Fut, presque, en sept heures éteinte,
Et réduite à l’étroite Enceinte
D’un sombre et morne Monument.

O quel fatal Événement !
Quelle Perte pour deux Couronnes,
Et, même, pour bien des Personnes !
Quelle Perte, même, pour Moi !
Je le vois dans mon Désarroi,
Où cette grande Protectrice
M’aurait, sans doute, été propice.
Hélas ! d’en douter j’aurais tort,
Après le généreux effort
Que, de mes yeux, je lui vis faire,
Jusques à se mettre en colère,
(Quoi qu’elle ne s’y mit jamais)
Pour maintenir mes Intérêts.

Aussi, l’ai-je à mes yeux, sans cesse,
Cette merveilleuse Princesse,
Et sans, ici, rien inventer,
Je puis, au Lecteur, protester,
Qu’en l’une de ces Nuits dernières,
Un Songe tout plein de Lumières,
Me la fit voir, en vérité,
Avec un air de Déité,
Et plus digne d’être adorée,
Que la Déesse Cythérée [sic],
Du Sein d’une Gloire, sortant,
Et, sur un riche Char, montant,
Soutenu d’une claire Nue
Qui m’éblouit presque la Vue.
Las ! Il me sembla, mêmement,
Qu’avec un Souris tout charmant,
Elle me tendait sa Main blanche,
Comme Elle faisait le Dimanche,
Quand ma Lettre, je lui rendais,
Qu’à Philippe, aujourd’hui, je dois.

Ce brillant Héros, dans sa place,
Agrée, aussi, ma Dédicace :
Et n’ayant pas moins d’amitié
Qu’en son auguste Moitié
Pour ma Muse, son humble Ancelle,
La protège, tout ainsi qu’Elle,
Avec la même affection :
Mais trêve de Digression,
Et retournons à nos nouvelles :
En voici, je crois, d’assez belles.

-Retour sur le ballet de Psyché évoqué dans la lettre du 24 janvier :

Le fameux Ballet de Psyché,
Qu’assez bien, l’on trouva touché,
Dans ma pénultième Épître,
Où j’en fis un fort long Chapitre,
Ce Spectacle, plein de beautés,
Est, encor, de Leurs Majestés,
Le cher Ébat Carnavaliste,
Et le principal, sur la Liste,
Des autres Divertissements.

-Les voici ces « autres divertissements » :

Par plusieurs Avertissements,
J’ai su que des Bals, plus de mille
Se sont donnés, en cette Ville,
Que les Momons, de tous côtés,
Gaiement se sont transportés,
Que notre Cour, allègre et jeune,
Qui des Plaisirs, bannit le Jeûne,
Contraire à ses Sens égrillards,
Rode, à ces Bals, de toutes parts,
En maintes sortes déguisée,
Et, deçà, delà, divisée,
Faisant, en ces jolis Déduits,
Des Nuits, les Jour, des Jours, les Nuits,
Que le Bourgeois qui se conforme
A ses façons, comme à sa Forme,
A merveille, aussi, s’ébaudit,
Court la Prétentaine, bondit,
Jusques, quasi, proche des Nues,
Fait Mascarades saugrenues,
Et du Menu, se donne, enfin,
Incagant, des mieux, le chagrin,
Si que, jamais, Prenant-Carême,
Ne s’est, vraiment, passé de même,
Avec tant de solennité,
Et tant de jovialité.
Voilà ce que fait la Présence
De notre SIRE, en conscience,
De cette auguste MAJESTE
Qui fait notre félicité,
Pauvres, et Riches, en ont joie,
Enfin, il suffit qu’on le voie,
Pour être au comble de ses vœux,
Et plus heureux que les heureux.

De bon Cœur, donc, je lui souhaite,
Une Prospérité complète,
Et qui dure un Petit Jamais,
Soit dans la Guerre, ou dans la Paix.

-Jean-Baptiste Denys, médecin ordinaire du roi, a publié un mémoire sur le cœur humain, lequel mémoire sert à l’instruction du Dauphin :

A propos de Cœur, un Mémoire
Se trouve dans mon Écritoire,
Qui m’apprend que notre Dauphin,
A le connaître, déjà, fin,
Et capable, aussi, par ses charmes,
De Causer de douces alarmes
Dans celui de maintes Beautés
Dont il tient les Cœurs enchantés,
Voulut qu’on lui montrât, naguère,
La structure de ce Viscère,
Ses Usages, et ses Rapports,
Avec tous les membre du Corps,
Ce qu’il comprit à l’instant même,
Par son intelligence extrême.

Ainsi, jugés quel Scrutateur
Il sera, quelque jours, du Cœur,
Si sa Personne, en ce Dédale,
Qu’aucun, par des détours, n’égale,
Pourra rien si bien concentrer
Qu’il ne puisse le pénétrer ?

Un franc Docteur en Médecine, [M. Denys.]
Et qui, dans icelle, raffine,
Fit ladite Dissection,
Et cette Démonstration
Devant une belle Assemblée
Qui, de plaisir, en fut comblée.

-Retour sur le nouvel archevêque de Paris : Henri Harlay de Champvallon est également nommé à l’Académie française. Ainsi :

Notre Archevêque CHAMPVALLON,
Du moins aussi blond qu’Apollon,
Et qui, certos, aussi, n’a guères,
Moins que ce Dieu-là, de lumières,
A, l’autre jour, été reçu,
(Ce que de bonne part, j’ai su)
Dans la Française Académie,
Des Ignorants, grande Ennemie,
Pour y tenir en place, et rang,
Qu’y tenait ce Prélat, si grand,
Son Prédécesseur, Péréfixe,

J’ajoute, sans être prolixe,
Qu’il fit, lors, un brillant Discours,
Dont on parle, encor, tous les jours :
Et que Pellisson, cet Illustre,
Que l’on voit, sans cesse, au Balustre,
En cette Rencontre, étala
Aussi, le rare Don qu’il a
De bien parler, comme d’écrire.
Et je finis, par-là, n’ayant plus rien à dire.

Lettre du carême 1671, de Mayolas.

-Mayolas, encore une fois, revendique poétiquement son assiduité à la tâche. Ainsi :

Puissant ROI, mon zèle est le même,
En Carnaval, en Carnaval,
Mon esprit est toujours égal ;
Ni l’excès de la bonne chère,
Ni le jeune extraordinaire,
Ni les divers lieux, ni les temps,
Ne retardent point ses encens,
Que vous présente ma Musette,
Raisonnant mieux qu’une Trompette,
Lorsqu’elle chante à l’Univers,
Vos Vertus et vos Faits divers.

-Voici une union que Robinet n'évoquera que très tardivement (le 29 août) : celle de Mademoiselle d'Harcourt et d'un prince portugais. Mais une chose est à noter : ce mariage a eu lieu In Abstentia : le seigneur de Cadaval était au Portugal, et remplacé pour la cérémonie au bras de sa future épouse par Hugues de Lyonne. Ainsi :

Je mets dans ma Lettre Historique,
L’Hymen pompeux et magnifique,
De Mademoiselle d’Harcourt,
Dont le beau renom partout court,
De qui les vertus admirables,
Et les beautés considérables,
Répondent bien à son haut rang,
Ainsi qu’à son illustre Sang,
Un auguste et saint Mariage,
Cette belle Princesse engage,
Avec le Duc de Cadaval,
Prince fameux en Portugal ;
Le sage et fidèle Lionne,
Y représentait sa personne :
De Laon le Duc et Prélat,
Dont la Cour fait beaucoup d’état,
Célébra la Cérémonie,
En belle et bonne Compagnie.
De Saint Jean le digne Pasteur,
Homme célèbre et grand Docteur,
(Sa présence étant nécessaire)
Fut témoin de ce grand affaire ;
Car sa Charge et sa Fonction,
L’appelaient à cette action.
L’Épouse était si bien parée,
De tant de pierreries ornée,
Que dans son lustre nonpareil,
Elle brillait comme un Soleil.
Plusieurs Princes, plusieurs Princesses,
Plusieurs Ducs et plusieurs Duchesses,
Les parentes et les parents,
Dont les mérites sont fort grands,
Dedans l’Hôtel de Guise allèrent
Et joyeusement s’y trouvèrent.
Mais disons que le lendemain,
Mon invisible Souverain,
De même que ma Souveraine,
C’est-à-dire, le ROI, la REINE,
S’y rendirent obligeamment,
En l’appareil le plus charmant,
Où l’on leur fit un beau Régale [sic].
D’une manière libérale,
Suivi du Ballet et du Bal,
Doux passe-temps du Carnaval,
Qu’en cette saison on apprête,
Finirent fort bien cette Fête.

-Une cérémonie religieuse a été donnée pour la mémoire de Péréfixe. Ainsi :

Pour l’Archevêque de Paris,
Hardouin que le Ciel nous a pris,
Dans l’Église de Notre Dame,
(Où va prier mainte bonne âme)
On fit un Service pieux,
Aussi lugubre que pompeux ;
Toute l’Église était tendue
Jusqu’à la porte de la rue,
De grandes pièces de drap noir
Où le velours se faisait voir
Avec les Armes remarquables
De ce Prélat des plus affables,
Là du Plessis Officia
Pour son repos il y pria :
N’omettons pas que la Musique,
D’un ton triste comme Angélique,
S’efforçait par ces doux accents
D’apaiser les ressentiments,
Et la douleur qu’on a soufferte
De son trépas et de sa perte.
Une Représentation,
Pendant cette belle action
Dans le Chœur fut fort bien placée
Et fort hautement agencée,
Tous les ornements du Prélat
Y paraissaient avec éclat
Autour d’une Chapelle ardente
Fort magnifique et fort luisante,
Avec les embellissements
Qu’on met aux grands Enterrements.
L’illustre Abbé de Fromentières,
De qui les sublimes lumières,
L’esprit, la grâce et le savoir
En tous rencontres se font voir,
Prononça l’Oraison Funèbre
Devant l’Auditoire célèbre
De notre fameux Parlement,
Des autres Cours pareillement,
Avec quantité de beau monde
En qui notre Paris abonde,
Et cette Assemblée applaudit
A ce grand Éloge qu’il fit.
Plus de trente Évêques encore
Que j’estime fort et j’honore,
Pour leur mérite non commun,
Et n’omettons pas que d’Embrun
L’illustre et fameux Archevêque,
De Mets présentement Évêque,
A la tête d’iceux était
Et son rang dignement tenait ;
Les parents aussi s’y trouvèrent
Et leurs ressentiments montrèrent,
Cinquante pauvres bien vêtus,
(Si vous voulez encore plus)
Précédaient leur marche agréable
Dans cette action lamentable,
Où chacun par un beau transport
Fit voir la douleur de sa mort.

-La nouvelle abbesse de Fontevraud, dont il a déjà été question dans la première lettre de cette série, est de nouveau évoquée. Elle a été intronisée par le nouvel archevêque de Paris, François Harlay de Champvallon :

Je vais écrire comme il faut,
Que l’Abbesse de Fontevraud,
Dont on connaît bien le mérite,
Chez les Filles-Dieu fut bénite
Par un Prélat de très grand prix
Nommé pour être de Paris,
L’Archevêque de Paris Rotomage,
Noble, savant, prudent et sage ;
Des Abbesses de grand renom,
Dont à la marge on voit le nom,
Des Abbesses fort importantes,
Étaient alors les Assistantes :
La REINE même s’y rendit
Et la Cérémonie y vit ;
Plusieurs Altesses d’importances,
De Bouillon l’Auguste Éminence,
Le Nonce de Sa Sainteté,
Virent cette Solennité,
Plus de vingt Prélats que j’estime
Pour leur caractère sublime,
Et force gens de qualité
De la Cour et de la Cité.
De Harlay conduisit l’Abbesse,
Avec modestie et sagesse,
Jusqu’à son Siège Abbatial,
Et tout cet Ordre Monacal,
La Prieure et Religieuses,
Dames tout à fait vertueuses,
Ainsi que les Religieux
Lui rendaient hommage en ces lieux.
Le TE-DEUM dit en Musique
D’une manière magnifique
Finit la vénération
De cette Bénédiction.
Après quoi, toute l’Assemblée
Fut splendidement régalée
Avec grande profusion
Et beaucoup de discrétion.

-La cour est désormais partie pour Saint Germain :

Toute la Cour s’en est allée,
Passer à Saint Germain en Laye
Cette aimable et belle saison,
Où je prétends avec raison,
Sans tarder guères davantage,
Aller lui rendre mon hommage.

-Retour sur Harlay de Champvallon : après l'archevêché de Paris et la réception à l'Académie française, le voici proviseur de la Sorbonne.

Un Prélat de très grand renom,
François Harlay de Champvallon,
Dont j’estime fort la personne,
Fut fait Proviseur de Sorbonne,
Son rang et sa capacité,
Recevant cette Dignité,
Pour rendre à son illustre Mère,
L’amour et l’office de Père.
Ce Prélat ci-devant Nommé,
Bientôt après fut Confirmé
Dans une Assemblée éclatante
De cette Sorbonne Savante,
Qui par toute la Chrétienté
Rend fameuse sa Faculté.
Là tous les Docteurs se trouvèrent
Et deux Députés invitèrent
A cet Acte très singulier,
L’Archidiacre et le Chancelier,
Gens de mérite, hommes de mise,
Portant l’intérêt de l’Église,
Et le Recteur de son côté,
Présent pour l’Université.

Lestoc habile personnage,
Par un digne et profond langage,
En Latin fit clairement voir,
Et distinctement concevoir
Les raisons prises du mérite
Qui causait cette heureuse élite.

Entre eux se fit un doux combat
En l’honneur de ce grand Prélat,
Chacun voulant de son suffrage
Lui rendre son premier hommage.
Et je puis dire que leurs voix
L’ont élu Proviseur deux fois.

Patu répondant à son âge,
Comme un homme savant et sage,
(Avec maint autre Député)
A dignement complimenté,
Sur cette Charge remarquable,
Cet Archevêque incomparable,
Qui dans le moment répondit
Au discours Latin qu’on lui fit,
Témoignant sa reconnaissance,
Avec force, avec éloquence,
Car ce Prélat dont on fait choix,
Parle Latin comme Français.

Fait avec le teint un peu blême,
Ce dixième jour de Carême.

Lettre du 14 février 1671, par Robinet. (document manuscrit - en cours de dépouillement).

Lettre du 21 février 1671, par Robinet.

-L'éloge de Robinet est l'occasion d'évoquer une portrait de son souverain fait par un peintre très en vue :

Prince, si les Traits de ma Plume,
Pouvaient imiter ceux du Pinceau de Mignard,
Dont je vis, l’autre jour, triompher le bel Art,
En vous peignant en grand Volume,
C’est-à-dire, tracer votre Âme, votre Esprit,
Et vos Vertus, dans mon Écrit,
Comme dessus sa Toile, il fait votre Visage,
Je mettrais ce Chef-d’œuvre en tête de mes Vers,
Et, courant en cent Lieux divers,
De cent Peuples divers, il recevrait l’Hommage.

Mais, las ! il me faudrait la Verve
De feu Monsieur Pindare, ou de Malherbe, au moins,
Pour un Portrait si rare, et si digne des Soins
Des seuls Favoris de Minerve.
A faute de cela, je vais, brillant Héros,
Sans un plus long Avant-propos,
Travailler, simplement, à ma Tâche ordinaire.
Je vais, dis-je, en conter, comme tous les huit jours,
Mais si merveilleux, je vais faire,
Ma foi, je n’en sais rien, c’est un autre Discours,
Le Hasard, bien souvent, règle une telle Affaire,
Et non pas l’Étude, toujours.

-Nous ne sommes certes pas encore dans la France de la Révocation - mais nous n'en sommes pas loin et les mesures hostiles à l'égard des protestants se multiplient. Ainsi :

Je ne pus, en mon autre Épître,
Insérer un très beau Chapitre,
Lequel était de Montpellier :
Or, de crainte de l’oublier,
Je vais, de prime abord, le mettre
A l’ouverture de ma Lettre.

A nos Messieurs de Charenton,
Il ne semblera beau, ni bon,
Car, je vous jure, par l’Arverne,
Que fort, il les touche, et concerne :
Mais étant un Historien
Bon Catholique, et bon Chrétien,
Qui, de l’Église, aime la Gloire,
En vérité, mon Écritoire,
Pour leur complaire, ne veut point
Passer, sous silence, un tel Point.

C’est que d’une manière habile,
Dans la susdite belle Ville,
On abat un Temple Huguenot,
Qui sera démoli, bientôt,
Et (soit qu’il leur plaise, ou déplaise)
Quatre autres, dans le Diocèse,
En vertu d’Arrêts du Conseil,
Que par un zèle nonpareil,
Et qu’on ne peut, presque, comprendre,
L’Évêque d’Illec, a fait rendre,
Sur les raisons d’un grand Factum,
Tout admirable, ce dit-on.

Icelui, gros comme un Volume,
Est sorti de sa docte Plume,
Et c’est, à parler ric, à ric,
Une Pièce utile au Public,
A ce que les plus Savants disent,
Qui, hautement, le préconisent,
Tant pour mille Traits curieux,
Recherchés, et placés des mieux,
Que pour maintes solides choses
Qu’on y voit, sagement, encloses,
Qui font connaître, avec éclat,
Ce que vaut l’illustre Prélat.

Ce Succès, si rempli de Gloire,
Qui vaut une pleine Victoire,
S’est vu d’un autre, encor, suivi,
Dont l’on n’est pas, là, moins ravi.

C’est la Conversion sincère,
Sans intérêt, et sans mystère,
De l’un des très nombreux Ranchins,
Qui son de fameux Citadins
De cette Cité Monpellière [sic] ;
Où la joie en est singulière,
Dedans l’Espoir qu’au premier jour,
On les verra tous de retour
Au Giron de la vraie Église.

A quoi, certe [sic], les cathéchise,
Et les attire puissamment,
L’Exemple, plein d’un saint Aimant,
De deux mille Âme converties,
Et du mauvais Sentier, sorties,
Par les soins de ce grand Pasteur,
Qui s’applique de tout son cœur,
Au cher Salut de ses Ouailles,
Qu’il aime comme ses Entrailles.

-L’éloquence d’un avocat du Parlement de Dijon voyage, grâce à la renommée, jusqu’à Paris :

Je viens d’apprendre, en mon Donjon,
Par Lettre écrite de Dijon,
Où se fait Moutarde sucrée,
Que j’aime, et qui, beaucoup, m’agrée,
Que le Fils de Monsieur Bouchu,
A qui le Talent est échû,
(Des plus beaux, et des plus illustres)
De pouvoir, tout juste, à trois lustres,
Faire merveilles au Barreau,
Par un Prodige tout nouveau,
Plaida sa Cause, la première,
En ce Parlement-là, naguère ;
Et, pendant deux heures, du moins,
Surprit et charma les Témoins
De cette Action mémorable,
Que l’on estime incomparable.

L’Éloquence du premier rang,
N’a rien de fin, de beau, de grand,
De brillant, et de pathétique,
De délicat, et d’énergique,
Qui ne parût tout familier
A cet Orateur singulier :
Et ceux du célèbre Auditoire,
N’eurent pas peu de peine à croire
A leurs Oreilles, et leurs Yeux,
Sur ce Plaidoyer glorieux,
Oyant tant de choses savantes,
Et tant de choses éloquentes,
Dites, même, si hardiment,
Et si judicieusement,
Et ne voyant, pour dire en somme,
Néanmoins, là, qu’un très jeune Homme.

S’il fait ce Prodige, aujourd’hui,
Que doit-on attendre de Lui,
Dedans la suite de son âge ?

Ah ! justes Dieux ! quel Personnage,
Et qu’il sera bien digne Fils
De ce Ministre de Thémis,
Lequel fait si bien son Office,
Savoir d’Intendant de Justice,
Dans le beau Pays Bourguignon,
Qu’il s’en acquiert un grand Renom !

-La cour, qui était mentionnée à Saint-Germain par Mayolas, est désormais à Versailles :

Le mignon Château de Versaille,
Où, journellement, on travaille,
Pour l’accroître, l’enjoliver,
Et, finalement, achever
D’en faire, sous d’heureux Auspices,
Le plus aimable des Hospices,
Pour les Jeux, les Ris, les Amours,
Retient, encore, pour deux jours,
Ses Grands Hôtes, Porte-Couronne,
Et la Cour qui les environne.

La Chasse, les Ballets, Concerts,
Les bons Repas, friands Desserts,
Les agréables Promenades,
Où les Dryades, et Naïades
Unissent toutes leurs beautés,
Pour rendre les Sens enchantés,
Font, en ce Lieu, leurs Allégresses,
Et quotidiennes Liesses :
Et vous pouvez juger, par là,
Qu’il ne peut leur ennuyer là.

-Le carême suppose tout de même un peu de retenue :

Cependant, comme il est Carême,
(Dont Maint à la Trogne un peu blême)
La Cour, parmi ces doux Ébats,
A certains jours, ne manque pas
De donner pieuse Audience
(Pour le Bien de sa Conscience)
Au grand Général des Feuillants,
Prédicateur des plus brillants ;
Qui, durant cette Quarantaine,
Deux ou trois jours de la Semaine,
Lui distribue, éloquemment,
Tout autant que moralement,
La Nourriture Évangélique,
Que, de façon plus authentique,
Bientôt, il administrera,
Lors que la Tiare, il aura,
Qui lui siéra bien, que je pense,
Étant d’assez belle Prestance.

-La reine est de retour à Paris - seule visiblement - pour y rencontrer Monsieur et Madame :

Jeudi, la Reine vint ici,
Par l’effet d’un digne souci ;
Cette charmante Couronnée,
Qu’on voit, de tant d’attraits, ornée,
Y venant voir ce cher Bijou,
L’aimable Monsieur, Duc d’Anjou,
Et Madame, sa Sœur aînée,
Par qui l’Amour, et l’Hyménée
Se feront bien valoir, un jour,
Dedans quelque célèbre Cour.

-Robinet évoque-t-il dans ce passage les premiers signes de la maladie qui emportera le petit duc d'Anjou au début de l'été ?

Ce Cadet de haute importance,
Et la Fleur des Cadets de France,
Contre son naturel fort vif,
Qui ne peut demeurer oisif,
Et le fait trémousser sans cesse,
Sans que l’on sût ni quoi, ni qu’est-ce,
Était tombé dernièrement,
En certain Assoupissement
Qui nous causait inquiétude.

Mais, déjà, sa gaie habitude
A surmonté cette langueur,
Et repris toute sa vigueur :
Si bien que l’illustre Thérèse
S’en retourna, tout à fait, aise,
De l’avoir, ainsi, retrouvé.
Car son Bonheur n’est achevé,
Que lors que sa chère Lignée,
Si triomphante, et si bien née,
Est en très parfaite santé,
Et c’est la pure vérité.

Lettre du 28 février 1671, par Robinet.

-Et pour débuter, un de ces nombreux éloges à Philippe, frère unique du roi :

Merveilleux Philippe de France,
Voici le jour de l’Audience
Qu’à ma Musette, vous donnez,
Laquelle si bien guerdonnez,
Laquelle vous comblez de grâce,
Que, dans ses plus belles Préfaces,
Elle se peut assez prôner,
Ni faire, comme il faut sonner.

Veuillez, ô royale Personne,
Que la belle Gloire environne,
Lui continuer vos Faveurs,
En contre échange des ferveurs,
Qu’en exerçant, chaque Semaine,
Toujours, le même jour, sa Veine,
Elle vous témoigne humblement.

En ce Contre échange, vraiment,
Vous enchérirez loin, sur elle,
Et passerez son plus grand zèle.
Mais quand les Dieux nous font du bien,
Ils nous en font, presque pour rien,
Se contentant de quelque hommage :
Et tout Héros est leur Image,
Qui, pour être leur vrai Portrait,
Doit leur ressembler trait, pour trait.

-Un service à Notre-Dame a vu la présence de plusieurs grands, réunis là pour l’occasion :

Madame, votre illustre Nièce,
Cette jeune et belle Princesse,
Dont les Grâces, et les Appas,
Suivent, déjà, les petits pas,
Samedi, fut à Notre-Dame,
Où DIEU l’on prie en haute gamme,
Offrir l’Étrenne de ses vœux,
A l’Impératrice des Cieux :
Comme à Saint-Denis de la Chartre,
Où les Enfants qui sont en chartre,
Sont portés, souvent, tout à point,
Pour recouvrer leur Embonpoint.

Illec, sa digne Gouvernante, [Madame la Maréchale de la Mothe.]
Maréchale très avenante,
Ayant Sagesse, Esprit, et feu,
Satisfit à certain beau Vœu,
Que la Souveraine, sa Mère,
A toute la France, si chère,
Pour les rares Vertus qu’elle a,
En sa faveur, avait fait là,
Tandis que cette aimable Infante,
Présentement si triomphante,
Se voyait réduite en langueur,
Par un Sort, trop plein de rigueur.

Le Dimanche, tout d’une tire,
(Ce qui vaut bien, certe [sic], l’écrire)
La Royale Mignonne alla
Chez ces austères Nonnes-là,
Que Capucines l’on appelle,
Témoigner, aussi son beau Zèle
À Monsieur Saint Ouidius,
Dont elle[s] gardent le Corpus,
Dans une Chasse magnifique,
Ainsi qu’une auguste Relique.

Un Te Deum y fut chanté
Pour la précieuse Santé
Rendue à la Princesse dite,
Par le crédit, par le mérite,
Et, bref, par l’Intercession,
De ce Saint de très grand Renom,
Dont on lui montra le Cadavre,
Qui, des Malades, est le Havre,
L’Asile, le Refuge, et Port,
Où chacun d’eux change de Sort,
Y trouvent guérison entière,
S’il est doué de Foi plénière.

Le Confesseur de la Maison,
La harangua des mieux, dit-on,
Et Madame la Maréchale,
Avec sa Mine magistrale,
À merveilles, lui répondit :
Car, comme on sait, sans contredit,
Elle répond pour la Princesse,
À tout bout de champ, et sans cesse.

-Retour de la reine et du petit duc d'Anjou à Saint-Germain :

Avec son beau Cadet, Lundi,
(Ce que pour mes Lecteurs, je dis,
Non pour votre Royale Altesse)
Elle quitta notre Lutèce, [Paris.]
Pour retourner à Saint-Germain ;
Où l’on voit refixée [sic], enfin,
La plus auguste des Familles,
Au plus heureux des Domiciles.

-Un peu plus d’un an avant sa mort lors du passage du Rhin (12 juin 1672), Charles-Paris d’Orléans, qui s’est fait remarqué à Candie, se voit attribué le duché de Longueville, et le nom qui va avec (Z. Leclerq, Notice sur Longueville, Dieppe, 1865, p. 10) :

Vous savez, aussi, que Mardi,
Quelques heures après Midi,
Avec l’agrément du Grand Sire,
Ce jeune Comte qu’on admire,
Jusqu’au Levant, si renommé,
De Saint-Pol, ci-devant, nommé,
Accepta, de façon civile,
Le Nom de Duc de Longueville,
À lui, gai’ment, cédé, donné,
Par le Prince, son Frère Aîné,
Avecque tous ses Héritages,
Et les illustres Avantage
Que sa Naissance lui donnait,
Mais que son cœur abandonnait,
Depuis longtemps, pour d’autres Choses,
Qui ne sont, à nul, Lettres closes.
Id est, pour les Choses des Cieux,
Dont ce Prince des plus pieux,
A fait tout l’Objet de son Âme,
Et de sa plus ardente Flamme :
Ayant, à cette fin fait choix,
Laissant là, tous autres Emplois
De la Vie Ecclésiastique,
Qu’exemplairement, il pratique,
N’étant plus reconnu Léans,
Que pour simple Abbé d’Orléans.

Cette Piété sans seconde,
Qui l’anéantit en ce Monde,
Pour le rendre Grand devant DIEU,
Est préconisée en tout Lieu :
Et l’on y témoigne, de même,
Une liesse tout extrême,
De voir son illustre Cadet,
D’Esprit, et de Corps si bien fait,
Si valeureux, si bon, si sage,
Qu’on ne peut l’être davantage,
Élue, par lui, dans son Rang,
Que d’un air noble, d’un air grand,
Il soutiendra, certe [sic], et de reste,
À tout Lecteur, je le proteste.

-Robinet évoque la cérémonie donnée en mémoire de l’abbé de Péréfixe mentionnée par Mayolas dans sa lettre publiée dix jours après le début du Carême :

Lundi dernier, à jour préfix,
Pour feu l’illustre Péréfix [sic],
Notre fameuse Académie,
Qui les Mal disants [sic] n’aime mie,
Fit faire, en un Couvent d’Ici, [aux Billettes.]
Par un très louable Souci,
Un Service, vraiment, célèbre,
Avec grande Oraison funèbre.
L’Abbé de Castagnes, la fi
En digne Membre (m’a-t-on dit)
De cette docte Compagnie,
De qui la Gloire est infinie.

-Jacques Rohault est à l’honneur, pour son Traité de Physique, publié en cette année 1671 chez la Veuve Savreux :

Mais à propos de Gens Lettrés,
Rohault, des plus considérés,
Par tous les Amants de Sophie,
Pour sa belle Philosophie,
En laquelle, aux grands Arguments,
Aux merveilleux Raisonnement,
Il joint maintes Expériences,
Garantes de ses Connaissances,
Et qui font courir, de tous Lieux,
Chez lui, les Savants Curieux,
A, depuis peu, mis en lumière,
Une Physique Singulière.

Car, ad aperturam Libri,
Je vois que cet Esprit fleuri,
Triomphant, dans une Préface,
Tout un autre Chemin se trace
Que nos modernes Physiciens
Qui suivent, par trop, les Anciens,
Demeurant, par faiblesse extrême,
Engourdis sur ce Théorème,
Qu’Aristote, et ses Compagnons,
Qui leur font peur par leurs grands Noms,
Ont, après eux, tiré l’Echelle,
Si que nulle humaine Cervelle
Ne peut rien trouver désormais,
Qui nous puisse paraître frais.

Je m’en vais, donc de bon courage,
Lire, avidement cet Ouvrage,
Dont l’Auteur m’a fait un Présent,
Obligeant, autant que plaisant,
En Papier fin, et Reliure
Fort propre, et pleine de Dorure,
Tel qu’il se vend chez les Marchands, [le Sr Thierry rue S. Jacques à la Ville de Paris]
Un beau Louis d’or, d’onze francs : [et la veuve Charles Savreux, au pied de la Tour]
Et vous pouvez voir, à la Marge, [de Nre-Dame.]
Leur Boutique, et leur Nom au large.

-Mais c’est aussi le jour d’un autre physicien : René Bary. Ainsi :

Comme un Malheur pas seul n’advient,
Et qu’à d’autres, souvent, il tient,
Je croirais bien, aussi, sans peine,
Qu’un Bonheur d’autres en amène.

Quoi qu’il en soit, en finissant
L’Article du susdit Présent,
Un Libraire, un autre, m’apporte,
Quant au Fonds, de la même sorte.
Car c’est une Physique, encor,
Laquelle, à peine, prend l’essor,
Et qui vient d’un autre habile Homme,
Que son Savoir, par tout, renomme,
Bary, le très fécond Bary,
Dans les belles Lettres, nourri :
Et j’aperçois, dans sa Préface,
Qu’y caquetant de bonne grâce,
Il donne un très grand Appétit
De le lire, vite, un petit,
Outre que l’on sait que ses Veilles
Ne produisent que des Merveilles.

Je vais donc, aussi, cher Lecteur,
Dévorer ce savant Auteur,
C’est-à-dire, son digne Ouvrage,
N’étant pas un Anthropophage.

Cependant, voyez à côté, [chez le sieur Jean Couterot rue S. Jacques à l’Image S. Pierre]
Où ce dernier est débité.

-Retour sur la tragédie à machine de Quinault évoquée dans la lettre du 31 janvier, à savoir Les Amours du Soleil dont le succès est retentissant :

Partout, j’entends crier Miracle
Du brillant et charmant Spectacle
Des pompeux Amours du Soleil.
Un certain Antre du Sommeil,
Sert d’entretien à tout le Monde,
Ainsi qu’un Foudre qui, là, gronde,
Aussi terriblement qu’en l’Air,
Et tous les Gens y fait trembler.
On me parle, dès qu’on m’aborde,
Encor, d’un Char de la Discorde
Par le susdit Foudre lésé,
Ou pour mieux dire, tout brisé,
Machine, dit-on, plus hardie,
Qu’aucune en toute l’Italie.

Ah ! Demain, ou Mardi, j’irai,
Puis, plus au long, j’en jaserai,
Pourvu qu’à gogo, l’on m’y loge,
Comme on ferait un petit Doge.

-Et pour finir, une petite historiette, sur la fraude et l'escroquerie :

Naguère, deux Vénitiens
Firent à deux Arméniens,
Dans Paris, la Pièce suivante,
En laquelle rien je n’invente.

Ils exposèrent à leurs yeux,
Maints de ces Bijoux précieux
Que la belle Inde Orientale,
Sur ses Bords, avec pompe, étale,
Pour les leur vendre, en bons Marchands,
Moyennant plusieurs mille francs.

Les premiers, en Gens de Commerce,
Qui, chez eux, sans fraude, s’exerce,
Examinent tous ces loyaux :
Et les trouvant fort bons et beaux,
En offrent, à ce qu’on raconte,
Ce que, pour faire, après, leur compte,
Ils crurent en devoir donner,
Sans façonner, ni barguigner.

L’offre, à l’instant, est agrée,
Comme on m’a la chose narrée,
Et les Acheteurs n’ayant pas,
Pour payer, assez de Ducats,
Les Marchands, pour tout dire en somme,
Prennent une part de la Somme,
Et jusqu’à parfait Paiement,
Enferment, fort soigneusement,
La Pierrerie en une Boîte,
Que, de tous côtés, on cachette,
Et dont lesdits Arméniens
Sont constitués Gardiens.

Or, dès qu’ils ont touché Monnaie,
Ils portent le reste, avec joie,
Aux Vénitiens Joaillers,
Mais on dit chez les Hôteliers,
Qu’ils ont changé de Domicile,
Et sont retournés en leur ville.

Les Arméniens, là-dessus,
Bien étonnés et bien camus,
Craignant que pièce on leur ait faite,
Présents Témoins, ouvrent la Boîte ;
Où, de fait, pour fins Diamants,
Et pour autres joyaux charmants,
Ils ne trouvent que Hapelourdes,
Leurs fieffés Marchands de Bourdes,
Par un tour de Maîtres-Gonins,
Et de Gobelets, des plus fins,
Leur ayant la Boîte changée.

C’est toute l’Histoire abrégée,
Dont voici le digne refrain,
Savoir que les Fourbes, enfin,
Ayant été mis en Justice,
Et convaincus du maléfice,
Ont, par un juste Jugement,
Été condamnés, prestement,
A s’en aller faire, en Galère,
Leurs petits tours de Gibecière.

Lettre du 3 mars 1671, par Mayolas.

-Comme de coutume, Mayolas témoigne de son attachement et moral et physique, à la personne du monarque.

Grand Monarque, toute ma joie
Est de marcher sur votre voie,
Comme de vous suivre en tous lieux,
Vous les rendez délicieux
Par votre Royale présence,
De même que par votre absence,
Vous rendez peu remplis d’appas
Tous ceux que vous n’occupez pas ;
Les vertus, la pompe et les grâces
Vont directement sur vos traces :
Pour respirer un air bien doux
Il faut donc être auprès de vous.
C’est pourquoi quelque temps qu’il fasse,
Sans faire une longue Préface,
Je vais vous donner le Récit
Des Nouvelles que l’on m’a dit.

-Le décors des Amours du soleil fait sensation : Mayolas d'abord puis Robinet dans la lettre suivante en donnent une description

On ne trouve rien de si rare
Que ce qu’ici je vous prépare,
Et tout le monde l’avouera
Aussitôt qu’il apercevra
Cette Ville artificielle
Qui n’est pas moins pleine que belle ;
On y voit beaucoup d’artisans,
Tous se mouvant et travaillant,
Item des ruisseaux, des fontaines,
Dont les eaux ne sont pas malsaines :
Sans oublier des beaux moulins
Grugeant toute sorte de grains,
Moulins à vent, à l’eau, à meule,
Qu’on ne trouve point ridicule,
Avec encore un grand Château
Qui n’est pas moins brillant que beau :
Mais n’omettons pas une Église
Qui sert bien à cette entreprise
Et qu’au milieu de la Cité
On a fort joliment planté ;
Ce qui la rend plus importante
Est une horloge sonnante
Qui le matin comme le tard
Sonne bien et l’heure et le quart.

Un Ermite fort vénérable
S’y présente d’un air aimable
Et par des tours bien obligeants
Salue promptement les gens.
Or vous savez qu’icelle Ville
Est toute bâtie en une Île,
Et des eaux la fertilité
En environne la beauté.
Je crois qu’on fera bonne mine,
Quand on saura que mainte mine ;
Mainte mine d’argent et d’or
Étale par là son trésor
Avecque force pierrerie
Dont elle est beaucoup enrichie.
A toute heure ainsi qu’en tout temps
On voit ces charmes éclatants,
Et dans les quatre coins du monde,
Tant sur la terre que sur l’onde,
Où luit le Rayon du Soleil,
On ne peut rien voir de pareil :
Courez-y donc galants et belles,
Et vous m’en direz des nouvelles.

-La machinerie créée pour l'occasion est l'une des causes de cet émerveillement :

Accourez vite curieux,
Venez promptement en ces lieux,
Voir une machine admirable,
Dont on n’a point vu de semblable ;
Qui représente justement,
Et tout à fait naïvement,
Aussi bien que de bonne grâce
Le fertile mont de Parnasse ;
Les Muses avec Apollon
Y sont d’une belle façon,
Comme les vertus Musicales
De qui les beautés sans égales,
Et les sons fort harmonieux,
Forment des airs délicieux,
Et se meuvent d’une manière,
Si belle et si particulière,
Qu’on ne peut sous le Firmament,
Admirer rien de plus charmant.
Mais pour vous ravir en extase,
Vous y verrez encor Pégase,
Ce Cheval fameux et fringant,
Qui va vite comme le vent,
Qui sous ses pieds sans nulle peine,
Y fait couler une fontaine :
Après ce prodige nouveau,
On ne peut rien voir de si beau,
Venez donc tous à cette source,
Et n’oubliez pas votre bourse.

-Charles Colbert de Croissy, ambassadeur de Louis XIV en Angleterre a offert banquet et divertissement au roi de ce pays. Il s'agit probablement de resserrer les liens pour préparer la guerre de Hollande qui interviendra l'année prochaine...

COLBERT Ambassadeur de France,
De qui l’Adresse et la Prudence
A Londres, font bien leur emploi,
Traita splendidement le Roi,
La Reine et la Cour Britannique,
Et ce régale [sic] Magnifique,
Fut des plus beaux du Carnaval,
Comédie, Ballet et Bal
Heureusement s’y rencontrèrent,
Et tous ces Princes l’admirèrent.

-Une thèse a été soutenue par un membre des Augustins :

Le Père Charles, Augustin,
Aux belles Sciences enclin,
Hobonual, de bonne manière
Soutint une grande Ordinaire,
Thèse que cette Faculté, [De Théologie.]
Nomme ainsi sans difficulté ;
Comme elle était très bien conçue,
Elle fut très bien défendue,
Par cet habile Répondant,
Lequel avait pour Président
D’Embrun le fameux Archevêque,
De Mets présentement Évêque,
Son Esprit et son Jugement
S’en acquittèrent dignement.
De Bouillon l’Auguste Éminence
L’Honora bien de sa présence,
Le Nonce de Sa Sainteté,
Et de Prélats en quantité,
Agréablement s’y rendirent,
Et beaucoup d’autres Gens l’ouïrent ;
L’Électeur de Cologne était,
Le Patron à qui l’on offrait
Cette Thèse et ce bel Ouvrage ;
De ce Prince et grand Personnage,
Le Portrait fort bien figuré,
Était sous un dès chamarré,
En satin plus blanc que la neige,
Le représentant en ce Siège,
La Salle était à double rang
(Afin d’en cacher tout le blanc),
Parfaitement bien tapissée,
Et fort pompeusement parée :
Mais Charles si bien répondit
Aux arguments que l’on lui fit,
Que son beau Génie eut la gloire,
De ravir tout son Auditoire.

Ces Vers s’en vont de toutes parts
Le troisième du mois de Mars.

Lettre du 7 mars 1671, par Robinet.

-Après s'être plusieurs fois lamenté de la difficulté de son labeur, c'est de son plaisir à la tâche dont Robinet témoigne aujourd'hui. Ainsi :

Je suis ravi quand je commence
De remuer les Doigts
Pour la Lettre que je vous dois,
Je sens tous mes Sens pénétrés,
Ou, voire mêmes [sic], enivrés,
De plaisir, et de joie :
Et je m’écrie, au fond du cœur,
D’où, pour Vous, vers le Ciel souvent, des vœux j’envoie,
O quel honneur ce m’est d’écrire pour MONSIEUR !

C’est un jeune Héros qui charme,
Par cent beaux Attributs,
Qu’à peine, le brillant Phoebus
Peut chanter en son plus beau Carme.
Il est galant, et généraux,
De la belle Gloire, amoureux,
Libéral, magnifique :
Et... mais on en sait plus que je n’en puis conter,
Je brise là-dessus, et sur le ton lyrique,
Je vais, les Nouveautés, impromptu, débiter.

-Robinet se fait-il si vieux que cela ? Est-il malade ? Toujours est-il qu’il témoigne avoir assisté aux Amours du Soleil en bien étrange situation :

M’étant mis en roulante Chaise,
Je fus, Mardi, tout à mon aise,
Aux Comédiens du Marais,
Qui se mettent, sans cesse, en frais,
Mais en frais de belle importance,
Plus que Comédiens de France,
Pour divertir pompeusement,
Noblement et superbement,
Les Courtisans de leur Théâtre,
Qui vaut qu’on en soit idolâtre.

Ayant, là, cher Lecteur, été,
Comme je l’avais souhaité,
Placé, dans une bonne Loge,
Tout de même qu’un petit Doge,
Je vis, des Amours du Soleil,
D’un bout, à l’autre, l’Appareil :
Et j’y vis maintes belles choses,
Qui ne pourraient pas être encloses
Qu’en un Détail assez longuet,
Qui serait plaisant, tout à fait.

Mais, en ayant d’autres à mettre
Dans les trois Pages de ma Lettre,
Je vous dirai brièvement,
Par Épitomé, seulement,
Que la Montagne biscornue
D’abord, s’y découvre à la vue,
Avec Apollon, et ses Sœurs,
Qui charment tous les Spectateurs,
Par un ravissant Dialogue,
Qui, de la Pièce, est le Prologue :
Où vient, tant soit peut, se mêler
Le Dieu qui les cœurs, fait brûler,
Lequel n’ayant pas la pépie,
Cause comme une borgne Pie,
En picotant fort finement,
Comme très agréablement,
Apollon qui, de lui, se cache,
Et va, sans prendre son Attache,
Voir, en Perse, un certain Objet
Dont son cœur est l’humble Sujet.

Cet Apollon que je publie,
Est, Illec, le sieur Désurlie [sic],
Qui, dans un pompeux Appareil,
Fait, des mieux, l’amoureux Soleil.
Ses Sœurs, non pas toutes Pucelles,
Sont neuf brillantes Damoiselles,
Comédiennes de ce Lieu,
Dont j’aimerais autant le jeu.
Et l’amour, changeant, là, son Sexe
En celui qui si fort, nous vexe,
Est la petite Loisillon,
Qui vole comme un Papillon,
Et d’une façon si mignarde,
Fait ce qui son Rôle regarde,
Que le plus beau de tous les Dieux,
Lui-même, ne ferait pas mieux.

Après cette belle Ouverture
Qui surpasse toute Peinture,
La Pièce des susdits Amours,
Dans les cinq Actes, prend son Cours :
Et dans d’éclatantes Machine,
Diverses Puissances Divines,
Comme le Soleil, et l’Amour,
Y viennent, en si riche atour,
Qu’on ne peut, selon maint Oracle,
Guère, voir de plus grand Spectacle.

Dessus tout, l’éclat du Soleil,
Et son Palais, est nonpareil.

La Machine qui Jupin porte,
Est, aussi, de la même sorte,
Et le Seigneur de Rosimont
Fait, très bien, ce Dieu rodomont,
Lançant, en sa place, le Foudre
Qui, tout d’un coup, réduit, en poudre,
Par un effet de son courroux,
Au grand étonnement de tous, [représenté par le sr Prévôt sous la figure de Junon.]
Un Char où paraît la Discorde,
Et, mêmement, chacun accorde
Que rien ce jour n’égalera,
Et qu’il vaut seul, un Opéra.

La Machine encor, de l’Envie,
Et celle de la Jalousie,
Déesse qui ne vaut pas mieux,
Et dont les Transports furieux
Sont fort, pour vous le dire en somme,
A craindre, tant en Femme qu’Homme,
Ont, aussi pour Admirateurs,
Tous, et chacun, les Spectateurs.

Mais je brûle de parler vite,
De la Machine où Vénus gîte,
Rien n’est ni plus resplendissant,
Et ni, certes, plus ravissant,
Avec son Étoile amoureuse,
Si brillante, et si lumineuse :
Et la Déesse qui fait tout,
Dans la Pièce, de bout, en bout,
Est par la belle Desurlie [sic]
(De Charmes, comme Elle, remplie)
Portraite [sic] si fidèlement,
En Appas, Discours, Ornement,
Que, sans que l’erreur fût extrême,
Je la prendrais pour Elle-même.

Quant est des terrestres Acteurs,
Ils doivent plaire aux Spectateurs,
Ce me semble, en plus d’une guise :
Ce sont, sans que tout je déduise,
Les deux Maîtresses d’Apollon,
Dont, à côté, voici le nom,
Avec ceux de leurs Confidentes, [Mesdlles Dupint et Marote,]
Toutes, également, brillantes. [Mesdlles Désurlie Femme, et Loisillon.]
Orcame, le Roi des Persans,
Père qui passe mal son temps,
Et Theaspe, Amant de sa Fille,
Qui, vainement, pour elle, grille :
Et pour Substituts, ces deux-ci,
Ont ceux qu’en marge, on voit Ici, [Les Srs de Verneuil et Dovilliers]
Ayant habits en broderie,
Tous bluettant [sic] de Pierrerie [sic].

Je tais les Vols, les Changements,
Et les différents Ornements,
Lesquels, le Théâtre, embellissent.
Et mille beautés lui fournissent,
Je passe les Saisons, encor,
Qui viennent là, prendre l’essor,
Bref, du Sommeil, je laisse l’Antre,
Et, dans d’autres Nouvelles, j’entre.

-Un incendie dans un pavillon de la Sorbonne a détruit de nombreux ouvrages de valeur. Parmi les plus à plaindre, comme Jacques Boileau ou Charles Meunier (Jean Lesaulnier, Recueil de choses diverses, Klincksieck, 1992, p. 36 et 632), Robinet a retenu le nom de Nicolas Porcher, dont la bibliothèque a été totalement ravagée par les flammes :

Un Feu, de Livres, affamé,
Naguères, en a consumé,
Pour des Ecus, près de vingt mille,
Dans le célèbre Domicile
Des Docteurs qui parlent de Dieu,
Nommé la Sorbonne, en tout Lieu.

Sa Flamme, en ce rencontre, impie,
Au lieu de faire un Œuvre pie,
Et d’aller, chez les Ottomans,
Qui méprisent les Sacrements,
Brûler l’Alcoran, et la Mecque,
Vint, dedans la Bibliothèque
De l’un des plus infortunés [Monsieur Porcher.]
De ces Docteurs, mettre le nez :
Et, feuilletant les plus beau Tomes,
Y dévora les Chrysostomes [sic],
Les Ambroises [sic], les Augustins,
Et tels autres Volumes Saints,
Tous en prose, et non pas en Mètres,
Sans respect des divines Lettres.
Un fort gros Pavillon, aussi,
En fut englouti, sans merci :
Et, du tout, ensemble, la perte,
Par ce chaud esclandre, soufferte,
A ce que m’ont dit bien des Gens,
Monte jusqu’à deux cent mil francs.

Mais, sans Monsieur de La Reynie,
Sans la peine, presque, infinie,
Qu’il prit en cet Embrasement,
Pour borner sans accroissement,
Sans l’intervention propice,
Avec ce grand Chef de Police, [Monsieur de Riants.]
De l’actif Procureur du Roi,
Qui fit merveille, en bonne foi,
Sans les Cordeliers, sans les Carmes,
Qui vont au Feu, comme Gens d’armes,
Sans de bons Pères Capucins,
Des Jacobins, des Augustins,
Qui dessus ce Feu, se ruèrent,
Et son bec jaune, lui montrèrent,
Sans d’autres Gens, infinité,
Et des Docteurs en quantité,
Sans, même, enfin, l’Aide céleste,
Que, dans ce Bicêtre funeste,
On réclama finalement,
Portant l’auguste Sacrement,
Tout l’Édifice de Sorbonne,
Lequel, en grands Savants, foisonne,
Cet Édifice si pompeux,
Des plus beaux, et des plus fameux
Dont il soit parlé dans l’Europe,
Où, partout, son Renom galope,
En un mot, ce célèbre Lieu,
Où gît le grand de Richelieu,
Ne serait qu’un Monceau de Cendre,
O Dieu le gard[e] de cet Esclandre !

-Retour sur le service pour Péréfixe :

Ce grand Défunt pour qui je dis,
En passant, un De profundis,
Me fait ressouvenir d’un autre,
C’est Péréfixe, le Prélat nôtre,
Et du Service qui se fit,
Du mois passé, le vingt et huit,
Ce qui vaut bien place en nos Carmes,
Par le soin pieux des grands Carmes
Ou des Carmes du grand Couvent,
Chez lesquels, certe [sic], allait, souvent,
Non sans leur donner un beau lustre,
Cet Archevêque très illustre,
Etant, bénévole Lecteur,
De leur Maison le Protecteur.

Or ce Service fut célèbre,
Car, même, l’Oraison funèbre,
S’y prononça, dit-on, des mieux,
Par l’un de ces Religieux, [le R. P. Père Augustin]
Qui plus est, l’Évêque de Vabre,
(Lieu qui n’est pas dans la Calabre)
De mon Héros, digne Aumônier,
Et, bien entendu, le Premier,
Officia de belle sorte :
Et, comme un Mémoire le porte,
La Musique, enfin, excella,
En ces Honneurs funèbres-là.

-L’art militaire à l’honneur :

Un Ingénieur authentique,
Versé dans la Mathématique, [Le Sieur Maliet,]
Et dans l’Art de fortifier, [Officier et Ingénieur]
Et Machines édifier, [dans les Camps et Armées de Portugal.]
Pour rendre un Poste inexpugnable,
Ou, voire mêmes, imprenable,
Présenta, naguères [sic], au Roi,
Deux Volumes, en noble arroi,
Contenant plusieurs Douces-Tailles,
De Plans de Sièges, et Batailles,
Travaux, Fortifications,
Et, mêmes, des Narrations,
Qui font voir son intelligence,
Expérience, et suffisance.

Tant à lui, qu’à son beau Recueil,
Sa Majesté fit un Accueil,
Digne d’un très obligeant Sire,
Et digne, pour mieux, encor, dire,
D’un Héros, lequel, aujourd’hui,
N’en voit nul si guerrier que Lui.

Le Prince de Turenne, au reste,
Présenta, comme on me l’atteste,
Cet Auteur à sa Majesté,
Jugez s’il fut bien présenté ?

Or, sans tenir plus long Langage,
Si vous voulez voir cet Ouvrage,
Dont il m’a fait très belle part,
Vous pouvez, par un seul regard,
Apprendre, en la Marge prochaine,
Où l’on le débite, sans peine. [chez le Sr Barbin, au Palais.]

-Le dauphin a fait merveille lors d’une chasse à Saint-Germain :

On vit, Mercredi, pour certain,
Aux environs de Saint-Germain,
Faire donner la Chasse au Lièvre,
Lequel en eût mortelle Fièvre,
Par un Amour, beau, cent fois, plus,
Que le bel Enfant de Venus.

Devinez quel il pouvait être ?
C’était le Fils de notre Maître,
Son jeune Dauphin si brillant,
Si spirituel, si galant,
Qu’on ne peut l’être davantage.
Il n’aura pas moins de courage,
N’en doutez point, Lecteur, un jour.
Mais je suis arrêté tout court,
Justement, au plus beau Chapitre
Que j’aie mis en mon Epître,
Mon papier se trouvant rempli,
Avant mon Opus accompli.
Réduit, donc, à l’étroit extrême,
Je vais dater, sans faire, même,
Nul Compliment à mon Héros,
Comme il le ferait bien à propos.

Lettre du 14 mars 1671, par Robinet.

-Robinet semble avoir une discipline très stricte pour parvenir à rédiger ses gazettes – mais tout ceci est fait que par attachement pour son protecteur.

Il est une certaine Loi
Qui ne regarde rien que Moi,
Loi de Devoir inviolable,
Qui m’est, tout à fait, vénérable,
Par laquelle il est défendu
À mon petit Individu,
D’employer, de cette Journée,
Le Matin, ni l’Après-dînée,
Qu’à ma Lettre en Vers, à MONSIEUR,
Loi, certes, gravée en mon cœur,
Plus par l’amour, et la tendresse
Que j’ai pour sa Royale Altesse,
Que par l’Interêt, qui, ma foi,
Ne me fut, oncques, une Loi.
Non, ce Démon qui, partout, règne,
Jamais, mon Devoir ne m’enseigne,
Je ne prends point, de lui, leçon,
Et je suis plus froid qu’un glaçon,
Quand la seule profane flamme
Se mêle de m’échauffer l’âme.
Les Mérites, et les Vertus,
Qui me charment, et rien de plus,
Sont seuls, les Objets légitimes,
De mes Respects, Amours, Estimes,
Et j’en vois tant dans le Héros,
Lequel est l’Objet de mon Los,
Que, sans autre Motif quelconque,
Mon cher Lecteur, je luis dois, doncque,
Mes Estimes, Respects, Amours,
Mais passons à d’autres Discours.

-En cette année 1671 qui précède la création de Bajazet, les nouvelles de l'Empire ottoman qui, comme celle-ci, rendent compte de dissensions au somment de l'État et de rivalités entre le sultan régnant et son frère, prennent un sens particulier :

L’Empereur des Peuples Cornus,
Appelé Magnus Dominus,
Ce qui le Grand Seigneur, veut dire,
N’est pas non plus, dans son Empire,
Sans Grabuge, et Combustion.

Car, sans cesse, encor, ce dit-on,
La Dame Sultane, Sa Mère,
Ayant, pour lui, l’humeur amère,
Et, bref, lui gardant une Dent,
Comme le Cas est évident,
Veut que l’on le desseigneurie [sic],
Pour contenter son Âme aigrie :
Et que, sur le Trône, soit mis,
Solyman, son deuxième Fils,
Son Benjamin, sa chère Idole,
Et dont la bonne Dame est folle.

Or, Elle a, dedans son Parti,
Qu’on croit, ainsi, bien assorti,
Primo, tous les vieux Janissaires,
Qui sont d’étranges Emissaires,
Secundo, les Chefs du Divan,
Qui n’ont pas la Tête à l’évan,
Tertio, du Peuple, bon nombre.
Mais, aussi, dans un tel Encombre,
Le Sultan est, de son côté,
Du Premier Visir, assisté,
Homme de grande Renommée,
Lequel est Maître de l’Armée.

Peut-on, donc, le faire Capot,
Ayant ce Second ? Diablezot [sic].

-Un banquier, du nom de Grimaud, a été assassiné et les auteurs du meurtre, eux-mêmes exécutés (voir Lesaulnier, ibid. Voir aussi https://archive.org/stream/moliristerevue07pari#page/258/mode/2up):

Ainsi, ces vilains Assassins,
Lesquels avaient trempé leurs Mains,
D’une si traîtreuse [sic] manière,
D’une façon si carnassière,
Dans le Sang de Grimaud, Banquier,
Furent punis, avant-hier,
De peine trop douce, et briève [sic],
Pour une Action si griève [sic] ;
Quoi qu’ils aient reçu, tout vifs,
Onze coups de Barre, occisifs,
Puis été mis, vifs, sur la Roue,
Pour y faire piteuse Moue.

Ces détestables Meurtriers,
S’étant, sur de bons Destriers,
Sauvés, chacun, en diligence,
Avec leur part de la Finance
Qu’ils avaient prise au pauvre Mort,
Pensaient être arrivés au Port,
Dedans le Lieu de leur Retraite,
Qu’ils croyaient, aussi, bien secrète.

Mais la Providence a permis,
Que l’on les ait trouvés, et pris,
Bénissant les louables Veilles,
Que l’on peut dire nonpareilles,
Du rare Monsieur Défita, [Lieutenant criminel.]
Qui, dans ce cas-là, se porta,
Avecque toute sa sagesse,
Et son ardeur, et son adresse ;
Comme aussi, Monsieur de Riants, [Procureur du Roi.]
Qui, du bel air, montrent les Dents
À tous noirs Artisans de Crimes ;
Si que je conclus, par ces Rimes,
Ainsi qu’il est fort à propos,
Qu’on leur doit un immortel los,
Sans les séparer l’un de lautre,
De ce que, dans la Cité nôtre,
Par ces Exemples tout puissants,
Ils épouvantent les Méchants.
Sans quoi, nos Bourses, et nos Vies,
Se verraient, chaque jour, ravis,
Par de redoutables Filoux,
Qui, de crainte des onze Coups,
Contraignent leurs félons Courages,
Et, par force, se montrent sages.

Mais passons à d’autres Sujets,
Plus agréables, et plus gais.

-Retour sur le nouvel archevêque de Paris : il n'était pas docteur mais c'est désormais chose faite. Ainsi :

Le futur Archevêque nôtre,
Qui n’est égalé par nul autre,
Reçut, devant maint Spectateur,
Jeudi, le Bonnet de Docteur :
Mais il avait, en conscience,
Longtemps avant, pris sa Licence,
Et l’on peut dire, ici, tout net,
Qu’il était Docteur, sans Bonnet.

Avec sa grâce, et son Bien-dire,
Qui font que, partout, on l’admire,
Au Chancelier, il répondit, [de l’Université.]
Qui son Panégyrique fit,
Lui donnant ce Bonnet illustre :
Et ce Prélat d’un si grand lustre,
Au surplus, fit le fameux Vœu,
Terrible, par ma foi de Dieu,
Et qui fait trembler, à le dire
À savoir le Vœu du Martyre.

-Charles-Théodore de Salm épouse Marie-Louise de Bavière :

Le Prince de Salms, lequel sort,
Par un assez glorieux Sort,
D’une Maison des plus Illustres,
Et dont, depuis maints et maints Lustres,
On connaît si bien la Grandeur,
A pris, par digne Procureur, [Le Comte de Langeron.]
Et par heureuse Destinée,
Pour Épouse, la Fille Aînée [la Princesse Marie.]
De l’Héroïne Palatin,
Laquelle est, aussi, pour certain,
Des plus éclatantes Familles.

Voilà, donc, ainsi, ses trois Filles,
Ces Altesses à tant d’Appas,
Que les trois Grâces n’avaient pas,
Toutes, Épouses de grands Princes,
Possédant États, et Provinces.

O qu’elle en sent, dans son beau Cœur,
Et d’allégresse, et de douceur,
Cette Princesse incomparable,
La Patronne si favorable,
Autrefois, de mes petits Vers,
Dont je reçus cent Dons divers !
Que le Ciel bénisse sans cesse,
Une si grande, et belle Altesse !

-Robinet a reçu des contributions de la part de ceux qu’ils désignent comme des « bienfaiteurs » :

Mais, à propos de ses Bienfaits,
Maints, depuis peu, m’ont été faits,
Et deux Obligeant Anonymes,
Ou, qu’au moins, je n’ose, en mes Rimes,
Nommer, ni même, désigner,
Ce qui me fait moult rechigner,
Me viennent, par Largesse extrême,
(Ah ! qu’ils savent bien ce que j’aime !)
D’envoyer telle quantité,
Et si grande diversité,
De Bonbons, et de Confitures,
Qui sont mes plus chères Pâtures,
Que c’est une Profusion,
Qui me met en Confusion.

Je n’ai, jamais, fait habitude
Avec la laide Ingratitude,
Quand on me fait le moindre Bien,
Las ! Dieu le sait, je voudrais bien,
Au centuple, le pouvoir rendre,
Comment, donc, ô Muse si tendre
Sur ce Chapitre, pourras-tu,
Faire, du Silence, Vertu,
Lorsque tant de magnificence
Excite ta Reconnaissance ?

Non, Muse, franchissons le pas,
Cédons à tant de doux Appas,
Ici, le Silence est un Vice,
Que je ne veux point qui m’honnisse.
Or sachent, donc, tous mes Lecteurs,
Que ces Prodigues de Douceurs,
Sont de chez la Royale Altesse
À qui mes Légendes, j’adresse,
Personnes de grand Probité,
D’Esprit, d’Honneur, de Qualité,
D’Instinct, fort généreux, au reste,
Ainsi que leur Présent l’atteste,
Et leur Nom est… ah ! ma Clion.
Ne le proférons pas, ce Nom,
À ce prix, ma Reconnaissance,
Leur serait une atroce Offense.
Fermons, donc, cet Article-ci,
Par un tout simple Grand merci,
Et, par ce doucereux Chapitre,
Terminons, aussi, notre Épître.

Lettre du 21 mars 1671, par Mayolas.

-Ainsi que le révèle cet éloge, Mayolas a vu le roi lors d'un exercice militaire :

Monarque des plus éclatants,
Quoi que l’on admire en tout temps
Les attraits de votre Personne,
Avec l’éclat qui l’environne,
Je puis écrire hardiment,
Que votre air Auguste et charmant,
Que votre mine aimable et fière,
Votre humeur civile et guerrière,
Brillent mieux dans le champ de Mars,
Où vous surpassez les Césars ;
Les Gardes Françaises et Suisses,
Continuant leurs exercices,
Y parurent avec l’éclat,
Digne de mon Grand Potentat :
Avec raison donc je puis dire,
Que votre seul aspect inspire,
Dans cet agréable séjour,
Le respect, la crainte et l’amour.

-À la suite de Robinet, Mayolas annonce le mariage de Charles-Théodore de Salm et de Marie-Louise de Bavière :

Parlons d’un Hymen remarquable,
D’un Hymen très considérable,
D’un Hymen célèbre et pompeux,
D’un Hymen des plus somptueux
D’une Fille, d’une Héroïne,
De la Princesse Palatine,
De qui les belles actions
Marquent bien les perfections ;
Disons enfin qu’on la Marie,
Et que la Princesse Marie
Au grand Prince de Salms s’unit,
Par ce Mariage susdit :
Cette Auguste Cérémonie
Se fit en belle Compagnie,
Dans un riant et beau Palais,
Rempli d’ornements et d’attraits,
Le Roi Casimirs (que j’estime)
Aussi Prudent que Magnanime,
Le Brave Prince de Condé
Du Duc d’Enghien bien secondé,
De la belle et sage Duchesse,
Aimable et Généreuse Altesse,
S’y rendirent avec plaisir
Conformément à leur désir :
De Langeron l’illustre Comte,
Dont l’ardeur est fidèle et prompte,
Ledit Epoux représentait,
Pour lui la Princesse épousait,
En ayant reçu la Puissance,
Ou pour mieux dire la Licence,
Ainsi que la permission
Par une procuration ;
L’Evêque du Mans docte et sage,
Et très habile Personnage
Les unit solennellement,
Et tout à fait joyeusement ;
Mais la Princesse Palatine,
De qui le discours et la mine
Témoignaient agréablement
L’excès de son contentement,
D’une manière libérale,
Leur fit un splendide Régale [sic],
Où les mets plus délicieux,
Et les fruits les plus précieux
Furent servis avec largesse,
De même qu’avec Politesse ;
Si bien que je puis dire enfin,
Que ce fut un rare Festin,
Et que l’Assemblée éclatante
En sortit tout à fait contente.

-Et de la même manière, l'incendie dans le quartier de la Sorbonne, se trouve ici répété. Ainsi :

Avec regret ma main écrit,
Que ces jours passés le feu prit
En un quartier de la Sorbonne,
Où accourent mainte personne,
Et l’on fait monter le dégât
Des choses dont on fait état,
Des meubles, des papiers, des livres,
À plus de deux cent mille livres ;
Ce feu subtil et décevant
Serait bien allé plus avant,
Mais l’illustre de la Reynie,
(Dont la Prudence est infinie),
Par ses soins et par ses discours
Y fit donner un prompt secours,
Par ses ordres et par ses veilles,
Sans mentir il fit des merveilles,
Assisté lors dans son Emploi,
De Rians Procureur du Roi,
Dont le zèle et la diligence
Secondèrent la vigilance :
N’omettons pas que les Docteurs
Déplorant beaucoup ces malheurs,
Tous en Procession allèrent,
Et puis les flammes s’apaisèrent.

-Balthazar Phélypeaux, marquis de Châteauneuf obtient une charge dans l'Ordre du Saint-Esprit (Selon Moréri, qui donne la liste des impétrants aux différents postes à différentes époques, il est greffier ; voir Le Grand Dictionnaire historique et critique..., volume 3, Bâle, Jean Brandmuller, 1733, p. 771). On reparlera de l'Ordre du Saint-Esprit en septembre, quand Mayolas puis Robinet évoqueront tour à tour la nomination à sa tête du comte d'Avaux (respectivement lettres des 19 et 23 septembre).

Je mets cet article tout neuf
Pour le Marquis de Châteauneuf,
Notre Monarque Magnanime,
Pour marquer combien il estime,
Son mérite et capacité,
L’honore de la dignité
De Commandeur et Secrétaire,
(Que sans doute il saura bien faire)
De tout l’Ordre du Saint-Esprit,
Et comme il a beaucoup d’esprit ;
Je mets tout du long et du large
Qu’il exercera bien sa Charge,
Puisqu’il exerce avec éclat,
Celle qu’il a dans cet état. [Secrétaire d’état.]

-Évocation, après Robinet, de l'ouvrage militaire d'Alain Manesson Mallet :

Le fameux Prince de Turenne,
Avec plaisir a pris la peine,
De présenter à mon Grand Roi,
(De qui nous recevons la Loi) ;
Un Ingénieur admirable,
Dont l’Adresse est incomparable,
Puisqu’on en a vu maint effet ;
C’est l’habile et prudent Mallet,
Il lui présenta son beau Livre, [Dédié au Roi.]
Qui durera plus que le cuivre,
Imprimé sous ses Etendards,
Intitulé, Travaux de Mars,
Où l’on voit les formes nouvelles,
Et les méthodes les plus belles
Pour les Fortifications ;
Et les représentations
De quantité de fortes Places
Marquent leurs beautés et leurs traces ;
De sorte que tous nos Guerriers,
Les Gouverneurs, les Officiers,
Pourront trouver quelque avantage
Voyant ce curieux Ouvrage.

-Une messe a été donnée en mémoire de Péréfixe :

De Saint Paul le digne Pasteur,
Fidèle et discret Sénateur,
De Hameau, Docteur de Sorbonne,
Dont l’âme est généreuse et bonne,
Pour marquer l’estime et l’État,
Qu’il faisait du défunt Prélat,
De l’Archevêque Péréfixe,
Que sa Vertu dans le Ciel fixe ;
Fit faire un service pompeux,
Autant éclatant que pieux ;
L’Église était fort bien parée
De drap noir proprement ornée,
Dans le Choeur il ne manquait pas,
Depuis les voûtes jusqu’en bas,
Sur une haute et grande Estrade,
(Comme sur un lit de parade),
Était pendant cette action
Une représentation
Fort ajustée et bien parée,
Singulièrement éclairée
De flambeaux qu’un soin diligent
Mit sur des chandeliers d’argent,
De qui la splendeur et le nombre
Mesloint des clartés à son ombre.
Le Curé ci-dessus nommé
Généralement estimé,
Célébra la Messe Authentique
Qu’on chanta fort bien en Musique.
L’Éloquent Père Ménestrier, [Jésuite.]
Que justement on sut trier,
Prononça l’Oraison Funèbre,
Devant l’Assemblée célèbre,
Que composaient plusieurs Prélats,
(De qui je fais beaucoup de cas)
Et des Personnes d’importance,
Qui s’y trouvaient en affluence ;
Mais l’Éloquence et la douceur
De ce docte Prédicateur
Eurent sincèrement la gloire,
De ravir tout cet Auditoire,
Satisfait de la piété,
Et de la libéralité,
De ce Curé qui dans ce Temple
Sert à chacun de bon exemple.

-Et comme Robinet, Mayolas narre à son tour la nouvelle concernant le successeur de Péréfixe.

De Harlay, que son rare prix
Rend Archevêque de Paris,
Plein de Vertus et de Science,
En Sorbonne ayant la Licence,
(Dont il est déjà Proviseur),
Reçut le Bonnet de Docteur
Dans une grande et belle Salle,
Une Salle Archiépiscopale,
Des mains du Savant Chancelier,
Qui par un discours singulier,
Aussi beau que Scientifique,
Fit alors le Panégyrique
De cet Archevêque fameux,
Illustre, docte et généreux,
De qui l’Esprit et l’Eloquence,
Qui de tous sont connus en France,
Firent un beau remerciement ;
Cela finit par le serment,
Qu’en telle occasion on prête ;
Après quoi chacun lui fit Fête,
Et marqua son contentement,
Comme je fais présentement.

-Et encore :

De Harlay, pleinement a pris
De l’Archevêché de Paris,
Possession à juste Titre,
Et fut reçu par le Chapitre
Mercredi, solennellement,
Avec grand applaudissement,
En la manière accoutumée
Que vous verrez bien imprimée.

-Est-ce la saison des mariages ? Une seconde union de haut rang est rapportée dans cette lettre : il s'agit de celui de Louis-Charles de Lévi ou Lévis et de Madame Charlotte-Éléonore-Madeleine de la Motte Houdancourt. Ainsi :

L’Illustre Duc de Ventadour,
Aimant Lamote d’Hodancour [sic],
Vertueuse et Noble Donzelle,
La prit pour Epouse fidèle,
En la présence des Parents,
Qui sont fort joyeux et contents ;
Surtout la Duchesse sa Mère,
Que toute la Cour considère,
Dont le mérite et les Vertus,
Sont généralement connus :
Je leur souhaite dans l’année,
Un beau fils de leur Hyménée.

Lettre du 21 mars 1671, par Robinet.

-Robinet annonce qu’il s’agit là de sa dernière lettre pour le mois. La chose est dûe à son obligation de confession qui aura lieu prochainement :

Ouvrons, aujourd’hui, notre Veine,
Et la refermons, pour Quinzaine,
Car, pour la Semaine qui vient,
Chère Clion, il me convient
De faire, avecque Toi, divorce.

Le Devoir de Chrétien, m’y force,
Qui, tout au moins, une fois, l’An,
Oblige, en poussant maine Elan,
De douleur, et de repentance,
A visiter sa Conscience,
Et se replier, tant soit peu,
(Ce qui, vraiment, n’est pas un Jeu)
Sur ses Pensers, Paroles, Oeuvres,
Où, souvent, plus qu’en des Couleuvres,
On trouve de mortel Poison,
Dont l’effet est sans guérison.

Chacun a ses Comptes à rendre,
Et nul ne saurait s’en défendre,
Le plus Juste, pour trancher court,
Pêche, du moins, sept fois, le jour,
Commettant des fautes mortelles,
Ou bien des fautes vénielles.

Sans Ici, me vanter de rien,
En orgueilleux Pharisien,
Je ne sens point de Forfaitures,
A causer de grandes Tortures,
Je ne fais nul Tort au Prochain,
Je vais, toujours, mon petit Train,
Sans que mon Âme soit saisie
De Haine, Envie, ou Jalousie.
Je suis, par fois, quelque méprise,
Dont Quelqu’un paresse offensé,
J’ai, tout à l’instant, effacé,
Ladite faute involontaire,
Par une Syndérèse austère.

J’oblige autant que je le puis,
Cruel, nullement, je ne suis,
Non plus Brelandier, Ivrogne,
Comme on le peut voir à ma Trogne.

Je sers, souvent, mes Ennemis,
Tout de même que mes Amis.
Si ce Ceux-ci, quelqu’un est lâche,
Et, dans son Devoir, se relâche,
Pas plus je ne m’en refroidis,
Ni le moindre mot, je n’en dis.

Je ne suis point non plus Juriste,
Mais, hélas ! le bon DIEU m’assiste,
Et ceci soit dit sans Orgueil,
Aux Pécheurs, un étrange Ecueil,
J’ai, d’ailleurs, sur la Conscience,
Assez d’autres Cas, d’assurance,
Pour dire, comme Ici, je dis,
Sérieusement, PECCAVI.

Mais finissant ce long Exorde,
Où, pour Pâques, je me recorde,
Travaillons, donc, pour quinze jours,
A nos nouvellistes Discours,
Pour MONSIEUR, et puis, pour tous autres
Qui sont, Clion, les Lecteurs nôtres,
Que je souhaite Repentants,
Comme on doit l’être en ce saint Temps.

-Annonce du mariage des Ventadour-Houdancourt précédemment rapporté par Mayolas :

Monsieur le Duc de Ventadour,
Des plus favorisés d’Amour,
Et de son Collègue, Hyménée,
Dieux qui règlent la Destinée,
De tous ceux qui suivent leur Loix,
En a vu couronner le Choix
Qu’il avait fait d’une Pucelle
Tout à fait, ravissante, et belle,
Et l’un des Astres de la Cour.
C’est Mademoiselle d’Houdancourt,
Grâce jeunette, et printanière,
Ayant les Yeux pleins de lumière,
Un Teint de Roses, et de Lys,
L’Escorte des Jeux, et des Ris,
Une Chair fort blanche, et douillette,
La Taille, de tout point, complète,
Et, de pied, en cap, des Appas
Qu’en détail, on ne compte pas,
Si ce n’est son Epoux, lui-même.

Ô le charmant Mets de Carême,
Qui n’est, par nul autre, égalé,
Dont l’heureux Duc fut régalé,
Samedi, qu’en Face d’Eglise,
Cette Moitié lui fut acquise,
Et jointe, solennellement,
Par le Noeud du grand Sacrement,
En présence, je le puis dire,
De toute la Cour du Grand Sire !

L’Archevêque d’Auch[e], Prélat
Dont les Vertus ont un éclat
Qui, plus que sa Mitre, encor, brille,
Et l’Oncle, en un mot, de la Fille,
Prononça les deux puissants Mots,
Qui font ce Noeud, Conjungo Vos.

D’ailleurs, Madame la Duchesse,
Aimable et brillante Princesse,
Lui faisant l’honneur tout entier,
Mena l’Epousée au Moutier :
D’où la Belle étant retournée
En l’Hôtel de sa Soeur Aînée,
Savoir la Duchesse d’Aumont,
En qui, florès, les Attraits font,
Il s’y fit un Festin de Noce,
Lequel, jamais, n’eut, chez Mandoce,
Rien d’approchant, ni de pareil,
Pour les Viandes, ou l’Appareil,
Sans parler de la Mélodie,
Ni même de la Comédie,
Par les Acteurs de haut renom,
Qui sont de l’Hôtel Bourguignon.

Après une Fête si belle,
Si joyeuse, et si solennelle,
Chacun se retira chez soi :
Et le Couple, comme je crois,
Entra dans une Conférence,
Où j’ai, presque, pleine assurance,
Que l’on ébaucha Fille, ou Fils,
Qui viendra dans le temps préfix.

La Maréchale de la Mothe,
(Il faut qu’encor ceci je note)
Auxdites Noces, assista,
Et sa joie, illec, éclata,
Je pense, de belle manière,
De l’Epousée, étant la Mère,
Et voyant, ainsi, maintenant,
Par un Destin bien convenant,
Deux, de ses trois Filles, Duchesses :
Mais, parmi ces grandes liesses,
Pendant au Service assidu,
Dans sa Charge, par elle dû,
Aux illustres Enfants de France,
Ayant leur chère Gouvernance,
On la revit à Saint-Germain, [en Laye.]
Auprès d’Eux, dès le lendemain.

-Retour sur la nomination à l’archevêché de Paris :

Le grand Pasteur de Rothomage,
Que, cent fois, en notre ramage,
Nous avons chanté de haut ton,
L’illustre Harlay de Champavallon,
Dont la Personne est si complète,
Portant, à présent, la Houette,
Ou bien, la Crosse de Paris,
En Possession, s’en vit mis,
Mercredi, dans la Cathédrale,
Où la joie, en fut sans égale.

Les Chanoines, et Dignités,
Qui, l’entourant de tous côtés,
Du Chapitre, au Choeur, l’amenèrent,
Dans les Formes, l’intronisèrent,
Présent, nombre d’autres Mitrés,
Du Camail, et Rochet parés.

D’une façon très authentique,
Et, mêmes, en bonne Musique,
On en rendit, au susdit Lieu,
Solennelles grâces à Dieu :
Après quoi, les Doigts de sa Dextre,
Tenant la Crosse en la Senestre,
Ce Prélat donna, ce dit-on,
A tous, sa Bénédiction ;
Qu’on reçut avec allégresse,
Respect, affection, tendrese.

Ensuite, l’on fit, au Jubé,
Comme je l’ai su d’un Abbé,
Proclamation de ses Bulles,
Non pas sans quelques Préambules,
Auxquels, quiconque les ouït,
Avecque plaisir applaudit :
Et ce Prélat, couvert de gloire,
Alors, se rendit au Prétoire
De son Officialité,
Où, selon qu’il est visité,
Il prononça sur une Cause,
Sans, pourtant, décider la Chose,
Ordonnant, avec équité,
Pour en avoir plus de clarté,
Qu’une Information fut faite.

Si de ce que c’est, l’on s’enquête,
C’est un Homme qui, fort marri,
D’être de sa Femme, Mari,
Essaie de rompre sa Chaîne,
Ce qui, de maint autre, est la peine.

Notre Archevêque, après cela,
En son Palais, passa de là,
Où les Dignités, et Chanoines,
Par le Doyen, des plus Idoines,
Lui firent un beau Compliment,
Qu’il leur rendit obligeamment.

Notre célèbre Corps de Ville,
Aussi, d’une façon civile,
En fit autant, pour le certain ;
Et, bref, tout le Pays Latin,
Et François, vint, cette Journée,
Pendant toute l’Après-dînée,
Le harangue, à bon escient,
Or Lui, d’un air doux, et riant,
Répondit à chaque Harangue,
Tant en l’une qu’en l’autre Langue ;
Si juste, et si disertement,
Qu’on fut dans le ravissement,
De sa grâce, et son éloquence ;
Si que, par juste conséquence,
On conclut ceci, qu’à Prélat,
De plus de mérite, et d’éclat,
Ni de capacité plus rare,
Ne pouvait tomber la Tiare
Qui va son Front si bien parer,
Et sous qui l’on va l’admirer
En ses Fonctions Pastorales,
Aux prochaines Fête pascales.

-Un incident « canin » à la cour :

Trois jeunes Beautés de la Cour,
Dignes d’hommages, et d’Amour,
De même que l’est un bel Ange,
Naguère, Ô le malheur étrange,
Et l’effet d’un Sort inhumain !
Furent mordues, à la Main,
Par une Épagneule malade :
Et, craignant la Suite maussade
Que telle morsure produit,
Sont, comme on m’a le cas déduit,
À Dieppe, bien vite, allées,
Plonger, dans les Ondes salées,
Tous et chacun les chers Trésors
De leur aimables, et beaux Corps.
Ce Bain étant comme on l’assure,
Le Remède, en telle Aventure,
Lequel peut tout seul dégager
Du fâcheux péril d’enrager.

Mais las ! je prévois une chose,
Qui n’est pas, pour vous, Lettre close,
C’est que les pauvres Dieux Marins,
Voyant leurs appas albastrins,
Recevront le Mal que ces Belles
Vont essayer d’éloigner d’Elles,
Et tous enrageront d’Amour,
Dedans leur humide Séjour.

Lettre du 4 avril 1671, par Robinet.

-Robinet, qui avait cessé d’écrire pour une quinzaine de jours, se remet à la tâche :

Recommençons d’Historier,
D’écrire, et de vérifier,
Pour Sa belle Altesse Royale,
Muse, envers Elle, si loyale.

Notre Spirituel Campos,
Est terminé, le voilà clos,
En disant force Patenôtres,
Nous avons fait les Pâques nôtres,
Et Jubilé, pareillement,
Qu’on voit, si solennellement,
Observé par les vrais Fidèles,
En imitant leurs grands Modèles,
Nos deux augustes MAJESTÉS,
Dont les illustres Piétés
Qu’en telle Rencontre, on contemple,
Ont servi de fameux Exemple,
Et d’une façon qui, vraiment,
Vaut bien qu’au fin commencement,
Et pour début de cette Épître,
Nous en discourions en Chapitre.

-De l’emploi du temps des princes en cette période de Pâques :

Laissant, pour lors, leurs pompeux Chars,
Où l’on les voit, de toutes parts,
Comme en des Alcoves roulantes,
Et magnifiques, et galantes,
Aller par les Champs, et Cités,
Ainsi que des Divinités,
Elles ont, à beau pied, sans lance,
Quels Parangons de Pénitence !
Été faire leurs Stations,
Et leur saintes Dévotions,
Loin de leurs Royales Demeures,
Marchant des quatre, et des cinq heures,
Dans les rudes et noirs Sentiers
De Bois féconds en Sangliers,
Pour aller, par ces longues traites,
Chez de dévots Anachorètes,
Nommés les Augustins Béchaux/Déchaux [sic],
Qui, souvent, n’ont pas les Pieds chauds.

Je dois dire, encor, davantage,
C’est qu’en ce Saint Pèlerinage,
Ces Perles de Reines, et Rois,
Ont, de la sorte, été deux fois,
Nonobstant leur peu d’habitude
À faire une Marche si rude,
Ne posant, onc, leurs Pieds douillets,
Sinon sur des Gazons mollets,
Et sur le Terrain, où l’Aurore,
De ses pleurs féconds, fait éclore
Une pleine Moisson de Fleurs,
De toutes sortes de Couleurs.

Mais je crois, sans nul brin de doute,
Qu’alors, la plus affreuse Route
En produisit dessous les Pas
De notre Reine, à tant d’appas :
Et que l’on pût voir, sur ses traces,
Une fourmilière de Grâces,
Et d’Amours, de Jeux, et de Ris,
Si que, sur ce pied-là, je dis,
Sans tenir nul Discours profane,
Que la Spelunque [sic] de Diane,
Et le Bocage d’Apollon,
Déesse, et Dieu, de poil fort blond,
Auraient cédé, pour chose vraie,
Au Bois de Saint Germain en Laye,
Tout le temps, du moins, que la Cour
Y parut l’un, et l’autre jour,
Quoi que dans un lustre modeste,
Et, comme un Mémoire l’atteste,
Dans cette Marche, n’affectant
Que montrer un coeur pénitent,
Et, bref, de paraître, sans feinte,
Aux yeux du Ciel, une Cour Sainte.

-Les antiques usages des monarques médiévaux sont toujours d’actualité :

Lesdits charmants Souverains,
Dignes de l’Amour des Humains,
Ont, des deux Mains belles et blanches,
Qu’ils portent au bout de leurs manches,
Lavé les Pieds, très humblement,
Et, chacun d’eux, séparément,
À douze pauvres Créatures ;
Puis de poissonneuses Pâtures,
Leur ont fait opulent Festin,
Où leur indigent Intestin
Se remplit de belle manière,
Et fit, certes, chère plénière :
Après quoi, par les Aumôniers,
Ils reçurent de beaux Deniers,
Outre un Paquet d’Étoffe, au reste,
Pour rendre leur Pauvreté leste.

-Quant aux sermons, ils ont « charmé » bien des « oreilles », comme le dit Robinet :

Or, dessus ces deux Cènes-là,
(De braves Gens, j’ai su cela,)
Deux Abbés firent des merveiles,
À charmer les fines Oreilles :
À savoir, de Clermont-Cruzi,
Dit-on, habile en cramoisi,
Et le Maire, aussi, Personnage [Prédicateur ordinaire de la Reine.]
Qui n’a pas moins cet avantage.

Car il prêche en style épuré,
De maints beaux Passages, paré,
Et de délicates Pensées,
Qui sont, à propos, enchassées,
Sans, de sa Doctrine, parler,
Dont il sait l’Esprit chatouiller,
Ni de sa Morale très forte,
Qui touche au Coeur, de bonne sorte.

Qui plus est, il a présenté
À l’un et l’autre Majesté,
Comme aux Principaux de leur Suite,
Un Livret, touchant la Conduite
Que l’on doit suivre, uniquement,
Afin de gagner sûrement,
Ce Jubilé, très authentique
Que doit faire tout Catholique :
Et je puis dire, l’ayant su,
Que chacun l’a, des mieux, reçu,
Comme je l’eusse, aussi, pu faire,
Si ce Monsieur l’Abbé le Maire
M’en eût, de même, régalé,
Dans le Temps de mon Jubilé.

-Le dauphin a également participé à ces cérémonies religieuses :

Notre Dauphin incomparable,
Ce qui n’est pas moins, mémorable,
A fait, pareillement, le sien :
En aussi bon que beau Chrétien.
Allant aux Stations, de même
Que nos deux Porte-Diadème,
C’est-à-dire, piétonnement [sic],
Et des plus exemplairement.

Sans excéder dans sa louange,
Il paraissait, à tous, un Ange,
Rempli de grâces, et d’appas,
Descendu, des Cieux, ici-bas,
Pour montrer à la Cour de France,
À bien gagner cette Indulgence.

-La suite des dévotions de la période :

Le Vendredi Saint, cette Cour,
Encor, sans nul mondain atour,
Du moins, ainsi que je le pense,
Donna très profonde audience
Au futur Prélat de Lombets,
Fermant les Sermons qu’il a faits
Tout le Carême, devant Elle,
Avec une gloire immortelle,
Par celui de la Passion :
Dans laquelle conclusion,
Il fit mieux qu’on ne peut l’écrire,
Mais c’est Dom Côme, et c’est tout dire.

Le jour de Pâque [sic], en vérité,
Devant chacune Majesté,
Il fit, encore, des merveilles,
Qu’on prône comme nonpareilles,
Dessus le Mystère si beau
Du Seigneur sorti du Tombeau,
Et, notamment, dans sa Morale,
Qui sembla tout Episcopale.

Le jour d’auparavant, le Roi,
S’étant, en un dévot arroi,
Muni de l’Hostie adorable,
Fut, en Monarque charitable,
Toucher de l’une de ses mains,
Douze cent malheureux Humains,
Incommodés des Écrouelles,
À tout Remède, fort rebelles,
Mais que cette Main de LOUIS,
Dont tous les Faits sont inouïs,
De leur Poste, déniche, et chasse,
Sans qu’il en reste aucune trace.

Voilà comment, en ces bons Jours,
Sans en faire un plus long discours,
L’un et l’autre Porte-Couronne,
Et la Cour qui les environne,
Ont signalé leur Pité,
Pour acquérir la Sainteté :
Et Monsieur, un autre Exemplaire
Des bonnes Oeuvres qu’il faut faire,
Notamment, en ce saint Temps-ci,
N’en a pas montré, moins, ici,
Allant, comme notre Modèle,
Et transporté d’un ardent zèle,
A pied, de tous ses Gens, suivi,
Dont tout Paris était ravi,
En des Eglises plus de treize,
Ou bien, je pense, plus de seize,
Dans tous ces Lieux, même, aumônant,
Dont maint Tronc allait résonnant.

-Et encore :

Il fit la Pâque, en sa Paroisse, [S. Eustache]
L’une des grandes qu’on connaisse :
Et le célèbre d’Aroui, [Jésuite]
L’Après-dînée, y fut ouï
De sadite Royale Altesse,
Qu’avec grande délicatesse,
Il complimenta, m’a-t-on dit,
Et, beaucoup, même, satisfit.

-Où il est ensuite question du père Bourdaloue... :

L’excellent Père Bourdaloue, [Jésuite]
Que, de tous les côtés, on loue,
L’avait fort contentée aussi,
Et non, vraiment, coussi, coussi [sic],
Dedans l’Église Cathédrale,
Et, voir, Archiépiscopale,
Au Discours de la Passion :
Ayant rendu cette Action,
Par une sainte Rhétorique,
Fort touchante et fort pathétique.

-... et du duc de Vendôme et de son frère : on reparlera de ces deux jeunes aristocrates en septembre et dans le courant de l'automne lors de leur voyage à Rome.

Gardons-nous ici, d’oublier
Un cas, encor, à publier,
Le Jubilé, tout exemplaire,
Du Duc de Vendôme, et son Frère.
Ces jeunes Princes, revêtus
De toutes les belles Vertus,
Ont d’une manière modeste,
Composée, et presque céleste,
En foulant les pavés, été
En maints Lieux saints de la Cité :
Ce que, de bon cœur, pour leur gloire,
Se consacre dans mon Histoire.

Après cela, changeant de ton, je vais, en moins pieux jargon,
Narrer quelques autres Nouvelles.

-Retour sur les querelles à la tête de l'Empire ottoman : les choses ne s'arrangent pas entre la sultane validé (sultane mère) et son fils. Ainsi :

On nous écrit des Dardanelles,
Que les Discords, de jour, en jour,
Croissent dans l’Ottomane Cour,
Entre le Sultan, et sa Mère :
Lesquels voudraient, dans leur colère
De tout leur cœur, s’entre égorger,
Et la Fressute [sic] se manger.

Par des Gens attitrés, qu’on loue,
Le Poison, illec, son jeu joue,
Quand la Hart, ou bien le Licol,
Ne saurait se saisir du Col.
Et cinq Domestiques, naguère,
De ladite Sultane Mère,
Furent près de passer le pas,
Et d’aller de Vie à Trépas,
Par ledit Poison mortifère,
Que, d’une traîtreuse manière,
On leur avait fait mélanger,
Dans leur boire, ou dans leur manger,
Et dont, à force d’Antidote,
On les sauva, comme on le note.

-Toujours des Turcs ou comment s’évader du château des Sept Tours, cette fameuse forteresse légendaire qui marque l'entrée du Bosphore et que récits de voyages et autres œuvres à sujet turcs du XVIIe siècle évoquent régulièrement (voir notamment l'Ibrahim des Scudéry) :

On mande, encor, du même Lieu,
Qu’en se recommandant à Dieu,
Tout, au moins, cent Chrétien Esclaves,
Se sont tirés de leurs Entraves :
Entre lesquels, un Chevalier, [Le Chlier de Beaujeu]
Par stratagème singulier,
A, des sept Tours, fait sa sortie,
Et faut qu’ici, je vous le die.

On l’avertit, un beau matin,
Par un obligeant Bulletin,
Enfermé dedans une Mich,
Que, pour se sauver de sa Niche,
On lui ferait, dans un Pâté,
En Pâté de Lièvre, croûté,
Tenir, par une sûre voie,
Vingt brasses de corde de soie,
Dessus le soir du lendemain,
Pour se guinder, en bas, soudain ;
Où, sans bruit, pendant la nuit sombre,
On viendrait l’accueillir à, l’ombre,
En Chaloupe, au Bord de la Mer,
De laquelle le Flot amer,
Bat le Pied des sept Tours susdites,
Qui sont des Demeures maudites :
Et le cas, ainsi projeté,
Fut, avec heur, exécuté.

-Robinet mentionne ensuite une série de béatifications en cours à Rome :

On va faire les Saints à Rome, [Les Bien heureux Caétan, François, Borgia,]
Qu’en la Marge, ici, près, je nomme. [Philippe, Binitio, Louis, Bertram et Marie Rose.]

-Le Berry s’est vu attribué un nouveau gouverneur. Il s’agit du comte de Lauzun. Ainsi :

J’ai su d’un Garde de la Manche,
Que le Sieur Comte de Lauzun,
Dont le mérite est peu commun,
Etant fort chéri du Monarque,
En a reçu, pour belle marque,
Le Gouvernement de Berry,
Où maint gras Mouton est nourri :
Et que le Brave la Hillière,
Chevalier de vertu guerrière,
Qui sert, des mieux, ce charmant ROI,
Est pourvu e c’il de Rocroi.
Davantage j’en voudrais mettre,
Mais plus que pleine est, jà, ma Lettre.

Lettre du 11 avril 1671, par Robinet.

-La comparaison de son labeur à celui d'un accouchement est tout à fait pertinente - mais si Robinet s'efface dans cette présentation des choses, nous savons que c'est pour lui que la mise au jour de cette matière est difficile :

Ma Musette est, chaque Semaine,
Grosse de près de trois cent Vers,
Grâce au Seigneur Phoebus, qui, sous ses Lauriers verts,
La rend, en tout honneur, ainsi, féconde et pleine.

La voici qui touche au moment
Que le mal de l’Enfantement,
La prend, sans aucunes [sic] Tranchées [sic].
Que dis-je ? sans pousser, même, le moindre hélas !
La Belle fait la Figue aux autres Accouchées,
Et met, tout en riant, son petit Paquet bas.

Ses Enfants mâles, et femelles,
Au reste, ont pour leur Ascendant,
Le Nom d’un grand Héros, Nom d’éclat transcendant,
Qui les rend les Phoenix des Jumeaux et Jumelles.
C’est le Nom qu’on voit ci-dessus,
Sous lequel ils sont tous conçus,
Et certain d’une heureuse vie.
Aussi, de ce Bonheur, étant reconnaissants,
Chacun d’eux, en naissent, à l’envi, lui dédie
Ses historiques tons, et ses airs innocents.
Mais je les sens sortir, en faisant beau ramage,
Lecteurs, écoutez leur Langage.

-La décision de Louis le Grand d’aller inspecter ses récentes acquisitions territoriales provoque des remuements dans les Provinces-Unies... :

Cependant, et Duc, et Prélat,
Continuant, dans leur éclat,
De grossir, sans fin, les Armées
Qu’ils ont, de longue main, formées,
Embarrassent, à cette fois,
Étrangement, les Hollandais :
Si que, dans telle Conjoncture,
Ils redoutent une Aventure
Qu’ils ne voudraient point du tout voir.
C’est, si vous la voulez savoir,
Qu’en s’accommodant, ces deux Princes,
Ne tombent dessus leurs Provinces.
L’Électeur de Cologne, aussi,
Augmente, encore, leur Souci,
Demandant qu’ils lui réstituent
(À ces mots, de hahan, ils suent)
Rhimbergue [sic], et mêmes, au plus tôt,
Les menaçant, s’il faut défaut.

Mais ce qui, surtout, leur martelle
Et brouille, le plus, la Cervelle,
Ce qui, dis-je, sans contredit,
Davantage, les étourdit,
Est que notre auguste Monarque,
Lequel conduit, si bien, sa Barque,
En Flandre, se va transporter,
Pour ses Conquêtes visiter,
Avec une guerrière Escorte,
Qui leur paraît un peu trop forte,
Pour ne vouloir que simplement,
(C’est, dit-on, leur raisonnement)
Faire Promenade, ou Visite,
Et, dans la peur qui les agite,
Il essaient, du moins, partout,
À se mettre sur le bon bout.

-La chose fait également bouger l’Espagnol qui tient pour partie les anciens Pays-Bas :

Les Espagnols, en font de même,
Et l’on voit, par un soin extrême,
Le Gouverneur des Pays-Bas,
Portant, de tous côtés, ses pas,
Se trémousser d’une manière
Qui marque leur terreur plénière.

Mais d’où leur naît un tel effroi ?
S’ils redoutent ce puissant Roi,
Il faut supposer une chose,
Qui peut, seule, en être la Cause,
Il faut qu’il l’aient irrité
Par quelque manque d’Equité ;
Car, encor qu’il soit redoutable,
Il est, néanmoins, équitable.

Sus, donc, qu’il s’examinent bien,
Et si lors, ils ne sentent rien,
Contre Lui, sur leur Conscience,
Qu’ils vivent en pleine assurance,
Et qu’ils reçoivent gaiement,
Illec, un Voisin si charmant.

-Ce roi, précisément, est à Versailles :

Ce grand Souverain, dont le Règne,
À tous les Souverains, enseigne
De quel air une Majesté
Doit soutenir sa Dignité,
Est, avec la Reine, à Versaille [sic] :
Où ledit Sire qui travaille,
Sans cesse, au Bien de ses Sujets,
Même, dans ses plus grands Projets,
A fait une Mission faire,
Aussi sainte que salutaire,
Pour les Habitants de ce Lieu,
Afin qu’avecque le bon DIEU,
Par la Pénitence efficace,
Chacun d’eux se pût mettre en Grâce,
Pendant le Temps du Jubilé,
Où tout Chrétien s’est signalé,
Et, pieusement, je le pense,
Pour gagner plénière Indulgence.

Ajoutons que Sa Majesté,
Par un trait de sa Charité,
Lequel, des mieux, sonde sa Gloire
Dedans le Temple de Mémoire,
A fait payer soigneusement,
Les Ouvriers de son Bâtiment,
Aux jours qu’ils prenaient leur vacance,
Pour songer à leur Conscience,
De crainte que les bonnes Gens,
Qui, la plupart, sont indigents,
Ne préférassent leurs Journée
Aux Indulgences ordonnées.

Hé bien que peut faire de plus,
Sans tenir Discours superflus,
Un digne Porte-Diadème
Qui, ses Sujets, tout à fait aime,
Que s’appliquer, en même temps,
Par ces Soins des plus éclatants,
À leurs Fortunes temporelles,
Et, mêmes [sic], aux spirituelles ?
Ah ! tels soins sont d’un Dieu Donné,
D’un Roi par le Ciel, couronné,
Pour ne faire que des Merveilles,
A n’avoir, jamais, de pareilles.

-Retour sur le nouvel archevêque de Paris :

Notre illustre, et rare Prélat,
Digne du Choix du Potentat,
A, cette Mission, fermée,
(Ce dit, partout, la Renommée)
D’une façon digne de los,
Et que j’en die, aussi, deux mots.

Pendant deux jours de la Clôture,
Il fit là, de sa Prélature,
Les plus illustres Fonctions.
Il fit des Exhortations
Pleine de zèle, et d’éloquence,
À charmer toute l’Assistance,
Tenant, en sa main, mêmement,
Notre adorable Sacrement.

Il confirma, selon le style,
Des Chrétiens plus de quatre mille,
Et, pour la Définition,
Il fit une Procession
Générale, et tout à fait, belle :
Où la Reine montra son zèle,
Suivant le ROI des Majestés,
Et de toutes Principautés.

Quantité d’Ecclésiastiques,
Et d’Ordres, mêmes, Monastiques,
La Procession composaient,
Et, très dévotement, marchaient,
Ayant le Sieur le Madre, en tête,
Lequel est, (si l’on s’en enquête)
Ce qu’ici, je mets à côté, [Mt des Cérémonies Eccles. de la Chapelle et Oratoire du Roi.]
Pour éviter prolixité,
Disant, seulement, qu’il sait faire,
Sa Charge, de belle manière.

-Marie-Louise d'Orléans, la petite Mademoiselle, est décrite dans ses dévotions :

Toute d’une Suite, publions,
À propos de Dévotions,
Que, Samedi, Mademoiselle,
Ayant grande Suite, avec Elle,
Et cette Dame sans défaut,
La Maréchale Clérembault,
Qui d’une Méthode si sage,
La gouverne en son petit âge,
Ici, ses Stations finit,
Par deux, encore, qu’elle fit,
Que j’ai mises en ma Mémoire,
À savoir, l’une à l’Oratoire,
Fécond en Orateurs divins,
Et l’autre, dans les Quinze-vingts.

Mais ne croyez pas qu’à son aise,
Elle ait, soit en Carrosse, ou Chaise,
En ces Dévotions, été,
Non, c’est la pure vérité
Qu’elle y fut à pied, comme un autre,
Disant des mieux sa Patenôtre,
Et charmant la Terre, et les Cieux,
Par ses Appas si gracieux.

-La Saint François de Paul aux Minimes a attiré le roi de Pologne :

Mardi, le grand François de Paule,
Connu de l’un à l’autre Pôle,
Fut, avecque célébrité,
Partout, aux Minimes, fêté,
Mais d’une façon sans égale,
Chez ceux de la Place Royale ;
Où la Musique, etcetera,
Nombreuse Assemblée attira.

Le Roi Casimir, dont la Vie,
En actes pieux, est fleurie,
Avec toute sa Cour, alla,
En entendre, dans ce Lieu-là,
L’Éloge ou le Panégyrique,
Que fit en Style pathétique,
Affectueux, ardent, disert,
L’habile Père Goldefert,
Prieur de l’illustre Repaire,
(Ce qui veut dire Monastère)
Des Frères Prêcheurs ; Réformés,
Alias, Jacobins nommés.
Après cela, le devot Sire,
Dont l’Obligé je me dois dire ;
Ainsi que, dans tous mes Discours,
Je veux me le dire, toujours,
Ouït un Salut symphonique,
Ou, si vous voulez, en Musique,
Laquelle à merveille opéra.

-Cambert et l'abbé Perrin ont donné à voir Pomone au public parisien :

À propos, le grand Opéra
Qui fait tant de bruit dans Lutèce, [Paris.]
Attira la Royale Altesse
Pour qui je m’escrime des Doigts,
Mardi, pour la seconde fois,
Avec sa jeune, et belle Infante,
Déjà si vive, et si brillante :
Et deux des plus leste Sauteurs,
Avec pareil nombre d’Acteurs,
Collation leur présentèrent,
Que les dernier accompagnèrent
D’un Compliment très musical.

Or cet agréable Régal
Se faisait, ainsi qu’on le prône ;
De par la Déesse Pomone,
Qui, des beaux Fruits de son Jardin,
Voulut les régaler souain,
Avec une galanterie
Qui parut une enchanterie [sic].
Je dois être, à mon tour, Mardi,
De ce grand Spectacle, ébaudi :
Et puis je ne faudrais d’en mettre
Un plus ample Article en ma Lettre.

-Robinet a vu la Comtesse d’Orgueil de Thomas Corneille :

Ces jours passés j’eus l’entretien,
Dont je fus ravi, mais très bien,
D’une Madame la Comtesse
Qui parle avec délicatesse,
Et de l’Esprit plein d’enjouement,
Qui divertit infiniment,
Si qu’avec elle, ou que je meure,
J’eus grand plaisir, une bonne heure.

Sans les jours de Dévotion,
J’aurais, déjà, fait mention
De madite [sic] Bonne fortune,
Qui peut vous être, aussi, commune.
Elle est, pourtant, Ami-Lecteur,
Personne de bien, et d’honneur,
Et je puis dire, en conscience,
Honni celui qui mal y pense.
C’est un Ouvrage Théâtral,
Fort galant, et fort jovial,
Et digne des brillantes Veilles
Du Cadet des fameux Corneilles.
Savoir, la Comtesse d’Orgueil,
Qui vaut bien qu’on lui fasse accueil,
Et dont, par faveur spéciale,
L’Auteur m’a fait un cher régale [sic], [chez le Sr de Luynes, au Palais]
Là-dessus, sans plus long propos, [dans la Salle des Merciers à la Justice]
Je m’en vais reprendre Campos.

Lettre du 15 avril 1671, par Mayolas.

-L'Éloge du roi et de ses réalisations est l'occasion d'évoquer Versailles et son "riant château" :

Si vos Royales qualités,
Et vos généreuses bontés,
Font voir aux yeux de tout le monde,
Qu’aucun Prince ne vous seconde,
Si votre magnifique train
(Digne de mon grand Souverain),
Marque hautement la puissance
Du fameux Royaume de France ;
SIRE, vos superbes Palais
Remplis d’ornements et d’attraits,
D’abondance et de Politesse
Témoignent bien votre richesse ;
Versailles ce riant Château,
Me parut si rare et si beau,
(Quand je vous y donnai ma Lettre)
Que je voudrais bien pouvoir mettre,
Dans ces Vers que je forme ici
Ses merveilles en raccourci :
Mais peut-être que mon langage,
Exprimerait mal cet Ouvrage,
Que chacun peut bien aller voir,
Et pour mieux faire mon devoir
Qui m’acquiert partout de la gloire,
Je vais m’attacher à l’Histoire.

-Puis Mayolas passe en revue les diverses actions de chacun des hommes de religion de la paroisse de Versailles durant cette période de Pâques :

Le Père Heude bien éclairé,
Et de Versailles le Curé,
Rempli de Zèle, de science,
De piété, de vigilance,
Ont si bien tous deux travaillé,
(Pendant le temps du Jubilé),
Que deux mille armes (à bon compte
Ainsi que chacun le raconte)
L’ont gagné dans le susdit lieu,
Priant fort dévotement Dieu.
L’Archevêque de notre Ville,
Aussi pieux qu’il est habile,
Donna la Confirmation
Avec éducation,
Non seulement l’après-dînée,
Mais encore la matinée,
De ses Aumônier assisté,
De Madre plein de piété, [Maître de Cérémonies.]
De Langlois Curé de Versailles,
Lequel a soin de ses ouailles,
De quelque autre pareillement
On y reçut ce Sacrement :
Avec modestie et sagesse,
Ledit Prélat y dit la Messe
Le soir à la Procession,
Donna la Bénédiction,
Et cet illustre Personnage,
Par un disert et beau langage,
Plein de feu, d’érudition,
Y fit une exhortation,
La REINE même étant présente,
En parut tout à fait contente,
Comme le reste de la Cour,
Qui l’accompagnaient en ce jour,
Tenant en sa main blanche un Cierge,
Proprement le jour de la Vierge.
Le ROI rempli de piété,
A du moins trois fois assisté
À la Messe, dans la Paroisse,
(Des plus jolies qu’on connaisse)
Et la REINE (ayant Dieu pour but)
Allait tous les soirs au Salut.

-Puis il continue avec la description d'une procession menée par l'archevêque de Chartres :

De Chartres l’Illustre Prélat,
Dont la Cour fait beaucoup d’état,
Et que beaucoup aussi j’honore,
Fit du fameux Saint Théodore,
Amplement la Translation,
Avec une Procession.
Le Prieur lui fit la Harangue,
Et comme sa diserte langue
Sait parler fort éloquemment,
Il s’en acquitta dignement :
Quand cet Evêque qu’on révère,
Entra dedans son Monastère,
Assisté des Religieux,
Aussi zélés que vertueux,
Il le reçut bien à la porte,
Comme un Evêque de sa sorte ;
Et Dom Antoine de Galois,
(Lequel a prêché plusieurs fois)
En cette journée eut la gloire
De ravir tout son Auditoire,
Prêchant sur un si beau sujet,
Et sur un si pieux projet.
Ledit Prélat de bonne grâce,
Mit dans une très riche Chasse
Du Saint les sacrés ossements,
En présence de bien des gens,
Qui louaient et prônaient sans cesse
Sa piété et sa sagesse.

-La campagne de fortification dans le nord du pays est sur le point de commencer :

Le Duc de Duras est parti,
Avec un train bien assorti,
Pour conduire notre Milice,
Dont il entend bien l’exercice,
Sa valeur et son jugement
Méritent ce Commandement,
Pendant le voyage de Flandre,
Où doit aller mon Alexandre ;
À Dunkerque ils se rendront tous,
Puisque c’est là le Rendez-vous.

-Sous l'égide de Bossuet, Louis XIV et son épouse sont devenus les parrains de la fille de l'ambassadeur de Savoie : ce resserrement des liens entre les deux états n'est probablement pas innocent avant le début d'actions plus offensives contre la Hollande. On sait ainsi que la Savoie a longtemps balancé entre la France et les Impériaux dans ses alliances. De ce double-jeu, elle a parfois été punie par l'un ou l'autre des belligérants - comme par exemple au tout début de ce siècle par la prise de la forteresse de Montmélian dont les murs pourtant fortement dégradés surveillent encore aujourd'hui l'entrée de la cluse de Savoie...

J’écris que le ROI et la REINE,
(Un des jours de l’autre semaine)
Pour témoigner visiblement,
Qu’ils estiment parfaitement
L’Ambassadrice de Savoie,
Tinrent avec beaucoup de joie,
Sa jeune Fille sur les Fonds,
Où le Baptême nous prenons ;
Ils la nommèrent à leur aise,
Louise, Marie, Thérèse,
Et je mets dans ces Vers nouveaux,
Que ces noms sont tout à fait beaux :
De Condom le Prélat insigne,
Qui tous les jours paraît bien digne
De ce Titre aimable et divin,
Et de Précepteur du DAUPHIN,
En belle et bonne Compagnie,
Accomplit la Cérémonie.

-Un autre heureux événement est à signaler : la naissance d'un petit duc. Ainsi :

L’Illustre Duchesse d’Aumont,
Qui fait reluire sur son front
Les beautés dont elle est parée,
C’est heureusement délivrée
D’un fils charmant, d’un beau garçon,
Déjà l’on juge à sa façon,
Qu’il aura la valeur du Père,
Comme les grâces de la Mères.

-Enfin, Mayolas évoque à son tour la Saint-François de Paul et la présence du roi de Pologne à cette fête. Ainsi :

Les Minimes, par la ferveur
Qu’ils ont pour leur cher Fondateur,
Sa Fête très bien célébrèrent,
Et fort dévotement prièrent ;
Le Roi Casimir en ce lieu,
Se rendit sur un Prie-Dieu,
Qu’on destinait à sa personne,
Digne d’une riche Couronne,
Et le Prieur des Jacobins,
Aux bonnes oeuvres fort enclins,
Goldefer, très scientifique
Prononça le Panégyrique,
En présence de ce grand Roi,
Qui l’applaudit en bonne foi,
Ainsi que l’illustre Assemblée,
Qui dans ce Temple était allée.

J’offre ces Vers d’un air civil
Le quinzième du mois d’Avril.

Lettre du 18 avril 1671, par Robinet.

-Il y a beaucoup à dire cette semaine comme l'annonce Robinet dans ce prologue :

Préludons, vite, ma Mignonne,
Car nous commençons un peu tard,
D’ailleurs, la Matière foisonne,
Et ce sera, ma foi, hasard,
Je le dis, raillerie à part,
Si notre Légende est fort bonne.

Ha ! foin, non pas de ma Paresse,
Mais de certain amusement,
Qui m’arrive, presque, sans cesse,
Et, souvent, dedans le moment
Que je dois penser simplement,
À rimer pour ma grande Altesse.

Mais, je vais m’amuser, encore,
Avec telle Réflexion,
Ne suis-je pas franche Pécore ?
Sus, donc, commençons, ma Clion,
Notre alerte Narration,
Et, de l’Opéra, parlons, ore [sic].

-L'opéra en question est Pomone. Ainsi Robinet donne-t-il plus de détails sur la représentation à laquelle il a assisté :

Je l’ai vu cet Opéra là,
Et je pensais n’avoir pas là,
Suffisamment, d’yeux, et d’oreilles,
Pour toutes les rares Merveilles
Que l’on y peut ouïr, et voir,
Et qu’à peine, on peut concevoir.

À commencer, donc, par la Salle
Où ce grand Spectacle s’étale,
C’est un Vaisseau large, et profond,
Orné d’un superbe Plafond,
Avecque trois longs rangs de Loges,
Aussi lestes que pour des Doges,
Et, qui plus est, de bout en bout,
Afin que nul n’y soit debout,
Un très commode Amphithéâtre,
D’où l’on peut tout voir au Théâtre.

À l’Ouverture, on est surpris
De voir le Quartier de Paris,
Le plus riant qui s’y découvre,
Savoir le beau Quartier du Louvre :
Et l’on ne l’est pas, encor, moins,
Au dire de tous les Témoins,
D’ouïr certaine Symphonie,
Qui, sans nulle Cacophonie,
Ouvre le Prologue charmant,
Qui se fait, au même moment,
Dessus cette Superbe Scène,
Par la Nymphe de notre Seine,
Avec Vertune, Dieu Latin,
Qui vient, par un noble Dessein,
Divertir notre auguste Sire,
Et le faire, tant soit peu, rire,
Lui retraçant, en Vision,
Par agréable Illusion,
Son Hymen, que la Fable prône,
Avec la Déesse Pomone.

Dès que ce Prologue prend fin,
Le Théâtre, en un tournemain,
Sans laisser de lui, nulle trace,
À de riant Vergers, fait place :
Où la Déesse, aussitôt, vient,
Et, contre l’Amour, s’entretient,
Avec les Nymphes, qui comme elle,
Ayant, pour lui, le coeur rebelle,
Le traitent de Peste, et font voeu
De ne jamais, aimer son Jeu,
Quoi que Flore, Soeur de Pomone,
Très fortement, les y sermonne,
En leur exprimant les Plaisirs
Qu’avec ses Amants, les Zéphirs,
Elle goûte, chaque journée,
Le matin, et l’après-dînée.

Ainsi, donc, le Dieu des Jardins,
Ne pousse que des Soupirs vains
Auprès de ladite Déesse
Dont il faut choix, pour sa Maîtresse,
Ainsi Faune, sans aucun Fruit,
Aussi, de sa Flamme, l’infinit :
Et quand, pour tâcher de lui plaire,
Ces deux sots Amants ont fait faire
Merveille, l’un à ses Bouviers,
Et cet autre, à ces Jardiniers,
Par des Chansons, et par des Danses,
Ils en ont, pour leurs Récompenses,
Des Guirlandes, ô quels Guerdons !
Toutes d’Épines, et Chardons.

Voilà comment maintes Cruelles,
Traitent leurs Amants plus fidèles,
Mais, sans, sur ce, moraliser,
Lorsque je dois nouvelliser [sic],
Voilà, mes Lecteurs, la Matière
Du premier Acte, toute entière,
Et, par tant de diversités,
Jugez quelles sont ses Beautés.

Dedans les quatre autres, Vertune,
Busquant, tout de même, Fortune,
Proche l’Intendante des Fruits,
Dont ses Sens sont, aussi, séduits,
Sans cesse, exprès, il se transforme,
Et passe sous diverse Forme,
Espérant, par là, de son coeur,
Se rendre, à la fin, le Vainqueur.

Tantôt, donc, il paraît, belle-erre [sic],
En Pluton, sortant de la Terre,
Suivi des Démons, ses Valets,
Et fait voir son pompeux Palais.

Après, voyant que la Déesse
Méprise sa grande Richesse,
Il se transfigure en Bacchus,
Lui vante son aimable Jus,
Et se croit, par là, vent en poupe,
Au milieu d’une grosse Troupe,
De Follets, qui sont transformés,
Et tous, en Satires, formés.

Ensuite, le Dieu, se patronne
En la Nourrice de Pomone,
Qui, sur Elle, avait plein pouvoir,
Afin de la mieux décevoir.

Or, cette Vieille dépitée
De voir sa figure empruntée
Par Vertune qu’elle aime, aussi,
Et qui, d’Elle, n’a nul souci,
Veut découvrir le Pot aux Roses :
Mais quittant ses métamorphoses,
Il reprend, lors, son natureau [sic]
De jeune et charmant Damoiseau,
Et fait offre à cette Déesse,
De son coeur, avec tant d’adresse,
Que, par un Sort assez plaisant,
Elle en accepte le Présent,
Elle qui paraissait naguère,
Envers Monsieur Amour si fière.

Vertune, d’aise transporté,
Fait, lors, pour sa Divinité,
Je ne sais combien de merveilles,
Qui n’ont point, ailleurs, de pareilles,
Et que, pour les bien concevoir,
Il faut, nécessairement, voir.
Car l’on ne saurait bien d’écrire
Ces Prodiges que l’on admire,
Ces magnifiques Changements
Qui se font à tous les moments,
Ces Vols surprenants, ces Machines,
Qui passent, presque, pour divines,
Ces Choeurs de Musique, ces Airs,
Et cent autres Charmes divers,
Qui font passer ce grand Spectacle,
Quoi qu’un simple Essai, pour Miracle.

À la Muse du Sieur Perrin,
Qui, des mieux, connaît le Terrain,
Du Mont sublime du Parnasse,
De ce bel Ouvrage, on doit grâce.
C’est elle qui persévérant
Dans ce Labeur, pénible, et grand,
Va, par telle persévérance,
Combler la Gloire de la France,
Où ces rares Spectacles-ci,
Ne s’étaient point vus jusqu’ici.

Il ne faut pas, aussi, qu’on nie
Qu’un des chers Suppôts d’Uranie,
Cambert, n’ait une grande part
À l’Honneur, par son divin Art :
Animant toutes les Parties
De ce Corps, très bien assorties,
De si merveilleuse façon,
Qu’il ne se peut mieux, tout de bon.

Mais une Louange, il nous reste,
Bien juste, je vous le proteste,
Et je le dis, sans nul micmac,
C’est au Marquis de Sourdiac,
Lequel, des Fonds de sa Finance,
A tiré la belle Dépense
Nécessaire dans un tel Cas,
De, deux fois, vingt mille Ducats,
Qui font, la chose est très constante,
Partout, deux mille Ecus de rente,
Mais sur ce Sujet, sufficit,
Passons à quelque autre Récit.

-Robinet annonce que l’Académie française remettra désormais un prix destiné à récompenser le charisme et la puissance argumentative des hommes de lettres :

Notre fameuse Académie,
Qui n’est point, du tout, endormie,
Travaillant presque incessamment,
À retrancher, heureusement,
Les impuretés du Langage,
Qui n’est pas un petit Ouvrage,
Donne avis à tous Gens Lettrés,
(Les seuls, d’elle, considérés)
Qu’un Prix de l’Éloquence,
Par elle, se distribuera,
À qui le plus digne en sera,
Ainsi que la chose est bien juste,
Le vingt-cinq Jour du Mois d’Auguste.
Ce Prix, pour dire plus, encor,
Doit être un Crucifix tout d’or,
Ou, ce m’a dit un Philosophe,
Un Saint Louis, de même étoffe,
Qui sera du moins, comme au plus,
De la valeur de cent Ecus,
Qu’a laissés, ce défunt Grand Homme,
Que Monsieur de Balzac, on nomme,
Qui porta si haut, et si loin,
Cette Éloquence, par son soin,
Qu’avec une gloire immortelle,
Il a, certes, tiré l’Echelle.

Or, le Discours qui se fera,
D’un bout, à l’autre, roulera,
Avec l’ornement Oratoire,
Sur la Louange, et sur la Gloire,
Montrant qu’en tout temps, et tout lieu,
L’une, et l’autre, appartient à Dieu,
Comme son Propre, et son Domaine,
Où n’a rien la Nature Humaine :
Et qu’ainsi, l’Homme, insolemment,
Va l’usurpant, journellement,
Quoi qu’il lui crie, en l’Écriture,
Comme peut en faire lecture, [Gloriam meam alteri non dabo.]
Quiconque, de ce, doutera,
Qu’à Nul, il ne la cédera.
D’où vient que le Royal Prophète,
Ayant la Tête, un peu, mieux faite,
S’écriait à ce Dieu jaloux, [Psau. 113.]
Comme nous devons faire tous,
La Gloire n’est pas l’Apanage [Non nobis Domine non nobis,]
De ta Créature, Seigneur, [sed Nomini tuo da gloriam.]
De Toi seul, elle est le Partage,
C’est à ton Nom qu’est dû l’Honneur.

Trois de ladite Académie,
Qu’ici, je ne nommerai mie,
Puisqu’ils affectent, ce dit-on,
De cacher, avec soin, leur Nom,
Veulent, en la même journée,
Que j’ai, ci-devant, désignée,
Distribuer un autre Prix,
À celui de nos beaux Esprits,
Qui, congrû dans l’Art Poétique,
Aura le mieux fait un Distique,
Ou composé jusqu’à cent Vers,
Sur l’un de tant de Faits divers,
De notre Monarque adorable,
En toute chose, incomparable ;
Entre lesquels, comme je crois,
Il voudraient arrêter leur choix
Sur la Gloire qu’il s’est acquise,
Plus qu’en nulle Ville conquise,
En se rendant, enfin, Vainqueur
De la Dueliste Fureur,
Ou sur celle que l’on peut dire
Que s’acquiert, aussi, ce grand Sire,
Faisant triompher, sur les Eaux,
Le Commerce, avec ses Vaisseaux.
Ce Prix de cent Écus, encore,
Est, si bien je m’en remémore,
Un beau Lys d’Or, du plus luisant,
(Assez agréable Présent)
Au pied duquel est la Devise,
Fort bien choisie, et fort bien prise,
Par ce Corps illustre, et savant,
Estimé jusques au Levant,
Ce sont purs Lauriers du Parnasse, [l’Académie a fait publier ceci par un Imprimé]
Dont l’un, dans l’autre, s’entrelace, [chez le Sr Petit, Libraire de cette Compagnie]
Avec un Mot plein d’équité, [rue S. Jacques.]
Savoir, A l’Immortalité.

-Le roi a nommé un nouvel archevêque :

Le Roi, dont l’instinct magnifique
Sans aucun relâche, l’applique,
À répandre Honneurs, et Bienfaits,
Sur ses plus illustres Sujets,
A, naguères, à juste Titre,
De Séné, destiné la Mitre
Pour l’Abbé de Villeserin :
Lequel, sans le flatter un brin,
À maintes Vertus non petites,
Et de très singuliers Mérites.
Il est pourvu d’esprit, à fonds [sic],
Il a, du Ciel, reçu les Dons,
Pour bien gouverner une Église,
Partout, en un mot, on le prise,
Et l’on sait, au Monarque, gré,
De l’avoir, donc, si bien mitré,
J’allongerais ce beau Chapitre,
Mais plus que pleine est mon Épître.

Lettre du 25 avril 1671, par Mayolas.

-Le roi est parti pour la frontière nord le 26. Il est donc aisé de donner une date précise à cette lettre en fonction de ce que Mayolas déclare en fin de propos.

Votre présence est si charmante,
Que votre départ me tourmente,
Je souhaiterais bien (grand ROI)
D’avoir près de vous quelque emploi,
Qui peut m’obliger à vous suivre,
Puisque sans vous je ne puis vivre :
Mais j’assure que votre Auteur,
Vous suivra d’esprit et de coeur,
Dans la Plaine et près du rivage,
Lorsque vous serez en voyage,
Faisant incessamment des voeux
Pour votre retour bienheureux.

-À la suite de Robinet, Mayolas rapporte la nouvelle concernant le prix que l'Académie française donnera à partir de cette semaine aux orateurs les plus éloquents :

Publions que l’Académie,
(Des belles sciences amie)
Que composent de beaux exprits,
Qui jugent bien des bons Écrits,
Nous offre un prix de l’Éloquence,
Selon le fonds et la finance,
Que le défunt Balzac laissa
Dès le moment qu’il trépassa,
En demi heure de lecture,
Qu’on fera de chaque écriture,
Ou du discours qu’on écrira
Le sujet se terminera.
N’omettons pas dans notre Histoire,
Que le sujet est sur la gloire,
Que les mortels doivent à Dieu,
Et disons encor en ce lieu,
Que les hommes par la pensée
D’une vanité peu sensée,
En paraissent usurpateurs,
N’étant pas ses bons serviteurs.
Assurons que la récompense,
Que l’on offre en cette occurrence,
Doit être d’Or un Crucifix,
Ou bien du moins un Saint Louis,
Qui vaudra, dit-on, trois cents livres,
Et je trouve aussi sur mes livres,
Que jeunes, vieux, petits et grands,
À Paris étant résidents
Seront reçus, quoi qu’il arrive
À cette heureuse tentative,
Pourvu que deux Docteurs,
Qui seront les Approbateurs
De ce pieux et bel ouvrage,
Signent à la fin de la page ;
Et le vingt-cinq du mois d’Août,
Sera le terme jusqu’au bout,
De Juillet le vingt-cinquième,
Conclura l’ouvrage de même,
Et Conrart Conseiller du Roi,
Et Secrétaire, aura l’emploi,
De recevoir avec grand zèle,
Et d’une manière fidèle,
Tous les écrits et les discours
Qu’on composera dans ces jours ;
Avertissons qu’en son absence
On a choisi par prévoyance
Pour recevoir chacun Écrit.
Un Libraire nommé Petit,
L’Académie qui l’exprime
Mieux que je ne fais par ma rime,
Par un Imprimé qu’elle a fait,
Vous expose bien tout le fait.

-Et encore :

À la gloire de mon Monarque,
Dans cet article je remarque,
Et pour certain je vous soutiens,
Que trois Académiciens
De la Française Académie,
(Dont ma Muse est fort bonne amie)
Aux Poètes offrent encor
Un prix qui doit être un Lys d’or,
Au pied duquel on pourra mettre,
(Plus nettement que dans ma Lettre)
Des Lauriers toujours éclatants,
Que ne ternit jamais le temps,
Avec le mot et la devise,
Que l’Académie autorise,
Savoir, À L’IMMORTALITÉ,
Qui va jusqu’à l’Éternité :
Afin qu’à chacun je l’explique,
Ce sera depuis un Distique
Jusques à cent Vers seulement,
Qu’on composera galamment :
Ces Messieurs ne voulant paraître,
Leurs noms ne nous font point connaître
Par un modeste sentiment,
Mais l’Académie y consent.
Le sujet que l’on pourra prendre,
Selon qu’on me l’a fait entendre
Est la défense des Duels,
(Dont souvent les coups sont mortels)
Ou sur le progrès du commerce,
Qui partout maintenant s’exerce,
Par l’ordre et par l’autorité
De notre Auguste Majesté.
Aux conditions déjà dites,
Qui sont un peu plus haut écrites,
Sinon que l’approbation,
Dont mes Vers ont fait mention
De deux Docteurs en cet affaire,
N’est aucunement nécessaire.
Les Poètes les plus accomplis,
Les plus savants, les plus polis
Ont un champ ouvert à la gloire,
Pour remporter cette victoire,
Ou bien pour remporter ce prix
Que l’on présente aux beaux esprits.

-Puis en écho de Robinet, est relayée la nouvelle nomination "épiscopale". Un détail supplémentaire nous est donné : c'est en la ville de Senez que Villeserin officiera. Ainsi :

Je viens d’apprendre ce matin,
Que l’Abbé de Villeserin,
(De qui le nom et la science
Sont connus par toute la France)
Par le ROI beaucoup estimé,
À la Prélature est nommé
De Senez, et son Diocèse
En sera sans doute bien aise,
Puisque ses belles qualités
Éclatent de tous les côtés,
Ses vertus et son grand mérite
Sont bien dignes de cette élite.

-Mayolas évoque ensuite le départ du roi pour le nord du pays et les apprêts, notamment la revue militaire, qu'il a effectués avant cela :

Mon Prince aussi vaillant que sage,
Avant que se mettre en voyage,
A voulu voir avec raison
Les Officiers de sa Maison,
Et toute la Cavalerie :
Il a trouvé sans flatterie,
Tous ses Guerriers bien ajustés,
Avantageusement montés,
Dans un équipage si leste,
Qu’il est certain et manifeste
Que leur mine et que leur éclat
Sont dignes de ce Potentat,
Dont le soin et la vigilance
Secondent la Magnificence.

-Ces nouvelles religieuses sont agrémentés de la relation d'une prise de voile :

Dom Côme, esprit des plus brillants,
Abbé Général des Feuillants,
De Lombez justement Évêque,
(Et très digne d’être Archevêque)
Fit Lundi dernier seulement [Aux Feuillantines.]
La Cérémonie amplement,
À la Procession pieuse
D’une jeune Religieuse. [Mademoiselle Privé.]
François de S. Claude Prieur, [Des Feuillants.]
Fit un Discours plein de ferveur,
Tant sur les vanités du monde,
Que sur l’austérité profonde,
De l’étroite Religion,
Et causa l’admiration,
Aussi l’Assemblée éclatante
En fut parfaitement contente.

[...]

Ces Vers sont partis de chez moi,
La veille du départ du ROI.

Lettre du 25 avril 1671, par Robinet.

-Le départ du roi pour les frontières nord du pays cause une certaine tristesse à notre gazetier :

Clair Phoebus, en vain, tu ramènes
Tes beaux Feux sur notre Horizon,
En vain, dis-je, tu t’y promènes,
Pour y faire revoir la nouvelle Saison.
En vain, par Toi, Flore, et Zéphire
Font, dans leur verdoyant Empire,
Briller la Nuance des Fleurs,
Et, de leurs Chantres à plumages,
De diverses Couleurs,
Ouïr les doux Ramages.

Rien, aujourd’hui, ne peut nous plaire,
LOUIS, notre plus beau Soleil,
Qui, seul, toute la France éclaire,
Nous laisse, en s’éloignant, dans un Deuil nonpareil :
Et ce Héros, son Frère unique,
L’Objet de ma Muse Historique,
Faisant Flandres, avecque Lui,
Je l’en trouve toute confuse,
Et, sur Elle, l’Ennui,
A l’effet de Méduse.

Que le Lecteur, donc, n’en attende
Rien d’agréable, ou d’enjoué,
Dedans la présente Légende,
Ni dont, ni prou, ni peu, je vaille être loué.
Non, tout franc, Lecteur bénévole,
Je le dis, et tiendrai parole,
Sans qu’on en doute, malgré moi,
Ou bien le Hasard favorable,
Contre ce que j’en crois,
Me sera secourable.

-La duchesse d’York est passée dans l’autre monde :

Dans ma Saturnienne humeur,
Débutant en triste Rimeur,
Je choisis dessus ma Tablette,
Non une gaie Historiette,
Mais las ! une importante Mort,
Dont, à Londre [sic], on s’afflige fort.
C’est le Trépas d’une Duchesse,
Qu’on traitait, comme il faut, d’Altesse,
Etant la charmante Moitié,
Bien digne de son amitié,
Du Duc d’York, qui, de sa Perte,
Est comme inconsolable, certe [sic],
Sachant comme elle le charma,
Et combien le Prince l’aima,
Je pense, dans cette Ecriture,
Pouvoir, ainsi, très bien conclure.

Mais la Parque, dans sa Fureur,
Ne va pas consulter le coeur
Ni du Mari, ni de la Femme,
Lorsqu’elle veut rompre la Trame
Que l’Hymen, avec l’Amour fit,
Quand, l’un et l’autre, les unit.

Qu’ainsi, donc, ce Duc se console,
Et sans qu’en vain, il se désole,
Qu’en ses deux Filles, et son Fils,
Qui, de leur amour, sont les Fruits,
Il se refigure [sic] la Mère,
C’est je crois tout ce qu’il peut faire.

Toi, Lecteur, à qui je le dis,
Par un dévot De Profundis,
Demande, à l’Immortel, qu’il fasse
A la Défunte, voir sa Face,
Dans l’Eternel Séjour des Cieux,
S’il est vrai que d’un coeur pieux,
Elle se fût, avec franchise,
Mise au Giron de son Eglise,
Ainsi qu’on me l’a rapporté,
Dont, d’aise, je suis transporté.

-Retour sur monseigneur de Champvallon :

C’est, donc, que Monsieur de Harlay
Le Père, comme un Caton, sage,
S’étant, dessus son arrière âge,
Senti, du Calcul, travaillé,
Fut, l’un des jours derniers, taillé,
Et, malgré sa Vertu Stoïque,
Et, bref, sa constance Héroïque,
En cette occasion, souffrit
Des Douleurs, non pas un petit.

Mais l’Opération fut faite
Avec tant d’heur, par Main adroite,
Et les Suites en vont si bien,
Que, Dieu-merci, l’on n’en craint rien.

-Puis Robinet mentionne un baptême, mais il s'agit de celui d’un musulman :

Aurai-je, du moins, un Chapitre,
À mettre en la présente Epître,
Qui d’infortunes, ne soit pas,
Et ne fasse point dire hélas !
J’en tiens un au collet, sus vite,
Qu’ici ; comme il faut, on le gîte,
Ou qu’on le colloque, Clion.

C’est qu’un des Suppôts de Mahom,
Fut, chez les Nonnes du Calvaire, [Proche le Luxembourg]
Saintement, baptisé, naguère,
Ayant pour Marraine, et Parrain,
Les plus Dévots du Genre Humain,
Dont vous pouvez voir, en la marge,
Les Noms, et Qualités, au large : [Mr le Comte d’Albon, et Mme la Maréchale d’Étampes.]
Et le Père François Sevin,
Possédé de l’Esprit Divin,
Fit, au sujet, quatre Harangues,
En quatre différentes Langues.

-L'ambiance est définitivement à la guerre. Ainsi Colbert a-t-il passé en revue la construction de la flotte (qui attaquera la Hollande ?) :

Colbert, Secrétaire d’Etat,
Grand Serviteur du Potentat,
Et qui le sert d’une manière,
Dont il a louange plénière,
Fut, l’autre jour, à Rochefort,
Voir les Nefs qu’en icelui Port,
En diligence, on fait construire,
Par l’ordre de notre grand Sire,
Visiter les beaux Magasins,
Non de pommes, et de raisins,
Mais de mèches, de plomb, de poudres
Dont Mars fait résonner ses Foudres,
Et des autres Munitions
Qu’aux belliques Occasions,
On emploie, pour l’ordinaire :
Et donner l’ordre nécessaire,
Pour notre naval Armement,
Tel, qu’on peut dire, assurément,
Qu’il est digne de la Puissance
Ou Dieu visible de la France.

Lettre du 1er mai 1671, par Mayolas.

-Mayolas souhaite le retour du roi dont l'absence lui pèse terriblement :

Je suis affligé tellement,
De votre grand éloignement,
Grand ROI, que je ne puis vous dire
Sinon que toujours je soupire ;
Et je fais des vœux chaque jour,
Pour votre heureux et prompt retour.

-Le Clergé se voit encore gratifié d'une nomination : Louis de Thomassin va assister Godeau dans son office à Vence. Ainsi :

L’Abbé Thomassin que j’estime,
Et dont le mérite est sublime,
De l’illustre et fameux Godeau
De qui le génie est fort beau,
Plein de piété, de science
Et très digne Évêque de Vence,
Est nommé son Coadjuteur,
Comme un est grand Prédicateur,
Que son Âme est beaucoup zélée,
Et que dans l’auguste Assemblée,
Digne Assemblée du Clergé,
Il fut très justement rangé,
S’en acquittant avec sagesse,
Avec esprit, avec adresse
Mon ROI tout rempli d’équité,
Lui donne cette dignité,
Méritant bien sans flatterie,
Cette Coadjutorerie.

-Après Robinet, Mayolas fait également le récit de ce baptême d'un homme pris à la religion musulmane. Grâce à lui, nous savons que parmi les langues dans lesquelles a été fait le sermon et dont parlait Robinet, se trouvent l'arabe et le turc !

Disons que le Comte d’Albon,
Dont les vertus ont grand renom,
Et d’Etampes la Maréchale,
Très pieuse et très libérale,
Furent choisis fort justement,
Pour être Parrain et Marraine,
D’un Turc d’Alger, lequel sans peine
Voulut bien être baptisé,
Ayant pleinement embrassé
La Religion Catholique,
Et Romaine et Apostolique ;
Un Religieux Capucin, [Le Père Jean François de Sillé, Supérieur de Ninive.]
Sur cette acte aimable et divin,
Comme sur la Foi du Baptême,
Avec une allégresse extrême
Fit un admirable Sermon, [En Turc, en Arabe et en Français.]
Que tout le monde trouva bon,
Et chez les Filles du Calvaire, [Faubourg St. Germain.]
De qui la vie est très austère,
Cette grande abjuration,
Cette grande conversion,
Cette auguste cérémonie,
Se fit en bonne compagnie.

-Les eaux du médecin Barbereau sont à ce point "miraculeuses" qu'on lui a octroyé un cabinet, dirait-on aujourd'hui, pour recevoir ceux qui veulent en tester l'effet curatif. Selon La Bruyère, tout ceci confère à la charlatanerie mais ce ne semble pas être là l'avis de notre gazetier :

Le grand renom de la bonne eau,
Du rare et discret Barbereau,
Paraît avec tant d’excellence,
Dans la Capitale de France,
Et dans les lieux circonvoisins,
Que Provinciaux et Citadins,
Chez lui viennent toujours en foule,
Pour prendre de cette eau qui coule,
Dans sa maison et jour et nuit, [Au Collège des Nations.]
Dont le public reçoit grand fruit,
Outre les cures admirables,
Surprenantes et remarquables,
Que chacun peut voir aujourd’hui,
Dans un Livre qu’on voit chez lui,
Il en a fait une naguères,
Et des plus extraordinaires :
Pour vous conter tout ric-à-ric.
Vous saurez que Noël Dornic,
Très modeste Ecclésiastique,
Dont la voix était Angélique,
Ne chantait plus depuis trois mois,
Ayant perdu toute sa voix,
Sentant grand douleur de poitrine,
Comme on connaissait à sa mine,
Et ne faisant que soupirer,
Ne pouvait presque respirer ;
Disant que cette maladie,
Qui semblait menacer sa vie,
Venait d’avoir deux fois été,
D’un méchant poison maltraité ;
Dans cet accident lamentable,
On croyait ce mal incurable :
Ayant pris trois verres de l’eau,
Du sage et fameux Barbereau,
Du mois de Mars le jour sixième, [L’an 1671.]
Il se trouva dès le septième,
Dans un si grand soulagement,
Dans un si grand dégagement,
Que sa voix flattant les oreilles,
Raisonna bientôt à merveilles,
Et ne pouvant soirs et matins
Chanter les Offices divins,
Après cette prise admirable,
Il chanta d’un ton agréable,
Dont plusieurs Prêtres ses amis,
Furent joyeusement surpris,
Ainsi que toute l’assistance,
Qui lors lui donnait audience :
Étant dans un si bon état,
Il donna son Certificat,
Pour lui marquer sa gratitude,
Chez un Notaire en son étude,
Lebert et Poulavec aussi,
Signant ce que j’ai mis ici,
Leur signature et caractère,
Autorisent bien cette affaire,
Un Seigneur plein de Piété, [M. le Duc Mazarin]
Et de très haute qualité,
Étant tout à fait charitable,
Lui donne un lieu très favorable,
Un spacieux département, [Au Collège des Nations.]
Un grand et vaste logement,
Pour distribuer ses remèdes,
Sans user d’aucun intermèdes
Aux pauvres singulièrement,
Comme au public pareillement,
Qui va boire la tasse pleine,
De cette eau agréable et saine,
De tous maux en toute saison,
Elle promet la guérison,
Et le sang surtout purifie ;
Elle entretient et fortifie,
L’embonpoint comme la santé,
Ôtant la superfluidité ;
Fièvre, Colique, Hydropisie,
Et même la Paralysie,
Se dissipent entièrement,
Recevant du soulagement ;
La pierre qu’il a inventée,
Très petite, étant infusée,
Communique en un impromptu,
À l’eau, sa force et sa vertu :
Sans doute on en boira maint verre,
Tant sur la mer que sur la terre,
Puisque son application,
Et sa nouvelle invention,
Par son art incompréhensible,
La rend partout incorruptible,
Et l’on peut la porter bien loin,
Selon qu’il en est de besoin,
Je suis témoin que pour sa gloire,
Chez lui force monde en va boire,
Des gens illustres et pieux,
En ont des fontaines chez eux,
Dont ils boivent de bonne grâce,
Et maint grand verre et mainte tasse :
Mais pour mieux encor confirmer,
Cette eau que l’on doit estimer,
Et ses remèdes insipides,
(Dont les effets sont très solides)
Qu’il a tiré par ses travaux,
Des végétaux, des minéraux,
Le Puissant Monarque de France,
Lui permet par une Ordonnance,
De faire vendre et débiter,
De donner, de distribuer,
Dans tous les lieux de son Empire,
Tout ce que je viens de vous dire,
Et défends très expressément,
(Ainsi que légitimement)
À tout autre que l’on n’en vende,
Sur peine d’une grosse amende.

-Un Théatin est passé de vie à trépas :

Hier fidèlement j’appris,
D’un de mes intimes amis,
Qu’un Théatin nommé Dom Ange,
Est mort à Paris comme un Ange,
Ayant été Supérieur,
Il fit sa charge avec candeur,
Dans le Couvent de cette Ville,
Où les vertus ont leur asile ;
On m’a dit que c’est le premier,
Lequel est mort en ce quartier,
Depuis que ces Révérends Pères,
Ont en France des Monastères.

-Où l'on revient sur le voyage du roi :

Partout où passe mon Grand ROI,
On le reçoit en bel arroi,
Avecque la réjouissance,
Que produit partout sa présence.

Toutes ces rimes j’ai formé
Le premier jour du mois de Mai.

Lettre du 2 mai 1671, par Robinet.

-L’absence de la Cour et des Grands n'est pas aisée à supporter non plus pour Robinet :

Encor que la Cour soit absente,
Et que, dans son Éloignement,
Ma Musette soit languissante,
Et n’opère que faiblement,
Encor que Philippe de France,
Que ce Héros plein d’excellence,
Son principal Objet, soit, de même, éclipsé,
Et que, sans son Aspect, qui me charme, et m’anime,
J’ai l’Espoir tout cacochime,
Et, dans la Matière, enfoncé.

Las ! si faut-il, vaille que vaille,
Griffonner, et vérifier,
Las ! si faut-il que je travaille
Pour entretenir le Métier.
J’ai des Lecteurs, et des Lectrices,
Qui, parfois, charmés de Caprices
Qu’en mes Narrations, ça, delà, je fais voir,
Ne sauraient, s’en passer, le bon jour du Dimanche,
Non plus que de Chemise blanche,
Sus, faisons, donc, pour eux, notre petit pouvoir.

-Lors de la grande fête donnée par Condé pour le roi et la Cour lors de l'étape royale faite à Chantilly durant le voyage vers le "front" nord (fête qui fut l'occasion de la mort tragique de Vatel), fut changé le 2e intermède de Psyché (http://moliere.paris-sorbonne.fr/base.php?Divertissement_%C3%A0_Chantilly_et_%C3%A0_Dunkerque%2C_1671).

La belle Déesse, nommée,
Partout, Madame Renommée,
Ne fait, aujourd’hui, mention
Que de la jubilation,
Ou, pour mieux dire, de la Fête
Qui, pour leurs Majestés, s’est faite,
À Chantilly, pendant trois jours :
Et je ne saurais donner cours,
Comme je pense, à mon Épître,
Par un plus ravissant Chapitre.

Les Parcs, les Jardins, les Forêts,
Abondaient, en riant Attraits,
À l’envi, les vertes Dryades,
À l’envi, les claires Naïades,
À l’envi, Flore, et les Zéphirs,
Y produisaient leurs chers Plaisirs.
À l’envi, l’Art, et la Nature,
Dans cette aimable Conjoncture,
Faisaient voir leur charmants Accords
Dans les Dedans, et les Dehors
De ce beau Palais de Plaisance :
Où régnait la Magnificence
Des superbes Ameublements,
En chacun des Appartements.

Sous de très artistes Feuillées,
Des plus belles Fleurs, émaillées,
Et formant des Berceaux tout verts,
Les Collations, les Concerts,
Des Eaux, le chatouillant murmure,
Leur chute en diverse figure,
La Lumière, et l’Ombre assemblés
Le Chant des Choristes ailés,
Le Parfum des jeunes Fleurettes,
Les Voix, les Hautbois, les Musettes,
Par leurs mélanges ravissants,
Ensemble, enchantaient les cinq Sens.

Sans que la vérité j’élude,
Tout cela fit le grand Prélude,
Le premier soir, d’un Souper tel
Que, même, au Séjour immortel,
Jamais, Jupin, et sa Cohorte,
N’ont banqueté de cette sorte.

Après si splendide Repas
Toute l’illustre Compagnie,
Avec une joie infinie,
Croyait aller, fort à propos,
De la Nuit, prendre le Repos ;
Mais elle fut, beaucoup, surprise,
Et pensa, lors, s’être méprise,
Apercevant, en ses Atours,
L’Aurore, avecque douze Amours,
Qui venait ouvrir la Barrière
Au brillant Dieu de la Lumière,
Vulgairement, nommé Soleil.
Lequel, en superbe Appareil,
À se découvrir, ne mit guère,
Accompagné, dans sa Carrière,
Des Heures, qui durant son Cours,
Avecque lui, règlent les Jours.

Ledit Soleil, et cette Aurore
Qui, de la Nuit, au teint de More,
Bornait la Course, en son milieu,
Étaient les Machines d’un Feu
De qui les grands Effets charmèrent
Plus de deux heures, qu’ils durèrent,
Sur un vaste et large Canal,
Si bien que rien n’est plus royal.

Le lendemain, hors des Alcôves,
On fit la guerre aux Bêtes fauves,
Et maintes, par la Loi du Sort,
Reçurent une heureuse mort,
En la recevant, aux yeux, mêmes,
De nos chers Porte-Diadèmes,
Et par les Mains pleines d’Appas,
(Ô Dieux ! le précieux Trépas !)
De je ne sais combien de Belles
À qui les coeurs les plus rebelles,
S’offrent, en foule, chaque jour,
En nobles Victimes d’Amour.

La Collation fut servie,
Ensuite, au Palais de Sylvie,
Palais fort mignon, fort galant,
Et qu’on dirait tout ressemblant
À celui que, dans son beau style,
A si bien bâti Théophile,
À Sylvie, aussi, consacré.
Mais quoi ! pour belle qu’à son gré,
Ait pu ladite Sylvie, être,
Je crois qu’on en vit là, paraître
Plus d’une qui la valait bien
Et ne lui céderait en rien.

Or le susdit nouveau Régale [sic]
Se fit dans une belle Salle,
Ouverte de tous les côtés,
Pour laisser, aux yeux enchantés,
Voir les Cabinets de verdure,
Et la brillante Bigarrure
Des Fleurs qui, dans toute Saison,
Ceignent cette belle Maison,
Où, donc, sans excès de Louanges,
Comme l’on dit, tout rit aux Anges.

Le Souper, en son ordre vint,
Où rien ne parut de succinct.
Le lendemain, tout fut de même,
Et la Chère, enfin, fut extrême.
Tout alla d’égale façon,
Aux Repas de Chair, et Poisson ;
Si qu’on eût dit, sans menterie,
Si qu’on eût dit, sans flatterie,
Qu’on avait épuisé la Mer,
Les Rivières, la Terre, l’Air,
Pour servir, sur soixante tables,
Leurs Tributs les plus délectables.

J’aurais tort, ici, d’oublier
Ce qu’il faut, encor, publier,
Que toute la Suite, et Séquelle,
Dont longue était la Kyrielle,
Tant des Hommes, que des Chevaux,
Et de tous autres Bestiaux
Qui composaient les Equipages,
Furent dans les prochains Villages,
D’un bout, à l’autre, défrayés,
Et, comme il faut, rassasiés.
Telle Dépense n’est pas mince,
Mais elle est faite par un Prince
Magnifique autant que vaillant,
Soit Défendant, soit Assaillant,
Par le grand Condé, c’est tout dire,
Et, qui plus est, pour notre Sire.

C’est, par Épitomé, conter,
Et, grosso modo, rapporter,
Ce qu’une Plume délicate,
Qui, très galamment, se dilate,
En écrit, en termes charmants,
Plus, mille fois, que des Romans,
À cette Comtesse admirable,
Et de mérite inénarrable,
Savoir l’Illustre De Brégy,
Par qui l’on voit, presque, régi,
Tout le célèbre Mont Parnasse.
Ah ! que pouvoir, avecque grâce,
De vive voix, et par écrit,
Entretenir ce bel Esprit,
Est un Plaisir rempli de charmes !
Mais las ! j’en jure par mes Carmes,
Il faut, pour cet Heureux honneur,
Bien des Talents, et du Bonheur,
Et tel en voudrait Audience,
Qu’il ne l’a pas, en conscience.
Mais retournant au Rélateur
Qui, d’un style, certe [sic], enchanteur,
Lui fait, dans sa belle Ecriture,
Le Récit, comme en Miniature,
Du grand Cadeau de Chantilly,
Je ne sais si j’aurais failli,
Quand, pour conclure ce Chapitre,
Qui prédomine en mon Epître,
J’oserais décliner son Nom ?
Je me persuade que non,
Et dût-il improuver la Chose,
Sans faire une plus longue glose,
En cet Endroit, silence à part,
Je nommerai Monsieur Guichard,
De mon grand Héros, Ordinaire,
Mais de mérite extraordinaire.

-C’est au nord de l’Oise actuelle que la cour s’est ensuite déplacée après Chantilly :

Quittant Chantilly, notre Cour
Alla gîter à Liancour [sic],
Autre Séjour plein de merveilles
Pour les yeux, et pour les Oreilles,
Par ses Jardins délicieux,
Par ses Jets d’eau harmonieux,
Par ses Univers, par ses Cascades,
Ses Pauvres, ses Palissades,
Et les riches Ameublements,
De grand nombre d’Appartements
Dont le digne Propriétaire
Est, de Piété, l’Exemplaire.

-Le roi et les siens marchent vers le nord du pays :

Or de ce Lieu, leurs Majestés,
Avec Monsieur, à leurs Côtés,
Et, de Dombes, la Souveraine,
Proche Parente de la Reine,
Riche en Vertus, ainsi qu’en Biens,
Ont été visiter Amiens,
Et, sortant de ladite Ville,
Pris leur route vers Abbeville :
Poursuivant, ainsi, gaiement,
Leur Voyage au Pays Flamand ;
Avec une si longue Queue
Qu’elle occupe plus d’une lieue,
Si qu’on ne peut voir Souverain,
Se promener avec tel Train,
Sans compter les Troupes Guerrières,
Des plus nombreuses, et plus fières,
Dont la Marche, en très bel arroi,
Semble, partout, semer l’effroi,
Et tenir, toujours, en cervelle,
Ceux de La Haye, et de Bruxelle [sic].
Mais, passons à d’autres Sujet,
Les uns tristes, les autres gais.

-Parmi les sujet tristes, précisément, figure la mort de Trivelin :

La Parque, souvent, trop cruelle,
Ô justes Cieux ! quelle nouvelle ?
Par un tour traître, et fort vilain,
Nous vient d’enlever Trivelin,
Qui, dedans la Troupe Italique,
Etait un si charmant Comique.

Elle a fait ce tour, par dépit
Comme je croix ; de maint Répit
Qu’il fallait que la Mauricaude,
Qui ne veut pas que l’on la fraude,
Accordât, sans nul doute, à ceux
Qui voyaient ce Facétieux,
Lequel, leur inspirant la joie,
Lui ravissait, ainsi sa proie.

Ô vous qu’il a fait vivre, ainsi,
Daignez, donc, en lisant ceci,
Faire, pour lui, quelque Prière,
C’est le moins que vous puissiez faire,
Et, pour moi, sans plus caqueter,
Je m’en vais, prestement dater.

Lettre du 9 mai 1671, par Robinet.

-Le devoir du gazetier se laisse formuler en ces termes par notre cher Robinet :

Qu’il fasse froid, qu’il fasse chaud,
Que j’aie l’Âme triste, ou gaie,
Que le Travail, ou non, m’effraie,
Je sais qu’au Lecteur, il n’en chaut.
Qu’il me faille aller en visite,
Chez Aminthe, ou bien chez Carite,
Je sais que tout cela ne le regarde point.
Que les charmantes Tuileries,
Me pressent d’aller voir leurs beautés si fleuries,
Je sais, qu’encor, pour lui, ce n’est pas là le point.

Enfin, qu’un autre des Plaisirs
Lesquels me charment davantage,
À le suivre, aujourd’hui, m’engage,
Et ravisse, à lui, mes Désirs.
Le Lecteur le plus bénévole,
Veut que je joue un autre rôle,
Et, faisant, en un mot, ainsi que de coutume,
Pour l’ébaudir demain, rimons tout aujourd’hui.

-La pièce de Claude Boyer, l’Atalante, est donnée à voir sur la scène de l'Hôtel de Bourgogne :

Après cette Entrée, ou début,
Qui n’est pas digne de rebut,
Jasons un peu, de l’Atalante,
De cette Pièce si galante,
Qu’au grand Théâtre Bourguignon
Boyer, Auteur de grand Renom,
Et d’une si fertile Veine,
Expose, depuis la Huitaine.

Qui, dans la Fable, a mis le nez,
S’il n’a des talents fort bornés,
Sait tout le Sujet, et de reste.
Savoir qu’un Oracle céleste,
À cette Belle, ayant prédit
Que le Dieu d’Hymen qui remplit
Les Voeux de mainte Créature,
Lui causerait male Aventure,
Au lieu des Plaisirs les plus doux,
En cas qu’elle prit un Epoux,
Elle s’avisa, pour resource,
De n’en prendre aucun qu’à la Course,
Où le Vaincu devait mourir,
Sûre qu’elle était, de courir,
Pour sa souplesse, sans seconde,
Mieux que tous les Hommes du Monde :
Mais que, plusieurs péris, ainsi,
Pour cette Beauté sans merci,
Hypomène, entrant dans la Lice,
La sut vaincre par artifice,
En faisant rouler sur ses pas,
Trois Lingots d’or qui la charmènent,
Et, presque, tout court, l’arrêtèrent,
Par leur bel éclat décevant,
Si qu’Hypomène eût le Devant,
Par sa ruse des plus heureuses,
De la plus grande des Coureuses.

C’est toute l’Histoire, en deux mots,
Et, dans prêcher sur les Lingots,
Sans dire ici, que c’est l’amorce
Dont, encor, tous les jours, l’on force
Les Atalantes de ce Temps,
À rendre leurs Amants contents,
Qui leur plaisent par telle ruse,
Je dis que l’avis de ma Muse,
Est que Boyer a, tout à fait,
Bien ajusté ledit Sujet,
Que l’on y trouve des manières
D’aimer, et haïr, singulières,
Des Caractères tout nouveaux,
Fort bien soutenus, et fort beaux,
Maintes Tirades admirables,
Plusieurs Scènes incomparables,
Tout pleine de Brillants, beaucoup d’Art,
De sorte qu’à parler sans fard,
C’est la plus agréable chose
Que Boyer, depuis qu’il compose,
Ait, sur le Théâtre, fait voir,
Et je ne saurais concevoir
Comme, à ce Chef d’oeuvre, le Monde
De toutes les deux Sexes, n’abonde.

Je me tais, ici, des Concerts,
Des charmants Récits, des beaux Airs,
Composés par le plus rare Homme, [M. M]
Qui soit de Paris, jusqu’à Rome ;
Et, bref, de tous les agréments,
Qui font les assaissonnements
De cette Pièce si mignonne,
Qui, certes, en beautés, foisonne.

Mais je serais un franc Thibaut,
Si, de la belle Dennebaut,
Je n’écrivais pas quelques Lignes
Lesquelles en soient un peu dignes :
Remarquant qu’illec, ses Attraits
Font, je vous l’assure, florès,
En représentant Atalante,
Las ! d’une façon si charmante,
Qu’en dût-on, mille fois, mourir,
On serait tout prêt de courir,
Dans l’aimable Lice, avec elle,
Ma croyance, du moins, est telle.

Le moderne Hypomène, Ici,
Champmeslé, remplit bien, aussi,
Son Rôle, de toute manière :
Et je crois que, dans la Carrière,
Il pourrait ne demeurer point,
Quoi qu’il ait assez d’embonpoint.
Sa Femme, un tant soi peu, moins pleine,
Fait, dans la Pièce, une Climène,
Avec tant de grâce, et d’appas,
Qu’à chaque mot, à chaque pas,
Quoi qu’elle puisse faire, ou dire,
La mignarde Brune on admire.

Certain Hydas est son Amant,
Représenté, pareillement,
De très bon air, par Hauteroche :
Et, pour n’avoir aucun reproche,
J’ajoute que chacun d’iceux,
Est, de pied en cap, mis des mieux,
Id est, de façon fort brillante,
Tout de même, que fort galante,
Ainsi que la Fleur, illec, Roi
Tenant très bien son Quant à soi,
Et Confident, et Confidentes,
Ce sont toutes choses constantes :
Mais, Lecteur, demain, allez-y,
Et vous verrez si vrai je dis.

-Pour ces hommes qui se font un devoir de narrer, par le menu, les beautés humaines qu'ils rencontrent dans telle ou telle fête de cour, la petite vérole représente la somme de toutes les peurs :

Par une bien disante Lettre,
Qu’en mes mains, l’on vient de transmettre
De la part d’un galant Esprit,
Lequel, de notre Cour, m’écrit
Obligeamment, ce qui se passe,
Dont, humblement, je lui rends grâce,
J’apprends que les jeunes Beautés
Qui suivent nos deux Majestés,
De tous les Peuples, les bien Aimées,
Ont été beaucoup allarmées,
Sur un Bruit qui courait, mais faux,
Que ce Mal qui, de tous les Maux,
Fait le plus craindre ses ravages
Aux beaux et délicats Visages,
Ses Hostilités exerçait
Dans Boulogne, où l’on s’avançait.

C’eût été très fâcheuse chose,
Que leurs Teints de Lys, et de Rose,
Eussent rencontré ce Fléau,
Qui, du plus aimable Museau,
Fait, par sa vilaine Réforme,
Un Objet maussade et difforme.
Ah ! que les obligeants Amours
De qui la Troupe suit, toujours,
Inséparablement, ces Belles,
Les couvrent, partout, de leurs Ailes,
Et de tout encombre, et danger,
Prennent soin de les dégager !

Qu’ils gardent, même, leur visière,
De la fatigante poussière
Qui vole là, sur le chemin,
Et qu’ils les fassent voir, enfin,
Toujours, fraîches comme des Flores,
Et belles comme des Aurores,
Afin que, selon leurs Désirs,
Les Céphales, et les Zéphirs,
Soient, toujours, leurs humbles Esclaves,
Et se plaisent dans leurs Entraves,
Car, sans Appas, point de Conteurs,
Sans Appas, point d’Adorateurs.

-La cour progresse toujours plus dans le nord. Gravelines, puis Dunkerque sont atteints. Ainsi :

Leurs Majestés, à Gravelines,
Ville féconde en Avelines,
Ou qui devrait l’être, vraiment, afin qu’ainsi, commodément,
Et richement, rimer j’y pusse,
Sans qu’à mentir, contraint je fusse,
Leurs Majestés, dis-je, ont été,
De Boulogne, en cette Cité,
Faire, je pense, au plus, un Gîte,
Allant, dans leur Traite, assez vite,
Et, de là, passé, tout soudain,
À Dunkerque, le lendemain :
Ces Souverains dignes d’hommage,
Ayant, partout, à leur passage,
Comblé de joie, leurs Sujets,
Tous, de les voir, ravis, et gais,
Comme nous sommes, pour exemple,
Quand notre œil, ici, les contemple.

-Où il est toujours question des querelles internes à l’Empire ottoman et à la famille régnante :

De la Sultane, et de son Fils,
Les Démêlés sont assoupis,
Ou le doivent, promptement, être.

Je fonde ceci sur la Lettre
D’un naturel Vénitien,
Qui, déjà, de Date ancien,
Entre autres nouvelletés, porte
Que des Ministres de la Porte,
Dont les Soins n’étaient point suspects,
Travaillaient si bien à leur Paix,
Qu’on la tenait Affaire faite.

Mais ce n’est pas ce que je souhaite
Le Sicilien, le Maltais,
Le Tudesque, et le Polonais :
Car ladite Paix, sur leur Terre,
Pourrait bien produire la Guerre.

On ajoute que le Sultan,
Pour un Mal où rien l’on n’entend,
Dont il a grand’ mélancolie,
Va voir les Bains en Natolie,
Pendant l’Estivale Saison,
Y croyant toucher guérison :
Et que là, ledit Turcain Sire,
Désire faire circoncire
L’Aîné de plusieurs Fils qu’il a,
Et qu’il fera beau voir cela.

-Le dur métier de gazetier :

Mais j’étends les bras, et je baille,
Ah ! c’est, aussi, trop de rimaille,
Je suis fatigué d’être assis,
Depuis des heures, cinq, ou six ;
Sans, donc, pour meshui [sic], plus écrire,
Datons, puis allons un peu rire
Chez ces facétieux Chrétiens,
Les Comiques Italiens.

Lettre de la mi-mai 1671, par Mayolas.

-Mayolas rapporte à son tour la présence de la cour à Dunkerque :

Encor que vous soyez absent,
Sans cesse vous m’êtes présent,
Monarque aussi puissant que sage,
Puisque durant votre voyage,
Chacun vous va voir gaiement,
Pour vous faire son compliment,
Souffrez que ma Muse galante,
À Dunkerque vous complimente,
Et vous assure près et loin,
De ses respects et de son soin.

-Le prédécesseur de Nointel dans l'Empire ottoman est de retour auprès du roi : il s'agit de Denis de la Haye. Il a connu des temps difficiles à Istanbul puisqu'il était aux affaires pendant la guerre de Candie, alors que les armées françaises intervenaient pour la première fois de manière officielle contre les troupes du sultan (voir notamment, Von Hammer Pugstall, Histoire de l'Empire ottoman..., Paris, 1842, volume 3, p. 112 notamment).

Je vous écris d’une humeur gaye,
Comme l’excellent de la Haye,
Mercredi dernier vint ici
Et son illustre Épouse aussi,
Cet Ambassadeur d’importance,
Pour la gloire de notre France
Et pour les intérêts du Roi,
Montre tant de zèle et de foi,
Faisant avec beaucoup d’adresse,
Sa charge auprès de sa Hautesse,
Que je ne doute nullement,
Que mon Roi très juste et charmant,
Ne l’accueille d’un air aimable,
Et d’une façon favorable,
De même que toute la Cour,
Apprenant son heureux retour.

-Un membre de la famille du récemment nommé archevêque de Paris s'est uni à une jeune femme d'une tout aussi respectable maison :

Parlons dans cette même page,
D’un illustre et beau mariage,
Et chantons sur le plus haut ton,
Que le Marquis de Chanvalon [sic],
Digne fils d’un illustre père,
Que j’estime et que je révère,
Neveu du Prélat de Paris,
Dont tout le monde sait le prix,
A pris pour Épouse fidèle,
Une aimable et riche Donzelle,
Dont les vertus ont grand renom,
Et d’Auterive est son beau nom,
Cette Auguste cérémonie,
Se fit en bonne compagnie,
Et les amis et les parents,
Qui sont tous des plus apparents ;
Montrèrent en cette journée,
De ce glorieux Hyménée,
Un extrême contentement,
Comme je fais présentemen,
Un Curé très considérable, [de Saint Gervais.]
Par ses qualités remarquable,
Les ayant unis pour certain,
Ils le sont d’une bonne main ;
C’est sans doute un heureux présage,
Du bonheur de leur mariage,
Mais avant de finir enfin,
Disons qu’un superbe festin,
Fait avec autant de largesse,
Que d’éclat et de politesse,
Suivit cet Hymen précieux
Aussi ravissant que pompeux,
De quoi l’Assemblée éclatante,
Parut entièrement contente.

-D'autres nouvelles du royal déplacement dans le nord du royaume :

Les Gouverneurs les Magistrats,
Les Députés de maints États,
Vont saluer mon grand Monarque ;
Et c’est une notable marque,
De la grande estime qu’on fait,
D’un Roi si sage et si parfait,
De qui la Royale présence,
Excite la réjouissance ;
Vous avez su qu’à Chantilly,
Ce Monarque très accompli,
Fut régalé d’une manière,
Si splendide et particulière,
Que la viande et le poisson,
Y furent servis à foison,
Avec tant de délicatesse,
De galanterie et d’adresse,
Qu’on ne peut rien voir de pareil ;
À ce magnifique appareil,
Un surprenant feu d’artifice,
Y fit si bien son exercice,
Qu’il surprit le cœur et les yeux,
Des spectateurs plus curieux :
Outre cela, ma muse trace,
Qu’on eut le plaisir de la chasse,
Et que des cerfs en quantité,
Y perdirent la liberté,
Ou bien pour mieux dire la vie ;
Et dans le palais de Sylvie,
Une belle collation,
Avec grande profusion,
Fut donnée avec politesse,
À maint chasseur et chasseresse,
Au ROI, comme à toute la Cour,
Charmés de ce riant séjour :
N’oublions pas que les oreilles,
Furent flattées à merveilles,
Par les voix et les instruments,
Dont les concerts étaient charmants ;
De sorte qu’après cette Fête,
Qu’en peu de Vers je vous apprête,
Digne de ceux qu’on régalait,
Et de celui qui les traitait,
La Cour continua sa marche,
Mais ayant passé par Luzarche,
Molé très fameux Président,
Pour servir le ROI fort ardent,
Avec Noblesse et populace,
Fut saluer de bonne grâce
Leurs Majestés dont les regards,
Jettent l’amour de toutes parts,
Et causent dans l’âme du monde,
Une allégresse sans seconde ;
Étant venus à Liancourt,
(Où l’eau agréablement court),
Ils y prirent la promenade,
Divertis par mainte cascade,
Viviers, fontaines, et bassins,
Très fertiles dans ces jardins,
Qui rendent beaucoup agréable,
Ce Château fort considérable ;
Le Maréchal de Bellefonds, [Premier Maître d’Hôtel du Roi.]
(Dont les mérites sont profonds)
Présenta d’abord à la REINE,
(Pieuse et belle Souveraine)
Une grande collation,
On y servit sans fiction,
Confitures sèches, liquides,
Des fruits nouveaux, des plus solides,
Après ce rafraîchissement,
Elle prit son appartement,
Ainsi que mon Monarque Auguste,
Qui n’est pas moins brave que Juste,
En poursuivant ses entretiens,
Le ROI se rendit dans Amiens,
Le Duc d’Elbeuf de bonne sorte,
Lui porta les clefs à la porte,
Accompagné du Magistrat,
Et mon insigne Potentat,
À l’Evêché prit sa demeure,
Là, sans doute il reçut sur l’heure,
Plusieurs agréables présents,
Ainsi que divers compliments ;
Leurs Majestés qu’ils admirèrent,
Sur le soir en public soupèrent,
Pour augmenter la gaité,
Remplir la curiosité,
Et satisfaire le grand zèle,
D’un peuple soumis et fidèle,
Qui toujours a fait son devoir,
Et qui souhaitait de les voir,
Mais pour abréger ma besogne,
Assurons qu’allant à Boulogne ;
Le Duc d’Aumont (en bel arroi),
Fut au devant de mon grand ROI,
Lui offrant les clefs à la porte,
De cette place bonne et forte,
Dans tous les lieux et les endroits,
Chacun criait à haute voix,
Vive le ROI, vive la REINE,
Et l’on le peut croire sans peine,
Car ce sont nos communs souhaits ;
Montreuil, Abbeville, Calais,
Et Gravelines, et Dunkuerque,
A qui rime bien Albuquerque,
Ont témoigné publiquement,
La joie et le contentement,
Que leur favorable présence,
Communique à toute la France.

-Une petite anecdote sur les Espagnols :

La soif m’ayant mis presque à sec,
J’allais pour boire du Sorbec,
Ainsi que de la limonade,
Au retour de la promenade,
Du beau jardin de Luxembourg,
D’où je venais de faire un tour,
Chez un Espagnol honnête homme,
Que pour son adresse on renomme ;
Dans sa boutique il a des vins,
Et des meilleurs et des plus fins,
Tant d’Espagne que d’Italie,
Sans que point il les falsifie :
Il a d’ailleurs d’excellente eau,
Pour l’estomac, pour le cerveau,
Des liqueur fort délicieuses,
Agréables et merveilleuses,
Qui réjouissent bien le coeur,
Par leur force et par leur douceur ;
Outre cela sans qu’on le flatte,
Il a d’une admirable pâte,
Qui blanchit la main et le bras,
De qui tout le monde fait cas,
Pour les bals et pour les régales [sic],
Il a des liqueurs sans égales,
Dont il peut fournir en tout temps,
Automne, Hiver, Eté, Printemps,
Sa rare Boutique est voisine,
De la grande Porte Dauphine,
Où tous les passants non communs,
Sont attirés par les parfums,
De ses senteurs pleines de charmes,
A l’enseigne des belles Armes.

Cet Ouvrage vous est offert,
Au milieu du mois le plus vert.

Lettre du 16 mai 1671, par Robinet.

-Le samedi est un jour de labeur pour Robinet : c'est, comme nous le savons, son jour de rédaction dans la semaine.

Il est, aujourd’hui, Samedi,
À ce mot, loin d’être ébaudi,
Et d’avoir le cœur fort alerte,
Tout stupéfait, je me vois, certe [sic].
Le Carême, et les Quatre-Temps
Donnaient moins de Frayeurs aux Sens,
L’Hiver cause moins de Roupies,
La Soif produit moins de Pépies,
L’Été fait naître moins de Fleurs,
Ces Fleurs montrent moins de Couleurs,
Un vieux Singe a moins de Malices,
Les Convents ont moins de Cilices,
Les Vignes ont moins de Raisons,
Un Chapelet moins de Dizains,
La Mer moins d’Écueils, et d’Orages,
L’Amour moins de Sujets volages,
Un Riche avare, moins d’Écus,
Tout l’Univers moins de Cocus,
La Guerre, en un mot, moins d’Alarmes,
Et Vénus, même, moins de Charmes,
Que, vrai, comme je vous le dis,
Le susdit jour de Samedi,
Ne me cause d’inquiétudes.
Non par pour ce que mes Préludes,
Ni ces Chapitres six, ou sept,
Que ma Muse, en mes Lettres, met,
Me coûtent sueurs, ni grimaces,
Car, dont, à Phoebus, je rends grâces,
Je vais ces petits Impromptu,
Aidé de sa belle vertu,
Sans que je m’en hausse, ni baisse.
Non pas, aussi, que la Paresse,
Le Jeu, le Divertissement,
M’embarrassent aucunement,
Quoi qu’ils aient, sur moi, quelque empire.
Mais c’est, hélas, dont je soupire,
Que je crains ces mauvais Lutins
Qu’on nomme les Observantins,
Ces Critiqueurs à toute outrance,
(Quoi que, plusieurs, pleins d’ignorance)
Qui censurent, aujourd’hui, tout,
Et, sans pitié, de bout en bout,
Désolent les plus beaux Ouvrages,
Car, en effet, si ces mal sages
Déchirent les Chefs-d’œuvres, ainsi,
Que ne feront-ils point, aussi,
Sur le Chapitre de mes Rimes,
Qui sont de l’Ordre des Minimes,
Et que, sans relimer, jamais,
À course de Plume, je fais,
N’affectant qu’une Narrative
Toute simple et toute naïve ?

Mais que dis-je ? ah ! que je suis bon,
Moi les craindre ? non, ma foi, non,
Je viens de parler Paradoxe,
Sans avoir rien dit d’Orthodoxe,
Et je voulais, pour varier,
Ainsi, ma Lettre initier.

Las ! ces Gens, soi-disant, Puristes,
Plus que pas uns, sont impuristes,
Et le sont de telle façon,
Qu’on devrait leur faire Leçon,
La Férule à la main, encore.
Mais, un peu trop loin, je m’essore.
Et ne songe pas, cher Lecteur,
Qu’en ce Jour, je suis Relateur [sic],
Et non Critique des Critiques,
Or, sus, commençons, donc, nos Rimes historiques.

-Mais que fait donc la cour à Dunkerque ?

Primo, discourons de la Cour,
De qui Dunkerque est le Séjour,
Je ne puis, par plus beau Chapitre,
Débuter en la mienne Épître.

Les Dames y passent le Temps,
Comme Messieurs les Courtisans,
Ainsi qu’à Saint Germain en Laye,
Entretenant leur humeur gaie,
Avec les Jeux, et les Amours,
Qui les accompagnent toujours.
Notre illustre, et charmante Reine,
En tous les Couvents, se promène,
Et signalé sa Piété,
De rare Exemple, en vérité.
Pour notre merveilleux Monarque,
À la conduite de sa Barque
Appliquant ses soins, en tous Lieux,
Avec ce succès glorieux,
Qui le rend par toute la Terre,
Le plus Grand des Roi qu’elle enserre,
Il vaque, sans cesse, à Cheval,
Aimant le Métier Martial,
À faire exercer ses Cohortes,
Des plus lestes, et des plus fortes,
Et, laissant sous autres ébats,
A voir travailler les Soldats,
Aux Ouvrages de cette Place,
Tels que, même, le Dieu de Thrace,
Ferait d’inutiles Apprêts,
Pour attaque Dunkerque, après,
Car, certe [sic], il n’y pourrait que faire,
Comme on die, de l’eau toute claire.

Monsieur, mon illustre Héros,
Si digne de Gloire, et de Los,
Et qu’en toutes parts, on admire,
Accompagne ledit Grand Sire,
Dedans tous ces beaux Soins guerriers,
Les deux Pieds dans les Etriers,
Sans relâche, et sans intervalle.
Cette belle Altesse Royale
Refuse, même, à sa Santé,
Ainsi qu’on me l’a rapporté,
Le Soin qui serait nécessaire,
Quoi que puisse lui dire, et faire,
Monsieur Esprit, son Médecin :
Qui craint qu’avec raison, enfin,
Cette Santé ne se dégrade,
Et que ce Prince soit malade,
Ce que, toutefois, le Ciel gard [sic],
Et je l’en conjure, sans fard.

-Au sujet du héros de notre gazetier, précisément :

Le huit de ce mois, ce cher Philippes [sic],
Plus brillant que mille Tulipes,
Se laissant, au beau Temps, charmer,
Fut se promener sur la Mer,
Dessus un Yacht de Hollande :
Ayant, entre autres, de sa Bande,
De Vendôme, le Chevalier,
Ce jeune Brave, si guerrier,
Et de qui l’Âme si hardie,
S’est fait connaître dans Candie,
Et Monsieur le Duc de Bouillon,
Prince sensible à l’aiguillon
Que sentent les cœurs que la Gloire
Appelle au Champ de la Victoire.
Son Épouse, aux mignons Appas,
Dont la Cour a, toujours, fait cas,
Pour son Esprit, et sa Sagesse,
Sa Sœur, Madame la Comtesse
Que l’on appelle de Soissons,
Pour les Coeurs, pleine d’Hameçons,
Et, bref, l’aimable de Thiange,
En meilleur embonpoint qu’un Ange,
Furent de la Parie, aussi,
Assez bien effacée, ainsi,

Les Trompettes, par leurs Fanfares,
Et par leurs Tara-tan-ta-tares [sic],
Sans cesse, dans l’Air, fredonnant,
Égayèrent ces Promenants [sic].

En leur faveur, et l’Air, et l’Onde,
Firent, lors, une paix profonde,
Et l’on vit, sur les Flots unis,
Des Alcyons, voguer les Nids.

De tous les Vents, le doux Zéphire,
Que Flore tient dans son Empire,
Et qui, d’Amour, sait le Tric-trac,
Souffla, seul, au tour de l’Yack.

Les Divinités maritimes,
Et subalternes, et sublimes,
D’aise, de voir, en leur Séjour,
Ce bel Échantillon de Cour,
Entre elles, grandes Fêtes firent,
Dansèrent, sautèrent, bondirent,
Et, sur tous, Messieurs les Tritons
S’ébaudirent sur les Tétons
De Mesdames les Néréides,
Fécondes en Appas fluides.

Mais quoi ! sur les Flots d’où Vénus,
Vit naître ses beaux Membres nuds,
Son Fils, des Coeurs, le petit Maître,
Ne daigna-t-il, aussi, paraître ?

Belle Demande. Oui, oui, vraiment,
Lecteur, n’en doutez nullement,

La Cour fait-elle des Parties,
Qui, sans lui, soient bien assorties ?

Vous jugez, donc, partout cela,
Que cette Promenade-là,
Fut, sans mentir, un vrai Délice :
Mais elle ne fut pas prolixe.
Car Monsieur pressa le retour,
Après avoir fait quelque tour,
Par une noble impatience,
Digne d’Éloge, en Conscience,
De remonter, avec le Roi,
À Cheval, en guerrier arroi ;
Pour aller voir son Exercite,
Qu’ainsi, règlement, il visite,
Et ses Travaux, où, chaque jour,
Il fait huit heures de séjour,
Animant, par maint frais régale [sic],
Et par sa présence royale,
Près de trente mil Travailleurs,
De ses Fantassins, les meilleurs,
Qui, partagez en trois Brigades,
Aux Bou-dou-doux des Canonnades,
Sont, trois fois, le jour, relevés,
Si bien que, sans être grevés
Comme ils n’y vont pas de maint morte,
Ils avancent d’étrange sorte.

-Henri Jules de Bourbon Condé paraît aux États de Bourgogne accompagné de Claude Fiot d'Arbois de La Marche :

Monsieur le Duc, ce m’a-t-on dit,
Et comme le porte l’Écrit
D’une Plume toute dorée,
Dans Dijon, a fait son entrée,
Avec les charmants honneurs dus,
À sa Naissance, et ses Vertus.

De tous les Corps, les belles Langues,
À l’envi, lui firent harangues,
Et l’Abbé Fiot, notamment,
S’en acquitta disertement,
En le recevant à la Tête
Du Clergé, lors, en grande Fête.

Ce Prince, rempli d’agrément,
De Sagesse, et de jugement,
Fit, le lendemain, l’Ouverture
Des États : et je vous assure
Qu’il y parla d’un si bon biais,
Qu’on ne discourut mieux, jamais,
En une semblable rencontre.
Ce qui bien suffisamment, montre,
Ayant aussi, fait voir son cœur
Qu’il est, en esprit, et valeur,
Du Grand Condé, le Fils très digne,
Et qu’il est d’un mérite insigne.

-Quant aux nouvelles de Paris, elles sont bonnes et musicales, visiblement :

De Paris, ne dirons-nous rien ?
Si veramente, si fait bien.
Disons que, dans les Tuileries,
Ô galantes, et si fleuries,
On voit, sur le soir, tous les jours,
Du grand Monde, un brillant concours :
Et que l’on y donne, à des Belles,
Des Sérénades solennelles,
Expressément, pour leurs beaux yeux.
Un Gloseur, peu judicieux,
Dira, croyant dire Merveilles,
Que c’est pour leurs belles Oreilles :
Mais le contraire je soutiens,
Et ma Thèse, enfin, je maintiens.
Car si les Yeux n’ont fait Affaire,
C’est-à-dire s’ils n’ont su plaire,
En peine, on se met peu, non plus,
D’assembler des Voix, et des Luths,
Pour tâcher de plaire aux Oreilles.
Oui-da, oui, de telles Merveilles.
De tels Concerts bien ordonnés,
Sont fort, autrement, pour leur Nez.

-Un nouvel brillant orateur a reçu une charge de magistrat à Paris :

Mais je dois, autre chose, écrire,
De Paris, qui vaut mieux le lire.
C’est que, naguère, au Grand Conseil,
Avec un éclat nonpareil,
Foucault, un jeune Personnage,
Mais de plus sages de son Âge,
Et, de maints beaux Talents, doué,
Qui font qu’il est, partout, loué,
Fut reçu dans la Charge illustre,
(Dont il va rehausser le lustre)
D’Avocat, s’entend, Général,
Qui requiert Homme très moral.

À l’instant, donc, il prit Séance,
Et comme on a pleine assurance
De sa haute Capacité,
Et de sa grande Intégrité,
Qu’il a fait voir en autre Charge [de Procureur général aux requêtes de l’Hôtel.]
Que vous apprendra cette marge,
Il eut le Suffrage commun,
Et fut applaudi d’un chacun.

On n’oublia pas, lors, le Père,
Qui possède tant de lumière,
Qui sert si bien, dans ses Emplois,
LOUIS, le Modèle des Rois,
Qui montre une Âme peu commune,
Dans l’usage de sa Fortune,
Qui, dans tout ce qu’il fait, paraît
Incorruptible, hors d’intérêt :
Et l’on conclut, comme on dût faire,
Que le Fil d’un si rare Père,
Servirait des mieux, et le Roi,
Et le Public, dans son Emploi.

Lettre du 23 mai 1671, par Robinet.

-L’art du gazetier, c’est d’accoucher des nouvelles rimées :

Naissez, chers Enfants de ma Veine,
Naissez, Vers de cette Semaine,
Vous qui devez, à votre tour,
Faisant un assez grand contour,
Aller, presque, d’un Pôle, à l’autre,
Avec le petit Babil vôtre,
Diverses Gens entretenir,
Non sur les choses à venir,
N’étant pas, autrement, Prophètes,
Ains, sur celles qui sont ja, faites.

Mais, sus, naissez, sans façonner,
Sans résister, sans barguigner,
Et que la Fontaine à la Reine,
Ou bien, de la Samaritaine,
Ne coule pas plus aisément,
Que vous ferez en ce moment.

Allons, me voilà dans ma Chaise,
Où je vous attends à mon aise,
Avecque Plume, Encre, et Papier,
Et c’est assez préfacier.

-Ce n’est pas le ciron de Pascal, mais les insectes de Robinet qui permettent, le temps d’une anecdote, un retour sur les savants Rohault et Bary précédemment évoqués :

Le Hasard, avec la Nature,
M’offre, d’abord, une Aventure,
Fort curieuse à raconter,
Et par qui je vais débuter.

Deux Insectes, tout des plus frêles,
Comme une Épingle, longs et grêles,
Et plus minces quasi que rien,
Qu’à peine, l’œil discerne bien,
Deux insectes ayant des Ailes,
Vulgairement, dits Damoiselles,
À mon Chassis, sont suspendus,
Se rendant les Soins qui sont dûs,
Entre tous ceux qu’Amour assemble,
Se trouvent accouplés ensemble,
D’une invisible Liaison,
Qui confond, et sens, et Raison.
Comment, donc, ce Dieu, notre Maître,
À ces Riens, s’est-il fait connaître ?
Où peut-il y trouver un cœur,
Qui puisse sentir son ardeur ?
Où sont là, les Sens nécessaires,
À l’usage de ses Mystères ?
Où la Nature a-t-elle mis,
En un mot, tout ce que je dis,
En ces Insectes, sans matière,
Et d’une Etoffe si légère ?
De ces deux Néants amoureux,
De plus près, approchons nos yeux,
Pour les mieux observer encore ;

Ah ! plus qu’eux je me vois Pécore,
Ce Couple qui n’est que de vent,
De mon Dessin, t’apercevant,
Tout soudain, en l’Air, se retire ;
Et, sans parler, semble me dire,
» Serviteur très humble, l’Auteur,
» Qui voulez être Scrutateur
» Des Mystères de la Nature,
» Travaillez à votre Ecriture.
Mais, hé quoi ? donc, ils ont deux Yeux
Qui sont deux Points, et voient mieux
Que les miens aux larges Prunelles,
Qui sont moins sûres Sentinelles ;
Et, qui plus est, je vois, enfin,
Que la Crainte loge en leur sein,
Crainte prudente, Crainte sage,
Qui leur fait éviter l’outrage,
Et je vois, ainsi, qu’ils ont tout,
Comme l’Homme, de bout, en bout,
Passions, Sens, Raison, Lumière,
Dans un petit Point de Matière.

Ô vous Rohault, ô vous Bary,
Dont le Génie est si fleuri,
Vous de qui, depuis peu, les Veilles
Nous exposent tant de merveilles,
Dans ces Volumes précieux
Qui font d’avides Curieux,
Et que des Gens à Diadèmes,
Et non, ma foi, des Nicodèmes,
Doivent lire, ainsi que jadis,
Les Alexandres, les Denys
Lisaient Platon, et l’Aristote,
Agités, sous votre Calotte,
Ce Sujet d’admiration,
Dont j’ai fait la narration.

Rien n’est plus digne que je pense,
D’occuper votre Intelligence,
Le Soleil tout brillant qu’il est,
La Lune qui si fort nous plaît,
Au défaut de l’autre Planète,
Quand elle est si ronde et si nette,
Les Météores si divers,
Et tout ce que cet Univers
Renferme, pour le dire, en somme,
Sans mêmes, en excepter l’Homme,
Qui petit Monde est appelé,
Ne peut, me semble être égale
À ces petites Bestioles,
Qui, sans dire des Hyperboles,
Ont l’avantage tout entier
De ce petit Monde si fier,
Sans avoir aucun de ses vices,
Ni pas une de ses malices.

Cependant, soyez assurés,
Que vos beaux Ecrits admirés,
Sont, de moi, leurs, avec grand’cure,
Et que de ladite Lecture,
Je rendrai compte, par après,
En faisant un Chapitre exprès.

-Retour sur l’Empire ottoman - finalement, y a-t-il eu jamais des querelles entre la mère et le fils ?

Les Grabuges de la Sultane,
Princesse fort mahométane,
Avecque son Fils, le Sultan,
Prince, aussi, fort mahométan,
Selon les Nouvelles dernières,
Qui confirment leurs Devancières,
Se trouvaient, enfin, aux Abois,
Tant l’on avait, à cette fois,
À bon escient, poussé l’Ouvrage
De leur petit Rapatriage.
Mais, par d’autres Avis, j’ai su,
(Voyez lequel doit être cru)
Que ces Noises, et ces Noisettes,
Étaient Chimères, et Moquettes,
Qu’il n’en a, jamais, rien été,
Id est, dans la réalité ;
Et que, par une Politique,
Dont singulière est la pratique,
Les Turcs faisaient courir ces bruits,
Qui font force Gens mal instruits.
Ainsi, chantons, donc, autre chose,
Après une petite pose.

-Les nouvelles de la cour sont les suivantes :

J’ai su, pour Nouvelles de Cour,
Primo, qu’enfin, pendant un jour,
Monsieur a gardé son Estrade,
De crainte de tomber Malade,
Et qu’Esprit, qui, depuis longtemps,
Lui demandait ces chers moments,
En a fait un si bon ménage,
Étant un Hippocrate sage,
Et, tout à fait, bien entendu,
Que le charmant individu
De sa Royale et belle Altesse,
Sans maux de Tête, ni faiblesse,
D’une pleine Santé, jouït,
Qui tout le Monde réjouit,
Majesté, Princes, et Princesses,
Seigneurs, Dames, Ducs, et Duchesses,
Beautés, enfin, toute la Cour,
Qui l’alla voir le susdit jour.

-Quant à la visite du roi dans le nord du pays, elle se fait fièrement et noblement :

Depuis, avec notre Monarque,
Incessamment, on le remarque,
Comme, auparavant, à Cheval,
Faisant voir un air martial,
Par qui son noble cœur s’explique ;
Et, bref, une ardeur héroïque,
De suivre, partout, le Grand ROI,
Fût-ce où Mars répand son effroi,
Comme, naguère, en des Tranchées,
Qui de Morts, se voyaient jonchées.

Ha ! c’est bien se montrer vraiment,
Sans qu’on en doute nullement,
Digne Frère unique d’un Sire,
Que la Gloire, partout, inspire.

-Au sujet du roi, précisément :

Ce grand, ce nonpareil LOUIS,
Dont tous les Faits sont inouïs,
Par des Prix de maintes Pistoles,
Par ses obligeantes Paroles,
Et par ses assidus Regards,
Anime, si bien, des Soudards,
Et les Forces, et les Courages,
Dans la poursuite des Ouvrages
Qui, chez les Dunkerquois, se font,
Que, bientôt, parfaits ils seront :
Ce Potentat, sans nul obstacle,
Faisant, ainsi, toujours, miracle.

-Le roi et ses troupes ont, semble-t-il, été observés de loin par les Hollandais, intrigués par ce déploiement de forces :

On m’écrit que, dernièrement,
Un certain petit Bâtiment
Vint à la Rade, en assurance,
Ayant le Pavillon de France :
Mais, comme on le voulut lorgner,
Qu’on le vit, soudain, s’éloigner,
Et l’on connut, à l’Équipage,
À l’air, à l’habit, au langage,
Que c’étaient des Gens Hollandais,
Lesquels venaient en Tapinois,
Nous épier, et prendre Langue,
Sans dessein de faire Harangue ;
Si qu’en vain, on les pria fort,
De vouloir entrer dans le Port,
Faisant Réponse, en leur ramage,
Qu’ils étaient Oiseaux de Passage.

Voilà comme ils sont curieux,
Ou bien, peut-être, soucieux,
Mais, c’est soucieux, sans nul doute ;
Car, sans cesse, ils sont à l’écoute,
Comme les Bruxellois, aussi,
Qui, troublés de même Souci,
Ont, toujours, la Puce à l’oreille.

Mais, certe [sic], un tel Soin, m’émerveille,
Car il naît de ce qu’un grand Roi,
S’en va se promener chez soi,
Et travailler à ses Affaires,
Hé bien, en cela, quels Mystères ?
Quel Sujet de tant s’alarmer ?
Quel Sujet de tant gendarmer ?
Mais, Moi, pourquoi m’en mettre en peine,
Et prendre part à leur Migraine ?

-En ce qui concerne le reste de la cour :

Pour Nouvelles encor, de Cour,
Les Dames ont, par un beau jour,
En Troupe florissante et fraîche,
Pris, sur Mer, l’ébat de la Pêche.

Mais quoi ? c’est ordinairement,
Leur plaisant Divertissement,
Non pas sur l’Eau, mais sur la Terre,
Où l’on voit, sans cesse, belle erre,
S’accrocher, dans leurs Hameçons,
Des Hommes, valant bien Poissons.

-Robinet aurait-il un informateur, plutôt une informatrice, laquelle serait en fait une admiratrice trop empressée ?

Or, j’ai su toutes ces Nouvelles,
Si dignes des belles Ruelles,
D’un merveilleux Correspondant, [M’G]
A nous écrire, très ardent,
Mais, qui sait, soit en Vers, ou Prose,
Débiter bien mieux, toute chose.
Ah ! que n’ai-je son beau Talent ?
Que vous me trouveriez galant,
Ô Lecteur qui lisez ma Lettre !
Mais quoi ? le sieur Phoebus ne veut pas le permettre.

-Issu d’une famille appartenant d’antique date à la noblesse d’épée et ayant connu le service du roi dans la plupart des grandes batailles des cinq siècles précédents, Charles, Marquis de Rambures (l’avant-dernier des Rambures) a rejoint ses glorieux ancêtres dans la ville de Calais où il était basé. Certaines sources rapportent qu’il avait participé à une prise d’armes à Dunkerque organisé par le roi en personne (F. A. de La Chesnaye des Bois Dictionnaire généalogique, héraldique, chronologique et historique, tome III, Paris : Duchesne, 1757-1765, p. 111 ; P. Roger, Noblesse et Chevalerie du comté de Flandre, d’Artois et de Picardie…, Amiens 1843, p. 271 et A. de Tarragon, Historique du 15e régiment d'infanterie, ci-devant Balagny, Rambures..., Paris et Limoges : H. Charles-Lavauzelle, 1895, p.90). Ainsi :

À Calais, ce Monstre meurtrier,
Cloton, a pris un grand Guerrier, [M. de Rébures.]
Et, d’une manière incivile,
Un Abbé, dedans cette Ville, [l’Abbé de Foix.]
De mérite, et de qualité,
L’un et l’autre, à la Cour, à bon droit regretté.

-L’admiratrice dont nous parlions précédemment a-t-elle rejoint Robinet dans sa chambrette ? Non point : les initiales mentionnées en marge sont différentes. Il s’agit donc d’une autre personne. Nous n’en saurons pas plus mais point trop n’en faut : il n’en dit pas assez mais c’est déjà trop et nous avons compris…

J’ai conclu cette mienne Épître,
Le vingt-trois Mai, sur un Pupitre,
En présence d’un bel Objet, [M. D. R.]
Dont je suis très humble Sujet,
Et de qui l’Esprit, et les Charmes,
Valent être chantés, en de sublimes Carmes.

Lettre du 30 mai 1671, par Robinet.

-Un avertissement en guise d’introduction :

Si ma dernière Lettre a plu,
Si mainte Personne en a lu,
Le Chapitre des Damoiselles,
Et presque, toutes les Nouvelles,
Avecque satisfaction,
Je puis dire, sans fiction,
Que celle que je m’en vais faire,
N’aura pas tant, le Don de plaire.

J’en ai des Augures certains,
Tant externes comme intestins.

Les externes sont la Rupture
Qui, par malheureuse Aventure,
Vient de se faire d’un Miroir,
Où mon Minois je soulais voir.
Le Désordre auquel se rencontre
Et mon Écritoire, et ma Montre,
Qui sont tout sens dessus, dessous.

Item, un Sabbat de Matous
Qui se grondent pour leurs Maîtresses,
Dont chacun brigue les Caresses,
Et, bref, les lugubres Accents
De plusieurs Corbeaux croassant.

Les internes sont la Migraine,
Pire que la Fièvre-Quartaine,
Et le Fond d’un sombre Chagrin
Qui ne me laisse pas un brin
De ma liesse coutumière.

Mais il faut enfiler Carrière,
À telle fin que de raison,
En faisant très humble Oraison
Au Lecteur, d’excuser la Muse,
S’il la trouve, en ce jour-ci, Buse,
Stupide, et sans aucun Esprit,
Dedans tout le présent Écrit.

-Retour à Dunkerque :

Ces grands Travaux si merveilleux,
Ou, plutôt, si miraculeux,
Que l’on faisait dedans Dunkerque,
Sont (sans chercher de rime en erque,
Qui me tiendrait trop, au Filet)
Déjà, dans un état complet.

Un Ouvrage de trois années,
Dans l’espace de vingt Journées,
Se voit, tant il est bien poussé,
Fini, dès qu’il est commencé :
Et comme on voit, sur un Théâtre,
Au temps que le Roi veut s’ébattre,
Dans les Machines des Ballets,
Des Mers se changer en Palais,
Et ces Palais en autres choses,
Par de belles Métamorphoses,
Qui se font en un tournemain,
Ici, presque, aussi soudain,
L’on a vu tout changer de face,
Jusqu’à la plus petite trace,
Et des Fortifications,
De Demi-lunes, Bastions,
Et d’autres guerrières Machines,
Sortir des subites ruines
Des Travaux qui les précédaient,
Et qui la place leur cédaient,
Au simple Fiat d’un Monarque,
En qui, sans cesse, l’on remarque
Les Traits de la Divinité,
Dont il reçut sa Dignité,
Qui, par ce seul Monosyllabe,
Qui n’est, aucunement, arabe,
Produisit tant d’Être divers,
Et, bref, tout ce vaste Univers.

Après avoir fait ce Miracle,
En se jouant, et sans obstacle,
LOUIS voulut, avec sa Cour,
S’en réjouit le dernier jou,
Par une Fête solennelle,
Si superbe, galante, et belle,
Qu’on y vit bien que ce grand Roi
N’a de Pareil à Lui, que soi,
Dans tout le Circuit de la Terre ;
Soit qu’il agisse dans la Guerre,
Soit qu’il agisse dans la Paix,
Soit, enfin, que, de ses Hauts Faits,
Où sa Majesté nous indique
Sa Valeur, et sa Politique,
Elle veuille se délasser,
Sans y rien faire que glisser,
Dans les Plaisirs de quelque Fête,
Car, par son ordre, elle s’apprête,
Avec un si noble Appareil,
Qu’il est, en tout, le Nonpareil.

Ce Régale [sic] que je vous marque,
Et si digne d’un tel Monarque,
Etait une Collation
Que, sur le Royal Bastion,
On servit dessous une Tente,
Fort pompeuse, et fort éclatante,
Avec trois ou quatre Concerts,
Composés d’Instruments divers,
Dont étaient Hautbois, et Musettes,
Fifres, Violons, et Trompettes,
Huit cent Timbales, et Tambours,
(Ceux-ci destinés pour les Sourds)
Outre, aussi l’Escopèterie,
Et, de la grosse Artillerie,
Quatre vingt Pièces, ou bien plus,
Qui faisaient le Supérius.

Notre Reine, si bien pourvue,
De tout ce qui charme la Vue,
De tout ce qui fait admirer,
De tout ce qui fait adorer,
S’y rendit avec une Suite,
Qui, des Dames, était l’Elite,
Toutes, ma foi, sur le bon Bout,
Comme à dessein de vaincre Tout.
Mais le Roi, là, tout au contraire,
Mitigeant son Air militaire,
Son Air de Maître, et Souverain,
L’entremêlait d’un air humain ;
Si qu’on eût dit du Dieu de Thrace,
Lorsqu’il dépouillait sa Cuirasse,
Et tout l’Appareil belliqueux,
Aux pieds de l’Objet de ses Vœux,
La belle Reine de Cythère,
Que tout Couple d’Amants, révère.

Pour raconter le reste, en gros,
Monsieur, mon illustre Héros,
Qui, pour lui, tant d’amour inspire,
Suivant, partout, notre Grand Sire,
Dans ses Fatigues, notamment,
Vint à ce Divertissement,
Plein de martiales Délices ;
Et pendant lequel les Milices
Eurent pour boire à la Santé,
Comme il faut, de Sa Majesté.

Or, ce qu’ici, je viens d’écrire,
N’est, cher Lecteur, à le vrai dire,
Qu’un chétif et maussade Extrait
Qu’en ma mauvaise humeur, j’ai fait
D’une excellente et rare Prose
Qui raconte, amplement, la chose,
Et qui vient de ce bel Esprit
Dont, si souvent, dans mon Ecrit,
Le Nom, je décline et répète,
Quoi que son indigne Trompette ;
C’est à savoir Monsieur Guichard, [Gentilhomme ordin. de Son A. Royale.]
Qui, d’Apollon, sait le bel Art,
Et, quand il veut, apollonise
D’une façon que fort l’on prise.

-Molière connaît le succès grâce à ses Fourberies de Scapin :

À Paris, pour finir, enfin,
On ne parle que d’un Scapin
Qui surpasse défunt l’Espiègle,
(Sur qui, tout bon Enfant se règle)
Par ses ruses et petits tours
Qui ne sont pas de tous les jours.
Qui vent une Montre à son Maître,
Qu’à sa Maîtresse, il doit remettre,
Et lui jure que des Filous
L’ont prise, en le rouant de coups,
Qui, des Loups-garous, lui suppose,
Dans un dessein qu’il se propose
De lui faire, tout à son gré,
Rompre le cou sur son degré,
Pour l’empêcher de courre en Ville,
Et l’arrêter au Domicile.
Qui boit certain bon Vin qu’ila,
Puis accuse de ce Fait-là,
La pauvre et malheureuse Ancelle,
Que, pour lui, le Maître querelle.
Qui sait deux Pères, attraper
Et, par des contes bleus, duper,
Si qu’il en escroque la Bourse,
Qui, de leurs Fils, est la Ressource.
Qui fait, enfin, et caetera :
Et cet étrange Scapin-là
Est Molière en propre Personne,
Qui, dans une Pièce qu’il donne,
Depuis Dimanche, seulement,
Fait ce Rôle, admirablement,
Tout ainsi que La Thorillière,
Un furieux Porte-Rapière,
Et la grande Actrice, Beauval,
Un autre Rôle jovial
Qui vous ferait pâmer de rire,
À moins, je ne vous saurais dire,
Que vous ne fussiez affligé
De la forte migraine, et du chagrin que j’ai.

Lettre du 6 juin 1671, par Robinet. (document manuscrit - en cours de dépouillement).

Lettre du 13 juin 1671, par Robinet.

-Robinet n'est pas à la fête en cette fin de printemps 1671 :

Toujours, triste, toujours, landore,
Je ne sais comment, en ce Jour,
Il me sera possible, encore,
De bien faire à Phoebus, ma Cour.
Pour caresser, avecque grâce,
Ce brillant Régent du Parnasse,
Et pour en ressentir l’admirable vertu,
Il faut avoir le cœur en joie,
Il faut qu’il entre en nous, par cette unique voie,
Ou bien, on le réclame en vrai Cogne-Fêtu.

Mais quoi, donc, Saturne le Morne,
Croira, toujours, me dominer,
Et, dedans un Chagrin, sans borne,
Par le bec, ainsi, me mener ?
Non, non, un petit de courage,
L’Écriture a dit que le Sage,
Sur les Astres fâcheux, s’il veut, dominera.
Ô ça, donc, ça, faisons la nique
À cet Astre grognard, cet Astre saturnique,
Et laissons ses chagrins à qui les aimera.

Je n’ai, pour lui donner le change,
Qu’à penser au jeune Héros
Dont je fais sonner la louange
En chaque mien Avant-propos.
À ce Héros brillant de Gloire,
Et qui fournit à mon Histoire,
Un si noble Relief, par ses illustres Faits.
Que ce Penser a d’efficace !
À mon chagrin, par lui, je donne de la casse,
Et rend le Dieu des Vers, propice à mes souhaits.

-Il évoque tout de même son protecteur dans ses pérégrinations "audenardaises"...

Consacrons, donc, nos premiers Carmes
À ce Héros, rempli de Charmes,
En faisant, d’abord, mention
De la belle Collation
Dont sa digne Altesse Royale,
Que nulle autre Altesse n’égale,
Régala notre illustre Cour
Dans Oudenarde [sic], l’autre jour,
En un Lieu, l’un des plus beaux du Monde,
Où Flore, en Bouquets, si féconde,
Fournit de brillants Ornements
À maints et maints Compartiments
Où l’odorante Tubéreuse
Qui vient de l’Arabie heureuse,
Comme je crois, pour son Parfum,
Lequel n’est point du tout, commun,
Et la Jonquille, Fleur, encore,
Qu’on prend plaisir de voir éclore,
Offrent, tant au Nez, comme aux Yeux,
Leurs Attraits si délicieux,
Exposés sur une Terrasse,
Dont elles font toute la grâce.

Où l’Œillet, la Rose, et le Lys,
Qui peignent le Teint de Philys,
Dont tous les Yeux sont Idolâtres,
Brillent sur des Amphithéâtres,
Feints d’un beau Marbre, blanc et noir,
Où sans cesse, matin, et soir,
Les Avettes que l’on admire,
Sucent et leur Miel, et leur Cire.
Où des Orangers tous fleuris,
Et des Citronniers bien nourris,
Forment une charmante Allée,
Au niveau, partout, égalée,
De qui le chemin doux et net,
Conduit, droit, en un Cabinet
Dont la correcte Architecture
A dressé toute la Structure,
Avec tant d’embellissements,
Que ce sont des Enchantements,

C’est là, que sa Royale Altesse,
Patronne de ma Petitesse,
Donna cette Collation
Qui remplit d’admiration,
Les Majestés, Princes, Princesses,
Ducs, Duchesses, Comtes, Comtesses,
Voyant servir vingt-deux Bassins,
Des plus rares Bonbons, tous pleins,
D’une manière si soudaine,
Que l’on crut, pour chose certaine,
Qu’une Fée avait mis la main
À ce Dessert, presque divin,
Dont l’ordre, la délicatesse,
Et la galante politesse,
Étaient, à ne vous mentir point,
Surprenant dans le dernier point,
Et que les Hautbois, les Musettes,
Les Flûtes douces, les Trompettes,
Accompagnaient de leurs Concerts,
De leurs Chansons, et de leurs Airs,
D’une façon si ravissante,
Que l’Ouïe, illec, fut contente,
Autant que le Goût fut content.

Mais je n’en saurais dire tant
Que, là-dessus, on en peut dire,
Ni, même, à beaucoup près, l’écrire,
Ainsi que cet Esprit galant, [M. G. Gentilhomme ordin. de S.A.R.]
Ainsi que cet Esprit brillant,
Qui, par des Soins, toujours, fidèles,
De la Cour, m’écrit des Nouvelles,
Lequel, de ceci, m’a fait part,
En Homme qui, des mieux, sait l’Art
De bien parler de toute chose,
En belle Rime, et belle Prose.

Pour Exemple, sur les Concerts,
Il vous dirait, en ses beaux Vers,
Que l’Écho, par sa voix hautaine,
En portait le Son dans la Plaine.

« Afin d’avertir les Bergers,
Qu’ils pourraient, en toute assurance,
Prendre le Soin de leurs Vergers,
Et ranimer leur Espérance.
Qu’ils pouvaient, sans leur Chiens, au son des Chalumeaux,
Mener, dorénavant, leurs timides Troupeaux,
Que la Peur retenait dedans leurs Bergeries,
Chercher le gras herbage, au milieu des Prairies,
Et, quelquefois, le Tin, sur les prochains Côteaux,
Et qu’ils pouvaient, enfin, le long des clairs Ruisseaux,
Ou, conduits par l’Amour, sur les molles Fougères,
Prendre de doux Ébats avecque leurs Bergères,
Sans craindre le perdre, jamais,
Cette Félicité, par des Maints Etrangères,
Puisqu’un Dieu leur donnait cette profonde Paix. »

Il vous dirait, parlant des Dames,
Qui, plus brillantes qu’Oriflammes,
Furent à la Collation,
Dont j’ai fait la Narration.

« Que les Ris, et les Jeux, les Amours, et les Grâces,
Qui suivent, partout, leurs Appas,
Marchaient, à l’envi, sur leurs Traces,
Et les Fleurs naissaient sous leurs Pas.
Que ces brillantes Fleurs, au souffle du Zéphire,
Exhalaient un Parfum plus doux,
Et se baissant, semblaient leur dire
Flore vous voit d’un œil jaloux,
Elle vous cède, et se retire,
Nous reconnaissons votre Empire,
Jeunes Beautés, ramassez nous.

Mais quoi ? ma petite Musette,
En Historienne simplette,
Qui n’entend rien que le plein chant,
Néglige le Carme brillant,
Et raconte en vulgaire Style,
Les Bruits, tant de Cour, que de Ville.

Leurs Majestés ont, à Tournai,
Jusques à présent, séjourné,
Depuis leur Départ à Oudenarde [sic] :
Et ce qui fait que l’on y tard,
Est qu’en l’un et dans l’autre Lieu,
LOUIS, notre visible Dieu,
Dieu pacifique, et militaire,
Ainsi qu’à Dunkerque, fait faire
De quoi mettre là, ses Sujets
À l’abri de tous les Projets
Des Jaloux de sa haute Gloire.
Mais qui d’eux, et le peut-on croire,
Oserait tel cas attenter,
S’en sentit-il, bien fort tenter ?
Non, non, chacun d’iceux se pique
D’une trop sage Politique,
Et se contentera, ma foi,
De prendre garde à tout, chez soi.

Aussi, voit-on qu’on y travaille,
Avec grand Soin, vaille que vaille,
À se mettre en sorte à couvert,
Que l’on n’y soit pas pris sans vert,
Soit sur la Mer, soit sur la Terre :
Et tant Gautier, que Jean, et Pierre,
M’entendra fort bien là-dessus,
Sans qu’il m’en faille dire plus.
Ainsi j’ose même, conclure
Que le Roi qui, de sa nature,
Aime les Emplois martiaux,
Fait faire tous ces grand Travaux,
Plutôt, par guerrier Exercice,
Pour lui, tout rempli de délice,
Que pour se précautionner.
Mais ce n’est que trop raisonner,
Ajoutons, bornant ce Chapitre,
Le plus charmant de mon Epître,
Que cet aimable Souverain,
Qui peut être, du Genre humain,
Les Délices, bien mieux que Tite,
En aucune Cité, ne gîte,
Que d’un air bénin, qui plaît fort,
Il n’y verse, à pleines mains, l’Or,
Au Peuple qui, partout, l’admire,
Et ressent l’amour qu’il inspire :
Etant un Soleil bien faisant,
Et non pas, simplement, luisant,
De même que cette grand’ Boule
Qui, sur nous, chaque jour, se roule,
Qui lui sans opération,
Selon, du moins, l’opinion,
(Mais que je traite de bourrue,
Et rien peu digne d’être crue)
De Philosophes raffinant,
Qui, pour émerveiller les Gens,
Alambiquent de leurs Cervelles,
Des Curiosités nouvelles,
Qui ne passeront pas, je crois,
En force d’Articles de Foi.

-Les Belges sont en alerte :

Le Belge, sorti des alarmes,
Que lui causaient diverses Armes ;
Ne parle plus de Camps volant,
Dont il a parlé si longtemps :
Et jugeant sa Flotte inutile,
Qu’il avait armée en haut style,
En envoie plusieurs Vaisseaux,
Des plus puissants, et des plus beaux,
Au devant de quinze, ou seize autres,
Chargés, non pas, de Patenôtres,
Mais, de loyaux, en quantité,
Venant, comme on me l’a conté,
De la belle Inde Orientale,
Qui tant de richesses étale :
Si bien qu’ils ne vont désormais,
Dans le charmant Sein de la Paix ;
Ce m’on dit deux ou trois fin Merles,
Rien faire qu’enfiler des Perles,
Bon Métier que j’aimerais bien,
Mais souhaiter ne sert de rien.

-Le dauphin est allé rendre visite à Julie d'Angennes, duchesse de Montausier, qu'une atteinte retient dans son lit - probablement celle qui coupera sa trame en novembre de la même année... :

Le merveilleux Dauphin de France,
Qui fait sa seconde espérance,
Et qu’elle aime d’un tendre amour,
Vint à Paris, le dernier jour,
Visiter la grande Julie,
Dont, partout, la gloire en publie : [M la Duchesse de Montausier]
Et quoi qu’un Mal plein de rigueur,
Dans son Lit, la tienne en langueur,
À ce beau Prince, elle fit faire,
M’a-t-on dit, angélique Chère,
Qu’accompagna, même, en un Concert,
Qui dura jusques au Désert :
L’illustre Époux de la Malade,
Qui, près de Lui, tient le haut Grade,
Comme l’on sait, de Gouverneur,
Faisant, de sa Maison, l’Honneur,
D’une façon toute admirable,
Et c'est-à-dire, incomparable.

On m’a dit, aussi, qu’à Saint Cloud,
Où les Cascades font glou-glou,
Le Prince alla, par un beau zèle,
Complimenter Mademoiselle :
Et que ces deux jeunes Amours,
Qui pourraient bien, dans quelques jours,
Ou, pour le plus, dans quelques Lustres,
Faire un Couple des plus illustres,
Furent, de se voir, tous ravis,
Et qu’avec les Jeux, et les Ris,
Quelque temps, ils se divertirent,
Puis, d’ensemble, se départirent,
Se faisant leurs petits Adieux,
D’un air, tout à fait, gracieux.:

-Retour sur Péréfixe, qui bien que ad patres, est toujours dans les esprits :

En finissant, Ici, je note,
Mais non pas en fort gaie Note,
Qu’un Discours qui fut prononcé,
Et, pieusement, énoncé
Par un grand Orateur des Carmes,
Sur le Trépas, digne de Larmes,
De notre dernier feu Prélat,
Dont le Mérite eut tant d’éclat,
Savoir Hardouin Péréfixe,
À présent, au Ciel, Astre fixe,
Se vend chez le même Imprimeur,
Où, Moi, perpétuel Rimeur,
Je fais, pour sa Royale Altesse,
Chaque Semaine, agir la Presse,
Et dont l’on voit l’Adresse ici,
Après l’Apostil’ que voici.

APOSTILLE :

Les ravissants Comédiens,
Italiques, non Indiens,
Donnent, depuis peu, sur leur Scène
À Paris, où passe la Seine, [Les Jugements du Duc d’Ossone Vice-roi de Naples.]
Un Sujet tout plein d’agréments,
Et d’incidents, et d’enjouements,
De la façon d’un beau Génie,
Grand Acteur de leur Compagnie,
Accrue, encore, depuis peu, [Le Sieur Cinthio.]
(Pour rendre plus complet leur Jeu)
D’un Briguelle, lequel fait rage.
Pour vous y faire aller, en faut-il davantage ?

Lettre du 23 juin 1671, par Robinet.

-La tâche du gazetier, toujours et encore répétée, et à la réception incertaine - du moins selon notre Robinet, également toujours modeste quant au succès de son labeur. Ainsi :

Comment nous démêlerons-nous
De notre Tâche Hebdomadaire ?
Sera-ce en style net et doux,
Et dont l’enjouement puisse plaire ?
Ma Muse, ma Clion, parlez,
Nos Vers, en petits Eveillés,
Jaseront-ils à faire rire ?
Ou bien, en Vers tout assoupis,
N’endormiront-ils point ceux qui les voudront lire,
Ou ne feront-ils point, peut-être, encore pis ?

Je sens que vous me répondez
D’une façon fort obscure,
Que mon espoir vous confondez,
Touchant ma future Écriture.
Mais, souvent, vous faites ainsi,
Et me jetez dans le souci,
Quand je commence mon Épître.
Puis, vous vous déclarez si propice à mes Vœux,
Qu’en me jouant, alors, j’enfile maint Chapitre,
Et sans peine, j’écris les choses que je veux.

Sans, donc, nullement, m’effrayer,
Je me sieds dans ma Caquetoire,
Je prends et Pupitre, et Papier,
Et j’ouvre, enfin, mon Écritoire.

Çà, mes Tablettes, venez-çà,
Voyons, depuis huit jours, en ça,
Ce qu’on dit de bon, par la Ville.
Ce qu’on nous a mandé, des Champs, et de la Cour,
Ah ! vraiment, aujourd’hui, la Moisson est fertile,
Et je ne pense pas que nous demeurions court.

-Pomone n'est plus représentée, au grand dam de notre gazetier et des nombreux spectateurs qui firent son succès : en cause, une querelle d'argent entre l'un des auteurs et le gérant de la salle où avait lieu le spectacle (jeu de paume). (Voir notamment William Brooks, Le Théâtre et l'opéra vus par les gazetiers Robinet et Laurent (1670-1678), Paris-Seattle-Tübingen, PFSCL, 1993, p.79 et John S. Powell, Music and Theatre in France (1600-1680), Oxford, Oxford Monographs on Music, 2000, p. 51-52). Ainsi :

Le grand Opéra plus n’opère,
Dont Maint, ici, se désespère.

La Discorde aux poils coulevrins,
Qui se nourrit de noirs Chagrins,
Et, des Plaisirs, est l’Ennemie.
En a troublé l’Académie,
Les Intendants, et les Auteurs,
Les Musiciens, et les Acteurs,
Tous, sont tombés en Guerre atroce,
En Guerre incivile, et féroce :
Et Pomone, à ce que l’on dit,
S’est vue, en ce cruel Conflit,
De Maint Sacrilège, outragée,
C’est-à-dire de coups, chargée,
Sans respect (quelle indignité !)
De théâtrale Déité.

Or, ils ont eu, sur leur Grabuge,
Chez Dame Thémis, leur Refuge,
Et c’est elle qui doit régler
Leur Querelle ; et, bref, démêler
(Ce qui n’est pas affaire aisée)
Une si plaisante Fusée.

Cette Vieille Discorde-là,
Qui, sans cesse, deçà, delà,
Tout depuis que le Monde est Monde,
Rôde par la Machine ronde,
Et des Siennes, partout, y fait,
De la manière que Dieu sait,
L’autre jour, brouilla les Cervelles
D’environ quatre ou cinq Donzelles,
Sur pareil Sujet qu’autre fois,
Elle brouilla, chez les Grégeois,
Les trois Déesses si dodues,
Que le Berger Pâris vit nues.
Mais voyez combien méchamment,
Ou combien exécrablement,
Elle causa mêmes Querelles,
Parmi les susdites Mortelles.
L’une a, du moins, cinq dizains d’Ans,
Et n’a que deux sixains de Dents.
L’autre a deux Yeux qui, des Abeilles,
Opèrent les mêmes merveilles,
Quant à la Cire, bien s’entend,
Et, tant soit peu, le Gousset sent.
L’une est plus légère, et plus sèche
Que de la plume, et de la mèche,
Et le plus petit coup de vent
L’emporterait jusqu’au Levant.
L’autre a le Teint couleur de brique,
Et l’air d’une franche Bourrique.
L’autre, à tout dire, ric, à ric,
N’a qu’un œil, et, marchant, fait clic.

Pourtant, ces Laides exécrées,
Toutes, du bon Sens, égarées,
S’allèrent, je ne sais pourquoi,
Mettre dessus leur quant à Soi,
Et se faire, chacune, accroire :
Qu’elle devait avoir la Gloire
Qu’eut, sur ses Compagnes, Cypris,
S’il était, encore, un Pâris,
Pour les juger en juste Juge.
Or, dans ce comique Grabuge,
S’étant reproché leurs Défauts,
Sans rien alléguer qui fut faux,
Elles passèrent, des Paroles,
(Afin de mieux remplir leurs rôles)
À l’application de mains
Si qu’elles se prirent aux crins,
Et tellement se têtonnèrent [sic],
Que la Face, elles s’éraflèrent,
Se mirent l’œil au Beurre noir,
Plus de vingt Dents se firent choir,
Lacérèrent leurs vieilles nippes,
Et, lors, faites en vrai Guenipes,
Attirèrent, en vérité,
Tous les Rieurs de leur côté ;
Jusques à la Discorde même,
Laquelle, encor, qu’elle se chême,
Et s’afflige éternellement,
Avait voulu, dans ce moment,
S’apprêter à rire, peut-être,
Par un si drôle de Bicêtre.

Cette laide Fille d’Enfer,
Que la Peste puisse écouter,
Fut naguère, dans la Pologne,
À des Noces, porter sa Trogne :
Et fit là, tout comme elle fit,
Jadis, par un sanglant dépit,
De n’être, illec, point appelée,
Aux Noces du Seigneur Pelée,
Avecque la Dame Thétis,

Ici, donc, bannissant les Ris,
Et désorientant la Danse,
Par un Débat de Préséance,
Dans lequel le Duc d’Ostrogoths,
Fort haut monté sur ses ergots,
Donna, de sa Main, pas trop sage,
Tout au beau milieu du Visage,
Présent le Roi même, à Celui
Qui voulait danser avant Lui,
Il pensa, pour le dire, en somme,
Avoir là, mort de plus d’un Homme,
Et très bien du Sang, répandu.
Car, comme il est sous entendu,
On se partagea, dans la Salle,
En double Faction égale,
Pour en découdre à bon escient :
Mais On mis l’Affaire à néant,
Et cet On fut la sage Mère
De ce Duc un peu trop colère,
Qui le blâma tout hautement,
De son bouillant emportement,
Et lui fit, au Polonais Sire,
Dire tout ce qu’il fallait dire,
Pour en obtenir le Pardon :
Après quoi, ce nous mande-t-on,
Le Bal, ainsi qu’avant l’Affaire,
Continua son train, belle erre.

La Nouvelle n’ajoute point,
Comme on satisfit, sur ce point,
C’il qui, du Soufflet, fit recette ;
Sans, donc, être Rimeur inepte,
Ou bien, un fautif Relateur,
Je puis n’en rien dire au Lecteur.
Mais c’est trop parler de Discorde,
Touchons, un peu, quelque autre Corde.

-Les eaux thermales de Bourbon (Lancy) connaissent déjà un franc succès : tous les Grands, de France ou d'ailleurs, y viennent en nombre pour profiter de leur bienfaits. Ainsi :

De Moulins, un Quidam me mande,
En fort prosaïque Légende,
Que débonnaires Gens chaque jour,
Y vont établir leur Séjour,
À dessein d’y faire des Brindes,
Non pas du Jus du Dieu des Indes,
Mais des Eaux chaudes de Bourbon,
Dès que le Temps y sera bon :
Ce Breuvage très authentique,
Qui fait, à toute autre, la nique,
Pour bien rétablir la Santé,
Et qui, partout, est si vanté,
Pour sa merveilleuse excellence,
Attirant, toujours, l’Affluence
Du beau Monde, en ces Quartiers-là,
En la Saison où nous voilà.

Le Grand Casimir de Pologne,
À qui, sans cesse, je témoigne
Être, tout à fait, obligé,
S’y trouve ; et tout des mieux, logé,
Dans le Château notre Sire,
Ce qui, je pense, est assez dire.

Sur la Liste, l’on met après,
Sans m’en dépeindre pas un trait,
Une Princesse de Bohême,
C’est pourquoi, j’en parle de même,
Sans en tracer aucun Tableau,
Qui soit, non plus, ni lard, ni beau.

Item, Messire Edouard Hydes,
De qui le Front n’est pas sans rides,
Ayant quelque âge et du souci,
Ce que bien d’autres ont, aussi.

Item, un très excellent Homme,
Que là, comme à Paris, on nomme
Le Président de Novion,
Que, sans nulle adulation,
On peut appeler un Illustre,
Tant pour ses Vertus, d’un grand lustre,
Que pour son Lignage éclatant,
Mais l’on m’en nomme, encore, tant
Qui sont tous Buveurs d’importance,
Que je n’en puis, en conscience,
Leurs beaux Noms Ici, décliner.
Mais j’ajoute, pour terminer,
Qu’outre qu’en ce Lieu, la Nature,
Comme dans sa Naissance, est pure,
Et que l’on y respire un Air,
Bien plus qu’ailleurs, et doux, et clair,
On y voit de ces beaux Visages
Si dignes d’amoureux Hommages,
Lorsque le cœur en est bénin :
Et que la Comédie, enfin,
Le Jeu, l’Entretien, et la Chère,
Y font trouver de quoi s’y plaire.

-Bossuet a été admis à l'Académie française. Ainsi est-il désormais immortel comme le dit Robinet :

Monsieur l’Évêque de Condom,
Qui, du Ciel, a reçu le Don
De tout faire, et dire, avec grâce,
Se trouve, maintenant, en passe,
À ne pouvoir souhaiter rien,
Soit pour l’honneur, soit pour le Bien.

Pour ses vertus que tant on prise,
Le voilà posté dans l’Église,
Le voilà posté dans la Cour,
Et, bref, depuis le dernier jour
Le voilà, pour toute sa vie,
Reçu dans notre Académie :
Où, ce m’a-t-on dit, il a fait
Un Discours charmant tout à fait,
Remerciant ce Corps illustre,
Qui met notre Langue en son lustre,
De l’avoir, avec gloire, admis
Au nombre de ses bons Amis.

L’Action s’est faite en présence
Du digne Chancelier de France,
Comme l’on sait grand Orateur, [Le Sieur Charpentier, qui en est Chancelier]
Et de ce Corps le Protecteur ;
Duquel Corps, une belle Langue
Qui, des mieux, sait faire harangue,
À ce grand Prélat, répondit,
Et, de doctes merveilles, dit,
Qui firent à la Compagnie,
Admirer, aussi, son Génie.

-Retour sur la querelle de Pomone : celle-ci semble vidée et les représentations ont repris.

En achevant ce mien Écrit ;
J’apprends de Personne d’Esprit
Ce qu’il faut, donc, que je publie,
Que la Concorde est rétablie,
Entre Messieurs de l’Opéra,
Et qu’hier, même, il opéra,
En reproduisant sa Pomone,
Plus vermeille qu’une Anémone,
Et qu’on reverra, pour certain,
Encore, au même Lieu, demain,
Ainsi que tout du long de l’aune,
L’annonce leur Affiche jaune.

-Le voyage dans le nord du royaume se poursuit pour la cour, qui est désormais à Ath, ville sous pavillon français depuis quelques années seulement :

Le quinze du mois, notre Cour [de Juin.]
Dans Ath, alla faire séjour,
Étant et fort drue, et fort saine :
Et sur ce, je barre ma Veine.

Lettre du 27 juin 1671, par Robinet.

-Notre gazetier annonce le retour prochain de son protecteur :

L’Espoir que mon charmant Héros,
Qu’ici, de revoir, je suis gros,
Sera de retour dans Quinzaine,
Me fait, gaiement, t’ouvrir ma Veine,
En ce jour dévoué, par moi,
À ce digne Frère du ROI :
Jour où, pour Lui, je versifie,
Et je mets, ma Philosophie,
Mon Soin, ma Flamme, et mon Esprit,
À lui rédiger, par écrit,
Historiettes, et Nouvelles,
Des plus fraîches, et des plus belles.

C’est, donc, à quoi, dans ce moment,
Voulant invariablement,
Servir ce PHILIPPE admirable,
À ma Clion si favorable,
Je vais tout entier, m’appliquer,
Et ma Cervelle alambiquer,
Tranchant court ce Préliminaire,
Pour parler promptement d’Affaire.

-Puis Robinet revient sur la querelle de Pomone précédemment évoquée :

Je ne savais pas tout, vraiment,
Quand je parlai, dernièrement,
Des beaux Faits de Dame Discorde,
Déesse de sac et de corde,
J’ignorais qu’elle avait été,
(Ce que l’on m’a, depuis, conté)
Mettre son nez dans les Mystères
De deux Philosophes colères,
Et vous les échauffa si bien,
Dans une Dispute de Rien,
Qu’oubliant, alors, leur Morale,
Comme une Morale de Balle,
Ils devinrent, présents Témoins,
Deux francs Héros à coups de poings.
Mais quoi ! par telles Apostrophes,
L’un de ces vaillants Philosophes,
Eut le moyen, sans Argument,
De prouver le vide aisément,
À l’autre qui, dit-on, le nie.
Comment, en effet, je vous prie,
Eussent-ils pu, si tout est plein,
Allonger le bras, et la main,
Pour se frotter de cette sorte ?
À vous, Lecteur, je m’en rapporte.

Mais le meilleur de l’Affaire est,
Où je n’ai nul brin d’intérêt,
Que, d’un des Combattants, la Femme,
Qui chanta, là-dessus, sa Gamme,
Lui reprocha qu’il s’épuisait
Dans les Disputes qu’il faisait,
Qu’il annihilait la Substance
Dont, en diverse Conférence,
Elle l’avait ouï parler,
Et que, sans ses Contes en l’Air,
Lesquels n’avaient rien de solide,
Elle connaissait trop le vide :
Si bien qu’elle le conjurait,
(Quoi faisant il l’obligerait)
De cesser des Disputes vaines,
Qui troublaient le Sang dans les Veines,
Et causaient, sans utilité,
Très grand Dommage à la Santé.

-Et encore :

Elle avait raison, je vous jure,
Car, enfin, de Dame Nature,
Les Secrets le seront toujours ;
Et quelques excellents Discours
Que l’on fasse sur ses Merveilles,
C’est, sans fruit, épuiser ses Veilles,
C’est en parler, mes chers Lecteurs,
Comme un Aveugle des Couleurs.

Ceux qui nous veulent, par exemple,
Par un Raisonnement fort ample,
Prouver que le grand Œil des Cieux,
Luit dedans ces terrestres Lieux,
Comme on voit les yeux d’un Chat, luire,
Sans rien faire, sans rien produire,
Disent maints et maints beaux Rébus,
Dont l’on pourrais comme d’abus,
Appeler, pour ce grand Planète,
De qui la Lumière parfaite
Est l’Âme de tout l’Univers,
Et de tous ses Être divers.

Mais, sans que, sur ce, davantage,
Je pousse mon petit Ramage,
Voyez comme en parle Bary,
Dedans l’Ouvrage si fleuri,
De sa Physique, en trois beaux Livres,
Qui coûtent environ huit livres,
Et dans lesquels on trouve tout
Ce que de l’un, à l’autre bout,
Produit, en sa vaste étendue,
La Nature si peu connue.

Mais parlons d’un Événement
Qui plaira plus, certainement,
Que l’Aventure précédente,
Quoi qu’elle soit assez plaisante.

-Où qu'il soit, quoi qu'il fasse, Monsieur est brillant :

Monsieur, galant à l’ordinaire,
Et qui sait comme il le faut faire,
Sans qu’on lui puisse apprendre rien,
Fut, naguère, au Château d’Enghien,
Lieu charmant pour la Promenade,
Avec une brillante Escouade,
Des jeunes Beautés de la Cour ;
Et, dedans ce riant Séjour,
Leur fit une chère angélique,
Sans oublier bonne Musique.

Ainsi, cet illustre Héros,
Augmente, chaque jour, son los,
Soit dans le partage des veilles
D’un Monarque plein de merveilles,
Soit dedans les Fêtes qu’il fait,
Où tout rit, où tout est complet,
Où le bel air, la politesse,
Et l’ordre, et la délicatesse,
Font des accords si ravissants,
Qu’on y sent charmer tous les fins.

-Quant à la cour, son retour prochain est annoncé. Robinet ajoute quelques mots au sujet de la santé vacillante du duc d’Anjou :

De notre Cour, la Vironnée
Doit, bientôt, être terminée :
Et le douze du mois prochain,
Elle revient à Saint-Germain,

Le Ciel veuille, je l’en conjure,
Aidant Médecine, et Nature,
Qu’alors, Monsieur le Duc d’Anjou,
De la Couronne, un cher Byon,
Se retrouve en santé parfaite,
De bien bon cœur, je le souhaite.

Lettre du 4 juillet 1671, par Robinet.

-Le mois de juillet 1671 sera bien sombre : en premier lieu, il marque la première commémoration de la mort d'Henriette d'Angleterre, épouse du protecteur de notre gazetier, décédée le 30 juin de l'année passée. Ce que Robinet ne sais pas encore, c'est que ce mois sera celui du décès du dernier enfant de son roi, le petit duc d'Anjou, dont la santé chancelante a déjà été évoquée précédemment.

Aujourd’hui, je suis hors de Rime,
Le Régent du Parnasse, et les neuf doctes Sœurs
M’y combleraient, en vain, de toutes leurs faveurs,
Pendant le juste Deuil qui, derechef, m’opprime.
Leurs Feux, leurs plus beaux Feux, leurs plus grands Enjouements,
Et leurs nobles mouvements
Se verraient étouffés dans mes Soucis extrêmes.
Que dis-je ? mon Deuil est le leur,
Et je les vois eux-mêmes
Accablés de douleur.

Oui, oui, le sombre Anniversaire
De l’illustre Héroïne, à qui, durant six ans,
J’ai consacré mes Vers, et mes lyriques Chants,
Autant que moi, les touche, et la chose est bien claire.
Dans la Cour de LOUIS, elle fut leur Aimant
Le plus noble, et le plus charmant.
Et chez Elle, ils trouvaient leurs Délices suprêmes.
Ainsi, donc, mon Deuil est le leur,
Et je les vois eux-mêmes
Accablés de douleur.

Lundi dernier fermait l’Année
De la Mort si déraisonnée
De l’Héroïne que je dis ;
Présentement, en Paradis,
Séjour des Clartés éternelles,
Entre les Âmes les plus belles
Et Mardi, ledit Bout de l’An,
Qui me fait pousser maint Elan,
Fut, dans le sacré Val-de-Grâce,
Où, du Ciel, coule toute grâce,
Célébré solennellement,
Autant, certes, que tristement.

De Béziers, le Prélat illustre,
Lors, dans son pontifical lustre,
Au Maître-Aule, sacrifia,
D’un air qui fort édifia
Toute la nombreuse Assistance
De plusieurs Evêques de France,
Et d’autres Gens de haut degré,
Qui, (dont je leur sais très bon gré)
Voulurent rendre à sa Mémoire,
Digne d’une immortelle Gloire,
Les derniers et sombres Devoirs :
Et l’on y vit, en Atours noirs,
Toute sa Maison désolée,
Qui ne peut être consolée
D’avoir perdu si promptement,
Et, bref, si prématurément,
Une si charmante Princesse,
Et, de plus, si bonne Maîtresse.

Mademoiselle, en qui l’on voit
Ressusciter ce qu’elle avait
De Grâce, d’Esprit, et de Charmes,
Qui servaient d’Objet à mes Carmes,
A ce grand Service, assista,
Où la Musique, aussi, chanta :
Et la Maréchale excellente, [Me la Maréchale de Clérembault]
De ses Appas, la Gouvernante,
Son poste, auprès d’Elle, tenait,
C’est-à-dire, l’accompagnait,
Avec d’autres Dames de marque,
De la Cour de notre Monarque,
Faisant là, pieuse Oraison,
Et, pareillement, la Maison
De ladite jeune Princesse,
Qu’on oyait soupirer, sans cesse,
Comme, en grisonnant ce Narré,
Sans cesse, hélas ! j’ai soupiré.

-Le frère du roi d'Angleterre a perdu son fils, mort en bas âge :

À propos de Mort, ou de Parque,
Elle a fait entrer dans la Barque
Du pâle Caron, depuis peu,
Un Amour tout jeune, et Neveu
De l’Héroïne dessus dite,
Dont cette Parque est bien maudite,
Surtout, dans l’anglicane Cour,
Car cet Amour, pour trancher court,
Est le Fils de l’unique Frère
Du Souverain qu’on y révère :
Lequel a d’autant plus sujet
De pester contre ce Squelet [sic],
Que, de ses griffes inhumaines,
L’ayant, depuis quelques Semaines,
De sa chère Épouse, privé,
Dont il était assez grevé,
Il vient, encor, comme une Harpie,
De ravie à ce Fils, la Vie,
Le plus cher Gage qu’en ce jour,
Il lui restât de leur amour.

-Le roi d'Angleterre est à Dunkerque : il y a été accueilli par Louis XIV qui l'a reçu avec tous les honneurs et de grands divertissements. Mais l'objet de cette visite, qui avait certainement été préparée par la réception qu'avait offert au même Charles II l'ambassadeur de France à Londres, doit se trouver dans les préparatifs de la guerre que l'on compte mener en Hollande...

J’ai marqué dans l’un des Chapitres,
De mes précédentes Épîtres,
Comment le Britannique Roi
A reçu, dans un tel arroi,
Id est, avec magnificence,
Les Princes, et Seigneurs de France,
Qui, de Dunkerque, avaient été
A Londres, voir sa Majesté,
Comment, par Festins du haut style,
Et même à la façon d’Achille,
Il les avait tous banquetés,
Et, merveilleusement, traités.
Mais il a, tout d’une autre guise,
Reçu, chez Lui, le Duc de Guise.

À ce beau Prince, il envoya,
À deux fois six milles, de là,
Sa Berge, des mieux ordonnées,
Et des plus lestement, ornées.

Par l’effet d’un fort tendre soin,
Il le vit venir de tout loin,
Etant, lors, sur une Terrasse,
(Qui, sur la Tamise, fait face)
Avec la Reine : et chacun d’eux,
En parut, certes, tout joyeux.

Quand il alla voir ledit Sire
Qui sait tout bien faire, et bien dire,
Sortant d’un Cercle plein d’Appas,
Sa Majesté vint quelques pas
Au devant de ce Prince aimable ;
Et d’un air riant, doux, affable,
Bref, obligeant au dernier point,
Disant ceci, je ne mens point,
Le reçu, et présenta même,

Par un honneur, vraiment, extrême)
À l’autre belle Majesté :
Qui, pleine de civilité,
L’accueillit, encor, de manière,
Envers lui, toute Singulière.

Ledit Roi, durant son Séjour,
L’a fait divertir, chaque jour,
Le menant à la Comédie,
Qu’accompagna la Mélodie,
Aux Convives, enfin, au Cours,
Où, dans les plus lestes Atours,
La Reine était avec les Belles,
Qui, de leurs brillantes Prunelles,
Lorgnaient, je pense, à tout moment,
Ce jeune Prince si charmant,
Etant fait, encor, tout de même,
Que le Dieu par qui chacun aime,
Quoi qu’il ait tout le cœur de Mars,
Dedans les belliqueux Hasards.

Tous les plus grands Seigneurs, au reste,
L’on traité là, je vous proteste,
A l’envi, Bouche que veux-tu ?
Les charmants tout, par sa Vertu,
Et par maints Attributs illustres,
Qui le rendent, à quatre Lustres,
L’un des Princes plus accomplis,
Qui brillent en la Cour des Lys.

Après ces Chères, et Visites,
De toutes les Grandeurs susdites,
Après ces Accueils, ces Honneurs,
De Roi, de Reine, et de Seigneurs,
Il partit (je le crois sans peine)
Avec satisfaction pleine,
De toute l’anglicane Cour :
Qui n’en a pas moins, à son tour,
De son Esprit, sa Politesse,
Son Accortise, sa Sagesse,
Douceur, Grâce, Affabilité,
Et de sa Générosité.

-Près d’Angoulême, la translation d'un relique a donné lieu à d'importantes cérémonies :

Ces jours passés, à la Valette, [En Angoumois]
Avec une Pompe complète,
Et brillante Dévotion,
On a fait la Translation
D’une vénérable Relique,
Dont, par Largesse magnifique,
Le dernier Pontife Romain, [Clément IX.]
Des meilleurs, il est bien certain,
Dont l’ont pleuré les Funérailles,
Régala le Duc de Navailles,
Comme le plus digne, et beau Prix
De ses saints Exploits, entrepris,
Pour la Défense de l’Eglise,
Qui, seule, un Brave, immortalise.

Cette Relique est tout un Corps,
Qui vaut tous les humains Trésors,
Dans une Chasse fort fleurie,
Sur qui brille l’Orfèvrerie,
Et, même, le Vermeil doré :
Ce Coffre, richement, paré,
Et valant beaucoup de Pilastres,
Encor, de Lapis précieux.

Or ledit Duc, des plus pieux,
Et la Duchesse son Épouse,
Qui des Vertus a plus de douze,
L’avaient fait mettre dans son jour,
Au milieu d’une vaste Cour
Du Château de leur Résidence,
Avec une magnificence,
Où l’on ne peut rien ajouter,
Et qu’on ne peut bien raconter.

Le Boux, jadis de l’Oratoire,
Qui sait si bien l’Art oratoire,
Et qui, maintenant, est Prélat, [de Périgueux]
Portant Mitre avec tant d’éclat,
Fit l’auguste Cérémonie,
En très nombreuse Camgagnie [sic] :
Et, même, avec son beau Talent,
Prononça l’Éloge brillant
De Uiventin, comme se nomme
Ce Saint, dont le Corps vient de Rome,
Qui, de la Paroisse du Lieu,
Où l’on sert, des mieux, le bon Dieu,
Fut porté dans les Ursulines,
Qui brûlent des flammes divines,
Et dont le Repaire sacré,
À leur cher Époux, consacré,
(Lequel l’est de toute Vestale)
Est de Fondation Ducale :
Les Seigneurs, et Dames susdits,
Qui veulent gagner le Paradis,
Par des œuvres, vraiment, pieuses,
Dévotes, et religieuses,
L’ayant, de leurs deniers, fondé.

Selon que l’on me l’a conté,
Le saint Corps, en son Reliquaire,
Est en Dépôt, dans ce Repaire
Tout à fait pur, et virginal,
Sous un riche, et fort beau Cristal,
Que les Fondateurs ont fait mettre ;
Jusqu’au temps qu’on le doit transmettre ;
Par un Triomphe tout nouveau,
En la Chapelle du Château,
Qu’en diligence, l’on érige :
En laquelle Chapelle, dis-je,
Il sera, comme il l’est permis ;
Par la Bulle, pour toujours, mis.

La grosse, et mince Artillerie,
Le Canon, l’Escopèterie,
Firent merveille en ce jour-là :
Et le Duc, enfin régala,
De Mets friands, et délectables,
Servis sur grand nombre de Tables,
Tous les Nobiles du Pays,
Où l’on ne voit aucun Spahis,
Et tous les Ecclésiastiques :
Si que les Traitant magnifiques
Furent hautement exaltés,
N’en doutez point, par les Traités.

-La cour, qui était à Ath, est désormais à Charleroi :

Selon Lettres de fraîche Date ;
La Cour a, naguère, été d’Athe [sic],
À Binck, et puis à Charleroi :
Notre cher Seigneur, Sire, et Roi,
Qui, jamais, d’agir, ne se lasse,
Voulant visiter chaque Place,
Et lui-même, en savoir l’état,
Ô le merveilleux Potentat !

-Quant à Philippe de France, protecteur de notre gazetier, il a donné une grande fête dans l'un des lieux traversés :

Monsieur, qui, partout, l’accompagne,
En sa fatigante Campagne,
A fait, encor, dans un Château,
Aux Dames, un fort grand Cadeau :
Et sans ledit Banquet, décrire,
En disant cela, c’est tout dire.

-Robinet évoque enfin la mort de Monsieur de Montlouet. Fut-ce « en lisant une lettre de sa maîtresse » comme nous l'apprend une ancienne note de bas de page d’une édition des Lettres de Mme de Sévigné (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k5302b/f278.image) ? Notre gazetier n'en dira pas plus...

Le Sieur de Mon[t]louet , en chassant,
Et quelque Gibier terrassant,
Vient, en tombant sous sa Monture,
De tomber dans la Sépulture.
Quelle Disgrâce ! quel Malheur !
Pour sa Venue, quelle Douleur !
Ô chétive Nature Humaine,
Que ta Fortune est incertaine,
Si tu rencontres le Trépas,
Partout, ainsi, dessus tes pas.

-Vaumorière, c’est-à-dire Pierre Ortigue de Vaumorière (vers 1610-1693) vient de publier son Histoire de la galanterie des Anciens :

VAUMORIERE, en phrase fleurie,
Nous a fait un galant Portrait [L’Histoire de la Galanterie des Anciens,]
De l’ancienne Galanterie : [chez le Sr Monnier, vis-à-vis la Ste Chapelle.]
Mais, ô justes Dieux ! qu’a-t-il fait ?
Il a montré, sans flatterie,
Que la nôtre n’est, en effet,
Qu’une pure Badinerie.

Lettre du 11 juillet 1671, par Robinet.

-L’été est-elle la saison des divertissements et des plaisirs ? C’est ce que l’on doit croire à lire l’ouverture de la présente gazette :

Venez, Jeux, Ris, Grâces, Amours,
Venez réjouir ma Musette,
Venez animer ses Discours,
Et combler d’Attraits, sa Gazette.
O belle Troupe, inspirez-là,
Si bien, sur ceci, sur cela,
Qu’on y puisse, aujourd’hui, votre façon connaître.
Qu’enfin, tout y soit, comme vous,
Enjoué, gracieux, riant, brillant, et doux,
Et que, de vos Appas, tous ses Vers semblent naître.

Ne souffrez rien de sérieux
En nul endroit de notre Epître,
Quand l’on fait rire, tout va mieux,
On est Auteur à juste Titre.
Le Sel, à présent, des Ecrits,
Et ce, qui charme les Esprits,
Est tout ce qui chatouille, et pique le Risible.
C’est la seule des Facultés
Par qui tous les Mortels peuvent être enchantés,
Comme il l’est, tous les jours, et trop, et trop visible.

Pour mieux réussir, le secret
Est d’entremêler la Satire,
Et d’en larder, de quelque Trait,
Celui qui, moins, ce Trait s’attire.
Mais chacun, pour satiriser,
Et, par là, se faire priser,
N’a pas, comme l’on sait, autorité plénière.
Ainsi, laissons-là, ces Heureux,
Et, dans certain Milieu qui ne tienne rien d’Eux,
Enfilons, sagement, Clion, notre Carrière.

-Robinet évoque Raymond Poisson (1630-1690), auteur et comédien, qui a ses faveurs :

A propos de Style enjoué,
Poisson, qui, des plus, est doué [Comédien de l’Hôtel de Bourgogne.]
De ce facétieux Génie
Qui fait grossir la Compagnie
À nos Spectacles Théâtraux,
Cet Auteur, qui, des plus moraux
Qu’on voit monter au Parnasse,
A fait le Baron de la Crasse,
Lui, dis-je, de belle hauteur,
Du Poète Basque, encor, l’Auteur,
Ainsi que du Fou raisonnable,
Plus que tous les Sages, aimable,
Item, aussi, du Sot vengé,
Miroir de tout Sot outragé,
Item, enfin, des Moscovites,
Desquelles Pièces dessus dites,
Il m’a régalé, galamment,
Et, tout à fait, obligeamment ;
Cet Auteur goguenard, vous dis-je,
Dont brièvement, je rédige,
Ici les Œuvres, et le Los,
Nous vient d’exposer les Tableaux [c’est une Comédie intitulée les Coquettes,]
De nos Coquettes fieffées, [qui se joue à présent.]
Lesquelles sont si bien coiffées,
Et coiffent si bien les Maris
Qui, dans leurs Panneaux, se sont pris.

Or, il a dans cette Peinture,
Si bien imité la Nature,
Qu’il n’y manque pas un seul Trait,
Pour être un fidèle Portrait.

On y voit leurs vrais Caractères,
Leurs manières, et leurs Mystères,
Et, tout franc, l’on découvre là,
(Dans ces fidèles Tableaux-là)
De quel air telles Libertines
Dignes d’aller aux Feuillantines,
Traitent les Jobelins d’Epoux,
Devenus Sots d’être trop doux.

Mais, au reste, ces Portraitures,
Qui ne sont pas des Miniatures,
Ont, partout, des coups de Pinceau,
Dignes d’un égrillarde [sic] Cerveau,
Et si plaisants que les Coquettes
En sont toutes, très satisfaites,
Ainsi que leurs Cancres d’Epoux,
En sont, aussi, très contents, tous.
Je crois, Lecteur, le pouvoir dire,
Puisque j’y vis tout chacun rire,
Les deux fois que, pour rire, aussi,
J’y fus étouffer mon Souci.

-La violation du carême est visiblement une pratique punie dans la France d’alors :

Deux Aspirants en Chirurgie,
(Inhumaine Charcuterie,
Où l’on coupe Jambes, et Bras,
Qui, ma foi, ne reviennent pas)
Ayant leurs Lettres présentées,
Comme on m’a les choses contées,
Ces derniers jours, à leurs Jurés.
De bonne Chère, Amis jurés,
A Dîner, ils les invitèrent,
Et, de leur mieux, ils l’apprêtèrent,
Dit-on, à la Pomme de Pin.
Pourtant, leurs glouton d’Intestin
Ne trouvant pas assez de Viandes,
Et ni, mêmes, assez friandes,
Pour se régaler, comme il faut,
Ils pourvurent à ce Défaut,
Faisant redoubler les Services,
Aux Dépens des pauvres Novices,
Lesquels étaient, lors, soupirants,
Du moins, tout autant qu’Aspirants,
De voir cette Troupe jurée,
A leur ruine, conjurée,
Les mettre, de la sorte, en frais,
Par ce surcroît de nouveaux Mets.
Mais ils furent tablés, à peine,
Et prêts de farcir leur Bedaine,
Qu’un Homme, entrant, en gris Manteau,
Lorgna, tout du long, leur Cadeau ;
Et leur faisant voir, dit l’Histoire,
A l’instant, une Robe noire,
Dit, apostrophant les Jurés,
» Tout beau, Messieurs, les Altérés,
» Laissez-là ces Viandes sacrées,
» Sachez qu’elles sont consacrées
» Aux Habitants de l’Hôtel Dieu,
» Et qu’elles vont, en ce Saint Lieu,
» Sur le champ, être transportées,
» Pour leur être distribuées.
Ce qui fut dit, fut, aussi, fait,
Dont chacun fut tout stupéfait :
Mais il le fut bien davantage,
Quand, continuant son langage,
L’Homme noir ajouta ceci.
» Messieurs, je vous ajourne, aussi,
» Au premier Jour, à la Police.

Éprouvants, ainsi, le Supplice
De Tantal, en l’Eau, jusqu’au cou,
Sans pouvoir boire un pauvre coup,
Tous, honteusement, détablèrent [sic],
Et des plus camus, s’en allèrent.

Au reste, au jour, encor, peu doux,
Jour, ci-dessus, du Rendez-vous
Devant Madame la Police,
Qui fait, très bien, son Exercice,
Les Jurés, fort obéissants,
Je pense, un peu, malgré leurs Dents,
Y furent, sur le cas, répondre :
Mais on sut, d’abord, les confondre,
Leur remontrant que les Status
Prohibaient de tel Défructus,
C’est-à-dire ces Goinfreries,
Ces Beuveries, et ces Frairies,
Et lesdits Sieurs Jurés, jurant,
Furent condamnés à cent francs,
Cela s’entend, chacun, d’Amende,
Sans goûter de pain, vin, ni viande,
Mais, dessus cela sufficit,
Passons à quelque autre Récit.

-Les pérégrinations de Louis le Grand le long de la frontière nord de la France ont-elles créées la panique à Bruxelles ? C’est ce que le gazetier rapporte avec force détails :

Naguère, l’on eut, à Bruxelle [sic],
Une Alliance, toute nouvelle,
Sur ce que des Gens entrant là,
Que quelque Vision troubla,
S’écrièrent, tous hors d’haleine,
Sans pouvoir s’exprimer qu’à peine.
» Ah ! ç’en est fait, oui, les Français,
» S’en vont à Monts, à cette fois,
» On a vu leur Cavalerie,
» Infanterie, Artillerie,
» Et toute leur Armée, enfin,
» Qui, de Monts, tient le droit chemin.
» Peut-être, hélas ! qu’elle est bloquée,
» Peut-être qu’elle est attaquée,
» Nous avons ouï du Canon,
» Le bruyant, et foudroyant ton,
» Sus, qu’au plus vite, l’on y courre,
» Qu’en diligence, on la secoure,
» Avertissez le Gouverneur,
» Car il y va de son honneur,
» Ô Dieux ! quelle étrange surprise !
» On trouvera la Place prise.

Le sieur Comte de Monterrey,
Ne doutant point qu’il ne fut vrai,
Envoya, de faire, au plus vite,
Force Troupes, illec, au Gîte,
Tant Fantassins que Cavaliers :
Mais les Français, dans les Quartiers,
Ne songeaient à Monts, ni Montagne,
J’en jure par Monsieur Montagne.

-Et encore :

Mais voyez qu’il est dangereux,
Aussi, de loger auprès d’eux,
On y perd, en ma Conscience,
Tout repos, et toute assurance.
Ils ressemblent à ces Beautés
Qui ravissent nos Libertés,
Dont tel est le fâcheux Empire,
Que, sans trêve, l’on y soupire,
Sans trêve, on y tremble, on y craint,
Et, bref, sans trêve, l’on s’y plaint.

Les États, aussi, de la Haye,
Tiendraient ma Comparaison vraie,
Eux qui, comme les Bruxellois,
Ont eu l’alarme, tant de fois,
De notre alarmant Voisinage.

Mais, sus, qu’ils reprennent courage,
Qu’ils soient, désormais, rassurés,
Les en voilà tous délivrés.

-Mais cette alarme ne fut que de courte durée car le retour du roi est annoncé :

Notre Roi, touché de leur transe,
Ayant mis tout en assurance,
En ses derniers Postes conquis,
Ce rare Souverain des Lys,
Revient, avecque son Armée,
Dont, partout, court la Renommée :
Et, même, Lecteur, en ce jour,
Toute sa triomphante Cour
Arrive à Saint Germain en Laye,
Mais non, à beaucoup près, si gaie,
Qu’elle serait, certainement,
Et vous n’en doutez, nullement,
Si le Fils Puîné du Monarque,
Jeune Prince en qui l’on remarque
Mainte admirable Qualité,
Se trouvait en pleine Santé.

-En ce qui concerne Philippe, il est également de retour et il a fait dire des messes pour son épouse disparue :

L’Illustre Héros de ma Muse,
Monsieur, que, parfois, elle amuse,
(Pour Elle, Honneur bien précieux,
Car il en est qui font bien mieux,
Qui n’ont, pourtant, pas cette Gloire)
Ce Prince, ayant pour la Mémoire
De sa feue auguste Moitié,
Tout ce qu’une forte amitié
Peut laisser dans le fonds de l’Âme,
Encor, de tendresse, et de flamme,
Fit, avant que d’Astre, on sortît,
Ou, pour mieux dire, qu’on partît,
Quantité d’Aumônes, pour Elle,
Qui montraient assez son beau zèle.

Il fit des Prières, aussi,
Et, pour signaler son Souci,
Dire des Messes en grand nombre :
Montrant, cependant, cet air sombre
Qu’il montrait depuis douze mois,
Que fut la Parque mit aux abois
Cette Héroïne incomparable,
Dont la perte est irréparable.

-Puis Robinet conclut sa gazette en évoquant le maréchal de Créqui :

Il me reste un petit Chapitre,
Et puis je ferme mon Épître.

C’est de ce preux Maréchal qui
Porte le beau Nom de Créqui :
Et ce que j’en veux, ici, dire,
Est qu’il tranche, toujours, du Sire,
De par notre grand Souverain,
Dans les États du Duc Lorrain :
Et qu’avec sa Cavalerie,
Tout à fait, alerte, et fleurie,
Il s’y promène, incessamment,
Étant campé, présentement,
À Sarverden, près Fenestrange,
Jusqu’à ce que de Poste, il change.

De quel œil, le Duc voit cela ?
Jugez-le, j’en demeure là,
Un Trépas qu’on vient de m’apprendre,
M’empêche, sur ce, de m’étendre,
J’en sens une amère douleur,
Ô pour la France, quel malheur !

Lettre des 11-15 juillet 1671, par Mayolas.

-Le voyage de Flandre fait par le roi selon Mayolas. Quelques déductions nous permettent de dater cette lettre qui ne porte, comme d'habitude pour cette année 1671, aucune mention précise de la part de son auteur ni de l'éditeur. La composition de cette lettre "après le retour du roi", doit se situer quelque part entre le 11 et le 15. Si Mayolas considère que la présence du roi en région parisienne dès le 11 (Luzarches puis Maisons) sanctionne la fin du voyage et s'il a aussi été appliqué que Robinet, c'est de ce jour-là qui est un samedi que date la présente lettre. S'il a été moins sérieux, comme peut en témoigner l'irrégularité de ses gazettes pour cette année, il a pu la rédiger un peu plus tard. Mais on trouvera étrange qu'il n'évoque pas dans cette lettre la mort du petit duc d'Anjou.

Dans les vers suivants j’ai tracé
Grand ROI, tout ce qui s’est passé
A votre voyage de Flandre,
Où j’aurais bien voulu me rendre,
Pour être un fidèle témoin
De votre Illustre et Royal Soin,
Qui vous fait voir infatigable
Et qui rend Dunkerque imprenable,
Par les fortifications,
Demi-lunes et bastions,
Fossés, remparts et contrescarpe ;
On n’eut point le bras en écharpe
Dès les quatre heures du matin
Les Soldats étaient en chemin,
Au signal d’une Canonnade
Ils commençaient leur promenade,
Ou bien leurs travaux glorieux,
Afin de parler un peu mieux,
Avecque tant d’exactitude,
Avecque tant de promptitude,
Que tous travaillaient à l’envi,
Dont sans mentir j’étais ravi ;
Animés de votre présence,
Ils témoignaient leur diligence,
Car deux fois le jour à cheval
(Par un mouvement Martial)
Vous alliez visiter la Place
Gaiement et de bonne grâce,
Aussi tout le Peuple accourait,
Vous louait et vous admirait ;
Mais après votre vigilance,
Parlons de la magnificence,
Et de la libéralité
Qu’a montré votre Majesté,
Généralement estimée,
Outre la paie accoûtumée,
Que l’on donne à ces braves gens,
Pour les rendre plus diligents,
Vous leur faisiez pour récompense
Distribuer de la finance
Et même proposer des prix
Aux Régiments bien accomplis,
Qui le matin, l’après-dînée,
Auraient plutôt fait leur journée,
Ou bien achevé leur travail
Dont vous avez vu le détail,
Étant jaloux de cette gloire
Comme de gagner la victoire ;
On voit par ces faits éclatants
Que dans trois semaines de temps,
Votre pouvoir et votre adresse
Ont bâti cette Forteresse
Et rendu l’Ouvrage parfait,
Ce que d’autres n’auraient point fait,
Par une heureuse destinée
Dans le cours d’une double Année ;
Jamais les Grecs et les Romaines
Eurent-ils de tels Souverains,
Employer au siècle où nous sommes,
Vingt-huit ou trente mil hommes,
A fortifier des Cités
Et des Places de tous côtés,
Même aux yeux de toute la terre,
Sans parler seulement de guerre,
Mais pour entretenir la paix
(Qui des peuples fait les souhaits)
Cela n’en déplaise à l’Espagne,
Vaut bien les fruits d’une Campagne,
Pour couronner parfaitement,
Du susdit lieu l’achèvement
Par un tour de galanterie,
Votre Majesté très chérie
Près cet appareil Martial,
Et sur le bastion Royal
Voulut bien donner une fête,
Que de nouveau je vous apprête ;
La REINE qu’on estime fort
Sur le soir s’y rendit d’abord,
Et Monsieur et Mademoiselle [d’Orléans]
Avec la Cour pompeuse et belle
Qui vous rend de justes honneurs,
Les Dames avec les Seigneurs
Agréablement s’y trouvèrent,
Et superbement se parèrent.
En abrégé je mets enfin
Que ce Régal et ce festin,
Était composé de viandes
Les plus rares, les plus friandes,
Comme de ragoûts les meilleurs,
Des plus excellentes liqueurs,
De grand nombre de confitures
Des plus tendres et des plus dures,
Des fruits pleins de mille douceurs,
Le tout environné de fleurs.
Pendant qu’une chère angélique
Et la propreté magnifique,
Contentait le goût et les yeux,
Les concerts plus délicieux :
Ne flattaient pas moins les oreilles
Par leurs agréables merveilles,
Et les voix et les instruments
Causaient de tels enchantements,
Que l’âme se trouvant ravie
Par cette douce symphonie,
Pour la réveiller au secours
On joignit le son des tambours,
Tant des filtres que des musettes,
Sans omettre aussi les trompettes,
Quatre-vingt pièces de canon
Qui jouèrent là tout de bon,
D’une manière belliqueuse,
Sur une mer point orageuse,
Élevaient l’esprit, et le coeur,
Autant que celui d’un Vainqueur ;
Cette musique différente
Non moins aimable que tonnante,
Causait de divers sentiments,
Tantôt craintifs tantôt charmants,
Par l’effet de votre clémence
Cette grande réjouissance
(Dont plusieurs gens s’émerveillaient)
Fut jusqu’à ceux qui travaillaient,
Puisque ayant achevé l’Ouvrage
Sans manquer jamais de courage,
Sur l’heure l’on fit part à tous
De rafraîchissement bien doux :
La nuit du jour prenant la place,
Chacun retourna sur sa trace,
Anglais, Écossais, Irlandais,
Allemands, Flamands, Hollandais,
Et d’autres nations encore
Qu’un désir curieux dévore,
De tous côtés accourant là
Furent bien témoins de cela,
Grand Roi, si ceux qui s’y trouvèrent
Singulièrement admirèrent,
De cette Royale Action
La largesse et l’invention,
Ils furent surpris de vos charmes,
Quand vos gens étant sous les armes
Vous les fîtes bien défiler,
En bon ordre marcher, aller :
Votre adresse et votre courage
Avec un pareil avantage,
Parurent aux yeux des guerriers,
Des Soldats et des Cavaliers :
Vous commandez si bien en maître
Que vous leur faîtes bien paraître,
Que vous l’entendez beaucoup mieux
Que les Héros les plus fameux,
Lorsque votre brave milice
Sous votre ordre fait l’exercice,
Chacun pense voir le Dieu Mars,
Resplendissant de toutes parts ;
Votre valeur votre sagesse,
Votre fierté, votre prouesse,
Semblent combattre incessamment,
Avec votre air doux et charmant,
Et cette dispute est si forte
Qu’on ne sais qui des deux l’emporte.
SIRE, j’ai souhaité cent fois
De me trouver en ces endroits,
Tant pour avoir part au Régale [sic]
(Que ma Muse en ma lettre étale)
Que pour travailler de ma main,
Aux apprêts de ce beau dessein,
Mais pour tout dire file-à-file,
Je vous suis maintenant dans l’Île
Pour voir comme à la Fête Dieu,
Vous étant trouvé dans ce lieu :
À la Procession Auguste
Votre piété grande et juste,
Fort digne du ROI très chrétien,
Aux yeux de tous parut si bien
Que vous leur servîtes d’exemple,
Dans les rues et dans le Temple :
De la Cité les Habitants,
Et les métiers plus éclatants
Avec leurs marques différentes,
Et leurs livrées plus brillantes,
En bon ordre y portaient leurs pas,
Tant par le soin des Magistrats,
Que du Gouverneur de la Ville [Le Maréchal d’Humières]
En belles qualités fertile ;
Là, votre Libéralité
Secondant votre piété,
Fit pleuvoir parmi cette place,
Sur la nombreuse populace,
Un doux torrent de Louis d’or
Capables de faire un trésor,
Ces marques de votre largesse,
Ont comblé leur coeur d’allégresse ;
Si nous vous suivons à Tournai,
Avec un esprit bien tourné,
Nous y remarquerons encore
Jusqu’à quel point on vous honore,
Et qu’après vos soins belliqueux,
Vous vous appliquez aux pieux,
En posant la première pierre
(Qu’on met fort avant dans la terre)
Dans l’Abbaye Saint-Martin,
Où l’on fait un Temple divin,
Après quoi votre main Royale
Aussi juste que libérale,
Aux yeux des peuples a jeté,
Or et argent en quantité,
Cette profusion aimable
D’une Richesse inépuisable,
Montre la générosité
Ainsi que la fécondité,
D’un Monarque extraordinaire
Qui sait mieux que tous l’art de plaire,
Et qui range tout sous sa loi,
Par les cris de VIVE LE ROI,
La compagnie et l’assistance
Vous marquait sa reconnaissance,
Et joignait à cette action,
L’estime et l’admiration.
Oudenarde [sic], Charles-Roy [sic], Athe [sic],
Qui maintenant beaucoup éclate
Ont été de même témoins
De vos grandeurs et de vos soins,
Et votre Royale présence
Par sa douceur et sa puissance,
Inspirant la fidélité,
Excitait la vivacité,
De ceux dont les mains agissantes
Par vos volontés importantes,
Fortifiaient de tous côtés
Et vos Châteaux et vos Cités.
Grand ROI, si je ne voulais écrire,
Les choses que j’aurais à dire,
Qu’en deux mois vous avez parfait
Certes je n’aurais jamais fait ;
On doit juger par mon silence
Que j’en dis moins que je n’en pense,
Et que vos belles actions
Couronnant vos perfections,
Ne se peuvent amplement mettre
Dans le seul récit d’une lettre :
J’en dirai plus un autre jour,
Assurant que votre retour,
Chassant tout à fait ma tristesse
Remplit mon âme d’allégresse.

Je termine ce mien emploi
Après le retour de mon ROI.

Lettre du 18 juillet 1671, par Robinet.

-Robinet confesse avoir été l’objet d’attaques :

Un certain Trait d’Ingratitude,
Tout à fait, et piquant, et rude,
Qu’on vient de lancer dessus moi,
Et de Gens, mêmes, qui ma foi,
Devraient avoir une Morale,
Et plus honnête, et plus légale,
Me déconcerte, un tant soit peu.
Il me donnerait un beau jeu,
À crier, dans cette Préface,
Contre tout l’Humaine Race,
Puisque dans ce Siècle tortu,
On voit l’Honneur, et la Vertu,
De tous les côtés, en déroute,
Et parmi ceux, mêmes, sans doute,
Qui, las ! devraient, de tous les deux,
Être des Exemples fameux.
Mais que je sois assez débile
Pour m’échauffer, encor, la bile,
Contre les Désordres du Temps,
Non, non, soyez calmes mes Sens,
Et laissant là, ces Âmes basses,
Très indignes de toutes Grâces,
Permettez que, sans m’en hausser,
Comme l’on dit, ni m’en baisser,
Je fasse, ici, le Démocrite,
Après avoir fait l’Héraclite
Dans un Chapitre, seulement :
Où je dois, tout premièrement,
Employer de lugubres Carmes,
Avec de très amères larmes,
À narrer le triste Trépas
Qu’au Lecteur, je n’expliquai pas
Dedans le fin dernier Chapitre,
Aussi, de ma dernière Épître.

-La mort du petit duc d’Anjou, avant-dernier fils de Louis XIV. Selon Madame de la Vallière, le roi en a été informé par Bossuet alors qu'il venait au devant de leurs majesté, à Luzarches, de retour de leur voyage de Flandre (H. Duclos, Mademoiselle de La Vallière et Marie-Thérèse d'Autriche, femme de Louis XIV : avec pièces et documents inédits, Volume II, Paris, Librairie académique Didier et Cie, 1870, deuxième édition, p.580).

Mais on aura bien deviné
Que c’est du charmant Fils, puîné,
De notre adorable Monarque.
C’est, en effet, Lui que la Parque
Enleva, ce Vendredi-là,
Et, funestement, immola
A sa cruelle barbarie,
De tout temps, au meurtre nourrie.
Ô que la hideuse Cloton,
Fantôme sec comme un Carton,
Et l’Antipode de la Vie,
Est une Anthropophage impie,
Quand elle porte ainsi les mains,
Non sur de vulgaires Humains,
Et dont, même, la Destinée,
Par les vieux ans, se voit bornée,
Mais dessus d’illustre Mortels
Dignes d’Encens, dignes d’Autels,
Lorsqu’ils ne sont que de paraître,
Id est, qu’ils ne font que de naître.

Mais quoi ! l’on l’excuse toujours,
Et Maints, encor, par leurs Discours,
La disculpent en ce Rencontre,
Où je ne suis ni pour, ni contre.

Toutefois, je l’excuse, aussi,
Après l’avoir blâmée ici :
Et je dis que ce n’est point Elle,
Que ce n’est point cette Cruelle,
Qui nous a causé le malheur,
De perdre ce Héros en Fleur.
Mais que c’est le Ciel, qui, lui-même,
Par l’effet d’un amour extrêm,
De son propre Ouvrage, charmé,
L’ayant, comme un Ange, formé,
L’a voulu reprendre à la Terre :
Sur quoi, je crois, donc, sans que j’erre,
Pouvoir apprendre justement,
Ceci, dessus son Monument,
En style d’Historiographe,
Et par manière d’Épitaphe.

Ci-gît un Héros de trois Ans,
Philippe, Duc d’Anjou, par sa Haute Naissance,
Fils de France,
Et Fils du plus grand Roi qu’aient vu tous les Temps.
Il était beau comme sa Mère,
Il eut été vaillant tout ainsi que son Père,
Et d’un chacun, enfin, il eût été l’Amour.
Mais le Ciel qui le fit avec tant d’avantage,
Voulu, avec la Terre, en entrer en Partage,
Et retirant l’Esprit, de ce mortel Séjour,
Faire un Ange de son Ouvrage.

En un pompeux, et triste arroi,
Dimanche, se fit le Convoi
Du Corps, à Saint Denis en France,
De nos feux Rois, la Résidence,
Et du Cœur, au Val renommé,
Qui, le Val-de-Grâce, est nommé.
Monsieur le Duc fit, là, partout,
L’Honneur du Deuil, de bout, en bout,
Accompagné d’un Duc de marque,
Très considéré du Monarque. [le Duc de Créqui]
Le digne Evêque d’Orléans,
Prélat doué de beaux Talents,
Y remplit d’une bonne sorte,
Ainsi que l’on me le rapporte,
Ses aumônières Fonctions ;
Ayant, en nobles Dictions,
Comme il a délicate Langue,
Fait une très tendre Harangue,
Qui cadrait à notre douleur,
Présentant le Corps, et le Cœur.

La Maréchale de la Mothe,
Dame d’une Vertu si haute,
Au Convoi susdit, assista,
Et tint son triste poste, là,
Comme ayant, des Enfants de France,
L’auguste et belle Gouvernance.

La Dame de Pallière, aussi,
Non pas sans un cuisant souci,
Digne de sa Déconvenue,
Y tenait sa Place perdue,
De la Sous-Gouvernance, encor,
De cet illustre Prince mort.

Huit Gentilshommes, non des Hères,
Mais Gentilshommes Ordinaires,
Tous Gens, braves, et fort accorts,
Portaient et le Poêle, et le Corps.
Les Amours, les Ris, et les Grâces
Qui, déjà, couraient sur les traces
De ce Prince rempli d’Appas,
Y larmoyaient sur son Trépas :
Et les deux principaux Génies
De nos grandes Cérémonies, [le Grand Maître et Maître]
Le Marquis de Rhode [sic], et Saintot,
S’acquittèrent, comme il le faut,
De leurs Soins, dans cette dernière
Qui ne fut que trop régulière.

Monseigneur l’aimable Dauphin,
À qui je conjure, sans fin,
Le Ciel, les Dieux, les Destinées,
De donner de longues Années :
Et Madame, sa digne Sœur,
Pour qui je fais, de tout mon cœur,
Des conjurations semblables,
Ces deux Objets émerveillables [sic],
En qui brille un air souverain,
Ont, naguères, à Saint Germain, [en Laye]
(Disant ceci, point je ne cloche)
Nommé certaines neuve Cloche,
En l’Église des Récollets,
Qui n’ont petits, ni grands Collets.
De Condom, le Pasteur à Mitre,
Qu’il porte sur assez bon Titre,
Fit, avec beaucoup d’agrément,
En épiscopal Vêtement,
La dévote Cérémonie,
Devant nombreuse Compagnie,
Dont était l’illustre Seigneur
Du jeune Prince, Gouverneur,
Et l’admirable Gouvernante,
Aussi, de cette jeune Infante.

Au reste, chacun admira,
Pendant une heure que dura
La Solennité du Baptême,
Des deux, la modestie extrême,
La patience, et piété,
Et c’est la pure vérité :
À quoi je n’ajoute autre chose,
Sinon qu’après l’Action close,
Au Réfectoire, on les mena,
Où le Gardien leur donna
Une Collation fort belle,
Et qui leur témoigna le zèle
De ces dévots Religieux,
Qui tâchent de gagner les Cieux,
En bons et véritables Moines,
Par les Jeûnes, les Antiphoines,
La Souffrance, l’Humilité,
La Douceur, et la Charité,
Qui sont, dans les Saintes Retraites,
Les Vertus des Anachorètes.
Non par l’Orgueil, l’Ambition,
Ni, bref, toute autre Passion,
Soit de colère, ou de vengeance,
Bien malhonnête, en conscience,
À des Gens lesquels, tous les jours,
Dans leurs Sermons, et leur Discours,
Ne prêchent, jamais, autre chose,
(Suivant une très sainte Glose)
Que le Pardon des Ennemis.
Mais faire outrage à leurs Amis,
À ceux à qui les bons Offices,
Les Louanges et les Services,
Doivent les avoir attachés,
Est le plus vilain des Péchés.

Néanmoins, je sais une Histoire,
À quantité de Gens, notoire,
D’une semblable indignité,
Que, de peur de prolixité,
Et, par prudence, je veux taire.
Mais, Ô Toi, Lecteur débonnaire,
Sachant cela, qu’en dirais-tu !
En vérité, l’eusses-tu cru ?

-Robinet annonce ensuite le retour du roi à Saint-Germain :

Lundi, notre SIRE adorable,
Notre Héros incomparable,
LOUIS, notre visible Dieu,
Qu’on aime, et qu’on craint en tout lieu,
Revint à Saint-Germain en Laye :
Et je dis, comme chose vraie,
Que cet Auguste Couronné,
Y serait, certes, retourné,
Plus content que à une Victoire,
Ayant, avecque tant de Gloire,
Mis, partout, son Peuple en repos,
Par ses admirables Travaux,
S’il n’eût trouvé, ce charmant SIRE,
Dans sa Famille, un FILS à dire,
Un FILS (tout jeune qu’il était)
Qui des Miracles promettait :
Et dont la trop sensible Perte
N’a pu, vraiment, être soufferte,
Sans des soupirs de son grand Cœur,
Témoins de sa vive douleur
Car quoi qu’il ait l’Âme Héroïque,
D’être dur, point il ne se pique,
Et, pour être tendre, un Héros,
N’en mérite pas moins de los.

Notre auguste et divine REINE,
Quoi qu’Héroïne toute pleine,
Et d’une haute Piété,
Elle a, par son Deuil attesté,
Qu’elle était véritable Mère :
Mais dessus sa tristesse amère
Mettons le Voile ingénieux
Qu’un Peintre mit dessus les yeux
Des Parents qui d’Iphigénie,
Pleuraient la triste Tragédie,
Dans le Tableau, qu’adroitement,
Il fit de cet Événement.

-Mais le retour du roi est l'occasion de se réjouir malgré ces drames :

Par le retour de notre SIRE,
Qui fait qu’ici, chacun respire,
Et reprend un nouvel espoir,
J’ai le cher bonheur de revoir
La brillante, et Royale Altesse,
À qui mes Légendes j’adresse,
Et reprends, aussi, nouveau cœur
Dans mon Office de Rimeur :
Un seul de ses regards propices,
Qui sont mes plus sûres Auspices,
M’inspirant, cent mille fois, mieux,
Que tous les Aspects radieux
Des Divinités du Parnasse,
Dont, assez peu, je m’embarrasse.

-Dès que la cour s'est trouvée à Maisons, Mademoiselle l'a rejoint pour retrouver ses oncle et tante, le roi et la reine :

Cet Objet mignon, et riant,
Qui n’est que dans son Orient,
Cette jeune, et belle Princesse,
Qui sent la petite Déesse,
Mademoiselle, en un seul mot,
Alla voir la Cour, aussitôt
Qu’à Maisons, Elle fut venue :
Et dès qu’Elle y fut aperçue,
Tant de la REINE, que du ROI,
Leurs MAJESTES, en bonne fois,
La reçurent, comme leur NIECE,
Avec un excès de liesse,
De caresses, et de douceurs ;
Et chacun lui fit les honneurs
Que sa grâce et son rang mérite, [Madame la Maréchale de Clérambault]
Cette Maréchale d’élite,
Qui gouverne, ainsi qu’il est dû,
Ce précieux Individu,
Et fait admirer sa Conduite,
L’accompagnait en sa Visite,
Et fut, aussi, des Majestés,
Accueillies, avec cent bontés.

Lettre de fin juillet 1671, par Mayolas.

-Mayolas évoque enfin la mort du petit duc d'Anjou :

Après avoir complimenté
(Puissant ROI) votre Majesté
Sur votre retour favorable
D’un voyage fort agréable,
Je vous assure tôt ou tard
Comme je prends beaucoup de part
Au sujet de votre allégresse,
J’en prends beaucoup à la tristesse
Qui nous a fait prendre le deuil,
Touchant notre coeur et notre oeil,
Je n’en dirai pas davantage,
Vous entendez bien ce langage,
Et vous savez (sans plus parler)
Qu’il faut enfin se consoler :
Je vais puiser dans l’Hippocraine
De quoi modérer votre peine,
En contribuant un moment
À votre divertissement :
Heureux ! si ce bonheur m’arrive,
Et si ma nouvelle Missive
Pût l’apaiser et la flatter
Parce qu’elle nous va contrer.

-Mayolas avait déjà évoqué ce diplomate dans sa lettre de la mi-mai : Le retour de Denis de La Haye de Turquie . Nous l'avons déjà dit : il a été remplacé dans cet office par Nointel.

Je mets ici d’une humeur gaie
Comme l’excellent de La Haye [Vantelet]
Rempli de belles qualités
A salué leurs Majestés,
Étant venu de bonne sorte
De son Ambassade à la Porte ;
Par le bon accueil qu’il reçut
For facilement on conçut
Que ces deux grands porte-Couronne
Estiment beaucoup sa personne.

-L’archevêque de Paris s'est déplacé à l'abbaye de Saint-Antoine-des-champs où il a été reçu conformément à son rang :

Hier au matin chez moi j’appris
Que l’Archevêque de Paris
Fut accueilli de la manière
Que l’on doit à son Caractère
En un de nos plus beaux Couvents,
C’est à Saint Antoine des Champs,
Le Confesseur de l’Abbaye,
Dom Montels plein de belle vie
À la porte agréablement
Alla lui faire compliment :
Ce Prélat rempli de sagesse
Ayant là célébré la Messe
Y fit la bénédiction
De Louise de Chanvallon
De Harlay, très pieuse Dame,
Digne Abbesse de Notre-Dame [De Sens.]
Ainsi qu’elle est la digne Soeur
De cet Illustre et bon Pasteur :
Laquelle avait pour Assistantes
Ses deux Sœurs, (Dames importantes)
Abbesses de très grand renom, [De la Virginité, et de Saint-Aubin.]
Dont à la marge on voit le nom :
La Musique y fut merveilleuse
Et l’Assemblée y fut nombreuse :
Grande fut la Solennité
Tant pour l’illustre Parenté
Que par le soin extraordinaire
De l’Abbesse du Monastère.
J’écris d’un style franc et net
Que le douzième de Juillet,
Le ROI plus brave qu’Alexandre
(Venant du voyage de Flandre)
À Versailles se transporta,
Les beaux ouvrages visita
De Sculpture, que l’on y trace ;
Il commença par la terrasse,
Et ce Grand PRINCE y vit en bref
Les figures et bas relief
Que les rares GASPARDS composent
Mieux que mes vers ne vous l’exposent
Ce PRINCE rempli d’agréments
Voyant tous les appartements
Fut après au Salon aimable
Et tout à fait considérable
Que fait et travaille en un mot
L’habille et prudent UTINOT,
Ensuite il passa dans sa chambre
Qui sent toujours le musc et l’ambre
Ainsi qu’en son grand cabinet
Que le fameux RENAUDIN fait,
Très excellent et galant homme,
Naguères revenu de Rome,
De qui les ouvrages divers
Sont estimés dans l’univers ;
De cette grande et belle chambre
Il alla voir son antichambre,
Sa salle des Gardes aussi,
(Pour n’omettre rien ici)
Que les GASPARDS font à merveilles
Par leurs adresses nonpareilles ;
Puis il vit agréablement
De la REINE l’appartement
Que BASTISTE et que MASSELINE
Font d’une façon belle et fine ;
La salle des Gardes encor
Aussi précieuse que de l’or
Que le GROS et MASSOU ont faite,
En dans peu la rendront parfaite ;
De ces divers appartements,
Faits de différente figure
En l’architecture et sculpture
Et de SETUC les ornements
Offrent tant d’embellissement
Ainsi que chacun le remarque,
Que notre invincible Monarque
Voyant ces ouvrages nouveaux
Les trouva bien faits et fort beaux ;
Bientôt après il prit la peine
D’aller voir aussi la fontaine,
C’est une fontaine de plomb
Qu’a faite l’adroit GIRAUDON ; [Qui a été à Rome.]
Tournant ses regards favorables
Vers les jets d’eau fort agréables
Qui sont à l’étoile postés
Rejaillissant de tous côtés
Entre la montagne éclatante
D’eaux, admirable et surprenante ;
Théâtre, Cascades, ronds d’eaux,
Lui donnaient des plaisirs nouveaux ;
Apollon en ce lieux préside,
Maint Triton près de lui réside
Dont l’aspect a beaucoup d’éclat ;
Enfin ce puissant Potentat
(De qui la gloire est immortelle)
D’OISEAUX alla voir le modèle,
Et mon Triomphant Souverain
En ayant donné le dessein,
Ledit OISEAUX par son adresse,
Par son génie et sa justesse,
A dignement exécuté
Le dessein de sa Majesté
Dont le soin et la vigilance
Ainsi que la magnificence
Paraissant toujours en tous lieux
Rendent ce Château merveilleux
Et je n’en saurais assez dire
Puisque tout le monde l’admire.

[...]
J’ai fait cette Lettre sans peine
Trois jours après la Madeleine.

Lettre du 25 juillet 1671, par Robinet.

-Le plaisir que peut avoir Robinet à écrire pour son protecteur est aussi hyperboliquement exprimé que les qualificatifs par lesquels il le décrit :

Ô Musette, Caquet-Bonbec,
Que le moindre coup de Rebec
Du Seigneur Apollon, rend, quelque fois, si gaie,
Prends, aujourd’hui, ton enjouement,
Allons, chère Clion, essaie
De gazetier allègrement.

Laissant toute haineuse aigreur,
Que, toujours, repousse un bon Cœur,
Comme une Passion qui montre sa faiblesse ;
Ne songeons plus qu’à notre Emploi,
Rimant pour la Royale Altesse
De l’Unique Frère du Roi.

Quel plaisir de l’entretenir,
De le louer, de le bénir,
Ce Héros si poli, si bon, si magnifique,
Si galant, si preux, et si beau !
Sus, donc, sus, Déesse Historique,
Pour Lui, vite, faisons un Discours tout nouveau.

-Robinet n'a pourtant pas de plaisir à annoncer la mort d'un religieux de ses amis :

Mais las ! en vain, je te convie,
Ô Musette, ma chère Amie,
À te mettre en ta belle humeur,
Je dois, d’abord, avec clameur,
Me plaindre du Rapt que la Parque
Qui ravit Berger, et Monarque,
Et tout Vivant, dessous les Cieux,
A fait d’un bon Religieux :
Lequel, sans que rien j’en déguise,
Avait longtemps, servi l’Église,
En qualité de Confesseur,
Et de fort bon Prédicateur,
Qui composait en Vers, et Prose,
Comme maint bel Esprit compose,
Sans vouloir se faire imprimer,
Et qui daignant un peu m’aimer,
M’a fait la grâce de m’écrire
En Madrigaux qu’encor j’admire.

Ledit cher Père, mon Ami,
Non, comme d’autres, à demi,
Était Religieux d’un Ordre
Où l’on ne trouve rien à mordre,
Des Jacobins, mes bien aimés,
C’est à savoir les Réformés : [rue S. Honoré]
Et le Nom qu’il faut que j’ajoute,
De ce Défunt, au Ciel, sans doute,
Est, Lecteur, le Père Bazin,
Pour qui je te demande, enfin,
Qu’un Psaume tu daignes dire,
Car cela, jamais, ne peut nuire.

-Retour sur la mort du petit duc d'Anjou :

Mais, à propos de Mort, hélas !
On a fait, dessus le Trépas
Du cher Fils, Puîné du Monarque,
Trépas qui, certe [sic], est de remarque,
Et met la France en désarroi,
Les Compliments à ce grand Roi,
Tant de la part du Très saint Père,
Que, de tout mon cœur, je révère,
Que du reste des Souverains,
Empereurs, Rois, Républicains :
Leurs Ambassadeurs, et Ministres,
Que Dieu gard de tout cas sinistres,
S’étant, dignement, acquittés,
À l’endroit des deux Majestés,
Des susdits Compliments funèbres,
Tout autant, vraiment, que célèbres,
Conduits là, par l’Introducteur,
Lequel sait de belle hauteur,
Et tout du long, et tout du large,
S’acquitter du Dû de sa Charge,
Ayant, outre bon pied, bon œil,
L’Esprit de Cour, et c’est Bonneuil.

-Mais passons à de plus joyeuses relations, comme celle par exemple du retour d'Istanbul de ce brillant homme qu'est Denis de La Haye (selon Robinet) et dont nous avons déjà lu quelques mentions précédemment :

Changeant de Nouvelle plus gaie,
Disons que Monsieur de la Haye,
Est de retour de son Emploi,
D’Ambassadeur de notre Roi,
À la Porte de sa Hautesse :
Et que l’ayant, avec sagesse,
Esprit, candeur, et jugement,
Rempli, très glorieusement,
Si bien que de ladite Porte,
Grande Louange, il en rapporte,
Il en a, dedans notre Cour,
Reçu de même, à son retour,
Surtout, de son charmant Auguste,
Qui, Fils du Grand Louis le Juste,
Sait justement, tout faire, aussi,
C’est l’Évangile que ceci.

-La Guyenne a accueilli comme il se doit son nouveau Gouverneur : César Phébus d'Albret, maréchal de son état.

Ainsi qu’à Bordeaux, dans Toulouse,
Ce mande-t-on, en franche Prose,
Monsieur le Maréchal d’Albret,
De pied, en cap, Mortel bien fait,
S’est vu recevoir de manière
Qui montre l’estime plénière,
En laquelle, tout chacun l’a,
Dans ces deux belles Cités là,
Des principales de la Guyenne,
Qui va, sous la Conduite sienne,
En Qualité de Gouverneur,
Vivre, avec paix, et tout bonheur.

Rien ne se fit à son Entrée,
Fors lorgnée, et considérée,
Qui, de bien loin, ne surpassât,
Ou ne ternît, on n’effaçât,
Ce qu’on avait mis en usage
Pour tout autre grand Personnage,
Qui l’eût, en tel cas, précédé :
Si bien qu’ayant, pour lors, le Dé,
Le Parlement, et Corps de Ville,
Pour lui, d’une humeur plus civile,
Furent, par un louable soin,
Jusques à deux mille, plus loin
Que l’on n’allait à l’ordinaire,
Chacun sa Harangue lui faire,
Cela, s’entend, par Députés
Qui, pour lui, furent augmentés.

On redoubla, sans menterie,
Pareillement, l’Artillerie
Dont on lui dit Salamalec,
Au moment qu’il parut illec,
C’est-à-dire, en phrase plus claire,
Dont on le salua belle erre,
J’en jure par ma foi de Dieu,
Sitôt qu’il parut en ce Lieu.

De plus, quinze cent Gentilshommes,
Dont nul n’était mangeur de Pommes,
Furent, en leste Accoutrement,
Et montés admirablement,
Au devant Lui, plus d’une Lieue :
Et se rangèrent à la Queue
De sa très nombreuse Maison,
Lors, brave, et gaie, avec raison,
Après que, sur son Avenue,
Tous, tenant leur Espade nue,
Ils l’eurent bien félicité,
Et galamment, complimenté.

Une grand’ Palissade, au reste,
Et, tout à fait, brillante et leste,
Des Hommes de là, les mieux faits,
Et des plus gracieux Objets,
À savoir tant Femmes que Filles,
Voires, des meilleures Familles,
Bordait d’un, et d’autre côté,
Le Chemin près de la Cité :
Et jusques en son Domicile,
Tous les plus Huppés de la Ville,
Étaient, sur Echaffauts, nichés,
Ou bien, aux Fenêtres, perchés :
L’admirant, monté comme un Sire,
Et d’un air tel que l’on peut dire
Qu’Alexandre, et son Bucéphal,
N’auraient pu rien montrer d’égal,
(Mais soit dit sans leur faire injure)
À sa Personne, et sa Monture.

Il fut, chez lui, tout ce beau Jour,
Harangué des Corps, tour à tour :
Et, pendant plus d’une Semaine,
Il eut cette agréable peine
D’entendre divers Orateurs
Qui lui dirent mille douceurs,
Jusqu’au Chef du Parlement, même,
Dont, encor, par honneur extrême,
Envers pas un autre, usité,
Il se vit, aussi, visité.

Depuis cette charmante Entrée,
Que, tout simplement, j’ai narrée,
Il a pris audit Parlement,
Sa Séance, pareillement :
Ayant fait à la Compagnie,
En icelle Cérémonie,
Un Discours beaucoup éloquent,
Lequel montra, par conséquent,
De quoi, je suis, pour lui, bien aise,
Qu’il entend le pair, et la prèse.

-Robinet est un historiographe (comme il se dénomme lui-même dans d'autres lettres) sérieux : il sait qu'un régal a été donné par Monsieur à Saint-Cloud mais n'ayant pu y assister, il préfère attendre d'en recevoir des nouvelles fiables avant d'en rapporter quoi que ce soit.

J’aurais une belle Matière
Pour bien terminer ma Carrière,
Savoir l’Article de Saint-Cloud,
Où les Cascades font glou glou.
Mais faute d’avoir les Lumières,
Id est, les Avis nécessaires,
Pour ici, discourir, à plein,
Du superbe, et royal Festin
Que le grand Philippes de France,
Nommé Monsieur, par excellence,
Y fit, le dernier Soir, au Roi,
Je m’en tais tout court, bonne fois :
Non pas sans que cela me chême,
Et me fasse une peine extrême.
Mais puisqu’aucun n’a pris le soin,
De m’assister en ce Besoin,
Il nous faut prendre patience,
Qui, comme on dit, passe science,
Et remettre, pour faire bien,
Au premier jour, cet Entretien.

-Puis notre Gazetier évoque à son tour le déplacement de l'archevêque de Paris à Saint-Antoine-des-Champs et la cérémonie qui s'y est déroulée :

Naguère, au Faubourg Saint Antoine,
Notre grand PRELAT, tant idoine [En l’Abbaye]
À toutes belles Actions,
Et qui remplit ses Fonctions,
Avec une grâce admirable,
En fit une assez mémorable.

En pontificale splendeur,
Il bénit Madame sa Sœur,
Qui de Sens, est l’illustre Abbesse, [De Notre Dame de Sens]
Pour son Esprit, pour sa Sagesse,
Et pour mainte autre Qualité
Sortable à cette Dignité,
Sans doute, des plus éclatantes.

Elle avait, pour ses Assistantes,
Deux autres Abbesses, ses Sœurs,
De qui les Vertus, et les Mœurs,
Servent de règles très austères, [De la Virginité, et de St Aubin]
Aux Nonnes de leurs Monastères :
Et de là, je conclus, Lecteur,
Et conclus de belle hauteur,
Que, des Champvallon, la Famille,
Par un céleste sort, fourmille
Sans user de termes flatteurs,
En Servantes, et Serviteurs
Du Seigneur, et de son Eglise,
Ou leur gloire s’immortalise.

-Psyché est donnée à voir au Palais Royal, mais Robinet semble n'avoir pas pu y assister non plus qu'au régal de son protecteur. De la même manière que précédemment donc, il remet cette relation à plus tard.

Psyché, l’admirable Psyché,
Dont le mérite est tant prêché,
Paraît, la chose est bien certaine,
Présentement, dessus la Scène, [du Palais Royal]
Avec tous le pompeux Arroi,
Qu’elle parut aux yeux du Roi ;
Et, dedans ma prochaine Épître,
Je m’étendrai sur son Chapitre.
Mais, cependant, ne laissez pas,
D’aller en Foule voir ses merveilleux Appas.

Lettre du 1er août 1671, par Robinet.

-À coup de métaphores religieuses, Robinet annonce son œuvre du jour :

Voici mon Jour de Prône, en Rime,
Où, sous les Auspices puissants
D’un Héros charmant et sublime,
Je dois recommencer mes Historiques Chants.
Cela ne se fait pas sans peine,
La Muse, la Verve, ou la Veine,
Ne se gouverne pas, comme l’on veut, toujours.
Il faut, avecque patience,
Assez souvent, fléchir son Caprice Rebours,
Quoi que l’on ait besoin d’user de diligence.

Car, quand, en moins d’une Journée,
Il faut, en près de trois cent Vers,
Qu’une Missive soit tournée,
Sur je ne sais combien de Sujet tout divers,
Juge le Lecteur bénévole,
Si pour s’acquitter d’un tel Rôle,
Il est du temps à perdre en aussi peu de temps ?
Mais c’est assez de Préambule,
Voyons si nous pourrons avoir des Vers comptants,
Sans barguigner beaucoup, pour remplir notre Bulle.

-Il est de rigueur, pour honorer Philippe, de commencer par l'évocation de ses délices :

J’ai de quoi, des mieux, débuter,
Car, d’abord, je dois raconter
Ce que j’ai su des belles Fêtes
Qu’à Saint-Cloud, mon Héros a faites,
Régalant les deux Majestés,
Sources de nos Félicités.

Ce furent deux Soupers superbes
Dont, même, à peine, des Malherbes
Pouvaient décrire, dans leurs Vers,
L’Abondance des Mets divers,
L’Appareil, la Délicatesse,
Magnificence, Politesse,
Et, bref, tous les Enchantements
Qui ravissaient tous les cinq Sens.

Le Lieu de ces deux grands Régales [sic],
Et de ces Chères sans égales,
Était un fort riant Salon,
Dans un moderne Pavillon :
Où le grand Art d’Architecture,
Et le bel Air de la Peinture,
Ont mis, tant dedans, que dehors,
Unissant leurs noble efforts,
Un assemblage de Merveilles
Qui n’ont point, ailleurs, de pareilles.

Ce Salon, outre ses beautés,
Étant percé de dix côtés,
Présente aux Yeux, tout ce que Flore,
Avec les Secours de l’Aurore,
Peut produire d’exquises Fleurs,
D’une infinité de couleurs,
Là, par symétrie, arrangées,
Dessus un Jardin terrassé,
Au Prés du Pavillon, dressé :
D’où, sans cesse, le doux Zéphire,
Qui, pour la Déesse, soupire,
Fait, en voltigeant sur ses Fleurs,
Exhaler de chères odeurs,
Qui surpassent (je ne mens mie)
Celles de l’heureuse Arabie,
Et donnent des Plaisirs au Nez,
Tels que bien vous les devinez.

Pour Préludes des deux Convives
Dignes qu’aux plus belles Archives,
On en consacre le Récit,
La Promenade, illec, se fit,
Du bout à l’autre, d’une Allée
Que l’Art a, des mieux, égalée :
Où, tout au long, sont des Jets d’eau,
Et des Pots rangés au niveau,
Des plus charmantes Fleurs, encore,
Qu’en aucun Lieu, l’on voie éclore,
Et dont brille, en cette Saison,
La Nuance, sur un Gazon,
Qui forme une gaie Bordure
A ces Jets d’Eau, par sa verdure.

On fut, sans craindre le Serein,
Aussi, dans chaque Boulin-grin,
On courut les autres Allées,
Qui sont, en Terrasse, extollées.
Ensuite, on fut au jardin bar,
Partout, semé de mille appas ;
Et cette gaie Promenade
Se termina vers la Cascade,
Où, sur maint mollet Reposoir,
Toute la Cour alla s’asseoir.

Après Soupez, la Compagnie,
Qui, du Ciel, soit, toujours, bénie,
Vers la Cascade, retourna,
Où tout le Plaisir se borna.

Or, pour lors, deux mille Lumières,
Ou bien, plutôt, des fourmilières,
L’éclairaient de telle façon,
Que l’on aurait cru, tout de bon,
Que ces clartés éblouissantes,
Et, tout à fait, aux yeux, plaisantes,
Sortaient, par un secret nouveau,
Des Bouillons, et des Nappes d’eau.
Un grand Carré dont les Naïades
Font, aux verdoyantes Dryades,
Un Miroir liquide, et flottant,
Etait éclairé tout autant :
Et, pour tout dire, deux Allées,
À ce Carré, bien alignées,
Ne brillaient pas, encore, moins,
Si qu’au rapport de bons Témoins,
Le Jardin semblait, par mon âme,
De tous les côtés, tout en flamme,
Et ces Feux se réfléchissants
Dans les susdits Miroirs flottant,
On en voyait croître le nombre,
Aussi grand que, dans la Nuit sombre,
Nous paraît, au Lambris des Cieux,
Celui des Astres radieux.

Le Parangon des Souveraines,
Thérèse, la Perle des Reines,
Effaçait, lors, en ce Séjour,
Par ses beaux Yeux, l’Astre d’Amour :
Et mainte, et mainte illustre Belle
Que l’on voyait à côté d’Elle,
Faisait, aussi, dedans ses yeux,
Briller de plus aimables Feux,
Que ceux de la Voûte céleste,
Et plus touchant, je vous proteste.

Entre ces rares Beautés-là,
Mademoiselle, primait là :
Cette Grâce, naissante, encore,
Et qui ne fait, presque, qu’éclore,
Ayant de si belle façon,
Fait les Honneurs de sa Maison,
Qu’elle en fut, c’est chose assurée,
De toute la Cour, admirée :
Laquelle Cour, à Saint-Germain,
Retourna, par après, beau Train.

-Retour sur la représentation de Psyché reprise depuis peu par Molière au Palais-Royal

Je ne puis, après ce Chapitre,
Mieux continuer mon Épître,
Que par l’Article de Psyché :
Car quoi que je l’aie couché,
Autre part, d’une ample manière,
Sur ce Sujet, prenant carrière,
Lorsqu’en la Salle des Ballets,
Il parut, avec tant d’Attraits,
Aux yeux de notre Grand Auguste
Il est, néanmoins, encor, juste,
Que je reprenne le Souci
D’en parler, derechef, ici ;
Exprimant le Plaisir extrême
Que j’ai ressenti dans moi-même,
Revoyant, au Palais Royal,
Ce beau Spectacle sans égal.
Car, laissant là, les flatteries,
Illec, ainsi qu’au Tuileries,
Il a les mêmes Ornements,
Même éclat, mêmes agréments,
Les Airs, les Chœurs, la Symphonie
Sans la moindre Cacophonie,
Sont ici, comme ils étaient là.
Vous y voyez, outre cela,
Les divers Changements de Scène,
Qu’on ne s’imagine qu’à peine,
Les Mers, les Jardins, les Déserts,
Les Palais, les Cieux, les Enfers,
Les mêmes Dieux, mêmes Déesses,
Soit à blondes, ou brunes Tresses.

On y voit, aussi, tous les Vols,
Les aériens Caracol[e]s,
Les Machines, et les Entrées,
Qui furent là, tant admirées.

On y voit celle des Pleureurs,
Où s’attendrissent tous les Cœurs,
Celle des Cyclopes, des Fées,
Qui sont, à merveilles, coiffées,
Des Furies, et des Lutins,
Qui, sur mon Dieu, sont bien mutins,
D’Apollon, et des doctes Muses,
Qui ne sont pas Déités buses,
Enfin, de Bacchus, de Momus,
Et de Mars ; et pour dire plus,
On y voit (je m’en remémore)
Tous les mêmes Habits, encore.
De sorte que je ne mens point,
En vous répétant sur ce point,
Qu’il est vrai que ce grand Spectacle,
Qui faisait là, crier miracle !
Ce beau Spectacle tout royal,
Est, encore, ici, sans égal.:

Mais, ce qu’il faut qu’encor, je die,
Est que la Tragi-Comédie,
En vers de nos deux grands Auteurs [les Srs de Corneille et de Moliere]
Qui n’ont que des Admirateurs,
Peut, ici, partout, être ouïe,
Aussi bien que la Symphonie,
Et que tout ce Spectacle, enfin,
S’y voit, aussi, de même, à plein.

Une assez grande Damoiselle,
Blondine, gracieuse, et belle, [Mlle de Rieux.]
Et d’assez bon air s’agitant,
Représente Flore, en chantant :
Et, n’ayant guère, de pareilles,
Charme les yeux, et les Oreilles,
Par sa Voix, et par des Appas
Que toutes Chanteuses n’ont pas.
Item, Mad’moiselle de Brie,
Qui n’est pas native de Brie,
Y fait la Déesse Vénus,
Mais montrant ses Membres moins nus,
Que ladite Beauté céleste,
Comme étant beaucoup plus modeste,
Quoi qu’elle égale en ses Atours,
Cette Déesse des Amours,
Contre Psyché, moult irritée,
De voir sa Beauté plus vantée :
Et cette belle Actrice là,
Fait, certes, des merveilles là.

Deux très agréables Pouponnes,
Deux très ravissantes Mignonnes,
Au plus, de six et de dix ans,
Et qui, bref, charment tous les Gens,
Par leurs beaux Vers et par leurs grâces,
Y font, de Venus, deux des Grâces,
Dont à côté, voici les Noms :
Et deux petits Gars, fort mignons,
En qualité d’Amours d’élite,
Sont, pareillement, à sa Suite.
Son Fils nommé le Dieu d’Amour,
Qui là, devient Homme en un jour,
Pour mieux contenter son Amante,
Savoir Psyché, toute charmante,
Est, comme Enfant, représenté,
Par un, lequel, en vérité,
S’acquitte, à miracle, du Rôle
De ce petit céleste Drôle :
Et comme Homme fait, et formé,
Par ce jeune Acteur, tant aimé,
Qui, partout, le Baron, se nomme,
Et lequel, des mieux, joue, en somme.

Un Zéphire fort goguenard,
Et qui, d’aimer, sait, très bien, l’Art,
Aide à l’Amour : et c’est, pour rire,
Molière, qui fait ce Zéphire.

Pour Psyché, la belle Psyché.
Par qui, maint Cœur est alleché,
C’est Mademoiselle Mollière,
Dont l’air, la grâce, la manière,
L’Esprit, et maints autres Attraits,
Sont de vrais céphaliques Traits :
Et qui, d’ailleurs, je vous l’avoue,
Divinement, son Rôle joue.

Deux Princes sont de ses Amants,
Outre l’Amour, des plus charmants ;
Et les Sieurs Hubert, et la Grange,
Tiennent leur place, avec louange,
Jouant, (faut, aussi, l’avouer)
Autant bien qu’on puisse jouer.

Le grand Acteur, la Thorillière,
Fait un Roi, de Psyché, le Père :
Et montre tout l’air d’un Héros,
Dans son geste, et dans ses propos,
Et si bien sa douleur exprime,
Que, dans tous les Cœurs, il l’imprime,
Blâmant un Oracle félon,
Qui, plus cruel que Ganelon,
Veut que cette Fille adorée,
Par un Serpent, soit dévorée :
Lequel Arrêt est rapporté,
Et bien nettement récité,
Par un Acteur brillant, et leste,
Mais achevons, vite le reste.

La belle Affligée a deux Sœurs,
Qui, de ses maux, font leurs douceurs,
Par un effet de Jalousie
Dont leur Âme se sent saisie.
Mademoiselle de Beauval,
Cette Actrice de choix royal,
Avec beaucoup de réussite,
De l’un de ces Rôles, s’acquitte :
Et Mademoiselle l’Etang,
En l’autre, rend chacun content.

Jupiter, termine la Pièce,
Et remet, partout, la liesse,
En immortalisant Psyché,
Après avoir, un peu, prêché
Vénus, sa trop colère Fille,
De sa Machine qui fort brille :
Et ce Dieu-là, c’est Du Croisy,
Qui, hautement, couronne ainsi,
L’Œuvre, de la belle manière.

Mais, achevant cette Matière,
Je dois, encore, publier,
Et non pas, vraiment, l’oublier,
Que l’on y voit une Mignonne
Qui mérite qu’on la couronne,
Et que l’on lui donne le Prix,
(Après tout chacun, je le dis,
Qui la bâtisse de Merveille
Qui ne peut avoir de Pareille)
Pour sa manière de chanter,
Qui peut tout le monde enchanter,
Et son aimable petit Geste,
Qui, ma foi, paraît tout céleste,
Et vaut que la Ville, et la Cour,
Aille admirer ce jeune Amour.

J’en voudrais dire davantage,
Mais déjà, trop pleine est ma page ;
Ainsi, je date tout au bout,
Du premier jour du mois d’Août.

Lettre du 8 août 1671, par Robinet.

-Robinet aurait-il encore maille à partir avec quelque auteur ? C'est probablement ce que l'on doit comprendre derrière l'évocation de "certains rimeurs" qui ne sont "pas des Malherbes" :

Je m’en vais parler, à cheval ;
Étant percé dessus Pégase,
Près de qui, le grand Bucéphal
Ne serait, ma foi, qu’un gros Aze.
Aussi, guindé sur le premier,
On est cent et cent fois plus fier
Qu’Alexandre n’était sur l’autre.
Et tout Mortel, ainsi monté
Enverrai (c’est la vérité)
Ce Conquérant de Grèce, avec son Barbe, au Peautre.

Peste ! que de certains Rimeurs
Sur ce Pégase, sont superbes,
Et qu’ils ont d’étranges rumeurs,
Quoi qu’il ne soient pas des Malherbes !
Ils passent, dans leur petit cœur,
Dessus le ventre, à tout Auteur,
Sans nulle comparaison faire :
Et croient, mêmes, qu’Apollon
N’est rien qu’un petit Violon,
Qui devrait, devant eux, avec respect, se taire.

N’imitons pas, chère Clion,
Ces badins Fanfarons de Rime,
Indignes dans leur Vision,
D’être honorés d’aucune estime.
Laissons ces Ballons pleins de vent,
Et, bref, sans pousser plus avant,
Ici, contre eux, notre Satire,
Mettons, à présent, notre soin,
Ce qui peut, en public, s’en dire, ou s’en écrire.

-Robinet revient sur les festivités données par Monsieur :

Les deux Régales [sic] de Saint-Cloud,
Où l’on ne voit Renard, ni Loup,
Et le Ballet, et Tragédie,
(Accompagnés de Mélodie)
De la ravissante Psyché,
Que n’aimer pas, est grand Péché,
Remplirent ma dernière Lettre,
Tellement que je n’y put mettre
Le Trépas, si prématuré
De ce jeune Duc admiré
Savoir, le jeune Duc de Guise
Qui charmait de si belle guise :
Et, par ses rares Attributs,
Pouvait faire, sans nul abus,
Attendre à sa Maison illustre,
Un Regain de Gloire et de lustre.
Ou, plutôt, un Sort tout nouveau,
Qui la retirait du Tombeau
Où, semblait l’avoir entraînée
La Mort, encor, inopinée.
Du Duc, Oncle de ce Dernier
Qui restait le seul Héritier
De ladite Maison Guisarde,
Et si fameuse, et si richarde.
L’Amour, et l’Hymen du haut Rang.
Venaient de joindre avec son Sang,
Celui de la Maison Royale,
Par l’union Sacramentale,
De son Individu charmant,
(À présent, dans le Monument)
Et de cet aimable Princesse
Que, dedans le Veuvage, il laisse,
Que chacun sait, comme je crois,
Être la Cousine du Roi,
Et, même, Cousine Germaine.
Mais, hélas ! la Parque inhumaine
Qui n’agit que cruellement,
À quatre Lustres, seulement,
Ce qui veut dire, à vingt années,
A terminé les Destinées
De ce riche et grand Héritier
Que l’on aurait vu rallier,
En lui, les Vertus militaires,
Les Civiles, et Débonnaires,
De tous ses glorieux Aïeuls [sic]
Qui furent tous, de Cœur si preux.
Cloton, ici, joua son rôle
Avec la petite Vérole,
Ce hideux Tyran des beaux Teints
Qu’on voit, par lui, souvent, éteints,
Sur le Visage des Personnes,
Les plus belles, et plus Mignonnes,
Et contre ce jeune Guizard
Ainsi, tira son Mortel Dard,
Son Dard félon, son Dard funeste,
Qui fait, maintenant, qu’il me reste,
À sa Maison, pour tout appui,
Qu’un Prince d’onze mois, de Lui,
Et de la Princesse, sa Veuve :
À qui sa Mort est une épreuve
Très sensible, on n’en peut douter,
Comme elle est, je puis l’ajouter,
Un sujet de douleur extrême
Pour la Cour, et la Ville, même,
Étant aimé, de tous côtés,
Pour ses brillantes Qualités.

-La mort a frappé l’évêque du Mans :

Ladite Parque archi-barbare,
Qui vous fronde Mitre, et Tiare,
Ainsi qu’un Couvre-Chef commun,
Tout cela, pour elle, étant un,
A fait, aussi, tomber, naguère,
L’Évêque du Mans, dans la Bière,
À cinquante-quatre Ans, au plus,
Ou, même, encor, non révolus :
S’étant, pour lui ravir la Vie,
D’une triple Fièvre, servie,
Qui, Médecins, et Lui, dupa,
Et, traîtreusement, attrapa.

Car, n’étant d’abord, que Tierce
On crut que bientôt, son Commerce,
Avec le Défunt, finirait,
Et tout chacun l’en assurait.
Mais, ayant laissé faire, et dire,
Lorsque d’elle, on pensait se rire,
En double Tierce, elle changea.
Pourtant elle se mitigea,
Et laissa, sur quelque apparence,
Relever, encor, l’espérance.

Mais, comme on crut la dénicher,
On la vit plus fort retrancher,
Et se tourner en Continue.

Néanmoins, elle diminue,
Et donne des marques, qu’enfin,
De faire Gille, elle a dessein :
Si que très sûr de sa Défaite,
Et de sa Retraite parfaite,
Ou se prépare, au lendemain,
A purger le Défunt, soudain.

Mais, par une étrange surprise,
Ensuite d’une heureuse Crise,
Cette Traîtresse, ce dit-on,
Vint refaire une Irruption,
En laquelle, quoi qu’on put faire,
Elle mit ce Prélat en Bière,
Et le rendit, en bref, Victus,
Avecque toutes ses Vertus,
Et sa belle Philosophie.

Car il faut qu’ici, je vous die,
Que grand Philosophe, il était,
Et que, même, il argumentait,
Comme eût fait, Monsieur Aristote,
Mais la Parque qui nous capote,
Contre Aristote, argumenta,
Si bien qu’elle le capota :
Et la Tigresse, la Cruelle,
Jusqu’au dernier de sa Séquelle,
De mêmes Argument, fera,
Argumentant en Barbara.

-Et elle a frappé plusieurs fois dans le monde ecclésiastique :

Ces jours passés, cette Harpie,
Comme une Giboyeuse impie,
Las ! une Abbesse, giboya,
D’une façon qui m’effraya,
Lorsque j’appris cette Nouvelle
Qui n’est, vraiment, gaie, ni belle,
Et, maintenant, que je l’écris,
J’en sens transir tous mes Esprits.

Elle attira six Satellites,
Ou six Démons Hétéroclites,
Qui, dessous un Visage Humain,
L’attendant sur un grand Chemin,
Tous, de longs Fufils, lui tirèrent,
Et, de cet air, la massacrèrent.

Ceux qui content l’Événement,
Un peu plus historiquement,
Disent que cette Assassinée
Ayant une Terre gagnée,
Par un Arrêt, bien émané,
Et, par le Grand Conseil, donné,
Cette Terre faisant partie
De celles de son Abbaye,
Les Perdants, en vrais enragés,
S’en sont, sur elle, ainsi, vengés.

Mais que ce soit, ou non, l’Histoire,
Je trouve, encor, sur le Mémoire,
Qu’au Temps de son Noviciat,
D’autres Gens d’un cœur scélérat,
D’une Main non m oins impie,
Ayant pillé cette Abbaye,
Elle fut, dedans le fracas,
Et bien remarquable est tel cas,
Encor, notablement, blessée,
Et, pour morte, en son Sang, laissée :
Tellement qu’on peut dire Ici,
Qu’en finissant sa Vie, ainsi,
Par les Maint de ces Gens pleins d’Ire,
Elle consomma son Martyre,
Qu’elle avait dès lors, commencé,
Et, depuis, toujours, avancé,
Par ses Vertus des plus austères,
Et, dit-on, des plus exemplaires.

Cette Dame que je vous dis,
Qui, sans doute, est en Paradis,
N’avait que trente et neuf Années,
Moins quelque mois, quelques journées :
Et, par l’Ecrit que j’ai suivi, [abbesse de N. D. de la Rieunette,]
C’est Elisabeth de Lévi [dans le Diocèse de Carcassonne]
De Mirepoix, par où j’achève
Son Epitaphe, assez brève.

-En cette période estivale, la mort est partout. La plus triste sévit sur le théâtre du monde, certes, mais une autre, plus fictive, sur le théâtre tout court :

À propos, encor, de Trépas,
En cet Endroit, n’oublions pas,
De marquer que la Tragédie,
Où Balthazar perdit la Vie,
Fut un Spectacle, Mercredi,
Dont Maint, et Maint fut ébaudi,
Qui, là, d’entrer, eut Privilège,
Savoir au célèbre Collège
Que l’on appelle de Clermont :
Où pareils Spectacles se font,
Pour y rendre plus solennelle
La Distribution annuelle
Des Prix établis par le ROI ;
Non pas, non, de je ne sais quoi,
Mais de Volumes d’importance,
Où brille sa magnificence,
En faveur des grands Studieux,
Pour qui sont ces Prix glorieux.

Or, la susdite Tragédie,
Qui fut, à merveille, applaudie,
De tous ceux du Pays Latin,
Ce que je dis est très certain,
Était d’un grand Ballet des Songes,
Qui ne sont pas, toujours, Mensonges,
Accompagnée, avec éclat,
Si bien qu’on n’y vit rien de plat.
Beauchamp rempli d’intelligence,
Comme l’on sait, pour la belle Dance,
Avait pris soin de ce Ballet,
Demi-sérieux, et follet,
Et les Pères, de tout le reste ;
Sur quoi, fort sûrement, j’atteste,
Et plusieurs, aussi, me l’ont dit,
Que rien de commun ne s’y fit,
Que c’étaient toutes merveilles
Pour les Yeux, et pour les Oreilles,
Quoi que le beau Sexe enchanteur,
Qui plaît le plus au Spectateur,
Et qui fait qu’on est Idolâtre,
La plupart du Temps, du Théâtre,
N’agisse ni peu, ni prou là,
Dedans ces beaux Spectacles-là.

-La cour est à Fontainebleau :

Notre Cour, toujours, si galante,
Si triomphante, et si brillante,
Est maintenant, à la belle Eau,
C’est-à-dire à Fontainebleau :
Car c’est de son eau claire, et belle,
Qu’ainsi ce Château l’on appelle.

Dieu sait comme en ce Lieu charmant,
Elle s’ébat à tout moment :
Et moi, fort bien, je le devine,
Car, oncque, elle ne se chagrine.

-Pour finir, Robinet annonce la publication par le "jeune" auteur qu’est Georges Guillet de Saint Georges d'une traduction de Machiavel - "jeune" car l'homme qui a près de 50 ans signe là sa toute première œuvre de l'esprit. Il est encore, probablement, plongé dans ou à peine sorti de sa formation intellectuelle, auprès d'Alain Manesson Malet, qui a déjà été évoqué dans ces gazettes, mais il est déjà un traducteur de mérite si l'on en croit Robinet. Il n'est cependant pas encore l'auteur contesté par Jacob Spon d'Athènes ancienne et nouvelle (1675) et de sa suite sur Lacédémone (1676) (voir David Chataignier, "Querelle Guillet-Spon", Banque de données Agôn, La dispute : cas, querelles, controverses et création à l'époque moderne, Paris-Sorbonne, 2016 : http://base-agon.paris-sorbonne.fr/querelles/querelle-guillet-spon) :

Castruccio-Castraccani,
Lucquois, d’un mérite infini,
Qui d’obscure, et basse naissance,
Sut s’élever, par sa Vaillance,
Jusques au rang des Souverains,
Et qui, du temps des Gibelains,
Et des Guèlfes, fit des merveilles,
Qui n’ont point, du tout, de pareilles,
Dans les plus beaux Gestes guerriers,
Des plus grands Cueilleurs de Lauriers,
Vainqueur, encor, des Destinées,
Ressuscite, après tant d’Années :
Et vient nous conter ses Exploits,
En délicat et pur François [sic],
Par la Plume d’un Interprète, [Le Sr de Saint Georges.]
Que je trouve, tout à fait, nette,
Et digne, sans termes flatteurs,
Des plus spirituels Lecteurs.

Vous pouvez, là-dessus, m’en croire,
Et, cher Barbin, le beau Libraire,
Et qui, même, belle Femme a, [au Palais]
Aller prendre ce Livre-là,
Moyennant Madame Monoye [sic]
Qu’un Marchand voit chez lui, toujours, avecques joie
Ces Vers qui, la plupart, ne parlent que de mort,
Le huit d’Août, prirent l’essor.

Lettre du 14 août 1671, par Robinet.

-Robinet semble encore anticiper sur le lendemain qui, selon ce qu'il dit, sera chargé. Il écrit donc en ce jour qui doit être un vendredi...

Il est demain, une Journée
À d’autres choses destinée,
Qu’à faire les Presses rouler,
Je m’en vais, donc, sans reculer,
Et sans perdre un instant me mettre,
À ma petite Epître en Mètre.
(En Mètre, c’est-à-dire en Vers)
Concernant les Discours divers
Qui vont courant la prétentaine,
Depuis la dernière semaine.
C’est un Acquis de mon Devoir,
Comme chacun le peut savoir,
Auquel il me faut satisfaire
Envers MONSIEUR, l’Unique FRÈRE
De notre auguste MAJESTÉ,
Puisqu’il a daigné, par bonté,
Et, même, de si bonne grâce,
Accepter notre Dédicace.

-Robinet annonce un mariage mais ne s'attarde pas sur cette nouvelle puisqu'elle est encore trop récente :

On dit qu’Hymen, et les Amours
Nous feront voir, dans quelques jours,
Une Alliance d’importance,
Où l’illustre et haute Naissance,
Les Qualités, et les Vertus
Dont les Héros sont revêtus,
Et les Autres de l’Apanage
D’un délicieux Mariage,
Savoir Jeunesse, et maints Appas,
Ne manqueront, bonne foi, pas.

Mais, encor que cette Nouvelle
Soit, tout à fait, charmante et belle,
Je glisse, seulement, dessus,
Et je ne m’explique pas plus :
Étant, encor, comme une Rose
Qui n’est pas pleinement, éclose,
Mais laquelle épanouissant,
Et montrant son éclat naissant,
Charme, déjà, qui la contemple.
Appliquez, s’il vous plaît, l’exemple,
Ou, plutôt, la comparaison :
Et moi, jusques à la saison
D’en dire, sur ce, davantage,
Je m’en vais changer de ramage.

-Où l'on parle du premier médecin du roi, le sieur Valot : la mort l'a frappé, lui aussi, malgré sa science et son savoir sur la vie humaine. Une petite victoire tout de même : il approchait les 80 ans. Ainsi :

Monsieur Valot, qui sut si bien,
Son Hippocrate, et Gallien,
Qui, pour sa rare intelligence
En leur Médicale Science,
Était parvenu dans l’Emploi
De Premier Médecin du ROI,
Et qui, par un Destin propice,
En faisait le noble Exercice,

Avec honneur, et grand profit,
Depuis des Ans plus de dix-huit,
Dimanche, enfin, de son Lignage,
Prit congé, pour ce grand Voyage
Qu’en l’autre Monde, chacun fait,
Ayant un Âge assez complet.

Il était presque Octogénaire,
Âge auquel on n’arrive guère,
Et pourtant, comme on voudrait bien,
Toujours, être Habitant Céleste,
Faute d’avoir de Foi de reste,
Il n’oublia rien de son Art,
Pour différer ce sien Départ,
Et n’aller point, quittant son Poste,
Au Séjour des Anges, en poste.

Mais, comme nos Ans sont comptés,
Et, malgré nos dents, limités,
Si bien qu’il n’est, en conscience,
Aucun Art, aucune Science,
Qui puisse en étendre le cours.

Malgré tous ses savants Détours,
Ses Faux-fuyants, et ses Chicanes,
La noire Régente des Manes,
Cloto lui darda dans le Sein,
Sans répit, son Trait assassin,
Même, dans le Jardin des Plantes,
Qui lui valait de bonnes Rentes,
Sans qu’il en trouvât une, hélas !
Qui put le sauver du Trépas.

Nul, encor, n’occupe sa Place,
Et chacun, par justice, ou grâce,
Y met Celui-ci, Celui-là,
Suivant son penchant sur cela.

Si moi, l’Auteur de cette Épître,
J’avais quelque voix en Chapitre,
Je connais bien qui, de plein Droit,
Par son pur mérite, l’aurait :
Mais, comme, par male fortune,
Je n’en ai, que je pense aucune,
Sans rien dire, ce Choix j’attends ;
Mais, de tout mon cœur, souhaitant,
Que le Ciel lui-même, en ordonne,
Et, bref, qu’il soit d’une Personne
À laquelle, il ne manque rien,
Pour pouvoir exercer très bien,
La Charge la plus importante,
Qui, près du Roi, les Humains tente,
Puisqu’il y va de la Santé
De cette auguste Majesté,
Que chacun, par un juste zèle,
Souhaiterait être immortelle,
Tant cette aimable Dieudonné,
Pour notre Bonheur, semble né.

-Malgré la disparition de son médecin, Louis le Grand se porte bien : il chasse et profite de la musique en plein air. Ainsi :

En bonne Santé, ledit Sire,
De qui si charmant est l’Empire,
Fait, encor, avecque sa Cour,
À Fontainebleau, son Séjour ;
Et, de ses grands Soins, s’y délasse,
Parfois, dans l’ébat de la Chasse,
Et, parfois, par de doux Concerts,
Où l’on répète les beaux Airs
Qu’a faits le Sieur Lully Baptiste,
(Qui ne manque pas de Copiste)
Dedans le dernier grand Ballet,
D’un bout, à l’autre, si complet,
Et qu’on revoit danser, de même,
Avec, certe [sic], un plaisir extrême,
Ou, pour mieux dire, sans égale,
Tout joignant le Palais Royal.

-Bien que le roi de France soit rentré à Paris, les Hollandais ne laissent pas d'être inquiets : les rumeurs de guerre se font toujours plus grandes. Ainsi :

Mais revenons vite, aux Nouvelles,
Toujours, à la Haye, et Bruxelles,
On est sur la Précaution,
Tant, illec, l’appréhension
D’un retour de Guerre, domine :
Et si les choses j’examine,
Voyant les belliqueux Apprêts,
Qui, partout, se font à grands Frais,
Je croirais qu’en effet, la Guerre,
Tant, sur les Eaux, que sur la Terre,
Va rompre en visière, à la Paix.

-Un court passage sur l'Empire ottoman montre que les armées du sultan inquiètent à nouveau l'Europe centrale :

Les Ottomans sont fort suspects
À l’Allemagne, et la Pologne :
Et l’on y craint de la Besogne,
De la part de ces Égrillards,
Assez favorisés de Mars.

-La santé du Pape n'était pas bonne récemment. Il semble cependant s'être remis :

Clément dix, notre très Saint Père,
Étant indisposé, naguère,
Déjà, le Collège Sacré,
En paraissait tout timoré,
Et se trémoussait d’importance,
Comme si, près de sa Vacance,
La Triple Thiare eût été.
Mais, grâce au Ciel, Sa Sainteté,
S’est incontinent après, vue,
Comme auparavant, saine, et drue,
Et mêmes, ce qui fort lui plût,
Elle a reçu le beau Salut,
Où l’on demande aux Destinées,
Pour les Papes, plusieurs Années.

Je fais, aussi, de pareil vœux,
Afin que les quatre vingt deux
Qu’elle a, déjà, par devers Elle,
Puissent, suivant mon ardent zèle,
Qui m’en fait le bon DIEU prier,
Aller jusques au Siècle entier.

-Malgré le retour du roi, quelque glorieux Maréchal français a du remettre de l'ordre dans les troupes française coupable de pillages dans le nord de la France. Ainsi :

Depuis que, l’autre jour, vers Bitches,
On fit plus vite que des Biches,
Courir les Habitants de là,
Dont, pour des raisons, on pilla
Vingt et deux, ou vingt trois Villages,
Notre Maréchal des plus sages,
Et des plus vaillants, même, qui
Servent notre ROI, Créqui,
Est venu camper à Saralbe,
Assez loin de la ville d’Albe :
Disciplinant toujours, des mieux,
En Général judicieux,
Ses Troupes de Cavalerie,
Si bien qu’aucun après, ne crie,
Mais, sus, finissons prestement,
Par un gaillard Événement.

-Pour finir, une petite historiette vient illustre agréablement cette gazette de la mi-août :

Une certaine Demoiselle
Également, courroie, et belle,
Et faisant plaisir volontiers,
Je pense, tant au Quart, qu’au Tiers,
Soulait faire l’amoureux Rôle,
Le plus souvent, chez un bon Drôle
Dont les Porteurs la voituraient,
L’allaient quérir, et reportaient,
En une Maison inconnue,
Sans qu’au Visage, elle en fut vue,
Couvrant, toujours, avecque soin,
Dessous un Loup, son noble groin,
Jusqu’au logis du Personnage
Qui l’attendait pour son usage.

Or l’un desdits Porteurs, un jour,
Allant, comme c’était son tour,
Prendre l’argent de leur Semaine,
Surprit, et vit la belle Humaine :
Et quoi qu’elle remit, soudain,
Son cache-nez, ce fut en vain.
Il crut, fermement, la connaître,
Et, sans y mettre aucun peut-être,
(Comme plaisant était le cas)
Il en riait, à chaque pas,
Et disait à son Camarade,
Surpris d’une belle boutade,
» Je ne rions pas sans Sujet,
» Sanguié, l’un de nous a son Fait,
» Mais, quant à moi, je ne m’enquête,
» Dieu merci, je ne craignons rien,
» J’avons une Femme de Bien.

L’autre étonné d’un tel ramage,
Lui fait expliquer son langage :
Et celui-ci, tout franchement,
Sans hésiter aucunement,
Lui dit, » Compère, par mon âme,
» Si tu le veux savoir, ta Femme,
» Te fait cocu : c’est elle, aga,
» Que je portons en ce Lieu là,
» Comme tu la vois équipée,
» Et plus brave qu’une Poupée,
» Avecque tant de biaux Habits,
» Tant de perles, et de rubis,
» Et je vians de la reconnaître,
» Tout à l’instant, chez notre Maître,
» Où je l’ai surprise sans Loup,
» Qu’elle a rebouté tout d’un coup.

La chose étant hors d’apparence,
Et contre toute vraisemblance,
L’autre, sans s’en mettre en souci,
De tout ce Conte, rit aussi,
Mais étant allé, dessus l’heure,
Chercher sa Femme, en sa Demeure,
Et là, ni chez aucun Voisin,
Ne l’ayant point trouvée, enfin,
Il commença, ce dit l’Histoire,
De tout redouter, et tout croire.

Il attend, impatiemment,
L’heure fatale, ou le moment,
De reporter cette Donzelle,
Avec son Compagnon, chez elle :
Et lors, qu’en leur Chaise, il la tient,
Son ardeur, à peine, il contient,
Jusques au premier coin de la rue,
Pour reconnaître l’Inconnue.
Là, sans respect pour ses Appas,
Il lui fait mettre Masque bas,
Et dès qu’il découvre sa Face,
Il voit sa Femme, et sa disgrâce.

Or, envers elle, s’emportant,
Avec un Courroux éclatant,
» Comment, Madame la Carogne,
Dit-il, en lui couvrant la Trogne,
» Vous vous faites, par moi, porter,
» De la sorte, pour m’en planter !

Ce que, pour tout vous dire en somme,
Sans son Camarade, il eût fait,
Qui s’opposant à tel effet,
Le fit contenter du Pillage
De tout son pompeux Etalage,
De ses Points, et de ses loyaux,
Qui, pour la plupart, étaient faux,
Et desquels, certaine Courtière
Paraît cet Objet, d’ordinaire,
Quand son Galant la voulait voir.
C’est ce que j’en ai pu savoir,
Qui découvre les Tromperies,
Les Abus et Supercheries
Qui se commettent chaque jour,
Dedans les Négoces d’Amour.

Du quatorze Août, jour de Vigiles,
Par moi Charles, et non pas Gilles.

Lettre du 22 août 1671, par Robinet.

-Malgré ses "cinquantes préfaces" en son honneur, Robinet ne faiblit pas dans les hommages qu'il doit à son protecteur :

Vous, Premier Monsieur de France,
Héros de si belle apparence,
Si magnifique, si brillant,
Si propre à tout, dessus la Terre,
Soit pour l’Amour, soit pour la Guerre,
En un mot, Prince si parfait,
Pour qui, déjà, de compte fait,
J’ai tourné cinquante Préfaces,
Depuis qu’au nombre de vos Grâces,
Vous ajoutâtes la faveur
D’approuver, pour Vous, ma ferveur,
Et de permettre à ma Musette,
De vous adresser ce Travail,
Ce que, tant en gros qu’en détail,
J’annonce, encor, sous vos Auspices
Qui m’ont été des plus propices.

-La plus âgée des filles de Monsieur est ensuite évoquée après son père :

Le pénultième Jeudi,
Au doux frais de l’Après-midi,
Id est, lorsque l’Astre solaire,
S’en va sombrer de l’Hémisphère,
Et que les alertes Zéphirs
Commencent, par leurs chers Soupirs,
De rafraîchir Champs, et Prairies,
Les Jardins, et les Tuileries,
Cette Orientale Beauté,
Cette jeune Divinité
Qu’on appelle Mademoiselle,
Qui, tout au moins, nous paraît telle,
Votre Fille Aînée, où les Cieux
Ont mis tant d’Attraits grâcieux,
Par qui l’Amour aura la gloire
De remporter mainte victoire,
Pour appuyer l’Empire sien,
Alla promener à Saint Ouen,
Avec les Jeux, les Ris, les Grâces
Qui, déjà, marchent sur ses traces,
Et l’accompagnent en tous Lieux,
Comme leur Aimant précieux :
Outre l’illustre Maréchale, [Made la Maréchale de Clérambault.]
Qui sa rare Prudence étale
Dans la Conduite qu’elle en a,
Laquelle, illec, l’accompagna,
Comme ailleurs, elle fait, sans cesse :
Outre, encores [sic], une Comtesse
Qui, des Vertus, a plus de six,
C’est la Comtesse du Plessis :
Outre, encores, deux Demoiselles,
De Qualité, Jeunes, et Belles,
Et de Teint frais, autant qu’uni,
De Roquelaure, et de Ligny,
Qu’on pourrait, elles-mêmes, prendre
Pour deux Grâces, sans se méprendre.

Le brave Monsieur de Boisfranc,
Et si généreux, et si franc,
Qui, chez Votre Royale Altesse,
Pour ses clartés, et sa sagesse,
Son zèle, sa capacité,
Et sa rare fidélité,
Occupe le Poste suprême,
Reçut, avec liesse extrême,
La Princesse, en son beau Logis :
Qui sent, partout, l’Art de Maugis,
Tant, partout, les yeux, il enchante,
Tant la Structure en est riante,
Tant les Jardins y sont charmants,
Et tant, partout, sont d’Ornements
Qui ravissant à soi, la Vue,
Lui font croire qu’elle est déçue.

La digne Hôtesse de ce Lieu,
Laquelle a, par moi foi de Dieu,
Tout ce qui peut rendre une Dame
Agréable de Corps, et d’Âme,
Reçut sa jeune Altesse, aussi,
Non pas, vraiment, coussi, coussi,
Mais de la plus belle manière
Qu’on puisse faire accueil, et chère,
A des Personnes de son Rang :
Et touchant la Chère, j’apprends
Qu’une Collation lardée,
Sans, ici, vérité fardée,
Lui fut servie en un Salon,
Admirablement, et selon
Tout l’Art de la Délicatesse,
Propreté, Grâce, Politesse,
Magnificence, et caetera.
Je crois, de cette façon là,
Que la Royale Altesse Vôtre,
Ayant d’autre part que la nôtre,
Beaucoup mieux appris ce Régal
Si charmant, et si cordial,
En aura, certe [sic], été bien aise :
J’en mettrais ma main dans la braise.

-Robinet rapporte des dissensions entre les différents tenants des pouvoirs en Hollande et dans l'Empire :

Je viens de voir certain Écrit
Digne que tout curieux Esprit,
De le lire, prenne la peine,
Et qui court de cette Semaine.

Il est fait sur un Différend,
Dit-on, arrivé pour le Rang,
Pour la Pas, et la Préséance,
En une importante Occurrence,
(On ne manque pas en quel jour)
Entre le Sieur Duc de Neubourg,
Lequel, comme on sait, sans le dire,
Est un des Princes de l’Empire,
Et les États, dits Généraux,
Qui (racontant la chose en gros,
Qu’en détail, cet Écrit débite)
À la Préséance susdite,
Prétendent avoir un plein droit,
Encore que rien il n’en soit,
Ainsi que cet Écrit le porte,
Qui plusieurs raisons en rapporte,
Lesquelles font voir clair, et net,
Ce qu’on doit croire sur ce Fait,
Et que les Princes de l’Empire,
Sans qu’on puisse, en faux, s’en inscrire,
Ont, très assurément, le Pas,
Avant lesdits Seigneurs États,
Encor qu’iceux s’en formalisent,
Et fortement, s’en scandalisent,
Jusqu’à s’en plaindre, ce dit-on,
Sur un aigre et menaçant ton,
Qui pourrait, sans doute, leur nuire,
Parmi les Princes de l’Empire.

Mais, comme ils sont judicieux,
Peut-être, en jugeront-ils mieux,
Sur ces raisons bien raisonnées,
Et, tout à fait, bien enchaînées :
Et leur colère mitigeants,
En très braves et sages Gens,
Peut-être, leurs Hautes Puissances,
En préviendront les conséquences,
Et ne voudront, en vérité,
Rien que les choses d’Équité.

-Un passage est particulièrement intéressant : Robinet semble s'en prendre à la propagande en français des futurs ennemis hollandais. Il reviendra sur ce sujet dans ses lettres du 19 septembre et du 10 octobre (voir plus bas) :

Mais, sans que sur icelle chose,
Bien, ou mal, plus longtemps, je glose,
J’ose leur demander, ici,
Par un équitable Souci,
D’où vient que sur les Remontrances
Qu’à leurs dites Hautes Puissances,
J’ai, déjà, faites, maintes fois,
Touchant leur Relateur [sic] françois [sic],
Qui, toute la Terre, déchire
Par son impudente Satire,
Et qui leur fait des Ennemis
De leurs plus affidés Amis,
Ils n’ont pas corrigé ce Hère,
Plus vénéneux qu’une Vipère ?

Ah ! que les États Généraux,
Des Belges, les dignes Héros,
Ne tolèrent pas davantage,
Cet Indiscret, et ce Mal sage,
Qu’ils l’interdisent pour toujours,
Et, même, sans tant de Discours,
Qu’il aille écrire, en grand Volume,
Sur Mer, avec la longue Plume.

-Robinet n'invente rien : encore aujourd'hui on dit qu'Esteban de Gamarra fut un diplomate "zélé" de sa Majesté Catholique (Voir François de Caillières, De la manière de négocier avec les souverains: de l'utilité des négociations, édition critique d'Alain Pekar Lempereur, Genève, Droz, 2002, p. 181).

On mande que chez eux, Cloton
A clos, enfin, le Peloton
Des Jours d’Estevan de Gamarre,
Qui fit voir un zèle si rare,
Pour la Catholique Grandeur,
Dans son Emploi d’Ambassadeur.

Étant bien plus qu’Octogénaire,
Et beaucoup Valétudinaire,
Il désirait prendre campos,
Pour aller jouir du repos,
Le petit reste de sa Vie,
Dans le doux Sein de sa Patrie :
Et n’attendait plus, pour cela,
Sinon de voir arriver là,
(Lequel là, la Haie veut dire)
Don Emmanuel de la Lyre,
Qui doit être son Successeur.
Mais, comme il n’est rien de moins sûr,
Que ce que l’Homme se propose,
D’autant que DIEU de tout dispose,
Dans son Projet, il fut surpris,
Et, subitement, entrepris,
Par une ardente, et male Fièvre
Qui, dans son Sang, faisant la mièvre,
La troussé, par quelques Accès,
Sans autre forme de procès,
En moins de sept, ou huit journées.
Mais las ! ainsi chargé d’Année,
Il est allé vers le bon DIEU,
Ce me le semble, en temps, et lieu :
Et pour dire, encor, davantage,
En changeant, ainsi, de Voyage,
Il a gagné, sans contredit,
Car Paradis vaut bien Madrid.

-Décidément, en ce mois d'août, la mort fait des ravages : après le brillant ambassadeur espagnole, c'est la France qui perd Antonio Barberini... :

Notre Eminentissime Antoine,
Aux belles choses, tant idoine,
Savoir Antoine Barberin,
L’Honneur de l’Ordre Purpurin,
Dont les Qualités sans égales,
Donnaient, aux Vertus Cardinales,
Un si noble Relief en Lui,
(Ô Ciel ! pour Rome, quel ennui,
Et pour toute la France même,
Qu’il aimait d’une amour extrême)
Est décédé beaucoup moins vieux ;
Ceux qui le connaissaient le mieux,
Assurant que cet Homme illustre
N’était qu’en son treizième Lustre,
Dont complet n’eût été le cours,
Que dans un An, et quelques jours.
Mais, hélas ! on meurt à tout âge,
Et, comme je chante l’Adage,
(Adage qui ne peut mentir)
L’Heure venue, il faut partir :
Et, pour chacun, les Destinées,
En un certain nombre d’Années,
La marquent si précisément,
Que l’on ne peut, certainement,
La décliner en nulle sorte.

Mais je ne crois pas que je sorte,
Aujourd’hui, de parmi les Morts,
Car, au nombre de leurs Consorts,
Je trouve, encor, un Personnage
De qui je dois, en mon ramage,
Faire, aussi, quelque mention,
Sans aucune dilation.

-... Lequel est suivi de près par le grand Floridor :

C’est un Acteur incomparable,
Dont la perte est irréparrable,
Plus que d’une grand Somme d’or,
Et cet Acteur est Floridor.
Ce Nom qu’il rendit si célèbre,
Fait mieux son Éloge funèbre,
Que tout ce que la Muse, ici,
Pourrait, par un juste Souci,
En dire, en un très long Chapitre.

Il n’est Caractère, ni Titre,
De Roi, de Héros, et d’Amant,
Qu’il ne soutint d’un air charmant,
Et d’une si noble manière,
Que c’est la vérité plénière,
Que les Amants, Héros, et Rois,
N’auraient jamais pu, que je crois,
Mieux jouer, eux-mêmes, leurs Rôles.
Ses mouvements, et ses paroles,
En un mot, son Âme, et son Corps,
Faisaient de si dignes accords,
Et l’Art, et la Nature, ensemble,
(Je le vois, encor, ce me semble)
Las s’entendaient, en lui, si bien,
Qu’on n’y pouvait ajouter rien.

Jusqu’à soixante et quatre Années,
Qu’il a vu borner ses journées,
Avec les mêmes Agréments,
Il jouait si bien les Amants,
Que nos jeunes Soupirants, certes,
Et les mieux faits, et plus alertes ;
N’auraient, près de lui, rien paru,
Que de chétifs, L’eusses-tu-cru ?
Ah ! quelle perte, ah ! quelle perte,
Par l’Hôtel, et par nous, soufferte !

Lettre du 29 août 1671, par Robinet.

-Peste soit des mauvais auteurs et comme disait Montaigne : "il y devroit avoir quelque coërction des loix, contre les escrivains ineptes et inutiles, comme il y a contre les vagabons et faineants". Ainsi :

Tandis qu’on voit la Grenouillière,
La Pépinière, ou Fourmilière,
De toutes manières d’Auteurs,
Proseurs, et Versificateurs,
Remplir, comme avec furie,
À l’envi, notre Libraire,
D’In-douze, In-octavo, Quarto,
Et d’énormes In-folio,
Qui, la plupart, ne valent guères,
Ne contentant que des Chimères,
Des Visions, des Songes creux,
Mêmes, en Style malheureux,
Décousu, bas, obscur, barbares,
Où, de plus, a tous coups, s’égare
Le bon Sens, et le Jugement :
Tandis, dis-je, qu’incessamment,
Ces Vices, et Crimes de Plume,
Soit en petit, ou grand Volume,
Se débordent de toutes parts ;
Je poursuis, dans autres égards,
Mes familières Narratives,
Ou bien historiques Missives,
Qui, comme de francs impromptu
De ma poétique Vertu,
Ne sont pas exemptes de Tares
Qu’on trouve aux Ouvrages plus rares,
Qui sont des Chefs d’œuvres du temps,
Où l’on met les Mois, et les Ans.

-Mais il n'y a pas que des auteurs de peu de valeurs :

À propos d’Auteurs, mais insignes,
Et des plus beaux Éloges dignes,
Il en est, depuis peu, mort un,
Lequel n’était point du commun,
C’est le Moine, ce Jésuite,
D’un incomparable mérite,
Qui, par sa Prose, et par ses Vers,
Faisait bruit partout l’Univers,
À qui, lorsqu’on lisait ses Œuvres,
Autant d’admirables Chef d’œuvres,
On n’avait rien à reprocher,
Si l’on les voulait éplucher,
Qu’un bel excès de Politesse,
Et d’exacte Délicatesse,
Qui l’empêchait d’y rien laisser,
Qui put l’oreille, ou l’œil blesser ;
Et qui, bref, établit sa Gloire,
Si bien, au Temple de Mémoire,
Et dans tous ses charmants Écrits,
Pour qui le Parnasse est sans prix,
Qu’il y retrouve une autre Vie
Qui ne lui peut être ravie
Par les Parques, ni par les Temps,
De toutes choses triomphants.

-La Sylvie dont il est ici question, bien que comparée à l’œuvre de Mairet, est en fait sortie de la plume de Madame de Villedieu :

Deux Livres contenant la Vie,
Et les beaux Faits d’une Sylvie,
Qui, selon son parlant Portrait,
Vaut bien celle du Sieur Mairet,
Courent, depuis peu, les Ruelles,
Et sont lus de toutes les Belles,
Comme de tous les Beaux, aussi,
Non sans un curieux Souci,
De savoir quelle noble Plume,
A fait chaque petit Volume,
Le style en est aisé, galant,
Enjoué, tout plein de brillant :
Les aventures sont nouvelles,
Et l’on n’en a pas vu de telles :
Enfin, cet Ouvrage mignon,
Où personne n’a mis son Nom,
Mérite un accueil favorable :
Mais il est bien plus admirable,
Et j’en suis bien plus satisfait
Si son Héroïne l’a fait.

-La lettre se poursuit par la relation de plusieurs nouvelles littéraires. Ainsi, tout d'abord l'annonce est faite de la publication des Pipeurs ou les femmes coquettes, de Poisson (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k72645h) qui a déjà été évoqué plus haut :

Les Coquettes, si renommées,
Qui furent faites, et formées
D’une merveilleuse façon,
Par ce grand Comique, Poisson,
Et qui, dans l’Hôtel de Bourgogne,
Où l’on ne voit plus de Gigogne,
Ont fait tant de bruit si longtemps,
Et charmé des milliers de gens,
Voire, aussi, toutes nos Coquettes,
En celles-là, si bien portraites,
Ont bien daigné, jusques chez moi,
Me venir voir, en bel arroi,
Et, par une faveur extrême,
De la part de leur Auteur même,
C’est-à-dire, par Imprimé,
Que Lui, qui s’est accoutumé
À me régaler de ses Pièces,
Qui sont des sources de liesses,
M’a, soigneusement, envoyé,
Fort bien couvert, et relié.

De bon cœur, je les ai reçues,
Avec plaisir, je les ai lues,
Et je m’en suis, sans vous mentir,
Senti tout autant divertir,
Que sur leur célèbre Théâtre,
Où, cinq fois, sans en rien rabattre,
J’ai voulu voir les Ornements
Les Appas, et les Agréments,
Que leur donnait la belle Troupe,
Ayant, par Elles, vent en poupe,
Et dont, tant Actrices, qu’Acteurs,
Y charmaient Yeux, Oreilles, Cœurs.

Si vous voulez, tout à votre aise,
Étant assis dans une Chaise,
Ainsi que moi, les voir chez vous,
En voici le secret pour tous, [On les achète]
Et vous le trouverez en marge, [chez Pierre le Monnier,]
Et tout du long, et tout du large. [vis-à-vis l’église de la Sainte Chapelle.]

-Vient ensuite celle du Fils supposé, de Boyer :

Au reste, le Fils Supposé,
Autre Poème composé
Par Boyer, ce rare Tragique,
Qui, des mieux, sait le Dramatique,
A pris leur place, au même Hôtel ;
Et, comme maint savant Mortel
M’en a dit beaucoup de merveilles,
L’appelant, de ses doctes Veilles,
Le Chef d’œuvre, et Couronnement,
Je ne veux douter nullement,
Qu’ainsi qu’au Feu, chacun n’y courre,
Et faisant foule, ne s’y fourre :
Et moi, libre entrée, ayant là,
Je crois, demain, qu’on m’y verra.

-On se souvient des prix que l'Académie a décidé d'attribuer pour récompenser les auteurs et orateurs brillants et qui ont été cités dans une précédente lettre. Dans le courant de cet d'été 1671, c'est Madame de Scudéry qui a remporté celui de l'éloquence :

Il ne faut pas qu’ici, j’oublie
Ce qu’en tous quartiers, on publie,
Que la fameuse Scudéry,
Bel Esprit des Muses, chéri,
Et de qui le Nom authentique,
Contient seul son Panégyrique,
A l’honorable Prix gagné,
Par le grand Balzac, destiné
Pour une Pièce d’Éloquence :
Sa Prose pleine d’excellence,
L’ayant, sur toute autre, emporté
Ainsi qu’avec toute équité,
L’a jugé notre Académie,
Laquelle ne se trompe mie,
Ou, du moins, tromper ne se doit,
Puisqu’en son Assemblée, on voit
Tant de célèbres Personnages,
Examinateurs des Ouvrages :
Mais dont, sans cesse, on se plaindra,
Tandis que point on ne verra,
Leurs merveilleux Dictionnaire
Qui nous serait si nécessaire.

-On se souvient également du mariage franco-portugais mentionné uniquement par Mayolas pendant le Carême. Le voici repris par Robinet mais en réalité pour annoncer l'abordage sur les rivages "lusitaniens" des époux qui avait été, on s'en souvient également, unis "à distance" :

La belle Princesse d’Harcourt,
Qui, par le Sacrement d’Amour,
Ou le Sacrement d’Hyménée,
Fut, naguère, ici, destinée,
Pour Femme, au Duc de Cadaval,
Bienheureux, en nœud Conjugal,
D’avoir une telle Consorte ;
Est, avecque nombreuse Escorte,
Dont était l’amoureux Destin,
Arrivée à Lisbonne, enfin,
Sans que, sur son charmant Visage,
Bien digne du plus tendre Hommage
Le rude, et long travail des Flots,
Eût rien gâté, mal à propos,
Sans qu’il eût, en nulle manière,
De ses yeux, terni la lumière,
Ni brouillé son Teint jeune, et frais,
Que Nature a fait à ses frais.

De son Duc, Elle fut reçue,
Tout ainsi que la bienvenue,
À bras ouverts, et tout l’air
Qu’un Amant, qui se sent brûler,
Peut, après une longue attente,
Recevoir une aimable Amante.

Il lui trouva bien plus d’Attraits
Que dans tous les plus beaux Portraits
Qu’il avait, jamais, pu voir d’Elle :
Et, bref, il la trouva si belle,
Qu’il mit tout en œuvre, vraiment,
Pour la recevoir dignement.

Outre les plus secrets Régales [sic]
Des chastes flammes Conjugales,
Il lui fit maints, et maints Présents
Des plus brillants, et plus luisants,
À savoir de ces Pierreries
Qui, des Indes, font les Prairies.

Il poussa les beaux Sentiments,
Comme font les galants Amants,
Il vous lui conta des Fleurettes,
Comme on fait dans les Amourettes,
Il lui protesta mille fois,
Qu’il vivrait, toujours, sous ses Lois,
Il se vêtit à notre Mode,
Il parut d’une humeur commode,
Et fit toutes choses si bien,
Que, bien loin de s’en plaindre en rien,
Sa noble Épouse, si charmante,
Est de tout, plus que très contente.

Mais ce Récit est assez long,
Changeons de matière, et de ton.

-Pour finir, comme bien souvent, une historiette médicale :

Un certain Bourgeois, nommé Die,
Par reliquat de Maladie,
Était, ce dit-on, demeuré,
De la Bouche, défiguré,
De sorte que sa Mentonnière
Faisait, toujours, le si derrière,
Ne pouvant (voyez quel Défaut)
Jamais, rejoindre, comme il faut,
La Mâchoire supérieure :
Ce qui l’empêchait, à toute heure,
D’articuler aucun Discours,
Non pas, mêmement, les plus courts.

Or, ayant, dans cette Disgrâce,
Fait, longtemps, hideuse grimace,
Employant, avec maint élan,
Toutes Herbes de la Saint Jean,
Sans qu’il vit aucune apparence,
Ni qu’il eût la moindre espérance
D’en être guéri nullement ;
Il se mit désespérément,
Entre les mains d’un Empirique
Qui, des plus beaux Secrets, se pique,
Pour les plus fâcheux Maux, dompter,
Et, mêmes, pour ressusciter.

Moyennant, donc, trente Pistoles,
Avec de savantes paroles,
Dont telles Gens ont à foison,
Il l’assure de Guérison,
Et, voire, lui proteste, et jure,
De faire, en un instant, la cure.

L’autre joyeux, au dernier point,
Sur le Prix, ne barguignant point,
Lui donne moitié de la Somme,
Et lui promet, foi d’honnête homme,
Le reste, aussitôt qu’il aura
Fait son merveilleux Opéra,
Et tous deux vont chez un Notaire,
En passer l’Acte nécessaire.

Ils en sont à peine sortis,
Que, comme tous les mots sont dits,
Aussitôt, l’Eau bénite est faite,
C’est-à-dire, en phrase plus nette,
Que le Miracle est opéré :
Mais comment ? c’est cas assuré
Que même, en toute votre Vie,
Vous ne le devineriez mie.

Il n’appliqua ni Fer, ni Feu,
Non, Lecteur, par ma foi de Dieu,
Ni, non plus, Onguent, ou Bandage :
Mais, en le lorgnant au Visage,
En rue, et devant maint Témoin,
Il vous lui pousse un coup de poing,
De tant efficace manière,
Sous sa pendante Mentonnière,
Qu’à l’instant, il la lui remit
Tout ainsi qu’il le lui promit ;
Non pas sans Angoisse terrible,
Qui fit, tant elle était sensible,
Jurer, en parfait Écossais,
L’Homme guéri, diverses fois,
Et pester contre l’Empirique,
D’une façon fort énergique.

Le Monde, illec, s’amasse à tas,
Et ne devinant pas le cas,
Veut vous le frotter d’importance :
Mais le sachant, en conscience,
Il en rit de bonne façon.
J’en fis de même, tout de bon,
Quand on me conta cette Histoire,
Et vous, si vous daignez m’en croire,
À votre tour, vous en rirez,
Mais faites comme vous voudrez ;
Quant à moi, je suis las d’écrire,
Je vais, encor, chercher à rire,
Datant d’Août, le vingt-et-neuf,
Ce mien Écrit, plein comme un œuf.

Lettre du 3 septembre 1671, par Mayolas.

-Après un peu plus d'un mois sans gazette de sa part, Mayolas fait son retour et donne des nouvelles du roi, de la reine et de quelque autre grand du clergé :

Quand je devrais me ruiner,
Je ne prétends rien épargner
Pour vous suivre et pour vous écrire
En tous les lieux de votre Empire ;
Grand ROI, (soit par terre ou par eau)
M’en allant à Fontainebleau,
Je vous présentai ma dernière
Faite d’une belle manière,
Car vous seul étant mon objet
Vous en faisiez tout le sujet :
Maintenant ma Muse se pare
Et soigneusement se prépare
Pour à Versailles aller voir
De m’acquitter de mon devoir ;
Le soleil, la poudre, et la pluie,
Qu’à plaisir je souffre et j’essuie ;
Sans doute n’empêcheront pas
Que je n’y conduise mes pas,
Afin d’avoir cet avantage
Et de consacrer mon Ouvrage
Au plus grand ROI de l’Univers
Qui juge fort bien des beaux Vers.

Notre Archevêque de Toulouse
Qui pour ses talents en vaut douze,
Dont le zèle pour cet Etat,
Pour l’honneur de mon Potentat
Et pour la gloire de la France
A paru dans toute occurrence,
Est pourvu par sa Majesté
D’une nouvelle dignité,
Étant depuis l’autre semaine
Le grand AUMÔNIER de la Reine ;
Son soin, son assiduité,
Son adresse, sa piété,
Sa bonne grâce et bonne mine,
Son esprit, sa noble origine,
Et plusieurs belles qualités
Qu’on admire de tous côtés,
Joints à ses importants services
À notre Royaume propices
Gagnent l’estime (en bonne foi)
Et de ma REINE et de mon ROI ;
Ainsi que l’on voit son mérite
Est bien digne de cette élite.

-Puis il revient à son tour sur les prix accordés aux "beaux Esprits"... :

Je vais dans l’article suivant
Sans délai vous mettre en avant
Que l’Académie Française
Sans nulle dispute et sans noise
D’un équitable jugement
Adjugea le Prix justement
À la Prose, à la Poésie,
La plus parfaite et mieux choisies ;
Mais ces justes et beaux Esprits
Sont agréablement surpris
Ayant su qu’une Demoiselle
Vertueuse et spirituelle,
Dont le grand et fameux renom
Jusqu’aux Cieux élève son nom
A gagné le prix de la prose ;
Je sais que bien elle compose
Et que l’ouvrage est fort chéri
Qui part des mains de SCUDERY :
Ensuite j’appris avec joie
Comme le Sieur de la MONOYE
Très savant et fort bon Latin,
Ecrivant d’un style bien fin,
Par son bel ouvrage remporte
Le prix des Vers de bonne sorte,
Le jugement des beaux Esprits
Vaut mieux que celui de Paris,
Considérant par leur suffrage
Non la personne, mais l’ouvrage.

-Monsieur de Caramany a élevé à la dignité de médecin de son régiment un seigneur aux compétences étendues qui avait traité ses hommes (entendre probablement : les blessés) avec soin :

L’Illustre et grand CARAMANY,
De qui le courage infini [Maréchal de Camp Brigadier des Armées du Roi, Colonel]
Eclate parmi nos milices [Lieutenant etc.]
Ayant appris divers services
Que son Régiment bel et bon
Régiment Royal Roussillon,
Et Régiment d’Infanterie,
Avait reçu sans flaterie
Au neuf Château du sieur BASSOT
Pieux et savant, en un mot
Médecin rempli de mérite,
De sa personne il fait élite
Pour être dudit Régiment
Le Médecin présentement,
Mais cette qualité nouvelle
Sans doute augmentera le zèle
L’estime et le soin très ardent
Qu’il a pour le dit Commandant,
Et pour maint Officier illustre
Dont la valeur accroît le lustre.

-La vie de la cour reste identique, quelle que soit la saison. Ainsi les mariages succèdent aux mariages...

J’appris hier d’un fameux Doyen
Que le brave comte DAYEN,
Digne Fils d’un illustre Père [Duc de Nouailles.]
(Que toute la Cour considère)
S’est uni conjugalement
Avec un objet très charmant,
Avec la belle BOURNONVILLE
Vertueuse, Aimable et Civille ;
Hymen les ayant engagés,
Ils sont tous deux bien partagés ;
Car la richesse, la naissance,
Les beautés comme la vaillance
Font en tous deux voir en effet
Un mariage très parfait :
Tous les parents et les parentes
(Personnes beaucoup importantes)
En ont montré publiquement
Un extrême contentement :
Je souhaite en cette journée
Qu’après le cours d’une ample année
Il naisse de leurs chastes feux
Quelque Fils digne de tous deux.

-...Et les soutenances se suivent et se ressemblent : toutes sont brillamment menées par de non moins brillants candidats... parfois très très jeune, comme le précisera la lettre suivante.

L’Abbé COLBERT dont le Génie,
Est plein d’une force infinie,
Digne Fils de ce Grand COLBERT,
Très vigilant, prudent, expert,
Soutint une Thèse authentique ;
Une Thèse Philosophique ;
Son esprit et son jugement
Ressoudant bien chaque argument,
Il attirait de tout le monde
Une admiration profonde :
Et force gens de qualité
De la Cour et de la Cité
Lesquels dans Harcourt se rendirent
Généralement l’applaudirent :
S’il triomphe en ses jeunes ans,
Que fera-t-il dans quelque temps.

-Et quand des évêques sont sacrés, c'est qu'ils ont été choisis parmi de tout aussi brillantes personnes. Mais conforme à son office ainsi que son "confrère" Robinet, Mayolas ne dévoile pas le fond de l'histoire concernant Étienne Le Camus, nommé évêque de Grenoble en janvier de cette année et sacré le 24 août : que celui-ci avait pensé refuser le poste pour se retirer du monde mais qu'il avait été convaincu du contraire par ses proches (Voir Louis Moréri, Le Grand Dictionnaire historique... volume 3, Paris, 1759, p. 115-116).

Disons que l’Abbé LE CAMUS
Pratiquant les hautes vertus
Fut Sacré par un grand Évêque,
(Qui mérite d’être ARCHEVÊQUE)
Puisque c’est celui d’ORLEANS,
Lequel avait pour assistants
Deux Prélats de haute importance
Ainsi que lui pleins de Science,
Savoir de LEYTOURE et BEZIERS,
Fort estimés en ses quartiers,
Cette Auguste Cérémonie
Se fit en belle compagnie
Dedans l’Église des Chartreux
Très dévots et très vertueux,
Et dont le Prieur dans ce Temple
Sert à tous les autres d’exemple.

-Ces exemples se succèdent dans cette lettre, comme celui concernant l'évêque Damiens :

Sans mentir dans mes entretiens,
Je dis que l’Évêque DAMIENS
Dont on connaît les grands mérites,
En l’Église des Jésuites [Rue S. Antoine.]
Le jour de Saint Louis y fit
Un si beau Sermon qu’il ravit
Toute l’Assemblée éclatante,
Laquelle en resta fort contente.

-...puis le curé de Fontainebleau :

Le Curé de Fontainebleau [Supérieur de la Mission.]
DURAND dont l’esprit est fort beau,
Rempli de Science et de zèle
Fit une Harangue si belle
À mon ROI dès qu’il arriva
Que tout le monde le loua.

-Le peintre Nocret a déjà été évoqué de nombreuses fois dans ces gazettes, depuis 1665. Le voici de nouveau mentionné, avec quelques autres comme Noël Coypel ou Philippe de Champaigne par exemple, œuvrant pour la décoration du château de Versailles :

Comme j’aime fort la Peinture,
Ayant parlé de la Sculpture,
Je vais parler présentement
Des Peintres qui parfaitement
Peignent au Château de Versailles
Où l’on mange faisans et cailles ;
Pour commencer en bel arroi
Par l’appartement de mon ROI ;
NOCRET de sa main admirable
Peint le Salon très remarquable ;
Et passant au grand Cabinet
(Qu’on voit toujours brillant et net
COAPEL y fait (je vous jure)
Reluire une belle peinture ;
Ainsi que LA FOSSE ET BLANCHART
Dans le noble emploi de cet Art
Font des merveilles dans la Chambre ;
Et CHAMPAGNE [sic] dans l’Antichambre
Fait paraître par son pinceau
Que ce qu’il y fait sera beau ;
Dans la Salle l’on voit BOULOGNE
Comme AUDRAN faire sa besogne
Et la peindre semblablement [Salle des Gardes.]
Avec soin, avec agrément ;
Après cela je vais sans peine
À l’appartement de la REINE ;
LOVERE d’une belle façon
Peint le Cabinet, le Salon,
SEVE faisant bien son ouvrage
Peint la Chambre avec avantage,
MONTAIGNE faisant son devoir
Dans l’Antichambre nous fait voir
Qu’il entend bien cet exercice,
Et CORNEILLE dans cette lice
Dans la Salle montre à nos yeux [Salle des Gardes.]
Quelque chose de curieux
Par les mains de ces braves hommes
(Fameux dans le temps où nous sommes)
Cet ouvrage sans fiction
Sera dans la perfection,
Les desseins qu’eux-mêmes tracèrent
Et que justement ils montrèrent
À celui qui s’y connaît bien,
Ne se trouvant manquer en rien,
Furent approuvés d’importance
Pour un des beaux Palais de France,
Je n’omets point dans ces vers-ci
D’écrire que l’adroit BAILLY
A doré et bronzé sans peine
De métal la belle Fontaine,
Qui jette abondamment de l’eau
Dans ce magnifique Château.

Fait le troisième de Septembre
Dans un petit coin de ma chambre.

Lettre du 5 septembre 1671, par Robinet.

-Robinet complimente, comme de coutume, son protecteur pour ses qualités :

Prince, qui, non content de l’illustre Naissance
Qui vous fait tenir Rang parmi les Demi DIEUX,
Et des Attributs d’importance
Dont vous ont régalé la Nature et les Cieux,
Embellissez-en vous, sans cesse, leur Ouvrage,
Par cent, et cent Vertus du plus sublime étage,
Et qu’on ne voit brûler que dans les grands Héros,
PHILIPPES, sans pareil, le cher Aimant des Belles,
Voici, sans faire ici, plus long Avant-Propos,
La suite de mes Soins fidèles.

-Malheureusement, la réalité mortelle des choses de ce monde s'impose de nouveau rapidement : l'illustre Hugues de Lyonne n'est plus. Ainsi :

Mais, Ô Dieux ! quel lugubre Objet,
Vient, d’abord, s’offrir, pour Sujet,
À notre Historique Musette !
Quoi ? faut-il, donc, que sa Gazette,
Chaque Semaine, désormais,
Ne discoure plus que des Faits
De cette Giboyeuse d’Hommes,
Qui, las ! de tous tant que nous sommes,
Fait sa Proie, journellement,
Sans faire aucun Discernement,
De Qualité, de Sexe, ou d’Âge !

Hélas ! ce rare Personnage
De qui l’on faisait tant d’état,
Cet Évangéliste d’État,
Dont il sut si bien les Mystères,
Et que, par ses sages Lumières,
Ses Soins, ses Veilles, ses Conseils,
Qui n’en ont guères, de pareils,
Il soutint, avec tant de Gloire
Qu’on n’en peut perdre la mémoire,
Pour Lui, plein d’ardeur, et de foi,
Qui fit, l’une, et l’autre, paraître,
Allant, pour cet auguste Maître,
En tant de différents Endroits,
En Ambassade, auprès des Rois,
En un mot, Monsieur de Lionne,
Vient, de cette Parque Lionne,
Tigresse, et plus cruelle, encor,
De sentir le funeste effort.
Neuf de nos doctes Hippocrates,
N’ont pu le tirer de ses Pattes,
Avec tous leurs beaux Arguments,
Leurs Secrets, et Médicaments :
Ce qui me fait franchement, dire,
Sans des Nombres, ici, médire,
Que celui Neuf, en tel cas,
Mieux qu’en maint autre, ne vaut pas.

Mais laissant là, la Médecine,
Qui, souvent, aide l’Assassine
A nous faire plutôt mourir,
En tâchant de nous secourir,
Jugeons, Lecteur, combien est vaine
La Vie, et la Grandeur mondaine,
Qui nous dure si peu de temps.

Le Défunt, à six fois, dix ans,
S’en voit dépouillé par la Parque :
Et, ce qu’il est bon qu’on remarque,
Dans un superbe et grand Hôtel,
Que ledit illustre Mortel
S’était, depuis quelques années,
Pensant les siennes moins bornées,
Fait bâtir, comme il eût dû,
Ô Ciel ! que l’Homme est bien déçu !
Y fixer sa Gloire, et sa Vie,
Comme une éclair, évanouie ;
Quoi que la première, pourtant,
Lui coûtât des Soins, tant et tant,
Et lesquels Soins qui l’ont produite,
Ont l’autre, peut-être, détruite.

Mais c’est assez moraliser,
Alors qu’il faut nouvelliser.

-"Nouvelliser", oui, mais c'est bien toujours de mort dont il s'agit... :

À propos, ici, de Morale,
Ladite Parque, à tous, fatale,
A de son Trait, aussi, dit-on,
Naguère, féru, dans Lyon,
Le fameux Louis de Léclache,
Qui, depuis trente ans, sans relâche,
Qu’à ce Métier, il s’appliquait,
Par des Tables, nous expliquait
La Morale de l’Aristote,
Dont plusieurs faisaient leur Marotte,
Dans le temps de la Nouveauté,
Par qui l’Esprit est enchanté :
Ces Tables-là, moralisantes,
Étant alors, plus alléchantes,
À l’égard des savantes Gens,
Que les Tables à Mets friands,
Ne le seraient à Gens de Chère.
Mais comme tout cesse de plaire,
Sitôt qu’il paraît suranné,
Et qu’ainsi, l’on a condamné
Le susdit Messire Aristote,
En Philosophe qui radote,
Pour contenter nos Novateurs
Qui passent pour plus fins Docteurs,
Ledit feu Sieur son Interprète,
Son Commentateur, et Trompette,
Eut si peu d’Écoliers, enfin,
Que, dans cet étrange déclin,
Il tourna, de même, en Cosaque,
À son Philosophe, casaque :
Et, par un dépit évident,
Un tant soit peu, se dégradant,
Se mit, foi d’Historiographe,
À montrer la simple Orthographe.
Ô Dieux ! quelle réduction !
Quel changement ! le croirait-on ?
Mais ici, faisons une pose,
Et puis, discourons d’autre chose.

-Cette autre chose est une nouvelle plus rafraîchissante et dont nous avons déjà vu une première mention chez Mayolas dans la lettre précédente : celle concernant la soutenance du fils de Colbert au collège d’Harcourt. Mais voilà la précision supplémentaire qui nous manquait : celui-ci n'a que quartoze ans... :

Un jeune Abbé de quatorze ans,
Mais qui, sans dépendre du temps,
A, dans ce tendre, et ce bas âge,
Toutes les clartés d’un vieux Sage,
Naguère, au Collège d’Harcourt
Disputa presque, tout un jour,
D’une manière sans égale,
Sur la Logique, et la Morale.
On ne saurait, en vérité,
Avec plus de solidité,
De facilité, ni de grâce,
Je le dis sans lui faire grâce,
Se démêler d’un Argument,
Et pousser le Raisonnement
De façon plus judicieuse,
Plus ferme, et plus victorieuse,
Que ledit jeune Défendant,
Alors, des mieux, se possédant.:

La plupart du Clergé de France,
Fut de la nombreuse Assistance,
Dans ledit Collège d’Harcourt,
Avec l’Elite de la Cour,
Et les Principaux de la Robe.
J’en pourrais jurer par Macrobe,
Compris, même, le grand Séguier,
Cet admirable Chancelier,
Ce parfait Caton de notre Âge,
Et Lamoignon, cet autre Sage,
Par mérite, à tous, évident,
Du Sénat, Premier Président :
Et toute ladite Assemblée,
Des Gens les plus huppés, comblée,
Sans cesse, ravie, applaudit
Au jeune Soutenant susdit,
Admirant son intelligence,
Qui surpasse toute créance.
Que l’illustre Monsieur Colbert,
Qui, si bien, le Monarque, sert
Aux plus importantes Affaires,
Étant des quatre Secrétaire, [d’État.]
A dû, dans cette Occasion,
Sentir de satisfaction,
Voyant ce naissant Philosophe,
L’Objet de cette mienne Strophe,
Remplir les soins qu’il en a pris
Si noblement ! car c’est son Fils,
Dont, comme un bon, et brave Père,
Digne du Sort le plus prospère,
Il est le premier Précepteur,
Ainsi que le cher Géniteur,
Par l’Éducation charmante,
Suave, bénigne, et prudente,
Par laquelle, de tous ses Fils,
Il va cultivant les Esprits.

-La cour est de retour de Fontainebleau :

Nos Majestés incomparables
Que l’on pourrait dire adorables,
Possédant, des Divinités,
Presque, toutes les Qualités,
Et par qui, leurs vives Images,
Méritent de pareils Hommages,
Revinrent de Fontainebleau,
Lundi, dans cet autre Château,
Que, partout, Versaille [sic], on appelle,
Demeure qui n’est pas moins belle,
Et que l’on embellit, sans fin.

Notre aimable et brillant Dauphin,
Lequel, en tous Lieux, se promène,
Avec le Monarque, et la Reine,
Vint, aussi, dans ce Paradis,
Dans ce Versailles que je dis :
Et Madame, encor, sa Cadette,
Qu’on voit devenir si complète,
Depuis que son beau Corps est sain,
Se rendit là, de Saint-Germain,
Avec sa sage Gouvernante, [Me la Maréchale de la Motte.]
D’une Vertu très éminente.

En un mot, dans ce beau Séjour,
Est, à présent, toute la Cour,
Avec cent rares Créatures
Qui semblent les Manufactures
Du puissant Dieu qui fait aimer :
Qui les forma pour tout charmer,
À peu près, ainsi que des Anges :
Après quoi, sans trop de Louanges,
Y voyant nos deux MAJESTES,
Semblables aux Divinités,
J’ai pu nommer, vaille que vaille,
Un Paradis, ce beau Versaille.

-Mais les préparatifs de guerre battent toujours leur plein. Ainsi, le roi a-t-il nommé plusieurs officiers :

Notre Roi, qui guerrièrement,
Est appliqué journellement,
À régler ses belles Milices,
Qui sont ses plus chères délices,
A fait Colonels, deux Marquis,
Pourvus de maints Talents exquis,
Desquels est un noble Courage,
Dont ils ont rendu témoignage.

L’un des le Sieur de Béringham,
Natif de Paris, non de Gand,
Premier Ecuyer du Grand Sire,
Colonel, donc, pour tout vous dire,
Du très florissant Régiment
De notre Dauphin si charmant.

L’autre, de Saint Géran se nomme,
Lequel, pour achever en somme, [Ces deux Régiments sont d’infanterie.]
À la Colonelle d’Anjou,
Qui vaut plus qu’un riche bijou.

-Des changements ont aussi eu lieu dans le domaine de l'administration des greniers à sel :

Naguère, avec grand ballottage,
On rafraîchit l’Échevinage :
Et, par égal nombre de voix,
Le Sort, sans primauté, fit choix
De Messieurs Pasquier, et le Gendre.
Mais à l’instant, je viens d’apprendre [Le premier Controleur au Grenier à Sel]
Qu’ayant tous deux, serments prêté [de cette ville, Et l’autre Conseiller de Ville.]
Dans les Mains de Sa Majesté,
Elle a vidé la concurrence,
Et réglé cette Préséance,
En faveur de Monsieur Pasquier.
En sorte qu’il est le premier,
Et, sans doute, d’une manière
Qui rend sa gloire très plénière.

-Pour finir, Robinet revient sur le Fils supposé, de Boyer, déjà évoqué précédemment :

Comme je m’étais proposé
D’aller voir le Fils Supposé,
Mardi, je le vis, et je jure,
Sans en vouloir être parjure,
Ou que je ne m’y connais point ;
Où ce Poème a, de tout point,
Ce qui fait un beau Dramatique ;
Soit, s’il faut que plus je m’expliue,
Pour le Sujet, les Ornements,
Les beaux, et les grands sentiments,
Les Vers de pompeuse structure,
La Diction et forte, et pure,
L’Ordre, l’Intrigue, et Dénouement.
Mais je me trouve bon, vraiment,
D’en dire ainsi, ma ratelée,
Autant de bond, que de volée,
Après que le Grand de Condé,
En le voyant, a décidé
Beaucoup mieux que mon Écritoire,
Ce que, sur ce, chacun doit croire,
Déclarant, tout haut, que Boyer
En méritait los, et loyer.
N’en disons, donc, pas davantage,
Mais, dans le reste de ma page,
Ajoutons que tous les Acteurs
Y ravissent les Spectateurs :
Chacun d’admirable manière,
Entrant dedans son Caractère,
Et le poussant, certainement,
Jusqu’à la fin, fort dignement.
J’en dis de même, des Actrices,
Dont deux sont vraies Enchantrices [sic],
La Dennebaut, et Champmeslé,
Dignes de maint cœur immolé
À leurs jeunes, et brillants charmes,
Et par là, je finis mes Carmes,
Ne pouvant pas demeurer mieux,
Que sur ces Objets gracieux.

Lettre publiée vers le 10 septembre, par Mayolas.

-De Robinet à Mayolas, chacun rend hommage aux qualités de son protecteur... :

Puissant ROI, dont la Majesté,
L’air, la douceur et la fierté,
L’esprit, l’adresse, la prudence,
La valeur et l’intelligence,
Servent d’exemple et de portrait
Au Monarque le plus parfait ;
Mais par vos hautes faits (que je trace)
Votre Majesté les surpasse :
Et je dis que sous le Soleil
Vous ne trouvez point de pareil :
Ainsi je suis comblé de gloire
De vois que j’adresse l’Histoire
Des Royaumes et des États
Au plus fameux des Potentats ;
Je voudrais bien que mon Ouvrage,
Mes Vers, ma Prose, mon Langage,
Fussent des fidèles crayons
De vos rares perfections,
Y joignant encor les nouvelles
Qu’on débite dans les ruelles,
Pour divertir quelque moment
Un ROI si brave et si charmant.

-La reine a effectué un déplacement au couvent de Montmartre :

Notre aimable et parfaite REINE
(Un des jours de l’autre semaine)
À Montmartre se transporta
Et dans ce Couvent visita
Et Madame et Mademoiselle
De Guise, qui sont le modèle
D’une éclatante piété,
Et voyant là sa Majesté,
Ces deux Princesses l’accueillirent
Et pareillement répondirent
Tant à sa Royale bonté
Qu’à sa grande civilité,
De là, cette belle Princesse
Vint à Paris voir la Duchesse
La Douairière d’Orléans
Qui reçut bien ses compliments,
Puis la Duchesse d’Angoulême
Qui la reçut aussi de même
Dont les vertus et le renom
Élevèrent jusqu’aux Cieux son Nom,
Puisque tout le monde est bien aisé
De voir l’admirable THÉRÈSE,
Jugez combien (en bonne foi)
On l’est, quand on la voit chez soi.

Le GRAND AUMÔNIER de la REINE [Pierre de Bossy.]
Dont l’Âme de vertus est pleine,
Notre Archevêque Toulousin
(De qui je suis diocésain)
Remplit si bien ce noble Office,
Et fait si bien son exercice
Dans sa nouvelle dignité
Dont l’a pourvu sa Majesté
Que cette REINE incomparable
Très vertueuse et très aimable
Communia mardi dernier
Des mains de ce grand Aumônier
Dont le zèle et la modestie
Ravit autant qu’elle édifie.

-Depuis 1667, les affaires gérées par la prévôté de Paris sont le fait de deux officiers. La police est à la charge du lieutenant du prévôt de Paris pour la police. Les affaires civiles en revanches échoient au lieutenant civil du prévôt (voir Laurent Avezou, Les Institutions de la France moderne : XVe-XVIIIe siècle, Paris, Cursus, Armand Colin, 2014, p. 97-98. Pour l'arrêt de Colbert instituant ce changement, voir Recueil général des anciennes lois françaises : 1661-1671..., tome XVIII, Paris, Belin-Leprieur, 1829, p. 100-101). Or parmi les nouvelles nominations de la période, on trouve celle de ce lieutenant civil.

Le ROI connaissant les vertus
Du docte et sage LECAMUS [Maître des requêtes et Intendant d’Auvergne.]
Son intégrité, sa prudence,
L’a bien choisi par préférence
Pour être LIEUTENANT CIVIL ;
Et d’un air aimable et civil
Notre SÉNAT des plus augustes
Des plus fameux et des plus justes,
Le reçut solennellement :
Il fut installé hautement
Dans cette Charge et cet Office
Dont il fera bien l’Exercice,
Le Châtelet et tout Paris
En sont comme moi fort ravis.

-Un nouvel ambassadeur vénitien est annoncé :

La République de Venise
(Que depuis longtemps chacun prise)
Envoyant ici MICHELLI,
Ce Seigneur très sage et poli
Le dix du mois fit son entrée
À Paris, dans cette contrée ;
Et le Maréchal de Grancé
Aussi brave que bien sensé
Dans un Carrosse de remarque
(Puisqu’il était à mon Monarque)
Le fut prendre plein de splendeur,
Avec BONNEVIL, l’Introducteur
Qui fait tout du long et du large
Présentement tout seul la Charge
Des Carrosses à six Chevaux
Des meilleurs comme des plus beaux
Ainsi que les siens bien roulèrent
En grand nombre l’accompagnèrent
Dans son magnifique Palais
Rempli d’ornements et d’attraits,
Où doit loger son Excellence ;
Là, cet Ambassadeur en France
Fut-il aussitôt complimenté
De la part de sa Majesté,
De même qu’au nom de la REINE
(Notre charmante Souveraine)
Et des grands Princes de la Cour
Qu’il écouta bien tour-à-tour :
Et c’est une preuve assez bonne
Qu’on estime bien sa personne.

-Mayolas mentionne aussi - mais dans deux section séparées - les promotions intervenues par le fait du roi, dans l'armée. Tout d'abord, donc le colonel :

J’appris d’un homme de Rouen
Que le Marquis de BERINGUEN
Est Colonel sans flatterie
D’un Régiment d’Infanterie,
Et pour vous dire tout enfin,
C’est de Monseigneur le DAUPHIN
Le ROI connaissant sa vaillance
Sa fidélité, sa naissance,
Lui donne ce rang glorieux
Qu’il soutiendra bien en tous lieux.

-Cette bonne nouvelle est "interrompue" par la triste annonce de la mort de l'abbesse de Chelles :

La mort de l’Abbesse de Chelles
Causait une douleur mortelle
Dans ce Royal et beau Couvent
Où l’on soupire encor souvent ;
Mais pour bien consoler ces Dames,
Très dévotes et bonnes Âmes,
Le ROI par un choix bien sensé
De Marguerite de COSSÉ
Qui fort d’une Illustre Famille
Du Duc de BRISSAC digne Fille,
Remplit sa Charge en ce saint lieu,
De quoi l’on rend grâces à Dieu ;
Puisque son sang et son mérite
Sont bien dignes de cette élite.

-Mais notre gazetier revient ensuite à l'armée et cite à son tour le second aristocrate élevé au rang de colonel :

J’ai su d’un brave Courtisan
Que le Marquis de SAINT GERAN,
Rempli d’adresse et de courage,
Possédant maint autre avantage,
Est Colonel d’un Régiment
Que je nomme présentement
DANJOU, de plus, d’infanterie
Qui courra par mainte prairie :
Et mon grand ROI qui connaît bien
Qu’il s’en acquittera fort bien
Lui donne cet emploi notable
Qu’il fera d’un air agréable.

-Dans sa lettre du 23 juin, Robinet évoquait déjà la réputation des eaux thermales de Bourbon et leur clientèle nombreuse et non moins réputée. Mayolas y revient ici et cite à son tour la présence du roi de Pologne parmi celle-ci :

On m’écrit selon mon désir
Qu’on attend le ROI CASIMIR
À Bourbon, ce mois de Septembre,
Pour prendre des eaux dans sa chambre,
Le Maréchal de LA FERTE
Dont la valeur et la fierté
Ont paru sous le Dieu de THRACE
En boit maint verre et mainte tasse,
Par le conseil du Sieur BONIN [Médecin de sa Majesté.]
Présentement son Médecin,
DE LORME, successeur très digne
Dont on sait le mérite insigne
Le Président de CHAMPLATREUX,
Équitable et judicieux
Y prend de ces eaux salutaires
Pour sa santé très nécessaire ;
D’Angleterre le CHANCELIER
Réside aussi dans ce quartier ;
De plus, la grande MARECHALE
De Pologne, auxdits lieux étale
Son air, sa grâce, et son maintien,
Avecque le Marquis D’ARQUIEN,
Lequel est son Illustre Père
Et qu’en France l’on considère ;
Ajoutons que ledit BONIN
Dont l’esprit est docte et bénin
Est l’ancien dans cette place
Où l’eau coule de bonne grâce,
Dont les effets sont merveilleux
Et paraissent miraculeux,
Car les plus grandes maladies
Par cette boisson sont guéries :
Aussi tout le monde court là
Etant informé de cela.
Cette compagnie éclatante
À Bourbon tous les jours s’augmente,
Sans qu’on craigne de boire chaud,
Sitôt qu’on est à l’Arechambault [sic].

-La venue de l’ambassadeur d’Angleterre est présentée comme un raison pour la cour de se réjouir. Nulle doute qu'il s'agit toujours de ce resserrement des alliances que nous mentionnions plus haut au sujet de la préparation de la guerre de Hollande :

On me dit hier sur notre terre
Que l’Ambassadeur d’Angleterre
MILORD MONTAIGU très prudent
Et pour son Roi beaucoup ardent
Vient pour continuer en France
Son Ambassade d’importance,
Auprès de mon ROI très Chrétien
Qui l’estime et qui l’aime bien ;
Il est déjà dans cette Ville,
Et des personnes plus de mille
Lui vont faire leur compliment
Qu’il reçoit agréablement :
Et de son heureuse arrivée
Toute la Cour paraît fort gaie.

-Une fête religieuse, probablement vers la fin du mois d'août, s'est faite sous la présidence de l'archevêque de Paris :

Les Jacobins du Noviciat
De qui je fais beaucoup d’état
Mieux qu’en ces Vers je ne l’expose,
Célébrèrent bien SAINTE ROSE,
Et sa commémoration
Avec zèle et dévotion ;
L’Archevêque de cette Ville [François Harlay de Chamvallon.]
Très vertueux et très habile
Dans ledit Couvent se rendit,
Et le Prieur bien l’accueillit ;
Ce grand Prélat y fit l’Office
Continuant son exercice
Avec édification,
Donna la Bénédiction
Au Salut qui fut authentique,
Tant pour l’excellente Musique
Que par les assistants nombreux
Fort illustres et forts pieux :
Les Éloges plus héroïques
Et les plus beaux Panégyriques
Pendant l’espace de huit jours
Pour cette Sainte eurent grand cours,
Et pour ouvrir cette Carrière
D’une belle et bonne manière,
Le Père LOUIS commença
Et maint autre le seconda.

-À la suite de Robinet, Mayolas annonce la mort du secrétaire d’État De Lyonne :

Faut-il que la Parque félonne
Nous ait sitôt ravi LIONNE,
Digne Secrétaire d’État,
Qui servit bien mon Potentat ;
Au Tombeau nos pleurs le vont suivre,
Mais nous verrons encor revivre
Ses Vertus, ses Soins, ses Talents
En ses Nobles et chers Enfants.

Ces rimes je forme et je range
Le tiers du mois où l’on vendange.

Lettre du 12 septembre 1671, par Robinet.

-Toujours, toujours, ces beaux discours, sont précédés de beaux prologues ! Ainsi :

Muse, Muson, ou bien Musette,
Oui, ce Diminutif vaut mieux,
Pour qui n’est que Tiercelette [sic]
Du docte Mont, voisin des Cieux.
Musette, donc, la bien nommée,
Les Samedis, accoutumée
A m’aider à nouvelliser,
Venez, vite, ma chère Amie,
Sans barguigner, ni biaiser,
Car la façon ne me plaît mie.

Je n’ai pas le temps, je vous jure,
De vous réclamer longuement,
Et je renonce à l’Écriture,
Si vous différez un moment.
Mais ce n’est pas votre coutume,
Et je sens, déjà, dans ma Plume,
L’effet de votre prompt Secours.
Ca, je vais, sans reprendre haleine,
Finissant cet Avant-Discours,
Rimer sur les Avis que j’ai cette Semaine.

-Des princes de haute volée, les frères de Vendôme, à savoir les fils du duc de Mercoeur, sont en route pour l'Italie. Derrière la poétique relation de Robinet, aux épithètes tous plus laudatifs les uns que les autres ("belle cour de Savoie", "illustre Duchesses"), rien n'est dit sur le but de leur voyage. Il semblerait, à lire les strictes instructions du roi et le caractère secret de certaines visites, que celui-ci soit diplomatique (Pierre Clément, Lettres, instructions et mémoires de Colbert..., tome 6, Paris, Imprimerie impériale, 1869, p. 282-283).

Ces Frères si beaux que rien plus,
Et, plus que Castor, et Pollux,
Étroitement, unis ensemble,
Où l’on voit que Nature assemble,
Ainsi que le Ciel, tous ses Dons,
Si qu’ils semblent de vrais Adons,
Par tous les traits de leur Visage,
De petits Mars, par leur Courage,
De jeunes Docteurs, à leur voir
Tant de Lumière, et de Savoir,
Et de Sages, par leurs Prudence.

Ces Frères, dis-je, d’importance,
Qui sont les Princes Vendômois,
Étant arrivés, l’autre Mois,
En la belle Cour de Savoie,
S’y sont vus, avec grande joie,
Accueillis, de ses Souverains,
Dont ils sont les Cousins Germains,
Au moins, de l’illustre Duchesse,
Miroir d’Honneur, et de Sagesse,
Ainsi qu’à dire vérité,
Un franc Parangon de Beauté.

Or cette Cousine charmante,
Et le digne Époux qu’elle enchante,
Par ses Vertus, et ses Appas,
Qu’à demi, certe [sic], il ne voit pas,
Leur ont fait des Honneurs, et Chères,
Tout à fait, extraordinaires,
Et n’ont rien du tout, oublié,
Pour leur montrer leur amitié.

Le Duc, il faut que je le die,
Essuyant une grosse Pluie,
Qui tombait lors, fut, à cheval,
Par un transport tout cordial,
Au devant d’eux, plus d’un bon mille :
Et leur ayant, en charmant Style,
Fait un obligeant Compliment
Il s’en retourna, prestement,
Au Valentin, Lieu de plaisance,
Et tout plein de magnificence,
Pour y faire apprêter de quoi
Les régaler, en noble arroi.

Les Festins, les Jeux, et les Chasses,
Sans intervales, sans espaces,
Les ont, en ce riant Séjour,
Des mieux, divertis, chaque jour :
Et, bref, le Duc, et la Duchesse,
Leur ont exprimé leur tendresse,
Leur joie, et leur affection,
Mieux que nulle Narration
Ne saurait, jamais, le décrire,
Et disant cela, c’est tout dire

Mais, pour ces Princes si bien nés,
Et de tant de Vertus ornés,
Ajoutons qu’ayant l’Art de plaire,
Ils ont (Lecteur, tu peux le croire)
Gagné, dans la susdite Cour,
D’un chacun, l’estime, et l’amour,
Par leur Esprit, leur accortise,
Et tout ce qui fait qu’on le prise.

-Ce n'est pas au saut du lit, mais au moment du réveil que certaines nouvelles viennent cueillir, de bon matin, notre cher Robinet. Ainsi :

Étant, encor, entre mes Draps,
J’ai su qu’en la Cité d’Arras,
Naguère, on vit grande Assemblée,
Et, de Gens de marque, comblée,
Chez ces Pères si géniés,
De Jésus, les Associés.
Dudit Arras, le Porte Mitre
En fut, avecque le Chapitre,
Et la plupart de son Clergé,
En un très bel ordre, agrégé.

La Noblesse, et Magistrature,
De s’y trouver, prit, aussi, cure.

Enfin, comme on me l’a conté,
De Douai, l’Université,
Et si nombreuse, et si savante,
Que, par tous Cantons, on la vante,
S’y rendit, par ses Professeurs.

Or, ce grand Congrès de Docteurs,
Se fit, tout exprès, pour entendre,
Ainsi, donc, que j’ai pu l’apprendre,
Le Fils Aîné du Gouverneur,
Qui soutint, avec grand honneur,
Des Thèses de Philosophie,
Sur toute, et chacune Partie :
Montrant, en cette occasion,
Très profonde Erudition,
Et par sa docte suffisance,
Ravissant toute l’Assistance.

-Retour sur le décès de l'abbesse de Chelles, déjà évoqué précédemment :

Le quatre de ce mois, la Mort,
Que Jeune, et Vieux, redoute fort,
A fait, à l’Abbesse de Chelle [sic], [Me M. de la Porte.]
Sentir sa Sagesse mortelle,
Mais non, je pense, à contre temps,
Ayant bien plus de septante ans.

Néanmoins, ses Religieuses,
Des plus chastes, et plus pieuses,
S’abandonnaient à leurs douleurs,
Et versaient un torrent de pleurs,
Pour la perte de cette Dame,
Qui leur montrait, en haute gamme,
Depuis des ans, quarante-deux,
L’infaillible route des Cieux,
Par ses Vertus très exemplaires,
Et, mêmement, des plus austères.

Mais notre auguste Majesté,
Chérissant leur Communauté,
Vient, avec d’agréable Charmes,
De finir leur Deuil, et leurs Larmes,
Par le juste Choix qu’elle a fait,
Conformément à leur souhait,
D’une Marguerite excellente,
Bien digne d’être leur Régente,

Ayant tous les beaux Dons qu’il faut,
Et pas le plus petit Défaut.

Qui plus est, c’est parmi ces Nonnes,
Du divin Epoux, les Mignonnes,
Qu’icelle a pris l’Habit ; si bien
Qu’elles la connaissent très bien.
D’autre part, quant à sa Naissance,
Si cela tire à conséquence,
Pour le beau Poste où la voilà,
Je vous dirai, sur ce chef là,
Qu’elle est d’une illustre Famille :
Et que ladite Abbesse est Fille
D’un défunt Duc, fort renommé,
Qui, de Brissac, était nommé.

-Le duc de Chaulnes, qui a été ambassadeur extraordinaire de sa majesté à Rome durant les six premiers mois de 1670 avait été nommé au gouvernement de Bretagne après son retour (le 28 juillet). Un an plus tard (le 2 août 1671), il a fait tenir les États à Vitré et c'est pour cela qu'il est cité ici (Table ou abrégé des cent trente-cinq volumes de la Gazette de France..., Tome premier, Paris, 1766, p. 11) :

À propos de Duc, C’il de Chaûne [sic],
Dont d’Ici, jusqu’à Rome, on prône
Les Mérites, si hautement,
A, dans son beau Gouvernement,
Si bien su régler les Affaires,
Que, par des Suites nécessaires,
Il en a reçu Lois, ma foi,
Et de la Province, et du Roi.

Comme, en très laconique Prose,
De Vitré, l’on mande la chose,
Les Etats qu’il a, là, tenus,
Par des ressentiments, bien dûs,
De sa façon d’agir si sage,
Ont, en un obligeant langage,
Témoigné leur joie du Choix
Faits, par le Modèle des Rois,
D’un Seigneur de Vertu semblable,
Si brave, en un mot, si capable
De remplir ce Poste important :
Et, pour rendre plus éclatant
Le Témoignage de leur joie,
Ils ont eu recours à la voie
La plus ordinaire, des Feux,
Qui furent, jusques dans les Cieux,
De la Nuit, traversant les Toiles,
La manifester aux Etoiles.

Enfin, à ses Prédécesseurs,
On n’a point rendu tant d’Honneurs,
Qu’on en a faits à sa Personne :
Et qu’ici, l’on ne me soupçonne,
Nullement, d’hyperboliser,
Je ne fais que nouvelliser [sic].

-Avant d'en venir à des nouvelles de la cour, Robinet évoque à son tour la nomination du nouveau lieutenant civil au Châtelet de Paris :

Le Mérite n’est plus camus,
Car, enfin, Monsieur Lecamus,
Ci-devant, Maître des Requêtes,
Et l’un des meilleures Têtes,
Est notre Lieutenant civil,
Outre u’il est doux, et civil,
Deux Attributs de bien séance
À tous Magistrats d’importance,
Il a ce grand fonds d’Équité,
Et d’Incorruptibilité,
Qui, dans eux, est si nécessaire,
Pour l’honneur de leur Caractère.
Il est, qui plus est, éclairé,
Comme on sait, en un haut degré,
Et, bref, tout plein de vigilance.
Voilà ce qu’il faut, que je pense,
Pour parvenir au grand Emploi
Qu’il vient de recevoir du Roi.

Ainsi, commençant ce Chapitre,
L’un des plus beaux de mon Épître,
J’ai bien dit qu’on ne voyait plus,
Le Mérite, à présent, camus,
Puisque notre rare Monarque,
Si bien la discerne, et remarque,
Et si bien le sait honorer.

J’en pourrais bien, certes, narrer,
Un autre bel Exemple, encores,
Mais, là-dessus, je me tais ores.

-Et donc, c'est sur ces nouvelles de la Cour, que la gazette se termine. Ainsi, le roi et Versailles sont-il d'abord mentionnés...:

De cet Auguste, et de sa Cour,
Versaille est, toujours, le Séjour :
D’où les vilains Chagrins, l’on chasse,
Par la Promenade, la Chasse,
Les doux Concerts, les grands Cadeaux,
Et maints, et maints Plaisirs nouveaux,
Qu’invente un Art inépuisable,
Pour ce seul Monarque adorable.

-... Puis Monsieur et Saint-Cloud :

Monsieur, son Unique Cadet,
Si beau, si brillant, si bien fait,
Que tout chacun, sans le connaître,
A le voir, seulement, paraître,
Devinerait le Rang qu’il tient,
Souvent, en son beau S. Cloud, vient :
Et là, d’une façon royale,
À maint beau Monde, fait Régale.

-Il convient alors d'ajouter que Philippe était présent à la fête de Sainte Rose que la lettre précédente a relatée :

L’autre semaine, il vint, aussi,
Par l’effet d’un pieux souci,
Honorer une Sainte Rose,
Maintenant, dans le Ciel, éclose :
Et qu’ici, tous Frères Prêcheurs,
Qui remontrent bien aux Pécheurs,
Oni, durant huit jours, célébrée
Avec une pompe admirée.
Mais les Réformés notamment,
Si qu’on eût dit, certainement,
À voir leur Église parée,
Enrichie, et, bref, décorée,
Comme elle était, de part, en part,
Avec tant d’éclat, et tant d’art,
Qu’ils entraient, en cette occurrence,
Avec le Ciel, en concurrence,
À qui ferait le plus d’honneur,
À leur rare, et divine Fleur.
Leur zèle, digne de mémoire,
Lui fit ériger une Gloire
Plus claire que le Firmament.
Or ce fut en ce Lieu charmant,
Que sa belle et Royale Altesse,
Vint l’honorer, parmi la Presse,
Qui, chaque jour, se faisait là,
Pour voir ce grand Spectacle-là,
Duquel, dans ma prochaine Épître,
Je vous étendrai le Chapitre.

Lettre du 19 septembre 1671, par Robinet.

-Robinet rappelle depuis combien d'années il officie (à la suite de Loret) dans la rédaction de ses gazettes : 6 ans. Mais avant cela, un passage interpelle : il fait visiblement référence à la propagande anti-française venue de Hollande (voir également les lettres du 22 août et celle du 10 octobre). Ainsi :

Il souvient, toujours, à Robin,
De ses Flûtes, ce dit l’Adage,
Naguères, bien cité par un grand Personnage,
Qu’à la Haye, on écoute ainsi qu’un vieux Rabin.
Il me souvient, aussi, des miennes,
Autant bien qu’à Robin des siennes,
Depuis six ans, je le fais voir :
N’ayant, jamais, manqué de mettre sous les Presses,
Ce que, les Samedis, exigeait mon Devoir
Envers leurs Royales Altesses.

Je sais bien que c’est en ce Jour,
Que, de la Plume, je m’escrime,
Pour ce jeune Héros, cet Objet de ma Rime,
Qu’en l’un des premiers Rangs, on adore à la Cour.
Je sais que c’est là mon Affaire,
Et l’unique que je dois faire,
Sans avoir nul autre Souci.
J’y vais, donc, m’appliquer, avecque ma Musette,
Dont l’obligeant Secours, dans quatre heures d’ici,
Rendra mon Épître complète.

Pour, mieux la mettre en belle humeur,
Sus, un doigt de quelque Breuvage,
C’est jouer à coup sûr, et, du moins, et c’est l’usage,
Fort souvent, pratiqué, par maint, et maint Rimeur.
Mais point de Bière de Hollande,
Nous en avons raison très grande,
Elle inspire mal un Auteur,
Soit qu’il écrive en Vers, soit qu’il écrive en Prose,
Il écrit en ignare et sale Crocheteur.
Mais parlons, vite, d’autre chose.

-Un divertissement somptueux a été donné à Versailles, conclu par un festin, au milieu de la nuit :

Samedi dernier, notre Cour,
Dans son délicieux Séjour,
Du mignon Château de Versailles,
Où l’on ne paie point de Tailles,
Se divertir, ce m’écrit-on,
D’une assez galante façon,
Lorsque le Dieu de la Lumière,
Terminant sa vaste Carrière,
Eut fait place à sa claire Sœur,
Qu’aime un nocturne Voyageur.
Alors, dis-je, dans la Cour ronde
De ce Lieu le plus beau du Monde,
Nos deux augustes Majestés,
Ayant, sans doute, à leurs côtés,
Leur chère et royale Famille,
En qui la pleine Gloire brille,
Mon Héros, à savoir Monsieur,
De si riant Extérieur,
Et, bref, tout aux environs d’Elles,
Une Troupe d’illustres Belles,
Et de Courtisans, mêmement,
Qui formaient un Cercle charmant,
Prirent l’Ébat de ces Coquettes,
Que le Seigneur Poisson a faites,
Et qui, tant que je ne sais quoi,
Divertirent notre grand Roi,
Avec sa belle Compagnie,
Laquelle admira le Génie
De leur Auteur facétieux,
Qui ne fut pas peu glorieux,
Des Louanges, à lui, données,
Même des Têtes Couronnées.

Après ce Divertissement,
Qui se prit, ainsi, plaisamment,
Comme on dit, en Place marchande,
Sans qu’on eût, afin qu’on l’entende,
Que le Ciel tout seul, pour Plafonds,
Si que (Fixes, et Vagabonds)
Tous les petits et grand Planètes
Lorgnèrent au nez, les Coquettes,
Et semblèrent en rire, aussi :
Après, dis-je, cet Ébat-ci,
On en fut, au Parc, d’autres prendre,
De qui vous ne pourriez comprendre,
Qu’à peine, toutes les beautés
Dont les Sens furent enchantés.

Des miliades de Lumières,
De toutes sortes de manières,
De-çà, de-là, de part, en part,
Mises par les mains d’un bel Art,
Se mêlant parmi les Feuillages
Des Palissades, et Bocages,
Produisaient, certes, des effets,
Qu’on ne peut d’écrire, jamais.

Traversant ces Routes lucides,
On fut voir les Nymphes liquides,
Et le Chef d’œuvre, tout nouveau,
D’un grand et beau Théâtre d’Eau,
Où ces Naïades complaisantes,
Et, tout à fait, obéissantes,
Aux Lois d’un Art miraculeux,
En faveur d’un Roi merveilleux,
En cent façons, se travestissent,
Et cent diversités fournissent,
Qui font un Spectacle charmant,
Tenant fort de l’Enchantement.

De là, la Royale Assemblée,
À travers mainte verte Allée,
En une Grotte, se rendit,
Où tout, encor, enchante, et rit :
Mais qui, dans cette nocturne Heure,
Avait, encor, ou que je meure,
Bien plus de beautés, et d’appas.

Or, on y fit le grand Repas
Que Media-noche, on appelle,
Chère qui fut splendide, et belle,
Et dont les Mets, et les Boissons,
Etaient de toutes les façons,
Et servis, même, de manière
Qui délectait plus que la Chère.

D’ailleurs, ainsi que le Gustus,
On m’a juré que l’Auditus
Y fit, aussi, Chère angélique,
De Symphonie, et de Musique.

Mais le Visus, l’Odoratus,
(Laissant à quartier, le Tactus)
N’eurent-ils point part à la Fête ?
Belle Demande, belle Enquête.

Les Parfums des Mets, et des Fleurs,
Leur arrangement, leurs couleurs,
Et plusieurs Beautés nonpareilles,
Les régalèrent à merveilles,
Et, dans ce vrai Banquet de Dieux,
Ils firent leurs orges des mieux.

-Et au milieu de ces réjouissances, Monsieur de Grammont, militaire et grand prince de son état, a résister aux assauts de la mort qui visiblement le tourmentait depuis quelque temps :

Je dois, achevant cette Strophe,
D’une assez éclatante étoffe,
Ou matière, ajouter Ici,
Que l’on se réjouit ainsi,
D’autant plus à plein, à Versailles,
Que Cloton, Parque à Funérailles,
Qui fait peur à tout Rodomont,
A quitté Monsieur de Grammont,
Ce Maréchal, et Duc illustre,
Qu’elle assiégeait, dans son Balustre,
Depuis un grand nombre de jours,
Pour, des Siens, limiter le cours.

Il a, d’un si brave courage,
Repoussé cette Anthropophage,
Et la bonne Nature, en Lui,
A si bien fait, que, pour meshuy,
La susdite Parque incivile,
D’auprès ce Seigneur, a fait Gile.

Comme chacun, avec chagrin,
Voyait terminer le Destin
De ce Courtisan des plus dignes,
Et dont les Qualités insignes,
Ont gagné l’estime, et l’amour,
En un mot, de toute la Cour :
Ainsi, chacun, je vous proteste,
Son allégresse manifeste,
Revoyant, aussi, son Destin,
Rappelé du mortel Déclin,
Et toute notre Cour en marque
Sa joie, avec son grand Monarque.

-Mais les de Grammont ne sont pas pour autant sauvés de toutes les avanies de ce temps. Ainsi, un tout jeune neveu du rétabli a été emporté par une infection à la suite d'un accident survenu dans une rue de Paris :

Son Frère, Chevalier, jadis, [le Comte de Grammont]
Que sa Maladie avait mis,
Comme Lui, presque en sépulture,
Par une autre étrange Aventure,
Se voit, derechef, désolé,
Et, sous la douleur, accablé.

Un Fils qu’il avait, très aimable,
À sa Mère, en Appas, semblable,
(Car elle en a des plus charmants)
Et qui, seulement, à sept ans,
Savait, déjà, faire harangues,
En deux ou trois sortes de Langues,
Étant à la Foire, dit-on, [de S. Laurens]
Ce charmant et jeune Mignon
Voulut, guidé d’un Sort féroce,
Entrer en un petit Carrosse,
Par un certain Dogue, traîné :
Et, comme il s’y fut promené,
Descendant d’icelle Machine,
Ce Sort, qui, sans pitié, machine
La perte de ce bel Enfant,
Si brillant, et si triomphant,
Fait rencontrer son tendre coude,
(Dont, contre lui, l’on peste, et boude)
Sur un clou qui l’égratigna.
Or, Lecteur, comme on dédaigna
De rien faire à cette Ecorchure,
Voyez la cruelle Aventure,
La Gangrène, en un mot, s’y mit,
Et le Poupon, ainsi, périt,
Avec une douleur amère,
Et pour le Père, et pour la Mère :
Qui, depuis, sur son Teint de lys,
Des plus fins, et des plus unis,
Fait couler un torrent de larmes,
De ses beaux yeux remplis de charmes.

-Robinet passe d'une mort à l'autre et d'un tout jeune enfant à une dame très âgée, mais pourtant partie en paix avec Dieu - le vrai dieu, selon Robinet ! Ainsi :

L’ancienne Dame de Givry,
Dont l’Âge était assez fleuri,
Ayant quatre vingt cinq années,
Ces jours passés, les vit bornées,
Mais, tout à fait, heureusement :
Car, ayant, très funestement,
Été, jusqu’alors, Hérétique,
Elle décéda Catholique.

On pourrait dire après cela,
Qu’elle n’a vécu, jusque là,
C’est-à-dire, jusqu’en tel âge,
Que comme par un cher ménage,
Que le Ciel a fait de son cœur,
Pour le tirer de son erreur.

Son Fils, dont le Zèle se marque
Envers l’Église, et le Monarque,
A, ce dit-on, en le bonheur
D’être, de Dieu, Coadjuteur,
En cette Affaire d’importance,
Faisant, à la Défunte, instance
Avec ardeur, de longue main,
De planter là, Monsieur Calvin,
Et se jeter dans la Nacelle,
Qui mène au Port, sans qu’on chancelle.

-Nous avons déjà mentionné tout ceci concernant la lettre du 21 février par Robinet mais encore faut-il nous répéter : 1685 est encore loin, chronologiquement. Pourtant, les réformés ont déjà à subir les conséquences d'une société de moins en moins tolérante à leur égard... :

Le sage Marquis d’Hautefort,
Qui hait ledit Calvin, bien fort,
Empêche, à Montignac, le Comte,
Ses Suppôts de trouver leur compte.

Ils pensaient, proche de ce Lieu,
Dans lequel il régente, un peu,
Élever, à son nez, un Temple :
Mais ce Seigneur, de bon Exemple,
Les ayant, ci-devant, dit-on,
Fait fuir à coups de Canon,
Un jour qu’ils étaient mis en tête,
Lui présent, d’y faire leur Fête,
Et voyant que les Obstinés,
Dès qu’il a les talons tournés,
Retournent à leur Entreprise,
Pour les sangler du vent de bise,
A, du Conseil, Arrêt tiré,
Par lequel, et fort à son gré,
Il leur est fait, enfin, défenses,
De prendre, encor, là, leurs Licences.

-L'une des femmes de chambre de la reine est passée de vie à trépas. C'est le tout récemment nommé évêque de Grenoble qui a dirigé la messe mortuaire :

Lundi, l’aimable d’Ecouas, [Femme de Chambre de la Reine]
De qui faisait un très grand cas,
Feu mon adorable Héroïne,
Consommant sa ferveur divine,
Fit, saintement, Profession,
Pour mourir en Religions,
Dans le Couvent des Carmélites, [la rue du Bouloir.]
Nonnes fécondes en Mérites.

De Grenoble, l’Episcopus,
Ci-devant, l’Abbé le Camus,
Fit, en fort belle Compagnie,
Dignement, la Cérémonie.

D’autre part, ce rare Orateur
Qui charme l’Esprit, et le Cœur,
L’habile Abbé de Fromentière,
Dont l’Eloquence est singulière,
Fit un Discours sur le Sujet,
Que l’on trouva beau tout à fait :
Et le grand Philippes de France,
Qu’il apostropha d’improtance,
Avec sa noble Diction,
Voulu honorer l’Action,
Par sa présence qu’on peut dire,
Sans peur de se voir contredire,
Des plus charmantes, en tous Lieux,
Tant son Aspect est gracieux.

-Robinet ne reviendra pas sur la fête de Sainte-Rose dont il a parlé à la lettre précédente : celle-ci a également été relatée par ailleurs et il ne juge pas utile d'ajouter quelque chose à tout ceci.

J’avais promis, dans cette Épître,
De pousser plus loin, le Chapitre
De la grande Solennité,
Dont, partout, en cette Cité,
Par admiration, l’on cause,
Et qu’en l’honneur de Sainte Rose,
Ont fait ces Pères renommés,
Qui sont jacobins réformés. [rue S. Honoré.]

Mais, comme elle est, au long, déduite,
Dans une Prose qu’on débite,
Je pense que ledit Récit
Pour tous, et chacun, sufficit.

Lettre publiée vers le 19 septembre 1671, par Mayolas.

-Les tempêtes qui soufflent sur la capitale et ses alentours en cette fin d'été 1671 n'ont pas d'influence sur le travail de Mayolas : quoi qu'il arrive, proteste-t-il, il est à la tâche. Ainsi :

Il n’est point de vent qui m’arrête,
Pour tant qu’il gronde et qu’il tempête,
Quand je vais voir mon Souverain
À Versailles, à Saint-Germain ;
Qu’il renverse clochers et choches,
Carrosses, charriots et coches,
Forêts, parterres et cloisons,
Ardoises, vitres et maisons,
Les plus petits, les plus gros arbres,
Qu’il ébranle bronzes et marbres,
Mon esprit plein de fermeté,
Pour mon Auguste Majesté
Conserve mon coeur indomptable,
Et ma main est inébranlable
Quand il faut écrire à mon ROI
Qui peut tout ranger sous sa Loi :
A partir ma personne est prête,
Et derechef rien ne m’arrête.

-Mayolas annonce à son tour le divertissement évoqué à la lettre précédente par Robinet :

L’autre jour nos deux Majestés
Qui brillent de tous les côtés,
C’est-à-dire, le ROI, la REINE,
(Un des jours de l’autre semaine)
Pour m’expliquer plus clairement,
Eurent le divertissement
D’une charmante Comédie [Par la Troupe Royale.]
(Qui bannit la mélancolie)
Dans une des cours du Château
Qui doit surpasser le plus beau,
Après ce plaisir agréable
Selon mon sens fort délectable,
Ces deux beaux Astres de la Cour
Qui donnent aux autres le jour
Ouvrirent du Parc la carrière ;
Ce fut là que mainte lumière
Placée ingénieusement,
Causait un si doux agrément
Par leur éclat et leur figure,
Que dans icelle conjoncture
Les yeux paraissaient enchantés
De l’aspect de tant de clartés
Qui jetaient leur splendeur féconde
Dessus la surface de l’onde,
Car s’était au Théâtre d’eau,
Attrait ajouté de nouveau
A ce Palais incomparable,
Qui ne trouve point de semblable :
Outre ces agréables jeux
Innocents et délicieux,
Que les jets d’eau et les cascades
Offrent durant les promenades,
La Musique et les instruments
Redoublant leurs appas charmants
Flattaient doucement les oreilles
Par leurs ravissantes merveilles ;
Mais ce n’est pas encor là tout,
Et pour aller jusques au bout,
Il faut qu’on chemine, qu’on trotte,
Et qu’on me suive dans la Grotte
Pour y voir le souper Royal
Que donna mon ROI martial,
Aussi brave que magnifique
À la compagnie héroïque :
Je crois que vous ne doutez pas
Que dans ce précieux Repas
Composé de plusieurs services,
On goûta tous les délices
Que les banquets plus somptueux
Peuvent présenter en tous lieux :
De sorte que cette Assemblée
En ce jour se trouva comblée
D’honneur, de gloire et de plaisir,
Conformément à son désir.

Le ROI plein de gloire immortelle
Alla voir aussi le modèle
Qu’à fait le merveilleux OISEAUX
Dans le rare Théâtre d’eaux,
Par les traits de son grand génie
Rempli d’une adresse infinie,
Et je puis dire en ce moment
Que c’est dommage assurément
Que cet adroit et galant Homme
N’aie fait un voyage à Rome,
Pour y voir mainte rareté
(Qu’on admire en cette Cité)
Comme GRENOBLE incomparable
Qui a vu ce lieu remarquable
Ledit OISEAUX ingénieux
Ferait merveilles en ces lieux :
Et la Royale Académie [De Peinture et de Sculpture.]
Qui des beaux Arts est bonne amie
Lui donnant un rang gracieux,
Il lui serait avantageux.

-Pomponne, alors ambassadeur en Suède, devient Secrétaire d’État - il remplace Hugues de Lyonne dans cet office :

Le ROI (favori de Bellonne)
Estimant l’excellent POMPONNE
Très zelé pour mon Potentat, [Ambassadeur en Suède.]
Le fait Secrétaire d’État,
Sachant bien qu’il a des lumières
Pour les affaires Etrangères,
Que sa grande capacité
Ainsi que sa fidélité
Le rendent capable et bien digne
De cette Charge fort insigne :
Il fera fort bien cet emploi
Pour le service de son ROI :
Tous ses Parents et ses Parentes
Personnes beaucoup apparentes,
Tout Paris et toute la Cour
S’en réjouissent tour à tour,
Comme moi qui dans mon Épître
Lui consacre ce beau chapitre.

-On se souvient que Mayolas, dans sa lettre du 21 mars, avait mentionné l'élévation de Balthazar Phélypeaux au poste de Commandeur et secrétaire (greffier selon Moréri, op. cit. voir plus haut). Dans cette lettre, c'est de la désignation à la tête de l'ordre du Comte d’Avaux dont il est question. Issu de la famille de Mesmes, possédant les seigneuries de Roissy et d'Avaux (donc), l'homme est reconnu pour ses mérites. Ceux-ci ne peuvent être considérés comme usurpés en cette époque où les vertus des ascendants pèsent sur le reste de généalogie : les de Mesmes comptent de nombreux grands serviteurs de l'État dans leur histoire familiale dont certains remontent à l'époque de Charles IX...

Le Comte d’AVAUX Généreux,
Équitable et judicieux,
Entre les mains de mon Monarque
(Que par dessus tous on remarque)
A solennellement prêté
Le serment de fidélité
Pour une Charge remarquable
Et tout à fait considérable,
Pour mieux m’expliquer en un mot,
J’entends de celle de Prévôt
Comme de grand Maître de l’Ordre
Où toutes choses vont dans l’ordre :
Et ce Président au Mortier
Dont le mérite est singulier
Faisant dignement son Office
En fera fort bien l’exercice,
Par ce Monarque ayant été
Pourvu de cette dignité.

-Le fils de De Lyonne, décédé récemment, est nommé Maître de la Garde-Robe du roi :

Le brave Marquis de LIONNE,
Dont j’estime fort la Personne,
Plein d’esprit, d’adresse et de coeur,
Du ROI fidèle serviteur,
Ainsi que l’était feu son Père,
D’État très digne Secrétaire,
A prêté solennellement
Dans les mains du ROI le serment
De fidélité pour la Charge
Dont on voit le nom à la marge ; [Maître de la Garde-Robe.]
Je dis ici sincèrement
Et j’assure publiquement
Que son zèle et que sa dépense
Feront sa charge d’importance.

J’achève de remplir ces lignes
Lorsqu’on grappille dans les vignes.

Lettre du 26 septembre 1671, par Robinet.

-Robinet se plaint en ce début d'automne 1671 : les nouvelles lui manquent pour combler sa gazette. Cependant, les désordres climatiques de la semaine, rapidement évoqués par Mayolas à la lettre précédente, constituent une matière digne d'être intégrée dans la relation des nouvelles :

N’ayant pas beaucoup de Nouvelles,
Au moins, curieuses et belles,
Pour entretenir mes Lecteurs,
Surtout, le Premier des Monsieurs [sic],
À savoir la ROYALE ALTESSE,
Sous le beau Nom de qui j’adresse,
Voire même, à des Majestés.
Les Vers, par ma Muse, enfantés,
Je vais m’étendre, en cette Épître,
Un tant soit peu, sur le Chapitre
De Messieurs, les fripons de Vents,
Qui, par leurs Actes insolents,
Ont fait si beau remue-ménage
Dans Lutèce, et son Voisinage.
Il est fort bon de prendre soin
D’en informer les Gens de loin,
Dont quelques-uns auront, peut-être,
Eû, chez eux, le même Bicêtre :
De quoi le Détail attendant,
Voici, le nôtre, cependant.

-Ainsi :

Ces furibonds Sujets d’Éole,
Qui, souvent, malgré la Boussole,
Déconcertent les Matelots,
En l’humide Empire des Flots ;
Et, par leurs ronflantes haleines,
Désolent Cités, Monts, et Plaines.
Ces Garnements Aériens,
Ces Vagabonds, et francs Vauriens,
Vinrent, pendant le clair de Lune,
(Ha ! fussent-ils à Pampelune !)
Faire, ici, Lundi, les Démons
Qui sont hors de gamme, et des gonds.

Jamais, on eut telles Alarmes,
Ni n’entendit de tels Vacarmes :
Et, certe [sic], à les ouïr mugir,
Et, même, à les sentir agir,
Avecque tant de violence,
Le plus hardi, trembla, je pense,
Et crut cette Nuit, sûrement,
La Veille du grand Jugement.

On ne peut dire les ravages,
Ni bien raconter les Dommages,
Que, tant ici, qu’en nos Faubourgs,
Et, jusques bien loin, aux entours,
On reproche à leur félonie.

Entre iceux, est une Insomnie
Que leur terribles Sifflements
Causèrent à Bêtes, et Gens,
Et qu’une Peur, presque, mortelle,
Rendit, sans doute, universelle :
Dont trois mil, cinq cent Teints de lys,
Et de roses, des plus polis,
Furent brouillés d’étrange sorte,
Ainsi que l’on me le rapporte :
Et, ce dit-on, encor, de plus,
Tout autant de beaux yeux battus,
Qu’on ne peut, depuis ces Désastres,
Comparer qu’à de mourants Astres.

Item, par la même frayeur,
Qui vint s’emparer de tout cœur,
Ils privèrent les pauvres Femmes,
Des doux effets des chastes Flammes,
Et Caresses de leurs Époux,
Qui n’osaient leur tâter le Pouls.

Ils en firent, chose constante,
Avorter, du moins, deux cent trente,
Par la frayeurs de leur fracas,
Qui leur fit mettre Paquet bas.

Item, six vingt cinq Cheminées,
Par ces Aquilons, malmenées,
Eurent, dit-on, de compte fait,
Ici, le cou rompu, tout net :
Et, même, des Débris de l’une,
Trois Laquais, par male fortune,
Furent occis, conjointement,
Étant huchés, ensemblement,
Sur le derrière d’un Carrosse,
Dont le Maître venait de Noce,
Dommage des plus importants,
Et tu sais, Lecteur, si je mens.

Item, deux cent tant de Goutières,
Furent, par lesdit Vents colères,
Mises à bas, semblablement :
De quoi se plaignent, dolemment,
Maints gros Matous et leurs Maîtresses,
Qui, pour se marquer leurs tendresses,
Par leurs Oïmés des plus doux,
Se donnaient-là, des Rendez-vous.

Item, cent mille Girouettes,
Tant les fortes que les fluettes,
Allèrent à Montélimart,
Si qu’on n’en voit plus, nulle part.

Item, furent pirouettées,
Et, parmi les Airs, balotées,
Des Ardoises, infinités,
Des Tuiles, bonne quantité,
Des Vitres, un nombre, sans nombre :
Et, dans ce ventueux Encomble,
Maints, et maints, de nos Lieux sacrés,
Se sont trouvés tout délabrés,
La plupart ont perdu leur Boules,
Avecque leurs Coqs, et leurs Poules,
Qui, nonobstant leur pesanteur,
(Où le Conteur est un Menteur)
Allèrent jusqu’à demi-mille,
Loin de leurs Clochers, faire gille.

Les Plantes, les Fleurs, et les Fruits,
Furent abattus, et détruites,
Les Arbres déracinés, même,
Quelques-uns de grosseur extrême,
Et de hauteur à l’avenant :
Et, d’un Jardinier, maintenant,
J’apprends que ces Lutins volages,
Lesquels nous ont fait tant d’outrages,
Etaient, aussi, Larrons un peu,
Dans leurs beau Jeu, plus fort que jeu ;
Ayant trouvé, m’a dit cet Homme,
Pour vous conter l’Histoire, en somme,
Six de ses Arbres dénichés,
Et qu’il a, vainement, cherchés.

Mais ils ont bien fait autre chose,
Car, sans ajouter à la dose,
Soufflant dans les Moulins à vent,
Sur qui leur empire est puissant,
Deux, ou trois, ils en enlevèrent,
Et je ne sais où, les portèrent,
Le Maître Meunier y compris,
Qui, d’étrange façon, surpris,
Crût que (comme je m’imagine)
Pour avoir volé la Farine,
Lucifer, avec ses Records,
L’emportait en Âme, et en Corps.

C’est ce qu’à peu près, l’on débute
De cette Tempête subite,
Dont nos Citoyens plus chénus,
Qui sont dignes d’en être crus,
N’avaient, oncque, vu la semblable.
Maints, aussi, croient que le Diable
S’étant, parmi ces Vents, mêlé,
A plus que pas un d’eux soufflé ;
Et que c’est même, à la Prière,
(Ce que, pourtant, je ne crois guère)
De Couvreurs, et Maçon Sorciers,
Vitriers, et d’autres Ouvriers,
Lesquels, avec piteuse trogne,
Lui demandaient de la Besogne.

-Les vents ont eu des conséquences véritablement funestes, comme dans le village de Vervins où ils ont attisé un incendie qui a ravagé les habitations :

Sur le champ, j’apprends de Vervin [sic],
Non par le moyen d’un Devin,
Mais d’un Mémoire en franche Prose,
Encor, une autre étrange chose :
Que le plus actif élément,
Le Feu, prenant soudainement
Dans les Faubourgs d’icelle Ville,
Y brûla, tant il fut habile,
En quatre heures, huit vingt Maisons,
Dont il fit cendres, et tisons,
Aidé par la sifflante Bise :
Ayant, ainsi, mis en chemise,
Et, bref, réduit au Bâton blanc,
Comme ce Mémoire l’apprend,
La plupart des Propriétaires,
Aussi bien que des Locataires ;
La perte se montant à plus
De deux fois, vingt-cinq mil Écus.:

Ô Dieux ! quel pitoyables Esclandre !
Je ne puis, ayant le cœur tendre,
Pour tous les pauvres Malheureux,
Ne pas m’intéresser pour eux.

Mais voici bien une Nouvelle
Pour moi, plus sensible, et cruelle.

-L'un des amis proches de Robinet est mort - d'une douloureuse maladie probablement :

L’on me rapporte, las ! hélas !
Que Cloton a mis à Trépas,
L’un de mes Amis plus intimes.
Ah ! mes Soupirs, trop légitimes,
Épuisez-vous sur le Tombeau
De mon très célèbre Carneau,
Ce Célestin, de qui la Muse
N’était, jamais, courte, et camuse,
Sur quelque Sujet que ce fût,
Auquel, s’appliquer, elle dût.

Car le Ciel était son Parnasse,
Et c’était la divine Grâce
Qui lui fournissait ses beaux Vers
Dont pas un n’allait de travers.

Une longue, et dure Souffrance,
Une exemplaire Patience,
Sa bonne Vie, et bonne Mort,
Font que, sans douter de son Sort,
Je le crois monté dans la Gloire,
Sans passer par le Purgatoire.

-Les nouvelles rapportées par Mayolas à la lettre précédente trouvent ici leur écho les unes après les autres. Ainsi en est-il d'abord de la nomination de de Pomponne en remplacement du feu Hugues de Lyonne :

Je puis (car c’est cas avéré,
Et dont je suis très assuré)
Publier, enfin, dans mon Prône,
Que notre illustre de Pompone,
Qui soutient, avecque splendeur,
La Qualité d’Ambassadeur,
Depuis si bon nombre d’années,
Auprès des Têtes Couronnées,
Va, par le juste Choix du Roi,
Exercer l’éminent Emploi,
Et des plus beaux de la Couronne,
Que défunt Monsieur de Lionne,
Remplit, toujours, si dignement,
Par son sublime Entendement,
Et le grand Zèle qu’on peut dire
Qu’il eut pour notre auguste Sire.

Or, certainement, après Lui,
On ne saurait voir, aujourd’hui,
(Et tout chacun ledit) Personne
Qui, mieux que ledit de Pomponne,
Puisse en faire la Fonction.

On sait, sans adulation,
Qu’il ne manque pas de Lumières
Dans les Affaires étrangères,
Qu’il a la Plume, avec l’Esprit,
Et que, comme il parle, il écrit,
Id est, avec cette Eloquence
Qui, sur nous, a tant de puissance,
Et qui captive Esprits, et Cœurs,
Par ses ravissantes douceurs.

On sait qu’il est infatigable,
Tout autant comme il est capable,
Et tout plein d’une noble ardeur
Pour la Gloire, et pour la Grandeur
Du Monarque, et de la Patrie.

Mais, sans que tout cela je die,
Ses Emplois passés, que je crois,
De son Mérite, assez, font foi.
Et puis, le Choix de notre SIRE,
Exprime plus qu’on ne peut dire.

-Puis, l'obtention d'une charge au plus proche de la personne royale par le fils du défunt :

Monsieur le Marquis de Berny, [ou de Lionne]
Étant de beaux Talents, muni,
Qui font qu’on l’admire sans cesse,
Outre l’Esprit et la Sagesse
Qu’il a, de son Père, hérités,
Avec de grandes Facultés,
Notre ROI qui le considère
Comme il faisait Monsieur son Père,
Et qui veut prendre soin de lui,
L’a fait, en un mot, pour meshuy.
Je vous en jure par Macrobe,
Le Maître de la Garderobe,
Afin qu’il soit, ainsi posté,
Toujours près de sa Majesté,
Et dessous ses regards propices,
Dont chacun cherche les Auspices.

-Enfin la nomination du comte d'Avaux à la prévôté de l'ordre du Saint-Esprit :

Le bruit court par monts, et par vaux,
Que Monsieur le Comte d’Avaux,
(Et ce bruit est bien chose vraie
Dont tout le Monde a l’âme gaie)
Ayant part à ces Choix du ROI,
Est, par l’un d’eux, en bel arroi,
Prévôt, et Grand Maître de l’Ordre :
De quoi, loin d’y trouver à mordre,
Chacun, ainsi que je l’ai dit,
A joie, et tout haut applaudit
Au triage que notre Auguste,
En tous ses Faits, et Dits, si juste,
Sait faire, ainsi, des braves Gens,
Pour tous ces Emplois importants.

-Pour finir sa missive, Robinet évoque à nouveau Psyché et son interprète principale :

La Belle PSYCHÉ, qui tout charme, [Madle Molière.]
Justes Dieux ! quel sujet d’alarme !
A presque passé, tout de bon,
Dans la Nacelle de Caron,
Où, par feinte, on voit qu’elle passe,
Au Ballet, sans qu’elle trépasse.
Mais son Mal, d’abord, véhément,
Se modère présentement,
Et, bientôt, étant drue, et saine,
Icelle reprendra son Rôle, sur la Scène.

Lettre du mois d’octobre 1671, par Mayolas.

-Mayolas célèbre le roi son protecteur qui, cette semaine, a paru en public et a été acclamé :

Monarque des plus magnifiques,
Ainsi que des plus héroïques,
Quoi qu’en tout temps,
Et qu’en tous lieux
Vous paraissiez Majestueux,
Et que vous inspiriez sans feinte
Dans les cœurs l’amour et la crainte,
Je puis hardiment avouer
Qu’on doit admirer et louer
Cette mine, cette prestance,
Ce soin et cette vigilance,
Cet air agréable et charmant,
Qui brille principalement
Lorsque votre grande milice
Sous votre ordre fait l’exercice,
Et de qui l’adresse et l’éclat
Sont dignes de mon Potentat :
Ces jours passés dans une plaine [Dollilles.]
(Qui de monde était toute pleine)
On vit autant d’admirateurs
Que vous eûtes de spectateurs :
Mais ce n’est pas une nouvelle,
(Encor que je la trouve belle)
Car depuis longtemps chacun sait
Que vous êtes braves et parfait,
Que vous n’êtes pas moins aimable
Que vous nous semblez redoutable,
Et que vos moindres actions
Font voir mille perfections.

-Puis il revient sur le sujet de la mort de de Lyonne, survenue le 1er septembre :

Pour l’illustre et fameux LIONNE,
Dont on regrette la Personne [Maître et Secrétaire d’État.]
On fit un Service pieux,
Aussi lugubre que pompeux,
À Saint Roch sa chère Parroisse,
Des plus propres que je connaisse ;
Pour vous dire en bref l’appareil
Qu’on pourrait nommer sans pareil,
Toute l’Église était tendue
Jusqu’à la porte de la rue,
Et le velours et le drap noir
Du haut en bas s’y faisait voir,
Avec ses armes importantes
Fort nombreuses et fort brillantes,
Une représentation
Y paraissait sans fiction
Aussi riche que bien parée,
De tant de cierge entourée
Que leur jour beaucoup obligeant
Sur six cent chandeliers d’argent
Semaient une grande lumière
En pareil cas très nécessaire.
Notre Archevêque Toulousain [Pierre de Bonay.]
Animé d’un pieux dessein
Fit dans ce solennel Service
Pontificalement l’Office,
Sa grâce et sa dévotion
Attiraient l’admiration :
Le docte Abbé de Fromentières
Éclairé de belles lumières
(Et de qui les rares Sermons
Sont également beaux et bons)
Prononça le discours funèbre
Devant l’auditoire célèbre
Qui promptement là se rendit
Et lequel bien il satisfit.

-L’archevêque de Paris a usé de son pouvoir d'intercession pour un magistrat disgracié :

De Paris l’Archevêque Auguste,
Illustre, Généreux et Juste,
Rempli de Science et de Foi,
Présenta l’autre jour au Roi
VERTHAMONT (que beaucoup j’honore) [Maître des Requêtes.]
Avec trois de ses Fils encore,
Qu’une disgrâce de cinq ans
N’avait pas rendus trop contents ;
Ce Monarque aussi Bon que Sage
Ecouta fort bien leur langage,
Et reçut leur soumission
Avec beaucoup d’affection :
La Famille considérable
Par là se trouve redevable
Aux Bontés de mon Potentat
Comme à celles de ce Prélat,
De qui l’âme grande et prudente
N’est pas moins forte qu’obligeante.

-Trois semaines après avoir évoqué leur venue (sa lettre du 10 septembre), Mayolas relate la réception de deux diplomates par Louis le Grand :

Deux excellents Ambassadeurs,
(Que je puis nommer deux Seigneurs)
Et d’Angleterre et de Venise,
(Que notre Muse beaucoup prise)
Furent conduits en bel arroi
À l’Audience de mon ROI ;
Et le Résident de Mantoue,
(Que pour son mérite je loue)
L’eut encore le même jour
Et la reçut bien à son tour :
Mais ce Monarque incomparable
Leur fit un accueil favorable.

-L’abbé de Villeserain, dont Mayolas et Robinet ont tous les deux parlé dans la seconde quinzaine du mois d'avril a prêté serment :

Je dis d’un visage serein
Que l’Abbé de VILLESERAIN
(De qui l’on connaît la Naissance,
L’Esprit, la Vertu, la Science)
A solennellement prêté
Le serment de fidélité
Entre les mains du ROI suprême
Digne d’un double Diadème
Pour son Évêché de SENEZ,
Où l’on verra de ces progrès,
Tout le peuple en cette espérance
L’attend avec impatience.

-Ces nouvelles "religieuses" sont complétées celles-ci :

De Saint Paul la Communauté
Témoigna bien sa piété
Le jour de Saint Denis en France,
Qu’elle a pour Patron d’importance,
Lui procurant du haut des Cieux
Les Trésors les plus précieux,
L’Illustre CURÉ de ce Temple
Leur donnant toujours bon exemple, [De Hameaux Conseiller en Parlement]
Faisant sa Charge dignement, [et Curé de S. Paul.]
S’en acquitta soigneusement,
ROULIÉ fit le Panégyrique
Par un discours Scientifique,
Ce digne Chapelain du ROI
De ce grand Martyr de la Foi
Exprimant la vie et la gloire
Satisfit bien tout l’Auditoire.

Ces Vers sont justement finis
Quelque jour après Saint Denis.

Lettre du 3 octobre 1671, par Robinet.

-Robinet est un panégyriste passionné de son protecteur. Ainsi témoigne-t-il des émotions physiques que lui donnent son œuvre de chaque jour :

Quand je prends la Plume pour Vous,
Et que je pense à vous écrire,
Jeune, et brillant Héros, je l’avoue entre nous,
Je n’ai pas trop sujet de rire.
Loin de cela, j’ai le Frisson,
Je ne sais de quelle façon,
Je me dois mettre à mon Épître :
Et, depuis le commencement,
Jusques au fin dernier Chapitre,
Je m’inquiète incessamment.

Ce n’est pas que Monsieur Phoebus,
Son assistance me refuse,
Ni que, par de cruels, et de fâcheux rébus,
Il rende ma Clion confuse,
Ou, comme le Proverbe dit,
Que des Vers je fasse en dépit
De la belle Dame Minerve.
Ce n’est pas cela, Dieu merci,
Fluide et facile est ma Verve,
Mais voici d’où naît mon Souci.

C’est, Prince d’un sublime Sang,
Que vous avez, en conscience,
L’Esprit, encor, plus haut que vous n’avez le Rang,
Et plus beau qu’une Intelligence.
Que vous avez le goût, enfin,
Tout à fait, délicat, et fin,
En matière de Vers, et Prose.
Toutesfois, nonobstant, ma peur,
Il faut que ma Musette cause,
Et que vous, beau Premier Monsieur,
Plus vermeil qu’une fraîche Rose,
Soyez, pareillement, son beau premier Lecteur.

-Monsieur est venu assister à une représentation de Psyché. Robinet a noté la "performance" tout à fait touchante de la petite Du Croisy qui, malgré son jeune âge, a rempli son rôle à merveille :

Souffrez, Grande Altesse Royale,
Qu’au Recueil dont je vous régale,
Aujourd’hui, jour de Samedi,
Je marque d’abord, que Mardi,
Vous fûtes, avec belle Suite,
Et maintes Personnes d’Élite,
Au grand Spectacle de Psyché,
Dont tout le Monde est alléché,
(La chose est très constante, et sûre)
Dans l’agréable Miniature,
Où la digne Troupe du Roi,
Le donne en si brillant arroi,
Et, même, avecque des merveilles
Pour les Yeux, et pour les Oreilles,
Qu’ailleurs, on n’y découvrait point.
Vous savez bien, touchant ce Point,
Grand Prince, que je ne mens mie,
Et s’il faut qu’ici, je les die,
L’une est cet Amour Féminin,
Dans un âge tout enfantin,
Qui, par sa Voix, et par son geste,
Et sa grâce toute céleste,
Vous surprit, ravit et charma,
Et, pour Vous, si bien s’anima,
Que, de Votre Royale Altesse,
Elle en eût Éloge, et caresse.

L’autre est cet étonnant Sauteur,
Qui, d’une si belle hauteur,
Se culebute, et pirouette,
Sans toucher de pied, main, ou tête,
La Terre, en aucune façon,
Et qui marche, encor, tout de bon,
Sur les mains, de la même sorte,
Qu’un autre, sur ses pieds, se porte :
De quoi chacun tout étonné,
Croit qu’il s’est, au Diable, donné.

Mais, le jour de votre Présence
Qui plût, beaucoup, à l’Assistance,
On voyait là, depuis deux fois,
Ce que noter, surtout, je dois,
Une Merveille sans seconde,
Laquelle charme tout le Monde,
Une Actrice de quatorze ans,
Qui, récitant des Vers, trois cents,
Et cinquante, encor, que je pense,
Jouait un Rôle d’importance,
Et des plus forts, certainement,
Avec tout l’air, tout l’agrément,
Le jugement, la suffisance,
La douceur, la belle prestance,
Et, bof, les agitations,
Et toutes les inflexions
De voix, et de corps, nécessaires,
Dedans les Théâtraux Mystères.

L’Actrice dont je parle ainsi,
Est la petite du Croisi,
D’esprit, et de grâce pourvue,
Et, de vous, assez bien connue ;
Qui, dans deux jours avait appris
Ce beau Rôle qu’elle avait pris
De la grande Actrice choisie,
Beauval, qui, d’un beau feu, saisie,
Sait jouer, admirablement,
Surtout, un Rôle véhément.
Or cette merveilleuse Actrice,
Lors, de Psyché, Coadjutrice,
Jouait son Rôle, et le jouera,
Tandis que malade sera
Mademoiselle de Molière,
Autre Actrice si singulière,
Qui sait jouer si finement,
Si proprement, si noblement,
Que tout chacun, je le puis dire,
À la revoir, en bref, aspire.

Mais ajoutons, encor, ici,
Pour la Pucelle du Croisi,
Deux ou trois petits mots d’Histoire,
Qui font le comble de sa gloire :
À savoir, ô charmant Héros !
Que vous chantâtes là, son los,
Et l’exaltâtes, comme un Ange,
Avec Madame de Thiange,
L’illustrissime de Brégis,
Dont un seul bon mot en vaut dix,
Et, bref, Madame de Fiennes,
Laquelle, des Louanges siennes,
Avec justice, la combla :
Et comme j’ouïs tout cela,
Ainsi qu’un Écho, très fidèle,
Je le répète en faveur d’elle.

-Ainsi, comme dit le proverbe, la valeur n'attend-t-elle pas le nombre des années. Et Robinet nous le prouve par le récit d'un talent encore plus jeune que le précédent :

Je dois faire, encor, mention
D’un Sujet d’admiration,
Qui, plus qu’aucun, est des Merveilles
Que l’on peut dire nonpareilles :
De quoi nul ne disconviendra,
Alors que la chose il saura.

C’est une Fille de deux lustres,
Qui, pour être des plus illustres,
A, comme insus, plutôt qu’acquis,
Tous les Talents les plus exquis.

Car, elle a le rare Avantage
De savoir, en ce petit Âge,
(Âge d’ignorance, et sans Art,
Comme l’on sait, pour la plupart)
Écrire, et lire, ainsi qu’un Ange.
Item, sans outrer sa louange,
Fort passablement, crayonner,
Ce qui veut dire desseigner [sic].
Item, comme une autre Cécile,
Toucher d’une façon facile,
Et qui charme l’oreille, à plein,
Le délicieux Clavecin.
Item, jouer de la Guitare,
Comme le Joueur le plus rare
Qui soit parmi les Espagnols,
En ce Jeu, les Originaux :
Y mariant leurs Chansonnettes,
Tant les graves que les folettes,
D’un ton, et d’un air, qui ma foi,
Surprend chacun, ainsi que moi.
Item, pincer le Luth, encore,
(Car, de tout, je me remémore)
Non comme son Maître, Gautier,
Mais, pour la justement, louer,
De manière, presque, incroyable,
Tant on l’y voit forte, et capable.
Item, par-dessus tant d’appas,
Figurer et tracer des Pais,
C’est-à-dire, sans que je mente,
Danser d’une façon charmante,
Jouant de l’une, et de l’autre main,
(Je n’aurais pas fini, demain)
À miracle, des Castagnettes.

Cette Perle des Mignonnettes,
A, pour Père, un Homme Lettré,
En maints bons Lieux, considéré,
Et, de plus, encor, une Tante,
Qui, sans doute, est une Savante,
Possédant de beaux Attributs,
Dignes, j’en jure par Phoebus,
Dont le Cheval me mène en poste,
Qu’on lui fasse occuper un Poste,
Près de Personnes d’un haut Rang,
Fussent des Princesses du Sang,
Fussent de grandes Reines, même.
Enfin, son mérite est extrême ;
Mais, sans plus longtemps, langager,
C’est Mad’moiselle Béranger.
Royale, et ravissante Altesse,
À qui ces miens Discours j’adresse,
Vous pouvez, ayant su le Nom,
Juger si je la flatte, ou non.

Cependant, voici des Nouvelles,
Pour les curieuses Cervelles.

-Robinet nous fait ensuite le récit d'une expérience scientifique qui, eut égard au ton employé pour la décrire mais aussi à l'expérience elle-même, ressemble plus à ces historiettes divertissantes dont il nous gratifie régulièrement :

Certains Docteurs, pour se vanter
D’avoir l’Art de ressusciter,
Naguère, ont fait, de leur Science,
Une assez belle Expérience.
Ils noyèrent un Chien dans l’Eau,
Puis, l’ayant mis dans un Fourneau,
Le couvrirent, partout, de cendre,
Dont le Sel, et c’était l’entendre,
Devait le Défunt ranimer,
Après avoir pu consumer
L’Eau dont il avait la Bedaine
Toute gonflée, et toute pleine.

Mais, ayant longtemps, attendu
Le grand miracle prétendu,
Cloto leur fit, enfin, comprendre,
Qu’on ne lui peut rien faire rendre ;
Et, ce m’ont dit des Gens de bien,
La Résurrection de Chien
Fut, admirablement, tentée,
Mais, point du tout, exécutée.
Mais supposé que leur secret
Eût, du Défunt, chassé son trait,
Il n’aurait pu rendre la vie
Qu’à qui les Flots l’eussent ravie :
Et, par lui, les seuls Gens noyés
Étaient seuls privilégiés.

-Un certain Jacques Stuart est mort. Sous cet homonyme de celui qui sera le successeur de Charles II se cache en fait un grand seigneur du bordelais aussi nommé, par Moréri "Jacques d'Estuert de Caussade, Comte de la Vauguyon, etc. Chevalier des Ordres du Roi, grand Sénéchal de Guyenne, Capitaine des chevaux-légers de la garde [...] âgé de 83 ans" (Le Grand Dictionnaire... Tome III, Bâle, Brandmuller, 1733, p. 736).

À propos de la Mort qui pince
Toute Personne grosse, ou mince,
Naguère, elle a lancé son dard
À Messire Jacques Stuard,
Marquis de Saint Maigrin, [en âge]
Octogénaire, et davantage.

C’était, en l’affaire, un Seigneur,
S’il en fut, de bien, et d’honneur,
Et qu’en la Saintonge, et la Guyenne,
Où l’on dit pour lui, mainte Antienne,
Chacun regrette tant, et plus,
Pour son mérite, et ses vertus.

-Et d'un grand à un autre, nous sommes transportés dans la terre des Guise :

Tout d’une suite, il faut qu’on sache
Qu’à Rumigny en Thiérache
Et dans la Cité d’Aubenton,
Située en même Canton,
On a fait un brillant Service,
Et célébré le Sacrifice,
Avec tout les pompeux Atours,
Et, même, un funèbre Discours,
Pour feu l’aimable Duc de Guise.

Tout fut, illec, de belle guise,
Par les Soins du Sieur Gouverneur,
Lequel avait, dit-on, l’honneur
D’être Gentilhomme Ordinaire
De ce jeune Prince en suaire,
Et tient, entre d’autres Bienfaits,
Par son Oncle, même, à lui, faits,
Le Gouvernement qu’il possède,
Pour jusques à ce qu’il décide,
Si son mérite, et son bonheur,
Ne font qu’il en ait un meilleur.

-Retour sur la tempête qui a soufflé sur Paris :

De l’autre jour, ces Vents sauvages,
Qui nous firent tant de ravages,
Ont exercé, de tous côtés,
Leurs trop cruelles mièvretés,
Avecque mainte circonstance,
Qui nous confirme en la créance
Que ces Vents mal morigénés,
Etaient des Démons déchaînés.

Or, quoi qu’il en soit, un Orage,
Emu par leur félonne rage,
A noyé, proche Bergopsom,
Une Ville, entière, dit-on.

Peur ici, dans quatre semaines,
On n’aurait pas dit leurs Fredaines,
Dont deux Suisses se défendant,
Leur disaient, en grinçant les dents,
Et tenant, en main, leur Rapière,
D’une assez plaisante manière.

» Pardiche, vous, fripon si vint :
» Tu es ivrognesse insolint,
» D’attaquer nous deux, franches Suisses,
» Rendant au Roi, bonnes services,
» Mais, par mon foi, pardiche, vous,
» Pourtant, n’emporteras pas nous.
Quoi disant, avec leur flamberge,
Ou qui me l’a dit, se goberge,
Ces deux Colin tampons imbus,
Tant soit peu, du Bacchique jus,
Poussèrent maintes vaines hôtes,
Et, puis, tout étourdis, tombèrent dans les crottes.

Lettre du 10 octobre 1671, par Robinet.

-Les lettres de Mayolas étant lacunaires, c'est à nouveau Robinet qui rend compte de l'actualité une semaine après la précédente lettre :

Illustre Galant de la Gloire,
Et qui, du grand nombre de ceux
Qu’elle rend dignes de Mémoire,
Mérités ses faveurs, le mieux.

PRINCE, qui faites tout pour Elle,
Et sur qui l’on voit cette Belle,
Répandre, aussi, tant de brillant.

Voici ce que, cette semaine,
J’ai, pour Vous, tiré de ma Veine,
Touchant les Nouveautés du Temps.

-Mais quelles sont ces nouvelles ? La première, est aussi longue qu'elle est incroyable et a bien l'aspect, elle aussi, d'une historiette divertissante... à dormir debout :

Or, par une très authentique,
Des Côtes de la Martinique,
Et curieuse, s’il en fut,
Je m’en vais faire mon Début.

Illec, sur un Rocher terrible,
De hauteur presque inaccessible,
Des Oiseaux, en nombre infini,
Vont gîter, et faire leur Nid,
S’y croyant en sûreté pleine,
Contre la poursuite inhumaine,
Des Dénicheurs, des Ravisseurs,
Des Giboyeurs, et des Chasseurs,
Par les Écueils, et Précipices,
À leurs Ennemis, peu propices.

Pourtant, comme l’Homme, partout,
Des Difficultés, vient à bout,
Plusieurs avaient assez d’adresse,
Aussi bien que de hardiesse,
Pour aller fourrager leurs Nids,
Et prendre tant œufs que Petits,
Dedans les trous, et dans les herbes,
De ce Rocher des plus superbes :
Ce qui ruinait, ce dit-on,
La Chasse, dans tout ce Canton,
Id est dans le Bois de cette Île,
En d’autre Gibier, peu fertile.

D’icelle, donc, le Général,
Pour empêcher un si grand mal,
Fit publier une Ordonnance,
Portant rigoureuse Défense,
Aux Habitants, de s’approcher
De cet Îlet, ou bien Rocher,
Tandis que ce Peuple qui vole,
Jouant-là, son amoureux Rôle,
À s’accroître, travaillerait,
Et sa Race provignerait.
De plus, deux Français, et six Nègres,
Aussi souples que des Chats maigres,
Furent, pour le dire en un mot,
Envoyés-là, sur un Canot,
Lorsque ces Familles ailées
D’un divers plumage, habillées,
Eurent consommé leur Amour,
Et mis tous leurs Petits au jour,
Pour essayer de reconnaître,
En quel nombre ils avaient pu naître,
Et les multiplications
D’icelles Propagations.

Mais, en cette rencontre, certe [sic],
Ils firent une Découverte
Beaucoup plus curieuse, ainsi
Que vous l’allez apprendre ici ;
Et c’est la Nouvelle authentique
Des Côtes de la Martinique,
À laquelle, tout le surplus
Que vous avez lu, ci-dessus,
Était pour venir à la chose,
Comme occasionnelle cause.

Ils virent, donc, nageant beau train,
Proche d’eux, un Homme marin,
Lequel leur donna double atteinte
D’admiration, et de crainte.

Toutefois, en se rassurant,
Et, très bien, le considérant,
Ils connurent que la Nature
L’avait fait, jusqu’à la ceinture,
Tel que les autres Hommes sont,
Ayant tous les membres qu’ils ont,
Sans avoir rien de plus difforme,
Et du reste, aux Poissons conforme,
Avec une Queue à fourchon.
Comme les Carangues, dit-on.

Ce Monstre plaisant, et grotesque,
Avait le Corps, non gigantesque,
Mais de la taille des Enfants
De douze, treize, ou quatorze ans,
La tête droite, et bien tournée,
À ce Corps, proportionnée,
Les Yeux, tant soit peu, ronds, et gros,
Sans autres notables défauts,
Le Nez à la mode d’un More,
Et, mêmement, la bouche encore,
La Trogne, avec certain air feint,
Largette, et d’embonpoint fort plein,
La Chevelure longue, et plate,
Qui lui flottait sur l’omoplate,
Mêlée et de blanc, et de noir,
Comme aux Grisons, on la peut voir.
On fait serment par sainte Barbe,
Que tout de même, était sa barbe,
Qui, partout, d’égale largeur,
Et de huit pouces de hauteur,
Lui descendait sur la Poitrine,
Médiocrement albastrine,
Comme son Visage, son Col,
Ses bras, et ses mains, qui sans dol,
Du moins, le Mémoire, l’assure,
Etaient de pareille teinture.

Au reste, ce bel Ambigu,
Faisant-là, du l’Eusses-tu crû ?
Et de l’Animal d’importance,
Plusieurs fois, avec impudence,
Vint lorgner ceux qui le lorgnaient,
Craignant bien moins qu’ils ne craignaient.

Pourtant, à dessein de le prendre,
Un des Nègres voulait lui tendre
Une grosse Ligne, mais quoi ?
Il se gaussa de lui, ma foi,
Faisant le Plongeon, dessus l’heure,
Dedans son humide Demeure.

Ne doutez pas un petit brin
Qu’on ait vu cet Homme marin,
La chose n’est pas sans seconde,
Certain Auteur nommé de Sponde,
Servant, sur ce, de caution,
A fait une ample mention,
D’un Pareil, pris avec sa Femme,
Laquelle maritime Dame,
Étant de bon entendement,
Apprit à filer bravement.

De l’Évêque Marin, l’Histoire [Pris sur les Côte de la Mer Baltique]
À tous, est, encore, notoire.

Un Jésuite, digne de foi,
Et que très volontiers, j’en crois, [Le Père Henriques.]
Vit sept Tritons, et neufs Sirènes,
De Neptune, les Musiciennes, [Pris auprès de l’Île de Manare, en 1560.]
Qu’on prit d’un seul coup de Filet,
Tous beaux, et belles, tout à fait.

Outre ces preuves authentiques,
Naguère, aux Côtes Britanniques,
On prit un même Homme marin : [Rapportée par NieRimber.]
Et vous avez l’Histoire, enfin,
(Quittant les Côtes de Bretagne)
Des Marins, jadis en Espagne,
Dont la Famille, ce dit-on,
Vint d’une Fille, et d’un Triton,
Qui s’en joua, vraiment, tout comme
Aurait pu s’en jouer un Homme.

Jugez, vous, doctes Curieux,
Lequel ce peut être les deux,
Monstre, ou bien Espèce féconde,
Car chacun, en son sens abonde.

Si c’est le premier, dites-nous,
Savants Esprits, que pensez-vous,
Premièrement, de sa Matière,
Et puis, aussi, de la manière
De laquelle il est engendré ?
On vous saurait, encor, bon gré,
Si vous nous pouviez dire, en somme,
Si ce Monstre est semblable à l’Homme,
Tout autant à l’intérieur,
Comme il l’est à l’extérieur,
Et s’il pourrait vivre sur Terre ?

Ce n’est pas, de vous, trop s’enquerre,
Qui n’avez rien de limité,
Mais c’est à moi, prolixité,
D’avoir tant poussé ce Chapitre,
Qui remplit presque, mon Épître,
Encore qu’étant singulier,
Je ne puisse guère, ennuyer.

-Pendant que des Français croient voir des hommes marins, la flotte de Louis XIV fait la chasse aux pirates :

De Cadis [sic], en belle Écriture,
On mande qu’illec, on ne jure
Que par nos triomphantes Nefs,
Qui font souffrir plusieurs Griefs
À celles des maudits Pirates,
Qui, méchants comme des Pilates,
Notre Commerce interrompaient,
Par les Niches qu’ils lui faisaient,
Avant qu’on lui prêtât main forte,
Mais qui, poursuivis de la sorte,
Sont, en Chasseurs, enfin, chassés,
À prendre la fuite, forcés.

Deux Chevaliers d’assez haut style,
Château-Régnault, et Sébeville,
Ont, par leurs, Exploits, désolé
Tous les Corsaires de Salé ;
Et Monsieur le Comte d’Etrée,
Bravant les Vents, et la Marée,
A si fort, leurs Forts canonnés,
Qu’il en sont très fort, consternés.
Ainsi, nos Français tous en fête,
Ne craignant plus que la Tempête,
Vont, sur les Mers, comme chez Eux,
Grâce à ce puissant Fils des Dieux,
LOUIS, plus craint que leur Tonnerre,
Sur l’Onde, ainsi que sur la Terre :
Et grâce au grand Colbert, encor,
Qui, par un admirable essor,
Portant, de tous côtés, ses Veilles,
Sous un ROI si plein de merveilles,
Fait le Commerce refleurir,
Qui, sans lui, s’en allait périr.

-Où l'on reparle de Gautier, déjà évoqué dans la précédente lettre, comme maître de musique de ce petit prodige de 2 ans :

À propos de ce rare Auguste
Si sage, si bon, et si juste,
Il ne me faut pas oublier
De dire que le Sieur Gautier,
Dont la Science est singulière
À faire de noble manière,
Résonner les Cordes d’un Luth,
À Saint Germain, appelé fut,
De par sa Majesté, naguère,
Pour un brillant Présent lui faire.

Il fut, de deux cent Louis d’or,
Qui valaient beaucoup plus, encor,
Reçus des Mains de ce Monarque :
Lequel les lui donna pour marque
De l’estime qu’il fait de Lui,
L’illustre Amphion d’aujourd’hui,
Qu’ouït lors, ce grand Roi, lui-même,
Certe [sic], avec un plaisir extrême.

-Retour en méditerranée pour l'annonce de la mort d'un cardinal sicilien :

Monsieur l’Éminent Viscomti [sic],
Est tout subitement parti,
Du beau Palais, ou Domicile
Qu’il possédait dans la Sicile,
Pour faire un voyage un peu long,
Dieu le lui rende heureux, et bon,
Ce Voyage est en l’autre Monde,
Dont les Secrets, en vain, l’on sonde.

Certain Prophète de Malheur,
Mais qui prédit faux, par bonheur,
Avait prédit que le Saint Homme
Devait ainsi, partir de Rome,
Le quinzième du mois passé,
C’est-à-dire être trépassé.

Mais, nonobstant sa Prophétie,
Ce Pontife, que Dieu bénie,
Se trouva, (c’est la vérité)
Ce quinze, en parfaite Santé :
Et ce grand Maître en Devinaille,
Qui ne devine rien qui vaille,
Court danger d’être pendu,
Sans l’avoir, nullement, prévu :
Car, à son Procès, l’on travaille,
Étant, pour telle Devinaille,
Depuis deux mois, ce mande-t-on,
Au Château Saint Ange, en Prison.

-Du côté de l'Empire ottoman, les choses ne vont pas très bien : des révoltes en pays arabes et des menaces venues de Perse semblent faire vaciller la puissance du sultan. Mais peu importe à dire vrai : on n'a cessé de prédire, depuis le XVIe siècle, la chute des maîtres de l'Orient. Restons-en à ce constat littéraire et français que nous avons déjà fait plus haut : dans le contexte de la prochaine représentation de Bajazet, ces remuements jouent un rôle particulier - ils préparent le public à ce qu'il va entendre, voir et lire.

Les Arabes, par leur désordre,
Ont donné du Fil à retordre,
D’étrange sorte, au Grand Seigneur,
Il se voit engagé d’honneur,
À venger Mahom, son Prophète,
De l’injure, à lui, par eux, faite,
En saccageant le Lieu sacré, [La Mecque.]
À son grand Tombeau, consacré.

D’ailleurs, je me suis laissé dire
Que les Persans, vers lui, plein d’ire,
Pour rendre ses Maux achevés,
Viennent joindre ces Soulevés,
Pour envahir, voici le pire,
Tout son vaste, et superbe Empire :

Si bien qu’afin de s’en garer,
Et pouvoir, à ce coup, parer,
Il veut (c’est le bruit qui galope)
Quitter tous desseins dans l’Europe,
Et tourner de ce côté-là,
Les nombreuses Forces qu’il a.

-En écho à ses lettres du 22 août et du 19 septembre, Robinet réaffirme tout le bien qu'il pense de ce qui nous semblait être la propagande anti-française venue de Hollande :

APOSTILLE.
Le fameux Scribe de Hollande,
Dit que je ne lui répond point ;
Et moi, simplement, je lui mande,
Qu’il est, mal à propos, étonné sur ce point. [Son Panégyrique]
Que j’ai dit tout le Bien, de lui, qui s’en peut dire, [est en ma Lettre du 22 Août,]
Et que rien ne me point, [et en celle du 19 Septembre :]
De tout ce qu’on lui peut, contre moi, faire écrire, [mais s’il n’en est pas satisfait,]
Dont la Raison m’enjoint, [il faudra se résoudre à le contenter.]
Tant il est plat et faux, de ne faire que rire.

Lettre du 17 octobre 1671, par Robinet.

-La "gloire" d'oeuvrer pour Philippe d'Orléans : tel est l'aiguillon de Robinet. Ainsi :

Visitons notre Répertoire,
De Nouvelles, cela s’entend,
Écrivons c’est demain que PHILIPPES attend
Le Tribut de notre Écritoire.

Ô qu’il est juste, ô qu’il est doux
De travailler pour lui ! Muse, qu’en dites-vous,
N’est-ce pas une Gloire extrême ?

Sus, donc, à ce Devoir charmant,
Appliquons-nous, à l’instant même,
Et que ce soin si cher, soit tout notre Élément.

-La petite vérole, déjà évoquée notamment dans sa lettre du 9 mai, revient sous la plume de Robinet :

L’Ennemi des Lys, et des Roses,
Et de toutes les belles choses,
Que l’on voit sur les Teints fleuris,
Et des Philys, et des Cloris,
L’affreuse Petite Vérole,
Joue, à ce que l’on dit, son Rôle,
Deçà, delà, d’une façon
Qui cause un étrange frisson,
À toutes les jeunes Déesses,
De nos Cœurs, les Enchanteresses.

Ce Mal énorme et monstrueux,
Qui loge la Nuit dans des yeux
Dont le plus beau Jour soulait naître,
Et qui cause, en un mot Bicêtre,
Aux belles Bouches, aux beaux Nez,
Par lui grossi, et mal tournés,
Devient cruel à nos Cruelles,
Et guerroie ces fières Belles,
Sans en avoir nulle merci :
Ce qui donne un poignant souci
À l’Amour, qui voit, en leurs charmes,
Affaiblir ses Traits, et ses Armes,
Et diminuer ses Exploits
À la Cour, ou chez les Bourgeois.

Mais ce Mal fait bien pis encore,
Las ! non seulement il picore
Et ravage, ainsi, les beaux Teints,
Et fait tous ces effets malins,
Il livre à la félonne Parque,
Mainte Personne de remarque.

Ainsi, Madame du Harlay,
Par ce Mal, en cramoisi, laid,
S’est vue, avec tant de Sagesse,
De Beautés, Vertus, et Jeunesse,
Qui faisaient ses charmants Appas,
Réduire à l’impiteux [sic] Trépas :
Ce que son Époux, de notre Âge [M le Procureur général.]
Un autre Caton, et plus sage,
Chez Thétis, si considéré,
Ne put voir, sans être navré,
Sans soupirs, sans plaintes, sans larmes.

Mais, aussi, quand, de tant de charmes,
On voit, par un triste Destin,
La Parque faire son butin,
Et dedans une Épouse même,
Qu’avec toute raison, l’on aime,
Peut-on garder la fermeté
Que prescrit la Stoïcité ?

Ah ! que le Chef, vraiment illustre,
De notre Sénat, plein de lustre,
Savoir Monsieur de Lamoignon,
Dont, partout, vole un beau renom,
Ni sa Moitié, de lui, si digne,
Comme Dame, en vertus, insigne,
N’ont pas, sans de vives douleurs,
Et si sans soupirs, et sans pleurs,
Vu, non plus, ce Décès funeste ;
Et sans, qu’ici, je le proteste
Par quelque solennel Serment,
Je n’ai qu’à dire seulement
Qu’ils étaient le Père, et la Mère
De Celle, qu’un Sort trop sévère,
Fait, ainsi, choir au Monument,
Hélas ! si prématurément.

-Nous l'avons déjà dit : pour nos "relateurs" des fêtes de cour, de la belle aristocratie et de ses amours délicieux, rien n'est pire que la mort de jeunes beautés sous les coups de cette maladie. Ainsi :

Or, tout d’une pareille sorte,
La belle, et jeunette Consorte
De notre Prévôt des Marchands,
Personnage des plus Prudents,
Et qui, de sa Charge, s’acquitte
Si bien, que los il en mérite,
A senti terminer ses jours,
Je pense, aux deux tiers de leur cours.
Ô Saison trop désaisonnée !
Ô trop fatal Destinée !
Dont DIEU garde, par ses bontés,
S’il lui plaît, les autres Beautés,
Si dignes d’amoureux hommage :
Car ce serait trop grand Dommage,
Nous perdrions, en ces bas Lieux,
La Béatitude des Yeux.

-Et encore :

Ladite Maladie affreuse,
Sur la Duchesse de Chevreuse,
Autre charmant Individu,
Avait son Venin répandu :
Mais l’Heure de Monseigneur son Père,
À qui tout paraît si prospère,
Dont je suis ravi dans mon cœur,
N’a pas permis que, hors la peur,
Et quelque ennuyeuse souffrance,
Où l’on a connu sa Constance,
Elle en reçut nul traitement
Qui put léser, aucunement,
Les agréments de son Visage.
Ainsi, comme, après un Nuage,
Qui nous dérobait le Soleil,
On le revoit, toujours, pareil,
Elle sera, bientôt, revue,
De tous les doux Attraits pourvue,
Qu’elle montrait avant ce Mal,
À tant de chers Objets, fatal :
Dont son Époux, comme elle, aimable,
(C’est une chose indubitable)
Sera, de plaisir, tout charmé,
Et, plus que jamais, enflammé.
Mais parlons un peu, d’autre chose,
A nous, écrite en franche Prose,
Et, du Levant, premièrement,
Souvent, sujet à Remuement.

-Puis, nous repassons dans l'Empire ottoman, où l'on reparle de la révolte arabe :

C’est le beau Chérif de la Mecque,
Où l’on ne lit, jamais, Sénèque,
Lequel, de l’Arabe, a, vraiment,
Provoqué le Soulèvement :
Étant aigri jusqu’à la Rage,
Ainsi que d’un mortel Outrage,
À cause que le Grand Seigneur
Manquait de lui faire l’honneur,
Depuis, ce dit-on, deux années,
Six mois, et quatorze journées,
De le régaler de ses Dons,
Que (fussent Faveurs, ou Guerdons)
Il en recevait d’ordinaire,
Je pense, à chaque Anniversaire.

Pressé, donc, par d’ireux chagrins,
Il courut sur ces Pélèrins
Qui venaient, en ladite Ville,
De façon pieuse, et civile,
Voir le Sépulcre de Mahom :
Et, furieux comme un Lion,
Il en fit un sanglant Carnage,
En mit plusieurs dans l’Esclavage,
Et détroussant ces pauvres Gens,
S’empara des riches Présents
Qu’ils s’en allaient, bonnement, faire
À leurs faux Prophète, et Compère,
Qui ne leur fait ni mal, ni bien,
Et qui ne les guérit de rien.

-Les deux Vendômes, dont il a été question dans sa lettre du 12 septembre, font de nouveau la matière de Robinet. Après la Savoie où ils ont rencontré le duc, Charles-Emmanuel II, les voici à Venise :

Le Duc de Vendôme, et son Frère,
Princes portant un Caractère,
En leurs brillantes Qualités,
Qui leur fait, de tous les côtés,
Trouver un Accueil favorable,
Ont d’une manière admirable,
Et comme les très bienvenus,
Été, je vous jure, reçus
Dans la Ville où chacun réclame [Venise]
Monsieur Saint Marc, en belle gamme.

De maints doux Rafraîchissements,
Ces deux Voyageurs si charmants,
Ont, au nom de la République,
Qui se pique de magnifique,
Été régalés, mêmement,
Avec harangue, et compliment :
Et voilà, comme on les fêtait,
En tous lieux, avec grande joie,
Et comme ils voient le Pays,
Allégrement, et sans ennuis.

-Pendant ce temps, la cour est à Saint-Germain-en-Laye où elle goûte aux plaisirs du théâtre notamment :

La Cour, à Saint Germain en Laye,
À divers Ébats s’égaie,
Desquels la Chasse est quelque fois,
Vrai Plaisir, sans doute, de Rois.
Elle a, non pas sans Mélodie,
Parfois, aussi, la Comédie
Des Italiens, et Français :
Et ce m’a dit un Écossais,
Messieurs de l’Hôtel de Bourgogne,
Lesquels ont tous, fort bonne trogne,
Ont Diverti Leurs Majestés,
Nos visibles Divinités,
Par l’excellente Comédie,
Non, je veux dire Tragédie,
Que Boyer, Auteur tant ptisé,
A faite du Fils Supposé,
Et par la Pièce des Grisettes,
Qui sont, ma foi, très joliettes,
Et plurent fort à cette Cour.
Je les vis naguère, à mon tour,
Et j’y trouvai matière à rire,
Outre quoi, Lecteur, je puis dire,
Que l’on y voit maints traits d’esprit,
Et, même, aussi, du bien écrit.

De plus, comme d’icelle Troupe,
Laquelle a, toujours, vient en poupe,
La plus grande part des Acteurs
Se sont passés Maîtres Auteurs,
C’est Champmêlé, l’un d’eux, encore,
Qui, montrant qu’il n’est pas Pécore,
A produit ces Grisettes-ci,
Qui, je dois l’ajouter, aussi,
Sont, avec beaucoup d’avantage,
De sa Muse, le Pucelage.

-Et pour finir, comme de coutume, une historiette... de fantôme cette fois-ci :

D’un certain Corps, le vieux Doyen,
Qu’on tenait pour Homme de Bien,
Et pour obligeante Personne,
Dont à tous, je le cautionne,
Ce Doyen-là, dis-je, étant mort,
Sans que la Parque en eût grand tort,
Étant en son An octantième,
Chez sa Veuve, jeune de même,
Naguère, un Esprit fort mutin,
Revenait le soir, et matin,
Et voire, mêmes, à toute heure,
Faisant rage en cette Demeure :
Si que l’on y voyait voler
Maint et maint Ustensile en l’air,
Mais avec une adresse telle,
Que quoi qu’il jetât, fut-ce Pelle,
Aiguière, Plat, Livre, Flambeau,
Assiette, Pot, Chaise, Escabeau,
A nul, il ne faisait offense,
En sa gaillarde extravagance.
Or, comme dans sa mièvreté [sic],
Il montrait tant d’activité,
Et que d’ailleurs, comme on l’assure,
En spirituelle Ecriture,
Il se rangeait plus fréquemment,
Vers un certain Objet charmant,
Qui, de cette Veuve, est l’Ancelle,
Et, même, très jeune Pucelle,
On eut peine à croire d’abord,
Que ce fut le bon Homme mort,
Qui fit l’Espiègle de la sorte,
Et la conjecture était forte.

Ainsi, quelques-uns crurent net,
Que c’était, un Esprit Folet,
Ou bien, pour vous, le dire en somme,
Peut-être, l’Esprit d’un jeune Homme,
Lequel, encor, de Cupidon,
Ressentait l’amoureux Brandon.

Néanmoins, depuis que la Femme,
Laquelle est une bonne Dame,
A fait aux Pauvres, délivrer,
(Venant à s’en remémorer)
Deux cent livres, dont le bon Homme,
Prêt de faire un éternel Somme,
L’avait chargée, exprès, pour eux,
Ne la pouvant pas rendre à ceux
À qui, comme il le fit entendre,
Il aurait bien voulu la rendre,
D’autant qu’ils étaient décédés,
L’Esprit n’a plus montré son nez,
Qu’une fois, et d’une manière
Qui peut donner sujet de croire,
Que c’était l’Esprit d’un Vieillard,
Lequel avait fait l’égrillard,
Pour faire souvenir sa Femme,
De mettre en repos, sa pauvre Âme,
Et qu’en ayant fait son devoir,
Il l’était, après, venu voir,
Pour, de ses soins, grâces lui rendre.

Mais je dis, donc, sans plus m’étendre,
Que si, pour ce seul argent-là,
Il revenait comme cela,
Il était, en ce Siècle nôtre,
Et mon avis sera le vôtre,
Certes [sic], un grand Homme de bien,
Sans, ici, le flatter en rien,
Puisqu’en une Charge publique,
Ô Probité presque unique !
Ayant été cinquante-cinq ans,
Il n’avait que ces deux cent francs,
Seulement, sur sa Conscience
Mais honni soit qui mal y pense.

C’est assez longtemps, rimailler,
Et je commence de bailler,
Barrons, donc, ici, notre Veine,
Et prenons Campos pour huitaine.

Lettre du 24 octobre 1671, par Robinet.

-Écrire, toujours écrire : telle est la tâche de Robinet ! Ainsi :

Voyons, si du bec de ma Plume,
Dont j’ai grossi plus d’un Volume,
Nous pourrons produire en ce Jour,
Des Vers qui méritent l’amour
De ce Héros que sa Naissance,
Accortise, Magnificence,
Politesse, Affabilité
Sagesse, Libéralité,
Et d’autres Attributs, encore,
Rendent digne que l’on l’adore.

Las ! quand je travaille pour Lui,
(Ou bien que je meure, aujourd’hui,
C’en est assez grand Serment faire)
J’ai tout le dessein de lui plaire :
Mais qu’il faut de Cas, et de Si,
Pour bien réussir en ceci !

Il faudrait être un Auteur rare,
Sinon comme défunt Pindare,
Du moins, comme Maints de ce temps,
Qui d’écrire, ont les beaux Talents.
Mais quoi qu’au dessous de ces Maîtres,
De ces célèbres Tourne Mètres,
Ou Vers, en langage plus clair,
Quoi, dis-je, que leur petit Clerc,
Ce Prince, d’un Rang si sublime,
Dès longtemps, ma Clion estime,
En est le charmant Protecteur,
Et, mêmement, le Bienfaiteur :
Cela, cher Lecteur, est tout dire,
Et, pour lui, je vais, donc, encor, exprès, écrire.

-Cet usage est rare mais pas totalement inédit : Robinet avait déjà débuté par une historiette dans sa lettre du 10 octobre où il évoquait ce fameux "homme marin" observé dans les Caraïbes. Ainsi :

J’ai su certaine Nouveauté
Dont votre Curiosité
Ne doit pas être peu surprise,
Ca, vite, que je vous la dise.

Un More, des plus ténébreux,
Etant, fortement, amoureux
Pareillement, d’une Moresse,
Mais, vers lui, tout à fait, Tigresse,
Employa le Vert, et le Sec,
Et, comme il avait fort bon bec,
N’oublia rien de ce bien dire
Qu’Amour, à ses pareils, inspire,
Pour essayer de l’engager
A son martyre, soulager.
Mais, avec toutes ses tendresses,
Sa rhétorique, ses caresses,
Et les offres de maint Présent,
Elle, toujours, le méprisant,
Lui répliquait, par négative,
Et lui paraissait plus rétive.

Un jour, devant elle, à genoux,
D’un propos languissant, et doux,
Et rouant, vers cette Cruelle,
Sa large et mourante prunelle,
» Quoi, lui dit-il, quoi, donc, en vain,
» Je te parle, Objet inhumain,
» Des peines que, pour toi, je souffre,
» Depuis que la poudre, le Souffre,
» Et le feu qui sort de tes Yeux,
» Me brûle, et me noircit bien mieux,
» Que l’ardeur de l’Astre solaire
» Qui nous échauffe, et nous éclaire ?
» Quoi, donc, mes Amours, mes Soucis,
» J’aime tes gros, et noirs Sourcils
» Qui forment un bel Arc d’Ebène,
» Sans en avoir la moindre Aubaine ?
» Quoi j’aime tes Yeux dessus dits,
» Par qui mes sens sont interdits,
» Sans en recevoir une œillade
» Favorable à mon cœur malade ?
» Quoi, donc, j’aime ton vaste Nez,
» Des plus plats, et des mieux tournés,
» Et ta Bouche si bien lippue,
» Sans t’en voir nullement émue ?
» Ô daigne, ma belle Amitié,
» Avoir, enfin, de moi, pitié.
Ce fut, à peu près, son langage,
Mais sans nul succès, davantage.

La Moresse, lui répondit,
» Je vous ai, ja, dit, et redit,
» Et je vous le redis, encores,
» Fussiez-vous la Perle des Mores,
» Fussiez-vous, si vous voulez, Roi,
» Vous n’obtiendrez rien dessus moi,
» Car, enfin, (tenant, lors, un Cierge)
» Je veux, dit-elle, mourir Vierge.

Le More, oyant un tel Discours,
Et voyant, ainsi, ses Amours,
Sans espoir du moindre Salaire,
En est emporté de colère :
Et, cessant d’agir en Amant,
Au lieu de tout doux Compliment,
Apostrophe, ainsi, sa Maîtresse.
» Quoi, donc, tu fais de la Lucrèce,
» Ha ! je serai, donc, ton Tarquin.
Il fallait qu’il eût, pour certain,
Un peu, mis le nez dans l’Histoire,
A son langage, il le faut croire.
Quoi qu’il en soit, dans le moment,
Il voulut, très brutalement,
Sur elle, user de violence :
Et trouvant plus de résistance
En cette chaste More-ci,
On en peut bien juger ainsi,
Puisqu’il ne vint point à bout d’elle,
Comme Tarquin fit de sa Belle,
D’une Serpe, il lui donne au Chef,
Et l’occit par un tel méchef.

Ne dites point que c’est dommage,
Car sortant, par là, d’Esclavage,
Où sa Naissance l’engageait,
Pieusement, juger on doit,
Comme elle était, bonne Chrétienne,
Que, pour cette constance sienne,
Elle a pris le Rang glorieux
Que les Martyrs ont dans les Cieux.

-D'un more, nous passons aux Turcs et aux actions publiques du sultan qui, selon notre gazetier, cherche, en se montrant à son peuple, à éviter une contagion de cette révolte qui sévit toujours en Arabie :

Le Sultan va vers Andrinople,
Et de là, vers Constantinople,
Pour, à la fin, redire, Illec,
Aux Citoyens, Salamalec :
Craignant qu’une plus longue absence,
N’y cause Echec à sa Puissance :
Que ce Peuple, rempli d’aigreur,
De ne plus voir son Empereur,
Ne prenne, de dépit, copie
Sur les Arabes d’Arabie ;
Et que la Sultane, en un mot,
N’essaie à le faire capot,
Dans la conjoncture présente.
Mais elle est toute pentelante,
Ce dit-on, sur l’avis qu’elle a,
Que ce Prince retourne-là,
Sachant qu’il la lui garde bonne :
Si qu’elle se précautionne,
Et tâche à se mettre à couvert,
Pour n’être pas prise sans vert.

-Les Viennois ne peuvent être que joyeux de ces remuements dans le monde ottoman qui leur dispute sans cesse l'Europe central et les menace régulièrement depuis 1529 :

La Cour de Vienne est en liesse,
De ce qu’elle voit sa Hautesse,
Qui la tenait en grand souci,
Contrainte à dénicher ainsi,
Des Quartiers de son Voisinage,
Par le plaisant remue-ménage
Des Arabes, et des Persans,
Qui, conjointement, s’unissant,
Lui vont tailler de la Besogne :
Et je pense qu’en la Pologne,
On s’en gaudit comme autre part.

Cependant, en très fin Renard,
Ce grand Seigneur qui dissimule,
Y fait, par maint beau Préambule,
Protester qu’il veut pour jamais,
Avec ses Amis, vivre en paix.
Mais on voudrait un autre Gage,
Que ce trop captieux langage :
Et la Guerre, en un pareil cas,
Aux quatre coins de ses Etats,
Serait, et je vous en assure,
Une Caution bien plus sûre.

-Robinet nous transporte ensuite à la cour de France :

Mais parlons, un peu, de chez nous.
La Cour, coule le Temps, tout doux,
Au Château Saint-Germain-en-Laye,
Où, comme il faut, elle s’égaie.

Elle y joue à cent petits Jeux,
Et fait, enfin, tout de son mieux,
Pour avoir, chez elle, sans cesse,
La belle Déesse Allégresse.

-Puis à Paris, dont il évoque les théâtres qui divertissent la population :

Notre Bourgeois n’en fait pas moins,
Car, grâces aux paternels Soins
De notre glorieux Monarque,
Lequel conduit si bien sa Barque,
Ici, chacun a le moyen,
Par le Commerce qui va bien,
De se divertir à merveille :
Et dans Lutèce, nonpareille,
Quatre Troupes de grands Acteurs,
Dont la plupart sont, même, Auteurs,
À l’envi, sur leur belle Scène
Charment le Peuple de la Seine.

-Et dans Paris, il s'arrête tout particulièrement sur le Palais Royal où Psyché est représentée :

Au Palais Royal, la Psyché,
Où l’Amour a son cœur fiché,
Ravit, toujours, en conscience,
Une très nombreuse Assistance ;
Laquelle, aussi, se sent saisir
Sans doute, d’un nouveau Plaisir,
De la revoir représentée
Par cette Actrice tant vantée,
Laquelle de Molière a nom,
Que l’on craignait voir, tout de bon,
Passer dans la fatale Barque,
Par le coup de l’atroce Parque,
Mais qui, triomphant du Trépas,
Plus que jamais, montre d’Appas,
Dont l’Epoux, à gogo, je pense,
Reprend nouvelle jouissance.

La belle Troupe du Marais,
Sur nouveaux coûts, sur nouveaux frais,
Qui montent à très grosses Somme,
Redonne, pour le dire en somme,
Ses brillants Amours du Soleil,
Avec un nouvel Appareil,
Tel, sans ajouter à la dose,
Que c’est, encor, toute autre chose
Que vous n’avez vu ci-devant.

Je ne vous mets rien en avant,
Sans en avoir bonne assurance,
Outre que la Magnificence
Coutumière dans ce Lieu-là,
Persuade, aisément, cela :
Mais si vous ne voulez m’en croire,
Allez-y voir, oui, c’est mieux faire.

-L’illumination de Paris diminuera-t-elle l’insécurité ? C'est du moins ce que l'on espère :

J’achève, en ajoutant ceci,
Que l’on revoit plutôt, ici,
De quinze jours qu’à l’ordinaire,
Ce grand et nombreux Luminaire,
Qui nous éclaire beaucoup mieux,
La Nuit, que les Flambeaux des Cieux,
Et qui, de la Gent Filoutière,
Qui redoute fort la Lumière,
Écarte la Troupe en tout lieu,
Dont nous devons, ma foi de Dieu,
Toujours, grâces au soin propice
Du Sage Chef de la Police, [M. de la Reynie]
Ainsi que de la Propreté
Qu’on voit en la même Cité,
Et d’autres merveilleuses choses,
Dont, en beaux Vers, et belles Proses,
On devrait, il faut l’avouer,
Éternellement, le louer.

Lettre de fin octobre 1671, par Mayolas.

-Mayolas qui n'avait pas publié de gazette depuis quelques semaines se remet à la tâche :

Puissant ROI, vous connaissez bien,
Par mon ordinaire entretien
Que point du tout je ne me lasse
De grimper sur le mont Parnasse,
Qu’il n’est vacances ni saison,
Qu’il n’est prétexte ni raison,
Qu’il n’est ni moissons ni vendanges,
Ni les douleurs les plus étranges
Qui puissent détourner mes Vers
De voltiger par l’Univers ;
Dans le soin que j’ai de vous plaire,
Vous divertir, vous satisfaire,
Par le récit des nouveautés
Qu’on apprend de tous les côtés,
Nullement je ne m’en dispense
Et voyez ma persévérance.

-La première de ses nouvelles concerne l'archevêque de Toulouse : on se souvient que l'homme d'église avait été évoqué par notre gazetier dans sa lettre du 3 septembre pour sa nomination en qualité d'aumônier de sa majesté. Or, il en a officiellement reçu la dignité :

Je trace de ma propre main
Que l’Archevêque Toulousain [Pierre de Bonzy.]
Rempli d’esprit et de prudence,
De piété, d’intelligence,
A solennellement prêté
Le serment de fidélité
Entre les mains de mon grand Prince,
(Possesseur de mainte Province)
Pour cette haute Dignité
Dont l’a pourvu sa Majesté,
Pour la charge qu’il fait sans peine
De grand Aumônier de la REINE ;
Je puis assurer que le ROI
Connaissant son soin et sa foi,
Ses services comme son zèle,
N’a point de sujet plus fidèle.

-D'autres nominations sont ensuite évoquées :

Mon invincible Potentat
Qui sait justement faire état
Des personnes de grand mérite,
Ces jours passés a fait élite
De l’Illustre Abbé BARILLON
Pour être Évêque de Luçon ;
Ses vertus comme sa science,
Son Esprit comme sa Prudence,
De même que son noble Sang,
Sont bien dignes de ce haut rang,
Puisqu’on sait bien que sa Famille
En grands Personnages fourmille :
MORANGYS Conseiller d’Etat,
Et fort zélé pour cet Etat,
La voulut présenter lui-même
À ce Prince brave et suprême,
Avec son Frère CHATILLON,
Plein de justice et de raison,
Conseiller très habille et juste
En notre Parlement Auguste,
Et ce ROI sublime et charmant
Les reçut favorablement.

-Mayolas, à la suite de Robinet, revient sur les événements de La Mecque :

On a su touchant le pillage,
Le saccagement, le carnage
Qui vers La Mecque s’est commis
Par quelques fâcheux ennemis
Du Sultan ou de sa Hautesse,
Etaient causés par la tristesse,
Chagrin et mécontentement,
Desespoir et ressentiment
Du Cherif en icelle place
Par les Grands et la populace
À faute de certains présents,
Régales riches ou luisants,
Que le Grand Turc manquait de faire
A cet homme extraordinaire ;
Ayant pris cela pour dédain,
Il a fait ce coup inhumain :
Assisté de quelques rebelles,
Et des Arabes plus fidèles :
Dans le susdit saccagement,
On n’a pas pillé seulement
Les trésors de ladite Ville,
En pierreries très fertile,
Mais sans respecter Mahomet,
Ma Muse en ce lieu vous promet
Qu’ils ont pris jusqu’au drap très riche,
(Dont en Turquie on n’est pas chiche,)
Drap célèbre, pompeux et beau
Qui couvrait même son tombeau,
Où les armes de sa Hautesse,
Brillaient dans toute leur richesse :
Tout cela ne me surprend pas,
Et je m’étonne en ce fracas,
En ce désordre, en cet esclandre,
Qu’il n’est encore voulu prendre
Le Tombeau même avec son Corps
Pour le mettre au rang des trésors :
On dit que le Sophi de Perse
Avec eux aura du commerce,
Et qu’il leur fournira des gens
Adroits, vaillants et diligents
Pour au Grand Turc faire la guerre
Tant sur la Mer que sur la Terre ;
Aussi le grand Roy Tafilet
De ce même parti se met ;
Sans parler donc des Janissaires,
Le Sultan n’est pas sans affaires,
Et je pense bien que ces gens
Lui donneront du passe-temps,
En attendant que la Sultane
Fasse à son tour sa Caravane.

-Puis, comme il l'avait fait dans sa lettre du 21 mars, il relate la réalisation d'un exercice militaire devant le roi. On ne sera pas surpris des nationalités des soldats engagés dans cette parade quelques mois seulement avant le lancement d'une guerre dans laquelle Charles II sera l'allié de Louis XIV :

Quinze cent fantassins Anglais,
Compris Écossais, Irlandais,
Ayant leurs Commandants en tête,
(Pour tenir leur troupe bien prête)
Ont fait en un fort bel arroi
L’exercice devant le ROI ;
Et ce Monarque Magnifique,
Dont le Cœur est tout héroïque,
Trouva lesdits Soldats Anglais
Aussi gaillards que bien adroits :
Puis cette Milice sans noise
S’en retourna devers Pontoise,
Où sans doute présentement
On lui donne son logement.

-De la Hollande, il est justement question dans le passage qui suit :

On nous a mandé de Hollande
Que la Province de Zélande,
Et de Gueldres pareillement,
N’ont pas le même sentiment
Touchant le Vin et l’eau de Vie ;
Elles n’ont nullement envie
De consentir avec raison
Qu’on leur ôte cette boisson,
(Source de la réjouissance)
Qui leur venait des bords de France,
Et dont ils buvaient à longs traits,
Mais leur goût n’est pas trop mauvais :
Car n’en déplaise à la Hollande,
Cette liqueur est bien friande :
Je ne pense pas que le Rhin
Lui fournisse de meilleur Vin,
Au moins on me l’a fait accroire,
On n’aura donc pas de quoi boire :
Les États ont mis, à propos,
Nouvellement quelques impôts,
Et cela marque en assurance
Qu’ils ont grand besoin de finance
Pour entretenir leurs Soldats
Qui sans cela ne marchent pas.

-Viennent ensuite quelques nouvelles de Pologne :

Les ennemis de la Pologne
Ne font pas trop grande besogne,
Car leurs menaces et leurs bruits
Se dissipent en une nuit ;
Dont cette Cour n’est point fâchée
Qui croyait bien être empêchée
À repousser les grands efforts,
Les attaques et les transports
Des Cosaques et des Tartares
Qu’on peut mettre au rang des Barbares :
De sorte que les Polonais
Se réjouissent à la fois
De ce calme et de la grossesse
De leur Souveraine Princesse.

-Dans sa lettre du 19 septembre, Mayolas évoquait la nomination de Pomponne en remplacement du défunt Hugues de Lyonne au Secrétariat d'État pour les affaires extérieures. Pomponne revenait de Suède où il avait été ambassadeur. Honoré Courtin lui succède dans cet emploi qui, visiblement, est d'une importance capitale avant le début des hostilités contre la Hollande (voir Mignet, Négociations relatives à la succession d'Espagne sous Louis XIV..., Tome III, Paris, 1842, p.347-348.)

Courtin à Pompone succède,
Il est parti pour la Suède
En qualité d’Ambassadeur
De mon ROY sublime et vainqueur ;
Ni le mauvais temps ni l’orage
La tempête ni le naufrage
De deux ou trois jolis vaisseaux
Qu’il a vu périr sur les eaux
N’empêchent point son Ambassade,
Et quoi qu’il ait été malade,
Fortifiant bien sa santé,
Il poursuit avec gaieté
Sa route du long et du large
Pour faire dignement sa charge.

-Un service pour la mémoire de la Reine-mère a été donné au Val-de-Grâce :

Le vingtième du présent mois,
Le DUC D’ORLEANS DE VALOIS,
Monsieur, du ROI l’unique Frère
(Que la France fort considère)
Au Val de Grâce se rendit
Pour voir le service qu’on fit
Où bien plutôt l’Anniversaire
De la défunte Reine Mère ;
Mademoiselle dont les traits,
Les agréments et les attraits,
Nous font voir qu’elle est admirable,
Y parut d’un air agréable,
Avec encore sa chère Soeur
Pleine d’appâts et de douceur :
De Clairambault la Maréchale
(Qui partout ses Vertus étale)
Sa Gouvernante parut là,
Où MONSIEUR dessus tous brilla,
Et les Dames Religieuses
(Fort modestes et vertueuses)
Par leur grande dévotion
Attiraient l’admiration.

Je fis ma Lettre et le Prélude
La veille Saint Simon et Jude.

Lettre du 31 octobre 1671, par Robinet.

-Robinet est de retour après une semaine d'attente :

Voici mon Campos terminé,
Et je veux être exterminé,
Si j’en prends un brin davantage,
Que la Légende à triple page,
Que je dois, après tel campos,
Tous les huit jours, à mon Héros,
Ne soit totalement rimée,
Pour, par après, être imprimée.

On dit que j’aime les Plaisirs,
Et que mes plus ardents désirs
Ne tendent qu’à leur jouissance,
Et je hais, à proportion,
Tout ce qui peut porter le nom
De soin, de travail, et de peine.
Mais, en ce Jour de la Semaine,
À MONSIEUR, consacré, par moi,
Je puis dire de bonne foi,
Que mon Historique Exercice,
Pour ce PRINCE, m’est un Délice,
Et que, pour lors, tout mon désir,
Et mon essentiel Plaisir
Est de m’appliquer à lui plaire,
Ainsi que je vais, encor, faire.

-À la suite de Mayolas, il évoque la présence de la fille de Monsieur chez les Feuillantines, pour une prise de voile :

D’abord, je dois dire au Public,
Par le détail, et ric, à ric,
Que sa Fille, Mademoiselle,
Qui semble un jeune Ange, femelle,
Pour son Esprit, et ses Appas,
Lundi dernier, porta ses Pas,
C’est-à-dire fut, à son aise,
En beau Carrosse, ou belle Chaise,
En la noble, et sainte Maison,
De Jeûne, Veille, et d’Oraison,
Des Nonnes, dites Feuillantines,
Toutes célestes, et divines,
Par leur sublime Charité,
Et leur extrême Austérité.

Or, de la susdite Princesse,
La Royale, et mignonne Altesse.
Vois là, dedans ce sacré Lieu,
Une jeune Épouse de DIEU,
Qui, du Monde, abjurant la Pompe
Qui nous fascine, et qui nous trompe,
Faisait un Présent de son Cœur,
Par une pure, et noble ardeur,
À l’aborable [sic] Époux des Vierges.
Soixante tenaient, lors, des Cierges,
De même, qu’Icelle, un, aussi,
Tandis qu’on la voilait ainsi,
Montrant un air tout angélique,
Qui dignement, aux yeux, expliue,
Et manifeste les Vertus
Donc leurs beaux Cœurs sont revêtus :
Et qui sont les grands Exemplaires
Des illustres Pensionnaires,
Dont il se fait là, tous les jours,
Un considérable Concours,
Pour apprendre, en leurs saints Régimes,
Et dans leurs pieuses Maximes,
L’Art de vivre chrétiennement,
Et point du tout, mondainement.

Cette Demoiselle, voilée,
Et, dans ledit Cloître, grillée,
Est Mademoiselle David [Anglaise]
Sœur de Lait, à ce qu’on m’a dit,
De feu ma Royale Patronne,
Las ! qui me fut, toujours, si bonne :
Et qui joint, à son propre Nom, [Marguerite]
Par une aimable liaison,
Ceux de Louise, et Saint Philippe,
Qui sont (laissant la Rime en ippe)
Celui de mon brillant Héros,
Si digne de gloire, et de los,
Bienfaiteur de cette Pucelle,
Et celui de Mademoiselle,
Qui, comme j’ai dit, la voilà :
Ayant (ainsi que partout) là,
Avec Elle, sa Gouvernante, [Mad. la Maréchale de Clérambaut.]
Maréchale très avenante.
L’un des Prélats les plus charmants,
Nommé pour l’Évêché du Mans,
Et qui, fort loin de la Calabre,
A, maintenant, Celui de Vabre,
Ce Mitré, dis-je, singulier,
De MONSIEUR, Premier Aumônier,
Fit l’auguste Cérémonie,
Avec une grâce infinie,
Vêtu pontificalement,
Et, même, magnifiquement,
Assisté du Feuillant, en Chappes,
Qui semblaient là, de petits Papes.
Dom de Saint Claude, leur Prieur,
En très pathétique Orateur,
Prit, dessus le Sujet, carrière,
Tout à fait, de belle manière,
Citant, en maints endroits, très bien,
Saint Bernard, et Tertulien,
En chassant, partout, des Pensées,
Des plus doctes, et mieux sensées,
Et, bref, de l’un à l’autre bout,
Charmant son Auditeur, partout.

Au reste, les Religieuses,
Splendides autant que pieuses,
En cette belle Occasion,
Servirent la Collation
À sa jeune Altesse Royale,
De façon, presques, sans égale,
Soit pour la quantité des Fruits,
Pyramidalement, construits,
Soit pour celle des Confitures,
Et d’autres exquises Pâtures,
Soit pour la politesse, enfin,
Qu’on voyait à chaque Bassin.

Puis, de plusieurs rares Corbeilles,
Toutes pleines de Nonpareilles,
Et de Bijoux dévotieux,
(Voyez si l’on peut agir mieux)
Elles firent, encor, largesse
À cette charmante Princesse,
Qui, des plus constantes, ainsi,
Partit d’Illec, et nous aussi :
Car étant témoins Historique
De cette Fêtes magnifique,
Je vous jure que mon Gustus
Eut part à ce grand Défructus.

-À une nouvelle concernant la dévotion, une autre succède :

J’ai su, de Guerret, dans la Marche,
Où chacun, en droiture, marche,
Que Saint Pierre d’Alcantara,
Dont, désormais, l’on chantera
Une Hymne, par toute l’Église,
Où, des plus, ce Saint-là, l’on prise,
Comme un grand Serviteur de DIEU
A, cette, ère, dans ledit Lieu,
Solennisé de telle sorte,
(Ainsi qu’un Mémoire le porte)
En l’Église des Récollets,
Que jamais, Apprêts plus complets,
Ni pompe, ni magnificence,
N’ont paru dans telle occurrence.

Pour raconter la chose, en bref,
On voyait, par toute la Nef,
De belles, et fines Tentures
De Royales, Manufactures.

Un Tabernacle nonpareil,
Y montrait, dans son appareil,
Tant de Richesses différentes,
Et, mêmes, des plus apparentes,
Que l’on aurait dit, tout ravi,
Que chacun l’était, à l’envi,
Dépouillé, dans icelle Ville,
Pour décorer le Domicile
Du Roi des Cieux, de l’Immortel,
Exposé, lors, dessus l’Autel.

D’ailleurs, du nombre des lumières,
Les radieuses fourmilières,
Passaient celles, certainement,
Que nous voyons au Firmament,
Quand la noire Reine des Ombres,
A déployé ses voiles sombres.

Pour ouvrir la Fête, dit-on,
On fit une Procession
Très magnifique, et très auguste :
Où, du Saint, l’on porta le Buste,
Précédé de deux cent Entants,
Les uns, lestes, et triomphants,
Equipés en beaux petits Anges,
Qui, des mieux, chantaient, ses louanges,
Les autres, qui l’Habit portaient.
Des Récolets, représentaient,
Marchant, deux, à deux, en bon ordre,
Tous les Saints sortis de cet Ordre,
Et les Papes, les Cardinaux,
Et les Prélats épiscopaux,
Dont il a fait don à l’Eglise,
Où cet Ordre s’immortalise.

L’illustre Père Fortuné, [Religieux du même Ordre.]
Ayant, comme très fortuné,
Tous les Degrés scientifiques,
Commença les Panégyriques,
Et les conclut, pareillement,
Avec grand Applaudissement.

Pour tout dire, enfin, la Musique
En ce Dieu, parut angélique ;
Et la Citadelle, de plus,
En fit le beau Supérius,
Par sa bruyante Artillerie,
Qui, jointe à l’Escopèterie,
Publiait, hors de la Cité,
Bien loin, cette Solennité.

-Et à une autre, une autre encore :

J’ai la Piété dans la tête,
Et j’annonce, après cette Fête,
Qu’à Gonesse, d’où, pour certain,
Nos recevons le meilleur Pain,
On a fait mainte belle chose,
À la gloire de Sainte Rose,
Au Couvent des Dominicains,
Qui n’étant, nullement, mesquins,
Épuisent la Magnificence,
En ces Fêtes de conséquence.

Là, donc, la Décoration
Était dans sa perfection.
La Musique, dans les Offices,
Les Clartés, les Feux d’Artifices,
Y firent mirabilia :
Mais ce que de plus, il y a,
Et que je dois bien moins omettre,
Que tout ce que je viens de mettre,
Est qu’un nommé le Sieur Gourreau,
Fit, avec un style fort beau,
Et, voire, des plus pathétiques,
Le premier des Panégyriques :
Et que le Révérend Sénaut,
Prieur d’Illec, qui, beaucoup, vaut,
Fit le dernier, d’une matière,
Dont il eût louange plénière.

Mais Satis sur de tels Avis,
Et passons à d’autres Devis.

-Puis Robinet revient sur la révolte en Arabie, avec ce ton toujours moqueur qui caractérise nombre de ses relations concernant les non-chrétiens :

Monsieur le Chérif de la Mecque,
Qui sait la Langue Arabe, et Grecque,
Et, de plus, faire le Mutin,
Veut, pour élever son Destin,
S’intituler Roi d’Arabie,
À quoi je ne m’oppose mie.

Mais certains importants Bassas
Qui lui sont tombés sur les bras,
Par les ordres de Sa Hautesse,
Qui ses Divertissements laisse,
Pour l’aller mettre à la Raison,
Lui feront obstacle, dit-on.

Ils ont, même, ayant vent en poupe,
Déjà, très bien, rossé sa Troupe,
Et fait (ce qu’il n’aurait pas cru)
Prisonnier, ses Fils, et sa Bru.

Certain Bruit que l’on veut qui vienne
De la propre Ville de Vienne,
Porte que le Seigneur Argent,
En tout, un merveilleux Agent,
S’étant glissé chez les Rebelles,
Et fourré dans leurs Escarcelles,
De par le susdit Grand Seigneur,
A, de tout calmer, eu l’honneur.

Mais ce Bruit, à maints ; peu propice,
Pourrait bien être un Artifice
Des Hongrois qui, comme Gens fins,
L’on semé, tendant à leurs fins,
C’est à savoir, pour faire croire
Que les Turcs, ayant la Victoire,
Pourront venir les assister :
Mais, de tout, nous pouvons douter,
Jusqu’à nouvelle plus certaine,
Que, pour moi, j’attendrai sans peine.

-Le devoir d'un gazetier est parfois de contredire ce qui a été dit et se révèle faux :

Autre Bruit, chez nous, a couru
Mais fort indigne d’être cru,
Touchant la Mort d’un certain Père,
Et reporté dans son Repère,
Au Grand Couvent des Jacobins,
Autrement, des Dominicains.

C’est un Trait de la Calomnie,
Par qui, tous les jours, est ternie
La gloire des plus Gens de bien :
Le susdit Monstre, peu Chrétien,
Ayant, partout, pour Emissaires,
Des Scélérats, des Plagiaires,
Dignes… l’on m’entend, c’est assez.

Or, nos Magistrats courroucés
De voir médire, ainsi, d’un Ordre,
Sur lequel il n’est rien à mordre,
Ont, par leurs sages soins, détruit,
Ici, ce détestable bruit.
Que le Satire de Hollande,
A consacré dans sa Légende,
Comme Copiste glorieux
Des Mémoires injurieux
Qu’on lui fait mettre en ses Gazettes
De Quolibets, et de Sornettes.

Mais datons, et dans les huit jours,
Poussons, comme il faut, ce Discours,
Puisqu’avecque tant d’insolence,
À mon doux naturel, il a fait violence.

Lettre du 7 novembre 1671, par Robinet.

-Ce prologue est intéressant car il nous donne quelques renseignements supplémentaires sur le processus de création de ces gazettes. Nous savions déjà que Robinet rédigeait en général sa missive le samedi - par anticipation le vendredi lorsque la fin de semaine est chargée. Nous sommes désormais informés que le dimanche est consacré à la remise (en mains propres ?) de ses rimes à son protecteur. Ainsi :

À Clion, ma chère Musette,
Laissant à part, toute amusette,
Appliquons-nous, en ce moment,
Tout purement, et simplement,
À la Lettre que, les Dimanches,
Je remets dans les deux Mains blanches,
D’un des plus aimables Héros
Dont l’Histoire ait chapté [sic] le los.

Ce n’est pas avoir Œuvre faite,
Que d’avoir une Historiette
À tourner en ce mien Opus,
Et force autres choses de plus,
Très dignes d’être débitées,
Tout ainsi que d’être écoutées.

Sans, donc, davantage, tarder,
Commençons notre Narrative,
Pour laquelle je me captive,
Dans ma solitude, en ce jour,
Et parlons, primo, de la Cour.

-La cour a participé aux fêtes religieuses de la Toussaint, dirigées par le père Mascaron :

Ladite Cour, si ravissante,
Si galante, et si florissante,
Quittant là, les mondains Desseins,
Le Jour qu’on fête tous les Saints,
Parut toute Sainte elle-même :
Et nos chers Porte-Diadème,
Furent, comme ils sont en tout temps,
Ses deux Modèles éclatants.

C’est-à-dire, s’il le faut dire,
Car cela s’entend, sans l’écrire,
Que l’Une et l’Autre Majesté
Fit les Œuvres de Piété,
Qui sont, en de tels jours, à faire,
Avec leur manière exemplaire,
Oyant Messe, Vêpre [sic], et Sermon.

Cet Orateur de grand renom,
Ce vrai Parangon d’Éloquence,
Pourvu de Mitre d’importance,
Savoir le Père Mascaron,
Qui fait la figue à Ciceron,
Fit, devant Elles des merveilles,
À ravir toutes les Oreilles
De cette délicate Cour,
Qui l’entendit le susdit jour.

-Monsieur a fait de même que la cour, mais dans un autre lieu, à Paris :

Monsieur, Ici, dans sa Paroisse, [S. Eustache.]
La plus vaste qui me paraisse,
Fit le Devoir de bon Chrétien,
Je vous en assure, très bien,
En admettant, dans sa Poitrine,
L’auguste Majesté Divine,
Avec le pieux Appareil,
Nécessaire en un cas pareil :
Et, de cette bonne Journée,
Il fut, pendant l’Après-dînée,
Donner de l’occupation
À sa belle Dévotion,
Chez ses bons Pères du Rosaires, [Les Jacobins réformés]
Dont la Vie est tout exemplaire,
Et qu’on estime, en haut degré,
Au Quartier de Saint Honoré.

Sa Royale Altesse, en ce Temple,
Donnant son merveilleux Exemple,
À la Foule qu’en pareils jours,
D’ordinaire, on y voit, toujours,
Entendit tout, d’un bout à l’autre,
Disant, des mieux, sa Patenôtre ;
Et l’un de ces Religieux, [Le Père Mandonet]
La satisfait, dit-on, des mieux,
Prêchant d’une assez belle sorte,
Avec une Expression fort,
Et cette pénétrante ardeur,
Dont les effets vont jusqu’au cœur,
Le Caractère spécifique,
Des Enfants de Saint-Dominique.

-Il a poursuivi les célébrations le lendemain au Val-de-Grâce :

Le lendemain Fête des Morts
Dont nous devons être Consorts,
Ce Prince faut au Val-de-Grâce,
Prier DIEU, de très bonne grâce,
Pour ses augustes Parents,
Qui furent des plus apparents,
Étant tout du Porte-Couronne,
Afin que repos il leur donne
Dans son éternel Paradis :
Et j’ajoute un De Profundis,
Moi Pêcheur, très chétif, et mince,
Aux Prières de ce grand Prince,
Pour les mêmes feu Couronnés,
Quoi, qu’étant de Vertus ornés,
À voir tout droit, dans la Gloire,
Je puisse pieusement croire,
Qu’ils y sont près du Roi des Rois :
Ayant ouï, souventefois,
Dire à de pieuses Personnes,
Que les Prières sont très bonnes
En tout temps, et, bref, pour tous ceux
Qui sont sortis de ces bas Lieux.

La jeune Aurore, qu’on appelle,
Uniquement, Mademoiselle,
Qui montre, en un âge si bas,
Et des Vertus, et des Appas,
À toucher, un jour, maint Céphale,
Avec Son Altesse Royale,
Alla dedans le même Lieu,
Aussi, courtiser le bon Dieu :
De sa Gouvernante, assistée,
Maréchale, certe [sic], dotée,
Par la Nature, et par les Cieux,
De maints Attributs précieux,
Entre lesquels, on voit, sans cesse,
Briller une rare Sagesse,
Et certain Esprit fin, et doux,
Qui la font admirer de tous.

-Puis il a rejoint son frère, à Versailles. Dans la description des beautés de ce palais, Robinet évoque des sculpteurs déjà mentionnés sous sa plume ou celle de Mayolas au début de l'année (voir plus haut) :

Mercredi, partit, de Lutèce, [Paris.]
Sa susdite Royale Altesse,
Pour aller rejoindre la Cour,
En ce délicieux Séjour
Et de Plaisirs et de Gogailles,
Savoir le Château de Versailles ;
Qui surpasse, par ses beautés,
Les plus orgueilleuses Cités.

Je dirais, même, que l’Olympe,
Où, si malaisément, on grimpe,
Ne contient rien de si charmant,
N’en déplaise aux Dieux, nullement,
Que sa seule Grotte enchantée,
Si magnifique, et tant vantée.

Comme, sans cesse, on l’embellit,
Naguère, encore, l’on y mit
Des Groupes de Marbre, ou Figures,
Qui sont d’excellentes Sculptures.

L’une est un grand Soleil assis
Dans l’humide Sein de Thétis,
Que plusieurs Nymphes environnent,
Qui le délassent, le couronnent,
Et, par des soins des plus humains,
Lui lavent les pieds, et les mains.

On dirait, sans nulle hyperbole,
Qu’il n’y manque que la parole,
Ou, plutôt, que tout va parler,
Tant l’Ouvrier égaler,
Dedans cette rare Sculpture,
Tous les effets de la Nature :
Et Girardon, et Renaudin,
Dont la gloire sera sans fin
Sont les Auteurs d’un tel Ouvrage,
Et le plus grand, bien davantage,
Qui jusqu’à nous, ait été fait,
Et dont l’œil soit plus satisfait.

Aux deux côtés, en d’autres Niches
De cette Grotte des plus riches,
En son surprenant Appareil,
Sont quatre Chevaux du Soleil,
Qui semblent ronfler la Lumière,
Et, bref, vouloir prendre carrière,
(L’un deux, même faisant des bonds)
Sans qu’autant de puissants Tritons,
Qui, de leurs Bras nerveux, les tiennent,
Dans ces Arcades, les retiennent.

Or, sans vous en mentir d’un brin,
C’est au grand Ciseau de Guérin,
Que nous devons un juste hommage
De la moitié de cet Ouvrage :
Le surplus étant de Gaspard,
Et de son Frère, Balthazar,
Qui sait, ce dit-on, faire vivre,
Et parler le Bronze, et le Cuivre.

-Un sculpteur en particulier retient son attention : il s'agit probablement de Jean-Baptiste Tuby qui était italien d'origine. Ainsi :

Un autre Sculpteur renommé,
Et lequel Baptiste, est nommé,
Doit poser, dans la même Grotte,
(Ce qu’il faut qu’encor, je vous note)
Pour achever tout l’Ornement,
Deux Figures, semblablement,
Qui seront, encor, deux Merveilles :
Lesquelles choses nonpareilles
Montrent que les Ausoniens,
Alias, les Italiens,
Ne sauraient travailler le Marbre,
Qui n’a point d’autre Rime qu’Arbre,
Avec plus de correction,
De grâce, et de perfection.

Notre grand et merveilleux Sire,
Qui, les seuls Chefs d’œuvres, admire,
Se trouva surpris de ceux-ci,
Et loua leurs Auteurs, aussi,
Que sa Majesté, très auguste,
Qui ne fait point de choix que juste,
Avait triés sur le Volet,
Pour un Ouvrage si complet.

-Les beautés de Versailles méritent que l'on s'y attarde tant elles sont fascinantes, si l'on en croit Robinet :

Parlant des beautés de Versaille[s],
Où l’Art incessamment, travaille
Pour les Plaisirs, de ce Grand Roi,
Je dois bien ajouter, je crois,
Que, présentement les Naïades,
Dignes Compagnes des Dryades,
Viennent, enfin, faire leur Cour,
En ce miraculeux Séjour,
Où l’on souhaitait leur Présence,
Avecque tant d’impatience.

On m’a dit que les Sieurs Denys, [Père et Fils]
Par des soins qui n’ont point de prix,
Leur ont là, tracé les Passages,
Par maints Hydrauliques Ouvrages
Des Pompes, et des Aqueducs,
Que Maréchaux, Comtes, et Ducs,
Princes, Seigneurs, et le Roi, même,
Avec une surprise extrême,
Ont lorgnés, ont considérés,
Et, profondément, admirés :
Chaque Machine, ou chaque Pompe,
Si le Rapporteur ne nous trompe,
Fournissant, très bien, et très beau,
Trent à quarante Pouces d’eau.

-Puis après un retour rapide sur la révolte en Arabie... :

Dans la Mecque, et dans l’Arabie,
Il ne fut, quoi que l’on en die [sic],
De Grabuges, ni prou, ni peu :
Et le tout n’est qu’un conte bleu,
De la Forge des Infidèles,
Qui font courir telles Nouvelles,
Afin, ô Dieux ! qu’il sont rusés !
D’attraper les non-Déniaisés.
Vous, donc, Pologne, et vous, Hongrie,
À ces Bruits, ne vous fiez mie,
Et gardez-vous de toutes parts,
De ces trop cauteleux Regnards.

-...le récit est agrémenté d'une petite historiette puisqu'il prétend n'avoir plus rien d'intéressant à relater :

Faute d’autre Avis d’importance,
Par un qui vient d’Aix en Provence,
Touchant certain Événement,
Je m’en vais finir prestement.

Un Laquais qu’envoyait son Maître,
Illec, d’une Maison Champêtre,
Étant parti de grand matin,
Rencontre un Homme, tout soudain,
Leste, bien fait, et de haut grade :
Qui le traitant de Camarade,
S’offre à lui, de l’accompagner.

L’autre ayant lieu de s’étonner
De voir à pied, tel Personnage,
Lui répondit, en son langage,
» Monsieur, vous vous moquez de moi,
» Vous n’êtes pas, en bonne foi,
» Personne à battre la Semelle,
» Vous avez bon Cheval de Selle,
» Que vos Gens tiennent à l’écart,
» Sans nul doute, ici, quelque part.

Mais, pour conter l’Histoire en somme,
Le brave et civil Gentilhomme,
Lui jure, et rejure que non :
Si bien que, sans plus de façon,
Tous deux marchent de compagnie,
Mais d’un égal pas ? non-fait mie.

Le Gentilhomme alla d’un train
Qui laissa, bientôt, le Trotin :
Mais lui donnant sa Jaretière,
En moins, dit-on, d’une heure entière,
(Car ici, je n’ôte, ni mets)
Ils arrivèrent dedans Aix,
A quatorze lieues de distance,
Du susdit Lieu de leur Partance.

Mais là, s’étant fait les adieux
Du Camarade officieux,
Le Laquais, tout à l’instant même,
Se vit presque à son heure extrême,
Tombant, sur la terre, étendu,
Tant il était las, et recrû :
Et comme on sut son Aventure,
Chacun crut qu’il fallait conclure,
Que cet admirable Piéton
Etait l’un de ceux de Pluton.

-Il y a bien une dernière chose, tout de même, et intéressante avec cela : la représentation des Amours du Soleil de Donneau de Visé que notre gazetier a vu, comme il le dit lui-même :

J’ai vu de mes propres prunelles,
Les Augmentations nouvelles
Faites aux Amours de Phébus,
Et je puis dire, sans abus,
Que c’est, enfin, l’un des Spectacles,
Le plus plein de petits Miracles.

Les Actrices, et les Acteurs
Y ravissent les Spectateurs,
Par les yeux, et par les oreilles,
Et Vénus, qui fait là, merveilles,
Pour se venger dudit Phébus,
Y plaît, toujours, tant que rien plus,
En la charmante Désurlie,
Que jamais, aussi, je n’oublie.

Ceux qui voudront être Lecteurs,
Aussi bien que les Auditeurs,
De ce Poème Dramatique,
Le trouveront dans la Boutique
Du leste Libraire, Barbin,
Mais, sus, Clion, datons, enfin.

Lettre du 14 novembre 1671, par Robinet.

-En ces sombres jours de novembre, Robinet en appelle au dieu du soleil pour l'aider à rédiger sa missive :

Sur Intendant de la Lumière,
Des Sciences, et des Saisons,
Qui plus riche que n’est, des Dieux, la Race entière,
As, pour te promener, jusqu’à douze Maisons.
Toi qu’Apollon, Phoebus, et Soleil, on appelle,
Viens me communiquer ta flamme la plus belle,
J’en ai besoin en ce jour-ci :
Ayant, en cette mienne Épître Gazetière,
À parler de mainte Matière,
Qui ne me donne pas, vraiment, peu de souci.

Répands tes faveurs sur ma Muse,
Comble-là de brillants Appas,
Daigne ici, l’empêcher de paraître camuse,
Et veuille la tirer, enfin, d’un fâcheux pas.
Luisant Fils de Jupin, pour une telle grâce,
Soit que, parmi tes Sœurs, tu sois sur le Parnasse,
Soit que tu conduises ton Char,
Soit que, pour des Beautés, ici, ton cœur soupire ;
Tout bon succès, je te désire :
Mais, vite, commençons, car il est, déjà, tard.

-Robinet évoque la célébration de la Saint-Hubert à Versailles et, au cours de celle-ci, de la représentation des Amours de Diane et d'Endymion de Jean de Granouilhet de Sablière :

L’un des jours de l’autre semaine,
Ce m’ont dit des Gens de la Reine,
On célébra la Saint Hubert,
À l’ordinaire, du bel air,
Proche le Château de Versailles,
En faisant là, les Funérailles,
De maints Animaux dont le Sort
Avait lors, décrété la Mort.

D’iceux, furent des Cerfs allègres,
Qui couraient comme des Chars maigres,
Lièvres peureux, Daims bondissant,
Et des Perdrix, et des Faisans,
Dont l’on vit, par notre grand Sire,
Jusques à des cinquante, occire,
Qui, de la sorte (heur sans égal)
Eurent un Trépas tout royal.

Le susdit innocent Massacre,
Qu’annuellement, on consacre
Au saint Patron des Giboyeurs,
Dont les Chiens sont grands aboyeurs,
Fut suivi d’un Banquet splendide,
Où l’intestin le plus avide,
Et même plus délicieux,
Se serait satisfait des mieux.

Mais, en cette Fête Royale,
Le meilleur de tout le Régale,
Fut certain petit Opéra,
Que toute la Cour admira.

On y voit, comme en Miniature,
Et très délicate Peinture,
La belle, et tendre Passion
De Diane, et d’Endymion,
Charmant Berger qu’aucun n’égale :
Et cette Pièce musicale,
Contient cent mignonnes beautés,
Et cent rares diversités
Dignes d’être considérées,
Et, voire, des plus admirées.

Le Prélude propre au Sujet,
Par un grand bruit de Cors, se fait,
Après lequel, Pan, Dieu Sauvage,
Sort du milieu d’un vert Bocage,
Avec des Faunes, et Sylvains,
Qui sont plus légers que des Daims :
Et chantant un Air de liesse,
Les avertit que la Déesse
Paraît, déjà, dedans le Bois,
Pour mettre une Bête aux abois,
Et les exhorte d’importance,
A joindre leurs Chants, et leur Danse
Pour lui plaire, et la divertir,
Ce qu’ils font des mieux, sans mentir.
Lors, le bruit des Cors recommence,
Et, dans l’instant, même, s’avance
Une Troupe d’ardents Chasseurs,
De Diane, les Précurseurs,
Lesquels annoncent sa venue :
Et sitôt qu’elle est aperçue,
Le Chasseur, avec le Sylvain,
La demi-Pique, et Tirce, en main,
Dansent, ensemble, devant Elle.
Puis cette brillante Immortelle,
Les ayant tous faits retirer,
Pour en liberté, respirer,
Avecque ses Nymphes, seulette,
Elle pousse une Chansonnette
Qui découvre que ses désirs,
Ses passions, et ses plaisirs,
Se terminent tous dans la Chasse,
Où maint Gibier elle terrasse.

Elle rentre après, dans le Bois,
De son Destin suivant les Lois,
Qui jusques là, bornent ses Fêtes,
À vaincre et massacrer des Bêtes.

Mais un des Faunes qui l’oyait,
Quand de la sorte, elle chantait,
En vient, tout seul, ensuite, rire :
Et se mêle de lui prédire
Qu’un jour, les Mystères d’Amour
Pourront bien lui plaire à leur tour.

Par là, finit le premier Acte,
Selon qu’en ma mémoire exacte,
J’en ai le détail retenu :
Et voici tout le contenu
Du second, sans erreur quelconque.

D’abord, au fond d’une Spelunque,
Se voit Endymion qui dort,
Jouissant d’un tranquille Sort :
Mais l’Amour qui veut qu’il soupire,
Vient, et l’un de ses Traits lui tire,
Et, par d’autres petits Amours,
Lesquels volent à son secours,
Ce Dieu des plaisirs, et des peines,
Le fait, encor, charger de chaînes,
Afin de s’en assurer mieux :

Mais, voulant couronner ses feux,
Il va, soudain, à la Déesse,
Inspirer la même tendresse.

Six des Amours, en ce moment,
Tout à fait, agréablement,
Dansent de joie, une Bourrée,
Laquelle, grandement, agrée ;
Et le Berger, lors, éveillé,
Qui, de la sorte, est enrôlé,
Dessous le Dieu, par qui l’on aome,
S’en plaint comme un mal extrême.

Il est consolé, toutefois,
Par Dame Écho, de qui la voix
Lui répond qu’il faut qu’il espère,
Et qu’Amour lui sera prospère.

Enfin, viennent des Fagoteurs,
Lesquels, en habiles Sauteurs,
Amassant leur bois, en cadence,
Forment, encores [sic], une Danse :
Et le Faune qui met son nez,
Aux Affaires, de tous côtés,
Aussi parmi eux, se présente,
Et, les raillant, derechef, chante,
Puis le beau Goguenard s’ensuit,
Et, par là, cet Acte finit.

Dans le trois, qui ferme la Pièce,
Diane montre sa liesse,
D’avoir eu, selon ses souhaits,
Dans sa Chasse, un entier Succès :
Mais on l’oit, en même temps, plaindre,
De ce qu’elle se sent contraindre,
À brûler pour le beau Chasseur,
Dont la vue a charmé son Cœur,
Auparavant, comme insensible,
Et, bref à l’Amour, invincible.

Afin de charmer ses douleurs,
Elle s’en va cueillir des Fleurs
Qu’elle aperçoit dans un Parterre :
Et, lors, six Cueilleuses, belle erre,
Viennent devant Elle, danser.

-Puis la fin de la description est l'occasion de faire le lien entre ces amours théâtrales et fictifs et celles réelles et bientôt concrétisées du frère du roi, veuf depuis plus d'un an, et de la princesse Palatine. Ainsi :

Or, pour la mieux embarrasser,
L’Amour, en son Art, un grand Maître,
Fait, encor, le Berger paraître,
Qui, derechef, lui plaît si fort,
Que, malgré tout son vain effort,
Elle s’en déclare vaincue :
Et voilà la Pièce conclue,
Hors que les Faunes, avec Pan,
Lequel se carre comme un Paon,
Les Cupidons, avec leur Sire,
Et les Bergers, pour vous tout dire,
Viennent, par leurs Chants, et leurs Pas,
De ce Couple rempli d’Appas,
Célébrer l’aimable Aventure :
Qui, ce me semble, est la Peinture,
Du Triomphe de mon Héros,
Si digne d’amour, et de los,
Sur la belle et rare Princesse
Qui va, de sa Royale Altesse,
Répondant à son Amitié,
Être l’excellente Moitié.

-Les détails sur leur contrat de mariage suivent alors : :

Leur beau Contrat de Mariage,
Contenant mainte et mainte page,
Avec grandes Solennités,
Fut signé par les Majestés,
L’autre Vendredi, dans Versaille [sic],
Où l’on ne paie point la Taille ;
Et dès le jour du lendemain,
Par un très diligent Humain,
Qui, pour aller plus belle allure,
Prit la Poste, pour sa Monture,
On l’envoya remettre en main
Du grand Electeur Palatin,
Père de l’illustre Princesse,
Que son Électorale Altesse
Avoit amenée à Strasbourg :
Où, je ne sais quel autre jour,
Elle avait signé les Articles,
Ainsi que, sans mettre Bésicles,
Avait, aussi fait, pour le Roi,
Un Marquis de très bon aloi,
Savoir le Marquis de Béthune,
Brave sur Terre, et sur Neptune.

-Puis, il en revient à la pièce musicale :

Pour assister à l’Opéra,
Le Lecteur, s’il lui plaît, saura,
Que l’Auteur est un Gentilhomme [Ordinaire.]
Et, toute flatterie à part,
D’écrire, en Vers, et Prose, à l’Art,
Voire, de manière galante,
Naturelle, aisée, et brillante,
Laquelle lui coûte si peu,
Que tout, pour lui, n’est rien qu’un Jeu :
Ayant fait cette Pastorale,
Dont le Détail je vous étale,
En quinze jours, tant seulement,
Et néanmoins, heureusement.

Au reste, le Sieur de Sablière, [Chef de la Musique de Monsieur]
D’intelligence singulière,
En la Musique, a fait les Chantes,
Tout de même, en très peu de temps,

Leviés, dont la voix est plus belle
Que n’est celle de Philomelle,
Y représente Endymion,
Avec pleine admiration.
Sa Diane, chose certaine,
Est une petite Sirène,
Dont le Chant est beaucoup chéri,
Qu’on nomme Mad’moiselle Aubry.
Pour l’Amour, c’est ce petit Ange
Qui vaut un excès de louange,
Et c’est pour vous le dire, enfin,
La jeune, et mignonne Turpin,
Qui par sa voix, et par sa grâce,
Tous les autres Chantres, surpasse.

-Des nouvelles de Rouen : les parlementaires ont fait des démonstrations d'éloquence dont le bruit a atteint Paris. Ainsi :

De Rothomage, l’on m’écrit [Rouen]
Que l’Éloquence, et que l’Esprit,
Et bref, tout ce que le Bien-dire
Peut produire, et que l’on admire,
Y charmèrent dernièrement,
Lorsqu’on ouvrit le Parlement,
Dans les ravissantes Harangues,
De ses deux plus disertes Langues.
L’une est son Premier Président, [Le Sr Pelot]
Un Personnage transcendant,
Qui, dans son Discours, fit connaître
Comment du Grand ROI, notre Maître,
On doit seconder les Projets,
Tous pour le Bien de ses Sujets,
Et, notamment, dans le Commerce
Qui, par ses soins, si loin, s’exerce.
L’autre est, Avocat Général, [le Sr de Guerchois]
Qui montra quel était le mal
De laisser tenir la Balance
De Thémis, à la Complaisance,
À l’Intérêt, à la Faveur,
Au lieu d’une exacte Rigueur.

-Même chose s'est produite à Paris tout récemment :

Ici, Jeudi, je vous assure
Que l’on fit, aussi, l’Ouverture
De notre auguste et grand Sénat,
Avec une Messe d’éclat,
Que le Prélat, portant la Mitre
De Béziers, à si juste Titre,
Célébra solennellement,
Id est, pontificalement :
Qu’après cette Cérémonie,
Il reçut, de la Compagnie,
Un agréable Compliment,
Qui lui fut fait éloquemment,
Non par son Chef, vraiment, illustre,
Alors, malade, en son Balustre, [M. de Lamoignon]
Mais par Monsieur de Novion,
Auquel ledit Prélat, dit-on,
Risposta de digne manière :
Et qu’enfin, l’on fit fort grand Chère,
Chez le Chef illustre susdit,
Quoi qu’il fut, cependant, au lit.

Lettre du 15 novembre 1671, par Mayolas.

-Mayolas annonce la grossesse de la reine Marie-Thérèse :

Comme les Hommes et les Dieux,
Et que la Terre avec les Cieux,
Grand Prince sont d’intelligence
Pour seconder votre Puissance,
Et favoriser vos désirs
D’où naissent nos justes plaisirs,
La France apprenant la grossesse
De ma Souveraine Princesse ;
Redouble tous les jours ses Voeux
Pour en voir le succès heureux :
J’en témoigne ici par avance
L’excès de ma réjouissance,
Car tout le monde espère enfin
Que l’aimable et charmant DAUPHIN
Aura bientôt un joli Frère
Digne du Père et de la Mère,
Digne d’une REINE et d’un ROI
Qui fait tout trembler sous sa loi.

-L'archevêque de Toulouse a reçu une distinction du pape :

On nous écrit que le Saint Homme
Donna le Pallium à Rome
(Par Procureur pour le certain)
À l’Archevêque Toulousain
Avec grand plaisir avec joie,
Car il faut qu’on sache et qu’on croie
Qu’on fait partout beaucoup d’état
De ce Magnifique Prélat,
De qui le mérite sublime
S’acquiert une très haute estime :
À Tholoze [sic] présentement
On l’attend impatiemment
Et cette Ville est préparée
À lui faire une belle entrée,
Telle qu’on doit à ce Pasteur
Plein de lumière et de douceur ;
Cet Illustre et grand Personnage
Se prépare pour son voyage,
En Languedoc portant ses pas,
Il prendra son Rang aux Etats.

-Le duc de La Feuillade est promu colonel des gardes françaises : on fourbit ses armes en vu des prochains affrontements en Hollande... :

Le Duc de ROVANEZ insigne,
De commander tout a fait digne,
La FEUILLADE de qui le nom
S’est acquis un fameux renom
Par les faits de mainte Campagne,
Jusques même en Allemagne,
Est pourvu par sa Majesté
D’une éclatante dignité ;
De tout le Régiment des Gardes
(Troupes adroites et gaillardes)
Il est maintenant COLONEL,
Et d’un accord universel
Chacun dit du long et du large
Qu’il fera dignement sa charge.

-Quant à l’abbé de Thorigny, il devient évêque de Condom :

L’illustre Abbé de THORIGNY,
Pourvu d’un esprit infini,
Sorti d’une Illustre naissance,
Plein de savoir et de prudence,
De CONDOM obtient l’Evêché,
De quoi je ne suis point fâché ;
Le ROY connaissant son mérite
En a fait justement élite,
Pour remplir cette Dignité
Qui cause de la gaieté
Tant aux Parents qu’au Diocèse,
Et tout le monde en est bien aise.

-Sur le plan diplomatique, le marquis de Villars obtient la charge, ô combien importante dans les combats qui vont enflammer l'Europe dans les Provinces-Unies, d'ambassadeur en Espagne :

L’Excellent Marquis de VILLARS,
Fort estimé de toutes parts,
Notre Ambassadeur en Espagne,
S’est mis promptement en campagne
Pour aller de la part du ROI
A Madrid faire cet emploi ;
Sa bonne mine, sa dépense,
Son esprit joint à sa prudence
Feront sa charge avec éclat
Pour l’honneur de son Potentat.

-Mayolas revient ensuite sur la révolte en Arabie : ce ne serait que rumeurs ! Ainsi :

Touchant la révolte Arabesque,
C’est une chose assez grotesque,
Car on nous dit qu’il n’en est rien,
Et sans mentir je le crois bien ;
Il faut donc rendre à Sa Hautesse
Le calme ainsi que l’allégresse,
Aux peuples la fidélité,
Aux pèlerins la liberté,
À ceux qu’on a tué la vie,
À la Mecque sa pierrerie [sic],
Et laisser en paix de nouveau
Mahomet dedans son tombeau.

-Le roi et son épouse ont pu admirer ce qui est probablement le bassin d'Apollon :

Le ROI de même que la REINE
(Un des jours de l’autre semaine)
Alla voir curieusement
À Versailles, Château charmant,
De Marbre les belles figures
(Qui surpassent les portraitures)
Que dans la Grotte on a posé
Et par son ordre composé ;
Sans mentir elles représentent,
Aux yeux fidèlement présentent,
D’une riche et noble façon
Phoebus ou le grand Apollon.
Après qu’avec sa tresse blonde
Il a fait tout le tour du monde
Et vient dans le sein de Thétis
Se reposer toutes les nuits,
(Selon le dire des Poètes
Qui content ces Historiettes)
Thétis Déesse de la Mer
(Où l’on ne boit rien que d’amer)
Des Naïades environnée
Où pour mieux dire accompagnée,
Le reçoit fort civilement
Dans ces Grottes joyeusement,
Elles, qui jamais ne le bravent
Les pieds et les mains bien lui lavent
Et peignent d’un air merveilleux
Sa perruque et ses blonds cheveux :
Et les Tritons en diligence
Dans une pareille occurrence
Ayant pris ses quatre chevaux
Par leurs soins les rendent plus beaux ;
Or ces figures remarquables
Au ROY parurent agréables,
Ceux qui s’y connaissent le mieux
Et qui sont beaucoup curieux
Les ont trouvées fort bien faites,
Et je puis bien dire parfaites ;
N’omettons pas que l’Apollon
Est fait par l’adroit Girardon,
Avec deux autres que l’on prise
Et dont on loue l’entreprise,
La Thétis deux autre enfin
Des mains du fameux Renaudin,
Très habile et très galant homme,
Lequel a fait voyage à Rome ;
Les deux chevaux sont de la main
Du rare et merveilleux Guérin,
Et les deux autres ce me semble
Que dans les Vers présents j’assemble,
Sont faits de celle des Gaspards,
Qui nous font voir de toutes parts
Que leur science grande et bonne
En cet Art ne cède à personne,
Mais je publie à haute voix
Que jamais aucun de nos Rois
En marbre avec tant d’avantage
Ne fit faire un si bel ouvrage,
Et de même que le Soleil
Ce Prince n’a point de pareil,
Aussi par son soin admirable
Ce lieu n’aura point de semblable.

-Puis Mayolas rapporte l'une des nouvelles "parlementaires" déjà citées par Robinet à la lettre précédente :

Le lendemain de Saint Martin,
Sur les dix heures du matin,
On fit (ainsi qu’on doit le faire)
Suivant la coutume ordinaire
L’ouverture du Parlement
Tout à fait solennellement,
Par une Messe bien chantée,
Et par BISCARRAS célébrée,
Très digne Evêque de Béziers,
Dont les mérites singuliers,
La probité, l’intelligence,
Répondent bien à sa Naissance ;
Ensuite ce docte Prélat
Fut remercié par le Sénat
Des plus amples, des plus augustes,
Des plus fameux et des plus justes :
Le Président DE NOVION
Parla dans cette occasion
Avec grâce, avec éloquence,
Ledit Prélat plein de science
Sur le moment lui répondit,
À quoi tout le monde applaudit :
LAMOIGNON étant lors malade
Et reposant sur son estrade,
Pourtant ce premier Président,
Pour servir le ROI très ardent,
Dont on admire le génie,
Régala bien la Compagnie,
Qui lui montra sur le moment
Son extrême contentement.

-Il donne ensuite des nouvelles du voyage de la princesse Palatine en France dans le cadre de son mariage avec Monsieur, frère de Louis XIV.

J’ai su d’une belle Héroïne
Que la Princesse PALATINE,
Fille à l’Électeur PALATIN,
Avance toujours son chemin
Vers la frontière en diligence :
Et peut-être qu’elle est en France ;
Le Maréchal Duc DU PLESSIS
Qui pour sa Prudence en vaut six,
De la part de l’Unique Frère
De mon PRINCE extraordinaire
Lui va faire son compliment,
La recevoir pompeusement,
À Metz Épouser la PRINCESSE
Au nom de sa ROYALE ALTESSE ;
MONSIEUR doit aller à Châlons
Voir cet objet des plus mignons,
D’esprit, de taille, et de visage,
Pour consommer le MARIAGE,
Dont le Contrat ses jours passés
Fut signé par leurs Majestés,
Car le Père de la PRINCESSE
Avec zèle, avec allégresse,
Les Articles avait signé
Comme on l’avait désigné,
À Strasbourg il mène sa Fille,
Autant Illustre que gentille.

-Enfin, il évoque l'élévation d’une femme de religion :

Nouvellement je vous apprends
Que l’Abbesse de Saint Laurent [Anne Favelet.]
(Dont on connaît le haut mérite)
Le premier du mois fut Bénite
À Bourges, par son grand Prélat,
Dont la Cour fait beaucoup d’état,
Étant fort zélé pour son Prince,
Et fort chéri dans la Province ;
Deux Abbesses de qualité [De Bussières et de Charanton.]
Ont dévotement assisté
À ladite Cérémonie,
Faite en très bonne Compagnie.

-Pour finir avec ces nouvelles religieuses, il rapport qu'un membre de la famille du roi du Maroc, alors en conflit avec l’Espagne a rejeté officiellement sa religion d’origine :

Un Neveu du ROI TAFILET
Accompagné de maint valet
Vient d’abandonner l’hérésie,
Son Âme étant bien éclaircie,
Et c’est une belle action ;
Il a fait abjuration
Dedans le Royaume Hispanique,
Et sa Majesté Catholique
Lui donne le commandement
Vers Milan d’un beau Régiment. [De Cavalerie.]

-La mention de la date nous interpelle : Mayolas aurait-il été plus prompt qu'à d'autres périodes pour rédiger sa lettre - il n'en a pas mis le point final au moment de se coucher visiblement :

Fait le quinzième de Novembre
Sans bonnet, ni robe de chambre.

Lettre du 21 novembre 1671, par Robinet.

-Robinet adresse son prologue à tous ceux qui aiment ses vers et les en remercie :

Lecteurs, tant proches, qu’éloignés,
Qui, quelque estime, témoignez
Pour la Missive hebdomadaire,
Dont ma Clion est Tributaire
À l’Unique FRÈRE du ROI,
À qui tant de grâces je dois,
Comtesses, Comtes, Ducs, Duchesses,
Cordons-Bleus, Princes, et Princesses,
Ministres, Marquis, Maréchaux,
Moines chaussés, Moines déchaux,
Nonnes, Prêtres, Juges, Notaires,
Magistrats, Clercs, et Secrétaires,
En un mot, Clorindes, Philis,
Amarantes, Amarillis,
Qui de mes susdits Lecteurs, êtes,
Et qui l’honneur, enfin, me faires,
D’aimer les petits Impromptu
De ma Poétique Vertu,
Soit par justice, ou soit par grâce,
Je vous apostrophe en la place
De mon Héros, lequel, vraiment,
(Et l’on l’imagine aisément)
À bien d’autres choses à faire,
Concernant l’amoureux Mystère,
Que de lire, ou que d’écouter,
Tout ce que je pourrais conter.

-Puis il annonce le sujet principal de sa gazette : le futur mariage de Monsieur. Ainsi :

Je ne puis, par plus beau Chapitre,
Je crois, commencer mon Épître,
Que par celui de ses Amours.
C’est, donc, par ce charmant Discours,
Et par cette belle Nouvelle,
Digne de Cercle, et de Ruelle,
Que je débute, en ce moment,
Sans tergiverser nullement.

-Et donc :

Nature, Amour, et Politique,
Dont le pouvoir est authentique,
Ayant obligé ce Héros,
Comme il était très à propos,
De borner, enfin, son Veuvage,
Pour bien employer son bel Âge,
En ces convenables Douceurs
Que désirent les jeunes cœurs,
Et, même, les rendant fertiles,
Les rendre à la Couronne, utiles,
Ce beau Prince jeta les Yeux,
Dessus cet Objet glorieux,
Qui, du milieu de l’Allemagne,
D’où l’Hiver se met en campagne,
Excitait, au loin, des ardeurs,
En maints des plus superbes cœurs.

Ce rare Objet que je dénote,
S’appelle Élisabeth-Charlotte,
Fille, par un noble Destin,
Du digne Électeur Palatin,
Dans la Maison de qui la Gloire,
Comme on leu peut voir dans l’Histoire,
Entretient un lustre éclatant,
Depuis des ans, et tant, et tant,
Lequel lustre, des mieux, s’étale
En son Altesse Electorale.
Mais cet Illustre Elisabeth,
(Plus que de Lettres, l’Alphabet)
A des Qualités personnelles,
Tout à fait charmantes, et belles,
Soit de l’Esprit, ou soit du Corps,
Qui sont, en Elle, deux Trésors
D’Appas, de Gloire, et de Mérites,
Qui n’ont presque point, de limites,
Et qui, sans un brin, la flatter,
Ne la font pas moins éclater,
Que sa Maison, et sa Naissance.

Or le Grand Philippe de France,
Possédant, aussi, les Vertus
Dont les Héros sont revêtus,
Et tous les Attributs aimables,
Dans un tel Amant, désirables,
À peine se fut déclaré,
Qu’il fut, à l’instant, préféré,
Avec plaisir, avec liesse,
Dans le beau cœur de la Princesse,
À tous les autres Soupirants,
Aussi, des plus sublimes Rangs.

Ainsi, cette Altesse éclatante,
L’illustre Palatin, sa Tante,
Ayant, en cette Occasion,
Par sa Négociation,
Pris tout le soin qu’il fallait prendre,
Et qu’on peut aisément, comprendre,
Ce charmant Hymen fut conclu
De même que vous l’avez su :
Et, Lecteur, en voici la Suite,
Dans les Vers subséquents, déduite.

-La promise se rapproche : son voyage est relaté dans les vers qui suivent. Ainsi :

Du mois courant, l’onzième jour,
La Princesse quitta Strasbourg,
Non sans soupirs, non sans alarmes,
Et sans épanchement de Larmes,
Entre elle, et son tendre Papa,
N’ayant pu se séparer là,
Sans sentir ce que la Nature
Fait sentir en telle Aventure,
Où les Adieux sont pour jamais.

Elle prit la Route de Metz,
Etant, des mieux, accompagnée,
Des Dieux, d’Amour, et d’Hyménée,
Des Jeux, des Grâces, et des Ris,
Lesquels ont tout, quitté Cypris,
Pour lui faire de belle sorte,
Une digne, et charmante Escorte.

Ladite Altesse Palatin,
Qui, toujours, par un beau Destin,
Eut la Gloire pour apanage,
Et tous les Appas en partage,
Accompagnait sa Nièce, aussi,
Comme elle fera jusqu’ici,
Pour couronner, enfin, son œuvre,
Qui d’Amour, est un beau Chef d’œuvre.

Le quatorze, a bien calculer,
Et sans au Calcul me brouiller,
Elle vint en ladite Ville
De Mets, tout droit à Domicile,
Où le Canon tintamarra,
Comme il fallait, lorsqu’elle entra.

Le lendemain, jour de Dimanche,
Ayant pros Chemise fort blanche,
En la Cathédrale, elle fut,
Où, par un très chrétien Début,
Ou, si l’on vient, Préliminaire,
Pour tout ce qui suit, nécessaire,
Elle abjura, de feu Luther,
À qui croit fort Monsieur Rhuyter,
Gaiement, la fausse Doctrine,
Qui lui pesait sur la Poitrine,
Dit-on, dès ses plus jeunes Ans.

La Providence, dès ce Temps,
Comme à sa chère Favorite,
Suscita des Vierges d’élite,
Qui firent, dans son jeune Esprit,
Par elles, avec soin, instruit,
Ces premières Clartés éclore,
Que l’on peut appeler l’Aurore
Du brillant Flambeau de la Foi,
Si bien qu’elle en conçut, en soi,
Une Impatience céleste,
De quitter son Erreur funeste,
Et d’embrasser la Vérité,
Sitôt qu’en pleine liberté,
Elle pourrait se satisfaire,
Ainsi, donc qu’elle vient de faire,
D’une contenance, et d’un air,
Qui montrait à tous, net, et clair,
Avec quels beaux transports de joie,
Elle entrait dans la sainte Voie.

De Metz, le fort digne Prélat,
Avec un solennel éclat,
Et, certe [sic], une extrême allégresse,
Reçut, de l’illustre Princesse,
La sincère Abjuration,
Lui donnant l’Absolution
De la dangereuse Hérésie
Dont sa belle Âme fut saisie.
Dès le soir, même, il entendit
Sa Confession qu’elle fit
Avecque la même franchise,
Et, bref, en Chrétienne soumise.

Pour achever, le lendemain,
De son Épiscopale main,
Elle reçut d’une manière
Qui fut, aussi, très exemplaire,
Le Sacré Corpus Domini :
Et son Sein en étant muni,
Dans cette Grâce consommée,
Ensuite, elle fut confirmée.

Après, Lecteur, pour dire tout,
Ric-à-ric, et de bout, en bout,
Monseigneur le susdit Evêque,
Qui d’Embrun, était Archevêque,
Lui conféra, finalement,
Des Mariés, le Sacrement,
Qui de Princesse Électorale,
En fit une Altesse Royale,
En lui donnant, ô Sort bien doux !
MONSIEUR, pour son charmant Époux.

Or, en cette Cérémonie,
Où se trouva grand Compagnie,
Ce fut ce Seigneur si rassis,
Le Maréchal-Duc du Plessis,
Dont toujours, la rare Prudence,
Fut de pair avec sa Vaillance,
Qui prêta sa Main, pour MONSIEUR,
En qualité de Procureur :
Et qui régala la Princesse,
Au nom de sa Royale Altesse,
De très magnifique Présents,
Des plus brillants et plus luisants,
Que produisent les riches Indes,
Où naquit le beau Dieu des Brindes.

Elle partit, le jour d’après,
De ladite Cité de Metz,
Pour, en diligence, se rendre,
Ainsi que je viens de l’apprendre,
À Châlons, tout directement :
Recevant, souvent, compliment,
Au nom de son Époux illustre,
Par Gens de mérite, et de lustre,
Entre lesquels, sont, en deux mots,
Monsieur le Marquis de Pluvaux,
Le Maître de sa Garderobe,
Où l’on voit mainte belle Robe,
Item, le Sieur de Marivats,
De qui l’on fait beaucoup de cas,
Premier Gentilhomme Ordinaire,
Vraiment, assez beau Caractère,
Et Monsieur le Comte d’Albon,
Seigneur obligeant, sage, bon,
D’esprit, et d’une vertu rare,
Où l’on ne voit aucune tare,
Et qui, de MADAME, a l’honneur
D’être le Chevalier d’Honneur.

-Philippe d'Orléans est allé à sa rencontre au petit matin :

MONSIEUR, qu’Amour venait instruire
De tout ce que je viens de dire,
Comme on peut croire, à point nommé,
Tout transporté, tout enflammé,
Partit, Mercredi, dès l’Aurore.
Que dis-je ? elle dormait encore,
Et tout dormait dessous les Cieux,
Lorsque ce Héros amoureux,
Se sentant la Puce à l’oreille,
En diligence nonpareille,
Partit de son Royal Palais,
Pour, avec l’aide du Relais,
Aller vite, joindre MADAME,
Vers qui, déjà, de cœur, et d’âme,
Il s’était rendu mille fois.

Or, en supputant par mes doigts,
Je crois qu’à présent, ce grand Couple,
Des plus beau que l’Amour accouple,
Se sera vu réellement :
Ce qui sera, certainement,
De quoi, dans ma prochaine Épître,
Faire, encor, un fort beau Chapitre.

-Madame de Montausier, duchesse de son état, qui avait été annoncé malade par Robinet dans sa lettre du 13 juin (voir plus haut), a finalement été emportée dans les bras de la mort :

Ce que j’ajoute en celle-ci,
Dans le peu de blanc que voici,
Et qu’avec chagrin je publie,
Est que notre illustre Julie,
La Duchesse de Montausier,
A plié, comme un simple osier,
Sous l’effort cruel de la Parque :
Et qu’avec notre Grand Monarque,
Toute la Cour, sur son Cercueil,
En a fait éclater son Deuil.

Si j’avais la bonne Ecriture,
Ou de Balzac, ou de Voiture,
Ou de maints autres beaux Esprits,
Qui l’ont prônée en leurs Ecrits,
Je dresserais son Epitaphe.
Mais, en simple Historiographe,
Seulement, ces deux mots j’en dis,
Ensuite d’un De Profundis :
Savoir, Que ce fut une Dame
Accomplie et de Corps, et d’Âme,
En qui la Nature, et les Cieux
Mirent leurs Dons précieux,
Et de qui la Mort, et la Vie,
En un mot, sont dignes d’envie.

-Robinet rappelle ici quelle charge cette illustre dame occupait à la cour :

Mais, en parlant de son Trépas,
Omettre, aussi, je ne dis pas,
Que sa Charge, de gloire pleine,
De Dame d’Honneur de la REINE,
Doit, par une autre, de bon Lieu,
La Duchesse de Richelieu,
Être occupée, et c’est tout dire,
Disant, aussi, que notre SIRE,
Qui, du Mérite prend souci,
A quatre-vingt milles d’ici, [à Richelieu]
Pour ce haut Emploi l’a choisie,
Auquel, elle ne pensait mie.

Mais si le Mérite parfait
Devait produire un tel effet,
C’est celui de cette Duchesse,
En qui l’Esprit, Vertu, Sagesse,
Semblent être, ma foi de DIEU,
Ainsi, que dans leur riche Lieu.

Lettre en vers du 28 novembre 1671, par Robinet.

-Nous nous en doutions : cette lettre sera surtout consacrée aux amours de Philippe d'Orléans et d'Élisabeth-Charlotte de Bavière. Ainsi :

C’est Lecteur bénévole, à vous,
Qu’attendent les brillants Époux
À qui je dois ma Dédicace,
J’adresse, encore, ma Préface.
Mais comme le temps m’est fort cher,
Et qu’il me faut vite, rimer,
Souffrez que courte je la fasse ;
Et qu’ainsi, tout de prime face,
Et sans délai, j’entre en Discours.
Car, enfin, les jours sont très courts,
Et travailler, je n’aime mie,
À la clarté de la Bougie.

-Il y eut un premier problème à régler : le culte. Ainsi, Élisabeth-Charlotte était luthérienne :

Il est d’un sincère Écrivain,
Et plus véridique son Histoire,
S’il arrive à son Écritoire
D’y laisser glisser quelque Erreur.

Je vous avertis, donc, Lecteur,
Que c’est un Père Jésuite,
Très habile, et grand Casuite,
Et non l’Episcopus de Metz,
Comme, sur des Rapports peu vrais,
Innocemment, je l’allais mettre
En ma dernière Épître en mètre :
Lequel ouït, ce m’écrit-on,
L’héroïque Confession
De notre illustre Convertie,
À Monsieur, si bien assortie,
Par ces deux mots Sacramentaux,
Qui sont, partout, Conjungo vos.

Ce Père, qui Jourdan se nomme,
Dans la Controverse, un maître Homme,
Fut le grand Mobile, dit-on,
Aussi, de la Conversion
De cette Princesse éclatante,
Ayant de manière savante,
Et pleine d’une noble ardeur,
Achevé de vaincre l’Erreur
Qui prévalait, encore, en Elle,
Sur la Foi du Ciel, éternelle :
Et voilà, certes, comme quoi,
Sans cesse, à cette belle Foi,
Les Héros de la Compagnie,
Avec une gloire infinie,
Procurent, en maints, et maints Lieux ;
Les Triomphes les plus pompeux,
Et font, dans ses saintes Entraves,
Voir les plus augustes Esclaves.

-La cérémonie s'est déroulée en plusieurs temps : d'abord, a eu lieu le "mariage par procuration" (Dirk Van der Cruysse, Madame Palatine : princesse européenne, Paris, Fayard, 1988) :

Dès que par le grand Sacrement,
Qui, de tous, est le plus charmant,
Et plaît à plusieurs, davantage,
Savoir celui du Mariage,
La Princesse fut à Monsieur,
Pour leur réciproque Bonheur,
En qualité d’Epouse, unie,
Devant nombreuse Compagnie,
L’obligeant Comte de Vaillac,
Idoine au belliqueux Tric-trac,
Et le brave de Rocheplate,
Lequel n’a point la mine plate,
Prirent, près d’Elle, en ce moment,
Possession, joyeusement,
De leur très importante Charge,
Qu’ici, vous pouvez voir en marge.

Le sieur Marquis de Clérambaut,
Dont le courage est sans Défaut,
De la sienne, fit tout de même,
Avec une liesse extrême.

Les Ordinaires Ecuyers
Se rangèrent très volontiers,
Auprès de la Royale Altesse
De la belle et digne Princesse,
Pour la servir de tout leur cœur.

Enfin son Père Confesseur,
Savoir le susdit Jésuite
De qui j’ai marqué le mérite,
Et le célèbre Abbé Testu,
Plein de doctrine, et de vertu,
D’icelle, Aumônier ordinaire,
Charge que, des mieux, il sait faire,
Se postèrent à ses côtés,
Et, demeurant, ainsi, postez,
Chacun d’eux, pendant tout l’Office,
De son Emploi, fit l’Exercice.

-La sortie de l'église s'est faite en grande pompe... :

Quand de l’église, elle sortit,
Comme de tout, on l’assortit,
Elle trouva, pour la conduire,
Un Carrosse que l’on peut dire,
Aussi beau qu’un Char triomphal,
Avec un Train, certes, égal :
Et cette Epouse belle et gaie,
A travers une double Haie
Des Soldats de la Garnison,
S’en retourna dans sa Maison,
Au bruit de la Mousqueterie,
Et de la grosse Artillerie.

-... à la suite de quoi l'attendait un dîner, dans un faste tout aussi magnifique :

Elle y trouva le Dîner prêt
Avec un magnifique Apprêt :
Et, seule, à Table, en ce Régale,
Fut lors, en Altesse Royale,
Servit, avec les Honneurs dûs,
Qui lui furent, à plein, rendu.

Tous les Corps vinrent à l’issue,
Avec Langue très bien pendue,
Lui faire Harangue, et Compliment,
Qu’Elle reçut obligeamment,
Répondant à la Compagnie,
Avec une grâce infinie,
Et certain charmant tour d’Esprit
Qui les Sieurs Harangueurs, surprit.

Entre ces Corps, celui de Ville,
D’une manière fort civile,
La Princesse, au Bal, équipée :
Mais Madame ne jugea pas
Qu’elle dût, en de tels Ebats,
Encore admettre sa Présence :
Et, bref, en faisant conscience,
Après tant d’Actes sérieux,
Et si chrétiens, et si pieux,
Qu’elle venait, pour lors, de faire,
D’une façon toute exemplaire,
Elle pria les Invitant,
D’un air dont ils furent contents,
(Leurs développant sa pensée)
De la tenir pour dispensée
De paraître à Bal, ni Ballet.

Voilà ce qu’en style bien net,
Et qu’avec plaisir on peut lire,
A pris le soin de m’en écrire
Un des Officiers de MONSIEUR :
Lequel, en très Homme d’honneur,
(Ce qu’à la Cour on ne fait guère)
M’a tenu la parole entière,
Qu’il m’avait donnée, en partant,
Si bien que j’en suis très content
Et, par ces Vers, j’en remercie.

-Puis la noble allemande quitta la ville de Metz où cette première partie de la cérémonie avait débuté et se dirigea vers Châlons pour y retrouver Philippe qui lui-même cheminait dans la même direction :

Or, la Princesse, étant partie,
De ladite Cité de Metz,
Après nouveaux Compliments faits,
A sa belle Altesse Royale,
De façon toute cordiale,
Elle prit, au bruit des Canons,
La droite route de Châlons,
En passant par deux ou trois Villes,
Où les trois Envoyés habiles,
Que je nommai dernièrement,
Furent lui faire Compliment,
Au Nom de son Époux illustre ;
Lequel, partant de son Ballustre,
L’autre Mercredi, si matin,
Emporté d’un brûlant Destin,
Alla, comme l’on sait, si vite,
À Châlons, aussi prendre Gîte.

-Monsieur arriva le premier et fut reçu en grande pompe :

Il fut accueilli, dans ce Lieu,
Tout de même qu’un Demi Dieu.
La Noblesse du Châlonnage,
C’est-à-dire du Voisinage,
Et maints des notables Bourgeois
Montés comme Gens de Tournois,
Furent avecque d’autres Troupes,
Marchant, en bel ordre, à leurs croupes,
Jusqu’à trois milles, au devant :
Et, mettant leur Flamberge au vent,
Saluèrent, avec adresse,
Tour-à-tour, sa Royale Altesse.

Des Bataillons, des Escadrons,
Se trouvèrent aux environs,
Aussi, de la ville susdite,
Composés, chacun, de l’Elite
Des Citoyens, et des Soldats ;
Et le canon ne manqua pas
De tonner de la bonne sorte,
Aussitôt qu’avec son Escorte,
Qui n’était que de lestes Gens,
Monsieur eut mis le pied Léans.

Illec, les plus disertes Langues
Lui vinrent faire des Harangues,
Et, bref, de toute la Cité,
Il fut, alors, félicité
Dessus la fin de son Veuvage,
Et sur son heureux Mariage.

-Puis, à la fin de la semaine, il sortit non moins pompeusement de la ville pour aller au devant de Marie-Élisabeth :

Le Samedi, ce digne Amant,
En un brillant habillement,
Tout grêlé de ces Pierreries
Dont les Indes sont si fleuries,
Et non moins charmant, en ce jour,
Qu’en personne serait l’Amour,
Fut, avec une belle Escorte,
Rencontrer sa digne Consorte :
Qui, de son côté, n’avait pas,
Aussi, moins que Venus, d’appas,
Pour ne pas dire davantage,
Tant elle a d’Attraits en partage !
Ainsi, ces Amants si parfaits
Furent pleinement, satisfaits,
De voir qu’Amour, et qu’Hyménée,
Et leur heureuse Destinée,
Les avait si bien assemblés :
Et, déjà, de plaisirs comblés,
Dans le moment qu’il s’aperçurent,
Leurs cœurs, qui doucement s’émurent,
Ratifièrent les beaux Nœuds
Qui les avaient unis, tous deux.

-La rencontre entre les deux grands se fit tout aussi solennellement que ces cérémonies avaient débuté :

Monsieur entra, tout plein de flamme,
Dans le brillant Char de Madame,
Que la Princesse Palatin,
Qui mettait son Ouvrage à fin,
Accompagnait d’un soin fidèle :
Et, de plus, étaient, avec elle,
La Maréchale du Plessis,
Qui, des vertus, a plus de six,
Dame d’Honneur de la Princesse,
Item, sa Bru, sage Comtesse,
Et l’illustre Anglaise Gourdon,
Qui, du Ciel, reçut maint beau Don,
Et près de Madame, a le Poste
Où, de la Faveur, on s’accoste,
Et l’on peut faire bien sa Cour,
À savoir de Dame d’Atour.

-Puis ils firent ensemble leur entrée dans la ville, à la manière dont les souverains ont toujours procédé depuis les temps médiévaux (voir par exemple Bernard Guénée, "Les Entrées royales françaises à la fin du Moyen Âge", 1967, communication en ligne : http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1967_num_111_2_12099 et Pascal Lardellier, "Monuments éphémères : les entrées royales", Les Cahiers de médiologie, 1999/1, n°7, https://www.cairn.info/revue-les-cahiers-de-mediologie-1999-1-page-239.htm) :

Ces Grandes Altesses Royales,
Qui, nulle part, n’ont leurs égales,
Entrèrent, ainsi, dans Châlons ;
Où les Canons, les Violons,
Les Flûtes douces, les Musettes,
Les Tambours, Hautbois et Trompettes,
Formaient, en faveur des Epoux,
Des Concerts et bruyants, et doux.

Au reste, étaient toutes les rues,
De hautes lisses, bien tendues,
Avecque des Arc Triomphaux,
Des Festons, Emblèmes, Tableaux,
Épithalâmes, Chiffres, Armes,
Et belles Proses, et beaux Carmes ;
Et Madame reçut des Corps,
En termes élégants, et forts,
Les Harangues respectueuses,
Et les louanges point flatteuses.

Aussitôt, l’Évêque de là,
(Qui fit un Discours sur cela,
En un très éloquent langage)
Réitéra le Mariage,
Bénissant ce Coupe Royal,
En vêtement Épiscopal.

Le Prélat qui porte la Mitre
Des Manceaux, à si juste Titre,
Aurait dû, comme l’Aumônier
De Monsieur, savoir le Premier,
Faire icelle Cérémonie :
Mais ce Prélat, que Dieu bénie,
Par un Mal, très peu circonspect,
À contre temps, et sans respect,
Se sentit, justement, surprendre,
Comme à Châlons il s’allait rendre.

-Que se passa-t-il ensuite ? On n'oserait le dire mais notre gazetier lui, n'hésite pas :

Ensuite, les heureux Conjoints,
Par les Amour, leurs chers Adjoints,
Furent menés, enfin finale,
Dedans la Chambre Nuptiale !
Où, bouche, à bouche, et cœur, à cœur,
Exprimant des mieux, leur ardeur,
Comme fait tout Couple, à leur âge,
Ils ébauchèrent, je le gage,
Un beau petit Duc de Valois,
Du moins, je le souhaiterais.

Le lendemain, le Corps de Ville,
Les régala, mais du haut style,
Par un Feu tout mystérieux,
D’où volèrent devers les Cieux,
Je ne sais combien de Fusées,
Lesquelles, des mieux embrasées,
Semèrent, partout le beau Nom
De ces Mariés de renom :
Et Collation oppulente,
Autant que polie, et galante,
Suivit ce Divertissement :
Ce qu’en Prose, et disertement,
Monsieur Guichard, aussi me mande [Gentilhomme ordinaire de Monsieur.]
Dans une ample, et belle Légende,
Qui, l’un de ces jours, paraîtra,
Et beaucoup plus vous apprendra,
Car au bout de ma tierce Page,
Je n’en puis dire davantage.

Lettre de début décembre 1671, par Mayolas.

-Selon Mayolas l'alliance du grand roi est très recherchée en ce moment : les rumeurs de guerre contre la Hollande arriveraient-elles jusqu'à lui ?

C’est avec beaucoup de raison
(Grand ROI) que de vôtre Maison
(La plus auguste de la France)
On recherche fort l’Alliance ;
Monarques, Princes, Électeurs,
(Qui sont tous vos admirateurs)
Souhaitent avec avantage
D’entrer dans ce beau Parentage :
Témoin l’Électeur Palatin
Qui préside le long du Rhin,
Il donne sa Fille Angélique
À MONSIEUR, votre Frère unique,
Dont l’Hymen célèbre et pompeux
Paraît bien digne de tous deux :
On sait bien qu’en vôtre puissance,
En tout temps, en toute occurrence,
Ils trouvent et l’affection
Et la juste protection
Tant sur la Terre que sur l’Onde
D’un Prince qu’aucun ne seconde.

-On a nommé une nouvelle dame d’honneur pour la reine. Est-ce pour remplacer la défunte Madame de Montausier ? Ainsi :

Vous remarquerez en ce lieu
Que Madame de RICHELIEU,
Illustre et parfaite Duchesse,
Pleine d’esprit et de sagesse,
De modestie et de candeur,
Est première Dame d’honneur
De notre incomparable REINE,
Belle et pieuse souveraine ;
Notre Grand ROI pour cet effet
Lui en envoya le Brevat,
Encore qu’elle fut absente,
Par son mérite elle est présente,
Et par celui de son Epoux
Aimable, généreux et doux :
Et sur cette charge éclatante
Tout le monde les complimente.

-Bernard de la Guiche, comte de Saint-Géran a reçu un poste diplomatique :

J’ai su d’un brave Courtisan
Que le Comte de SAINT GÉRAN
Plein de courage et de prudence
Aussi bien que d’intelligence,
Est nommé par mon puissant ROI
Pour un Illustre et bel Emploi,
Et négocier des affaires
Importantes et nécessaires
Près l’Électeur de Brandebourg
Fort estimé de notre Cour,
Cet Envoyé, ce brave Comte
Dont l’ardeur paraît toujours prompte,
Pour bien servir ce Potentat
Fera sa Charge avec éclat,
Et pour la gloire de la France
Par son esprit et sa dépense :
J’assure ici présentement
Que je souhaite ingénument
Qu’il fasse un très heureux voyage
Et revienne avec avantage.

-Paul II Ardier, seigneur de Beauregard, président de la Chambre des Comptes, ancien diplomate du temps de Richelieu (voir Sven Externbrink, "Faire contrepoids à la puissance d'Espagne, Paul Ardier de Beauregard (1590-1671) et la politique de Richelieu", Francia : Forschungen zur westeuropäischen Geschichte, vol. 27/2 (2000), p. 1-24) est passé de vie à Trépas. Sa famille ayant toujours été très liée aux Feuillants, il a été mis au tombeau dans leur église, de la même manière que son père l'avait été (voir Benoist Pierre, La Bure et le sceptre: la congrégation des Feuillants dans l'affirmation des pouvoir princiers (vers 1560-1660), Paris, Publications de la Sorbonne, 2006, p. 409). Ainsi :

Vous trouverez sur ce Papier
Comme le Président ARDIER
Plein d’intégrité, de prudence,
De sagesse d’intelligence,
Très zélé pour servir l’Etat
Et mon triomphant Potentat,
A terminé sa belle vie
Après un mois de maladie
Dans sa maison de beau Regard,
A quoi je prends beaucoup de part ;
Sa vie étant juste et sincère
Sa mort aussi fut exemplaire,
Et jusques à l’extrémité
Il témoigna sa piété :
Avec une pompe funèbre
Non moins lugubre que celebre,
Aux Feuillants son corps fut porté
A Paris, fameuse Cité :
Son Epouse illustre et fidèle
En souffre une peine mortelle
Et sa Fille pareillement
Témoigne son ressentiment,
Tous ses parents et ses parentes
Personnes beaucoup apparentes
En font paraître leur douleur
Aussi bien que son Confesseur,
Dont le zèle et la vigilance
Méritaient bien sa bienveillance :

-Quelque chose de chevaleresque au royaume de Danemark !

Je trace de mes propres doigts
Que le Monarque des Danois
Fait de nouveau (sans raillerie)
Un ordre de Chevalerie,
Et tous ces braves Chevaliers
Le porteront les jours ouvriers
Ainsi que le jour de Dimanche ;
Il consiste en une croix blanche
(Qui sera d’argent non de fer)
Comme celle qu’ADELAER [Second.]
A reçu par bonne aventure
Dans une belle conjoncture ;
Ces Chevaliers sont dix et neuf
Et prirent tous un habit neuf
Le jour de la Cérémonie
Faite en très bonne Compagnie,
Car les principaux de la Cour
S’y rencontrèrent en ce jour.

-Charles Antoine de la Garde de Chambonas "issu d'une maison d'ancienne chevalerie" (M. H. FISQUET, La France pontificale (Gallia Christiana), Histoire chronologique et biographique des archevêques et évêques de tous les diocèses de France..., Montpellier, Deuxième partie contenant Béziers, Lodève, Saint-Pons de Tomières, Paris, p.462-463, http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k204186t), et officiant auparavant à Viviers, a été sacré évêque de Lodève par son homologue de Viviers. 19 ans plus tard, il serait déplacé à Viviers :

Parlons du PRÉLAT DE LODEVE
Que son propre mérite élève ;
Etant à Dieu tout consacré,
Et racontons qu’il fut Sacré
Par un Évêque d’importance
Des plus remarquables de France,
Puisque c’est celui de Viviers
Fort estimé dans ces quartiers ;
Cette Auguste Cérémonie
Se fit en belle Compagnie,
Ayant alors pour assistants
Deux Évêques fort importants [De Cominges et du Mans.]
Que l’on chérit et qu’on estime
Et dont le mérite est sublime ;
Ce Sacre se fit aux Chartreux
Autant austères que pieux,
Dont le PRIEUR prudent et sage
Et très habille Personnage
Par son exemple et sa bonté
Excite fort leur piété.

-C'est au tour de Mayolas d'évoquer le voyage de la princesse Palatine vers Metz :

Marquons de l’encre la plus fine
Que la PRINCESSE PALATINE
Pleine de vertus et d’attraits,
(Avant que d’arriver à Metz,)
Fut magnifiquement traitée,
En divers lieux complimentée,
L’Illustre Marquis de PLUMEAUX
Lui fit des compliments fort beaux
Et le Comte DALBON encore,
Au Nom de MONSIEUR que j’honore
Suivant son inclination
Elle fit abjuration
Entre les mains d’un Archevêque,
De METZ présentement Évêque,
J’entends l’Archevêque d’EMBRUM,
Dont le mérite est non commun ;
Ce Prélat rempli de Science
Avec zèle avec éloquence
Lui fit une exhortation
Sur cette pieuse action :
Le soir elle fut Confessée,
Le lendemain Communiée
Des mains de ce PRÉLAT fameux,
Aussi Noble que Vertueux,
Ce jour on lui fit un régale
D’une manière libérale,
On la traité Royalement
Ainsi qu’Electoralement ;
Les Dames les plus éclatantes,
Les personnes plus importantes
Souhaitant beaucoup de la voir
Et de lui rendre leur devoir,
À ce grand dîner se trouvèrent,
L’entendirent et l’admirèrent
Le Maréchal Duc du PLESSIS
Ayant alors l’ordre précis
Au nom de sa ROYALE ALTESSE,
Épousa ladite PRINCESSE,
Avec la pompe avec l’éclat
Digne d’elle et de notre ETAT,
Disons qu’une Illustre Héroïne,
Que la Princesse PALATINE,
TANTE de cet objet charmant,
L’accompagnait incessamment,
Et que son Esprit grand et sage
Contribue a ce MARIAGE,
Dans la France si renommé
Qu’à Châlon [sic] ils ont consommé :
Avec grande réjouissance
Et non moins de magnificence ;
Ma Muse faisant des progrès
S’en va jusqu’à VILLIERS-COTTREZ [sic],
Palais fameux dans la Province,
Pour vous dire comme ce Prince
Y mena sa chère moitié
Avec pompe, avec amitié,
Et l’y régala d’importance,
En un mot comme un Fils de France ;
On les attend à CHANTILLY,
Château qui passe le joli,
Lieu charmant et lieu magnifique,
CONDÉ, Prince fort Héroïque
Amplement les régalera,
Et mon Grand ROY même y sera ;
Du moins on me l’a fait accroire,
Et je l’ajoute en mon Histoire
De sorte que ce bel objet,
De nos entretiens le sujet,
MADAME, très belle et charmante,
Jeune, aimable, douce et prudent,
Connaîtra bien que cet Etat
Vaut mieux que le Palatinat.

-Puis, de la même manière, il cite lui aussi la mort de la duchesse de Montausier :

La Parque qui tranche la vie
A ravi contre notre envie
La Duchesse de MONTAUSIER,
Dont le mérite singulier,
Le beau génie et l’excellence
Ont éclaté souvent en France
Dans maint Illustre et bel emploi
Que lui donna notre Grand ROI,
Du DAUPHIN étant Gouvernante
Et de notre REINE éclatante
Dame d’honneur pareillement,
S’en acquitta très dignement :
De CURSOL, son Illustre Fille,
Très vertueuse, très gentille,
Par ses vertus et ses appas
La fera revivre ici bas.

-Il revient ensuite sur le voyage vers Rome des frères Vendôme (voir plus haut) :

Le Duc de VENDÔME et son Frère,
(Qu’en notre Cour on considère)
Continuant leur beau chemin
S’en vont dans le pays Romain,
Et je pense que le Saint Homme
Leur fera bon accueil à Rome ;
Puisque partout on les reçoit
Comme ils méritent, comme on doit,
Ainsi qu’on a fait avec joie
Tant à Venise qu’en Savoie.

-La date de cette missive :

J’ai mis cet Ouvrage en avant
Au commencement de l’Avent.

Lettre du 5 décembre 1671, par Robinet.

-Le manque de luminosité de la période ni quelque maladie n'empêchent Robinet de se mettre à l’œuvre.

Quoi que le Temps sombre, et maussade,
Soit peu propre à l’Art de rimer,
Quoi que la Muse soit malade,
Et qu’elle ait peine à s’animer :
Quoi qu’en vain, Phébus je réclame,
À présent, sans lueur, sans flamme,
Et sans aucun brin de vertu ;
Si faut-il bien que je griffonne,
Dussai-je être Cogne-Fêtu,
Et que je fasse, enfin, Lettre mauvaise, ou bonne.

Mais je rime sous des Auspices
Qui ne dépendent point du Temps,
Et qui m’étant, toujours, propices,
Dedans leurs Effets, sont constants.
Ces Auspices sont du grand Prince,
Pour qui, si règlement, je pince
La Lyre, du huit, en huit jours ;
Et c’est, aussi, par son Chapitre,
Que je vais, d’abord, donner cours,
Sans tarder un moment, à cette mienne Épître.

-Robinet évoque les suites des cérémonies d'union de ses protecteurs. Il les avait laissés à Châlons, où ces deux majestés s'étaient rencontrées. Il est temps pour eux de cheminer vers les palais de la région parisienne :

Étant parti le vingt-et-trois,
De chez Messieurs les Chalonnais, [Novembre.]
Avec son Épouse charmante,
Dont, partout, le mérite on chante,
Certes, d’une commune voix,
Il vint à Fère en Tartenois,
Où la menue Artillerie,
C’est-à-dire Escopèterie,
À faute de la grosse, fit
Grand Tintamarre, à ce qu’on dit,
Lorsque Leurs Royales Altesses,
Partout, des Sources de liesses,
Firent, en ce Lieu, leurs Ingrez :
Ayant, tant de loin, que de près,
Trouvé belle Cavalerie,
Et non moins leste Infanterie,
Qui les Enseignes déploya,
Et, comme il faut, les salua.

Les Harangues point ne manquèrent,
Que, veramente, prononcèrent
Tous les plus Eloquents de là.
Outre, aussi, ces beaux Discours là,
On fit les coutumiers Régales,
Aux dites Altesses Royales,
Qui furent, savoir à Monsieur,
De rouge et bachique Liqueur,
Et, pour Madame, de Pâtures
Qu’aiment friandes Créatures,
Qui sont Confitures, et Fruits,
Dont moi-même, avide je suis.

-On fut d'abord à Villers-Cotterêt :

Le jour suivant, le Royal Couple,
Et des plus beaux qu’Amour accouple,
Vint faire briller ses Attraits,
Au Château de Villers-Cottrets :
Dont les Citoyens, je vous jure,
Tous ravis en telle Aventure,
Firent voir de dignes Transports.

Je l’écris sur de bons Rapports,
Mais, sans lesquels, je pourrais croire
Ce qu’ici, je mets à leur Gloire :
Sachant, dès longtemps, pour Monsieur,
Quel est leur zèle, et leur ardeur.

-Le roi vint les trouver dans ce premier château :

Le Roi, qui, beaucoup, considère
Monsieur, son digne unique Frère,
Et voulait, aussi, faire honneur,
À Madame, sa Belle Sœur,
Fut, Samedi, tout à fait, vite,
Les visiter au susdit Gîte.

Or Dieu sait quel ravissement,
Quel transport, quel plaisir charmant,
On sentit, et de part, et d’autre :
Et, Lecteur, le Sentiment vôtre,
Etant le mien dessus ce Point,
Je crois que vous ne doutez point
Que si ce magnanime Sire,
Digne d’un Monde, pour Empire,
Fut content de sa Belle-Sœur,
Ainsi qu’il le fut, pour le sûr,
Ladite Princesse accomplie
Ne fut pas moins, aussi, ravie,
De voir un Roi fait comme Lui,
Plus grand que tous ceux d’aujourd’hui,
Et que tous ceux de qui l’Histoire
Fait vivre, encore, la mémoire,
Depuis des Siècles maints, et maints,
Que sont morts ces fameux Humains.

-La compagnie se dirigea ensuite vers Crépy-en-Valois où il furent accueillis avec tous les honneurs :

Le lendemain de l’Entrevue,
Madame, partout, bien venue,
Passa par Crépy-le-Valois,
Où les Bourgeois, très francs Gaulois,
Reçurent l’une et l’autre Altesse,
Avec d’autant plus d’allégresse,
Que, ce m’a dit un nommé Luc,
Ils n’avaient point vu, là, leur Duc,
Depuis la Reine Marguerite.

-Le voyage se poursuivit jusqu'à Chantilly où une grande fête fut donnée. Elle comprit notamment une représentation théâtrale : la Fille Capitaine de Montfleury (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b86221054).

D’Illec, on prit la route, ensuite,
Du beau Séjour de Chantilly,
Où, je pense, avant jour failli,
Monsieur, et Madame arrivèrent,
Et, là, n’en doutez point, trouvèrent
De beaux et superbes Apprêts
Qu’on n’avait pas faits sans grands frais,
Pour, à leurs Altesses Royales,
Faire des Chères, sans égales :
Les illustres Hôtes du Lieu,
Capable de loger un Dieu,
Ayant en icelle Occurrence,
Par leur grande Magnificence,
Et leur belle Profusion,
Des mieux, témoigné, ce dit-on,
La part qu’ils prenaient en la joie
Que le Ciel à la France, envoie,
Par ces Hymen si glorieux,
Qui produira maints Demi-Dieux.

Le Début de toute la Fête,
Sans qu’au détail, fort je m’arrête,
Fut ce Poème Théâtral,
Si bien écrit, si jovial,
Où chacun court, depuis quinzaine,
Savoir la Fille Capitaine,
Pièce du Sieur de Monfleury,
Auteur si galant, et fleury
En bons Morts, Pointes, Equivoques,
Dedans les amoureux Colloques,
Et dont le Style singulier
Est, à lui, tout particulier.

De l’Hôtel, la Troupe Royale,
Qui donne, au Public, ce Régale,
Ses grands Talents y déploya,
Et, ce dit-on, des mieux joua
En cette importante rencontre.

Mais je n’en vais point à l’encontre,
Car elle joue, ainsi, toujours,
Reprenons, donc, notre Discours.

-Pour finir, le couple et leur suite rejoignirent Saint-Germain-en-Laye :

Enfin, nos Majestés illustres,
À qui je souhaite vingt lustres,
C’est-à-dire, (ce qui s’entend)
Que chacun d’iceux, vivre autant,
Sont arrivés, l’âme bien gaie,
Au Château Saint-Germain-en-Laye ;
Où, des augustes Majestés,
Ils ont été félicités,
Et de cette Cour toute entière,
De qui l’allégresse est plénière,
D’avoir un Objet si charmant,
Qui manquait à son Ornement.

-Robinet ajoute quelques détails :

La Princesse avait, avec Elle,
Ce jeune Astre, Mademoiselle,
Dont la Grâce, il fait si beau voir :
Qui l’avait été recevoir,
D’une façon toute charmante,
Avec sa sage Gouvernante, [Me la Maréchale Clérembaut]
Au Château de Villers-Cottrêts [sic] :
Et, lors, par ses mignons Attraits,
Ladite Cour, plus embellie,
Se vit, de tout point, accomplie.

-Et enfin :

La grande Altesse Palatin,
De qui le Menu est si plein,
Du côté du Corps, et de l’Âme,
Et la Tante, enfin, de Madame,
Avec Icelle, était aussi :
L’ayant par un noble Souci,
Assistée en tout son Voyage,
Afin de couronner l’Ouvrage,
De ses Soins sages, et prudents,
Comme, en mes Discours précédents,
Où mes précédentes Épîtres,
Je l’ai mis en quelque Chapitres :
Si bien que c’est à ses dits Soins,
Et mes Vers en seront témoins,
Tant dedans que dehors la France,
Qu’on doit cette illustre Alliance.

-Un divertissement a été donné à cette occasion mais Robinet n'en dit pas plus : il n'y a pas assisté et n'en connaît pas "le détail".

Un Ballet, Ballet des Ballets,
Des plus longs, et des plus complets,
Pour charmer l’Ouïe, et la Vue,
Préparer pour la Bienvenue
De Madame, dans notre Cour,
Y fut dansé, le dernier jour,
Avec une Pompe éclatante,
Qui tous les Spectateurs enchante.
Lorsque le Détail, j’en saurai,
Le Lecteur j’en entretiendrai.

-Puis, sautant de ce sujet élégant à un plus trivial, il ajoute une petite historiette :

Cependant, à propos de Danse,
Il s’en fit une, en conscience,
Fort grotesque, dernièrement,
Voici le cas, brièvement.

Des Drôles, du Jus de la Treille,
Ayant vidé mainte Bouteille,
Si bien u’ils en était tous gais,
Se mirent à danser après ;
Car, comme on dit, après la Panse,
Ordinairement, vient la Danse.

Mais l’un d’eux, le mieux imprimé,
Comme ayant le plus chalumé,
Porte un grand Soufflet, en cadence,
A l’un des autres de la Danse,

Celui-ci, fort bien l’imitant,
À son Voisin, en donne autant.
À cet exemple, tout le reste,
Ainsi qu’un Mémoire l’atteste,
Se met, de même, à souffleter :

Mais un qui ne put supporter,
Cette nouvelle Momerie,
N’entendant point de raillerie,
D’une Assiette, ô piteux méchef,
Fit, à l’un des Danseurs, le Chef :
Et celui-ci, pour telle atteinte,
A fait en Justice sa Plainte,
Et, contre l’autre, ce dit-on,
Prétend une Provision.
N’est-ce pas là plaisante Danse,
Aussi bien que plaisante Instance ?

Mais, après ce Conte joyeux,
En voici de bien séditieux.

-Retour sur la petite vérole, déjà maintes fois citée jusqu'ici (voir plus haut). Elle a en fait emporté un seigneur qui avait hérité de la charge du fameux Montlouet, mentionné par Robinet le 4 juillet de cette année pour être mort d'une chute de cheval. Son successeur, en fait visiblement "Armand-Claude, seigneur d'Esclimont, marquis de Gallardon, premier écuyer de la grand écurie du roi", est également allé rejoindre ses ancêtres (et son prédécesseur) à cause de cette horrible maladie donc, mais à 27 ans ! Il était le fils de Noël de Bullion, "seigneur de Bonnelles, marquis de Gallardon, etc. président au parlement..." et était apparenté à la famille de Montlouet lui-même (Moréri, Le Grand dictionnaire historique... Tome II, Paris, Le Mercier, 1732, p.386). :

Toujours, ce Monstre redoutable,
Surtout, à tout Visage aimable,
Petite Vérole, nommé,
Est, en cette Ville, animé
À la perte des Gens de marque,
Qui, par lui, tombent dans la Barque
De Caton, Nautonier ancien,
Et des Nautoniers, le Doyen.
Claude Armand, Seigneur de Bonnelle,
Par son insulte trop cruelle,
Dimanche, ainsi, passa le pas,
Et, fut, de la Vie, à Trépas,
N’ayant pas, encore, cinq Lustres ;
De quoi, par force Gens illustres,
Il est très plaint, en bonne foi,
Et, mêmement, aussi, de moi.

Voyez que la Grandeur mondaine
Est frivole, inutile, et vaine.
À peine, hélas ! comme on le sait,
Du Défunt sieur de Montlouet,
Il possédait la belle Charge,
Que, de son long, et de son large,
Le voilà dans le Monument,
Jusques au jour du Jugement.

-Décidément, en cette période de la fin de l'automne, les "monuments", comme dit Robinet, se remplissent ! Ainsi ce Froulé est-il en fait "Charles de Froulay, [...] nommé le Comte de Froulay, Seigneur de Monflaux, de Gâtines, de Launays, de Tremblay, de Sainte-Soulaine et du Vigneau ; Chevalier des Ordres, Capitaine au Régiment des Gardes en 1639 ; Grand Maréchal des Logis de l'Armée du Roi en 1650 ; honoré du Collier des Ordres en 1661 ; et mort à Paris le 26 novembre 1671, âgé de 70 ans". Il était marié à une fille d'honneur de la défunte reine-mère, Angélique de Baudéan, laquelle ne lui survivra que de 7 ans... (Franc̜ois Alexandre Aubert de La Chesnaye-Desbois, Dictionnaire de la noblesse, contenant les généalogies, l'histoire..., Tome VI, Paris, 1773, p.734) :

Avant lui, dès l’autre Semaine,
Cloton, Parque bien inhumaine,
Avait, de son Trait, enrouillé,
Occis le Comte de Froulé,
Mais de façon plus naturelle,
Et plus excusable, pour Elle,
Car il avait les septante ans,
Où l’on n’est plus des jeunes Gens.

-Enfin, c'est un cardinal romain qui a été emporté dans le monde des ombres : les médecins n'ont rien pu faire.

Comme elle prend, tout étage,
Ainsi qu’en tous lieux, et tout âge,
Tous nos Confrères les Mortels,
Entrant dans leurs plus beaux Hôtels,
Ce laid, et terrible Fantôme,
Naguère, aussi féru à Rome,
L’Éminent Cardinal Celci :
Et, de Lambesc, on mande ici,
Que l’excellent Monsieur d’Oppède,
Quoi qu’il eût, contre elle, à son aide,
Tous les Hippocrates de là,
S’en est vu réduit à quia,
Et nonostant [sic] ses vertus mêmes,
Et tous ses mérites extrêmes,
Pour lesquels on l’avait admis,
En un haut grade chez Thémis.

-Robinet termine par une nouvelle plus réjouissante : l'éloquence du président Lamoignon. Ainsi :

Le Grand Chef qui tient sa Balance,
Au Premier Parlement de France,
Le célèbre de Lamoignon,
Charma tout le Monde, dit-on,
Ouvrant, Mardi, les Audiences :
Et j’ai su d’un Homme a Finances,
Qu’aussi Monsieur Talon parla [Avocat Général.]
Admirablement sur cela.

Mais ce n’est rien de nouveau dire,
Leurs Discours, sans cesse, on admire.

Lettre du 12 décembre 1671, par Robinet.

-Robinet lance des vivats pour l'union de Philippe et de Élisabeth-Charlotte :

Jeune et brillant Héros, Grand Philippes de France,
Que, des Lauriers de Mars, et des Myrtes d’Amour,
Tu sais bien, quand tu veux, te parer, tour à tour,
Et, des mieux, couronner ta Flamme, et ta Vaillance !

Quand LOUIS, dont l’on craint, en tous Lieux, la Puissance,
Met, au Climat Flamand, sa Valeur en son jour,
On t’y voit, comme Lui, sous le guerrier Atour,
D’un Alcide, montrer l’intrépide Assurance.

Aujourd’hui, pour finir un Veuvage ennuyeux,
Et qui privait l’État, de plusieurs Demi-Dieux,
Que tu peux lui donner d’un fécond Hyménée,

Tu fais briller tes Feux au Climat Allemand,
Et, soudain, ton heureuse et grande Destinée
T’en met, entre les Bras, l’Objet le plus charmant.

-Il continue :

Prince, voilà ce que ma Muse,
Pour ne paraître pas camuse,
En un si bel Événement,
Vous dit, Mardi, pour Compliment,
Et vous témoigner sa liesse
De voir Votre Royale Altesse
Avec le Myrte glorieux
Qui couronne ses dignes Feux :
Et voici ce qu’en même Gamme,
Elle dit, ensuite, à Madame.

-Et encore :

PRINCESSE, qui sortez du beau Sang Palatin,
De qui l’on voit sortir, par une Gloire extrême,
Des Electeurs, des Rois, et des Empereurs, même,
Ce n’était pas assez pour votre grand Destin.

Il fallait, il fallait, pour le remplir, enfin,
Qu’on mêlât ce beau Sang, avec ce Sang suprême,
Qui sait porter si haut, l’éclat du Diadème,
Qu’il n’a par-dessus Lui, que le Pouvoir Divin.

C’est le Sang de LOUIS, de ce Roi magnanime,
Que la Victoire suit, et que la Gloire anime,
Et qu’on voit au-dessus de tous les Demi-Dieux.

L’Hymen, en vous joignant à son Unique Frère,
Joint ainsi ces deux Sangs qui sont si glorieux,
Et, par cette Union, rend votre gloire entière.

-Et toujours :

Permettez, illustre Héros,
Qu’ici, pour mon Avant-Propos,
Les deux Sonnets susdits, j’emploie,
Afin que mon Lecteur les voie,
Puisque Gens assez délicats,
Les ayant lus, en ont fait cas :
Et qu’après, donc, cette Préface,
Je fasse, vite, volte-face
Vers tout Lecteur, à qui je dois,
En m’escrimant, un peu, des doigts,
Dans ma présente Épître, écrire
Ce qui me reste, encor, à dire
Sur votre grand et beau Sujet,
Depuis un mois, mon seul Objet,
Votre belle Épouse y comprise,
Que, partout, on admire, et prise.

-Ces louanges passées, notre gazetier revient plus précisément sur les suites de son récit des amours de ces princes :

Lecteur, donc, à Toi, je reviens
Continuer mes Entretiens,
Poursuivant le fil de l’Histoire
De ces Époux, couverts de Gloire ;
Et, n’y voulant oublier rien,
En ponctuel Historien,
Je reprends quelque circonstance,
Laquelle est assez d’importance,
Pour ne l’omettre pas ici,
Et vous en jugerez ainsi.

C’est que lorsque le Mariage
De ce Couple de haut parage,
Se fit à Metz, par Procureur.
En cet endroit, Vice-Monsieur, [M le Maréchal Du du Plesis Prâlin.]
On rappela l’Usage antique,
Et suivant icelle Pratique
Pour ceux qui se donnent la Main,
On donna le Vin, et le Pain,
Qui, d’Union, sont vrais Symboles :
Et j’ajoute, en peu de paroles,
Que Têtu, le Maître d’Hôtel, [de Monsieur]
Un très officieux Mortel,
(Je puis en jurer par mon âme)
Donna la Serviette à Madame :
A qui, toujours, aussi, dans Metz,
Il fit servir d’excellents Metz,
Donnant les Ordres pour sa Table,
D’une façon toute admirable.
Aussi, sans contredit, sait-on,
Qu’il fait, des mieux, sa fonction.

-Fêtes, banquets et représentation n'ont cessé de se succéder :

Je ne dois pas, non plus, omettre,
Précisément, ici, de mettre
Ce qu’on m’a dit des grands Banquets,
Qu’à Villers-Cottrêts, on a faits.

On y servit, sur dix-huit Tables,
Toujours, les Mets plus délectables,
Avec telle prolixité,
Avec telle diversité,
Avec tant de délicatesse,
Avecque tant de politesse,
Bref, avecque tant d’Ornement,
Que c’était un Enchantement.

Surtout, le Fruit, dans ces Régales [sic],
Et dans ces Chères sans égales,
Semblait un vrai Dessert de Dieux,
Lequel extasiait les Yeux,
Qui, de le voir, étaient avides.

C’était de belles Néréides,
Et de beaux petits Cupidons
Lesquels servaient tous ces bonbons,
Disposés en maintes manières,
Très galantes, et singulières,
En Carquois, Flêches, Chiffres, Cœurs,
Comme si ces Amours Vainqueurs,
Exprimant, ainsi, la Victoire
Qu’ils ont eu la charmante gloire
D’emporter sur ce Couple là,
Avaient voulu montrer par là,
Qu’elle doit, pour chose certaine,
Être, de Douceurs, toute pleine.

Or, ce fut là, le sieur Boyer,
Non pas, non, le Marche Laurier,
Auteur de tant de beaux Poèmes,
Dignes de louanges extrêmes,
Et d’un Renom, même, immortel :
Mais le Premier Maître d’Hôtel,
De chez son Altesse Royale,
Qui, des mieux, ordonne un Régale,
Et peut coucher, pareillement,
D’Esprit, voire du plus charmant,
Ce fut lui, dis-je, d’assurance,
Dans ces Convives d’importance,
Qui, ces merveilles, ordonna,
Qu’avec plaisir, chacun lorgna.

-De Saint-Germain-en-Laye à Saint-Cloud...:

Madame, à Saint Germain en Laye,
Dont le Bois nourrit mainte Laye,
Et maint furieux Sanglier,
Ayant jusqu’à Lundi dernier,
Eté pleinement divertie,
À Ballet, Bal, et Comédie,
Vint, ce jour-là, savez-vous où ?
Au riant Séjour de Saint-Cloud.
Les beautés d’illec, l’enchantèrent,
Comme ses Appas y charmèrent
Les Nymphes des Bois, et des Eaux,
Qui, de leurs Troncs, et leurs Canaux,
Par curiosité, sortirent
Quand sa venue Elles apprirent,
Par ses Précurseurs les Amours,
Qui, devant Elle, vont toujours :
Et sitôt qu’elles l’eurent vue
De tant de doux Attraits, pourvue,
Toutes, dans le ravissement,
Résolurent, conjointement,
D’aller se cultiver, sans cesse,
En faveur de cette Princesse,
Afin de paraître, à ses Yeux,
Si triomphants, si glorieux,
Plus belles, au retour de Flore,
Qu’on ne les vit, jamais, encore.
Les Zéphirs, forçant la Prison,
Où les retient l’Hiver grison,
Lui vinrent, aussi, rendre Hommage :
Et découvrant, sur son visage,
La même Jeunesse, et beauté
Qu’en Flore leur Divinité,
Ils pensèrent que c’était Elle,
Ils crurent Objet de leur amour,
Etait, en ces Lieux, de retour,
Et, bref, pour Elle, ils l’adorèrent,
Et, par leurs Soupirs, l’encensèrent.

-...de Saint-Cloud à Paris... :

Ayant fait, au Lieu que je dis,
Le Repas qu’on fait à midi,
Ainsi que Monsieur, avec Elle,
Et l’aimable Mademoiselle,
Que sa Belle-Mère, aime fort,
Vers Paris, ils prirent l’essor :
Et le soir, au bruit des Timbales,
Ces belles Altesses Royales
Arrivèrent en leur Palais,
Alors, plus paré que jamais,
Et brillant de tant de lumières,
Que, durant les Nuits les plus claires,
On en voit moins, au Firmament,
Que là, dans un Appartement.
Or, de grand nombre de Duchesses,
Et d’Illustrissimes Altesses,
MADAME y reçut les Respects :
Et, parmi ces brillants Objets,
Parut la Comtesse admirable,
Ou, pour mieux dire, incomparable,
Que l’on appelle de Brégis,
Qui gîte en ce royal Logis,
Comme Personne singulière,
Et d’un Mérite extr’ordinaire [sic].

-... Puis à Paris :

Depuis, on a vu, tous les jours,
Chez MADAME, un même Concours ;
Et, comme sur toutes les Belles,
J’allais-là, virant mes Prunelles,
Entre celles qu’on voit prime,
Et qui savent le plus, charmer,
J’aperçus cette Veuve illustre,
Si digne Ornement du Ballustre,
Et du beau Cercle de la Cour,
Pour qui ma Muse a de l’amour,
Savoir Madame de Cominge,
Qui, je pense, dessous le Linge...
Mais chût, ô Clion, n’allons pas
Jusqu’à ses occultes appas,
Sous le Prétexte de la Rime,
Qui paraîtrait peu légitime.

-...Et dans Paris, à Notre-Dame :

Mardi, de la VIERGE, un des jours,
MADAME, en Robe de velours,
Et dedans un Char magnifique,
Montrant un air tout héroïue,
Et je ne sais combien d’Attraits,
À Notre-Dame, fut exprès,
Signaler son zèle exemplaire :
Et, Lecteur, vous ne sauriez craire [sic],
Combien la Princesse ravit
Tout le grand Peuple qui la vit
De tant d’éclat environnée,
Et de tant de grâces ornée.

-...Puis dans d'autres lieux, tout aussi respectables :

L’Après-dînée, Elle, et Monsieur,
En très brillant Extérieur,
Allèrent voir leur chère Tante,
Cette Palatine éclatante,
Laquelle a formé les beaux Nœuds
Qui les rendent contents tous deux :
Et, pour couronner la Journée,
Aux Actes pieux, destinée,
Vinrent rabattre aux Jacobins, [rue St Honoré]
Les Réformés, mes bons Voisins.
La Communauté, toute entière,
Les reçut d’auguste manière,
Avecque son Prieur nouveau [le Père Penon]
Qui fit un Compliment fort beau :
Puis le Salut ils entendirent,
Et leurs Gaudez très bien, y dirent,
Pendant quoi, tous les plus Dévots
Eurent les yeux, à tout propos,
Dessus leurs Altesses Royales,
Qui, nulle part, n’ont leurs égales.
Mais voilà tout ce que j’en sais,
Et leur Chapitre est long assez.

-Des nouvelles des soubresauts de violence dans l’Empire ottoman : le frère du sultan est mort dans la capitale, visiblement assassiné. Quant à la régence d'Alger, elle se porte mal : c'est la dissension parmi les janissaires. Que le public se prépare, il verra bientôt des événements similaires sur scène : la première de Bajazet n'est plus très loin...

Le Sultan est dans Andrinople,
Soliman, à Constantinople,
Est, ce mande-t-on, décédé,
Par un violent procédé.

Les Algérois, par plus d’un Crime,
Ont changé, chez eux, le Régime,
L’Aga, cruel et peu moral,
A fait choir, à leur Général,
Qui portait fort Large Moustache,
La Tête par un coup de Hache,
Les Soldats, sans Dieu, Foi, ni Loi,
Ont même, déposé leur ROI,
Et, dans les transports de leur Ire,
Obligé le Divan d’élire
Celui d’entre eux, leur a plu,
Ayant le Pouvoir absolu.

-A l'est et au nord de l'Europe, les nouvelles ne sont pas plus rassurantes :

On craint, encor, de la besogne,
Dans l’Allemagne, et la Pologne,
De par les Turcs, francs égrillards,
Et, tout à fait, de fins Renards,

Fièvre Quartaine, toujours, serre
Le Belge tant il craint la Guerre,
Et pense voir tous ses Voisons,
Contre lui, les Armes aux mains.

Voilà l’élixir des Nouvelles,
Et n’en sachant point de plus belles,
Je vais cette Lettre dater,
Puis le repos, un peu goûter.

Lettre du 19 décembre 1671, par Robinet.

-L'actualité est toujours dominée par l'union de Monsieur et de la Palatine :

Çà, Clion, sans plus éluder,
Il nous faut, vite, préluder,
Et, puis, ensuite d’un Prélude,
Appliquer toute notre Étude
À rimer, le reste du Jour,
Présentement, tout à fait, court,
Ce que nous avons de Nouvelles
De plus fraîches, et des plus belles,
Pour divertir, quelque moment,
MONSIEUR, notre Patron charmant,
Et MADAME, aussi, son Épouse
Qui des Appas a plus de douze.

À ces deux beaux Individus,
Nos Tributs, désormais, sont dûs,
Par indivis, comme il me semble :
Car, entre ceux qu’Hymen assemble,
On voit Communauté de tour.

Mais, voilà mon Prélude à bout,
Muse, qui n’êtes point rétive,
Entrons dans notre Narrative.

-Puisque désormais Élisabeth-Charlotte est devenue Madame, femme légitime de son protecteur, c'est entre ses mains que Robinet remet ses lettres le dimanche :

Cette grande Princesse-là,
Qui fort affable me sembla,
Quand j’eus l’honneur de lui remettre,
Dimanche, en propre main, ma Lettre,
Tirent, ici, Cercle, tous les jours,
Avec les Ris, et les Amours :
Et sadite Royale Altesse,
Qui remplit la Cour, de liesse,
Y charme tout, par ses Attraits :
Qui (pour en tirer quelques Traits)
Sont une fine Tresse blonde,
Du plus beau blond cendré du monde,
Et dont l’épaisse quantité
Fait une seconde beauté.
Des Yeux brillants, dont la structure,
Est un Chef d’œuvre de Nature.
Une Bouche dont les Dehors,
Et les Dedans, sont des Trésors
De Pourpre, et de Nacre, éclatante,
Si qu’elle est, doublement, charmante,
Un Teint blanc, et poli, sans fard,
Et sans aucun secours de l’Art.
Un Taille aisée, et mignonne,
Et, bref, de toute sa Personne,
La bonne Grâce, et le grand Air :
Outre un Esprit qui va du pair,
Avec tous ces beaux Avantages,
Qui sont les rares Apanages
Dont l’ont partagée, et des mieux,
Le Sort, la Nature, et les Dieux.

-Madame est menée à travers Paris : cette princesse étrangère doit découvrir la capitale de sa nouvelle nation de séjour et d'adoption. Ainsi :

Je continue, en mon Épître,
Encor, ici, son beau Chapitre,
En vous disant que, de Paris,
Séjour d’assez vaste pourpris,
Et, même, assez plein de Délices,
On lui fait voir les Édifices :
Et que, de ses susdits beaux Yeux,
Si charmants, et si radieux,
Elle a vu la Place Royale,
Que pas une Place n’égale,
En nul de tous les Lieux divers
Qu’enserre le grand Univers,
Et, même, aussi, les Tuileries,
Qui, bien qu’à présent, peu fleuries ;
Et sans les rares Ornements,
Qu’on voit dans leurs Appartements,
Quand, avec sa Cour, notre Sire
Y vient l’Hiver, son Gîte élire,
Lui parurent de ces Logis,
Que, jadis, le rare Maugis,
Et la miraculeuse Alcine,
Produisaient d’un coup de Houssine.

-Continuant, Robinet évoque sa visite du Val-de-Grâce, qui a été bâti par la volonté de la défunte mère de son mari :

Elle a, pareillement, été,
Et, ric-à-ric, tout visité,
En ce superbe Monastère,
Où, de l’auguste Reine-Mère,
On doit, à perpétuité,
Voir éclater la Piété,
Parmi la Pompe, et la Richesse
Qu’on admire-là, sans cesse.
Les Hôtesses de ce saint Lieu,
Très grandes Servantes de Dieu,
Qui, sans cesse, y répand sa Grâce,
D’où l’on le nomme Val de Grâce,
Lui firent un Accueil charmant,
Et, d’allégresse, mêmement,
Te Deum laudamus chantèrent :
Et, puis, enfin, la régalèrent
D’une grande Collation
Toute Angélique, ce dit-on.

Ajoutons que Mademoiselle,
Presques, inséparable d’Elle,
Étant de la Visite, aussi,
La jeune Princesse eut, ainsi,
Part, avec Elle, à ce Régale :
Pendant lequel, chaque Vestale,
Inventoriant ses Attraits,
Fixa, sur Elle, ses Aspects,
Tout au moins, je le présuppose,
Et fort vraisemblable est la chose.

-La visite se poursuivit ensuite aux Feuillants :

Dimanche, elle fut aux Feuillants,
Et ces Pères qui sont si blancs,
Jusque, même, à la Conscience,
Et ne manquent, point de Science,
La reçurent en noble arroi,
Même, avec harangue, je crois,
Que Dom Prieur qui sait en faire,
Autre part, aussi bien qu’en Chatre,
Lui fit, indubitablement,
Avecque beaucoup d’agrément :
Car je sais comme il se démêle
De tels Discours, lorsqu’il s’en mêle.

-Bien évidemment, Saint-Cloud, lieu de résidence principal de Philippe, ne fut pas oublié :

Derechef, Elle a vu Saint-Cloud,
Où les Cascades font glou-glou,
Où chaque Salle, et chaque Chambre,
Sentant la douce odeur de l’ambre,
Et tout le riant Contenu
De ce Lieu bien entretenu,
Sont aux Enchantements, semblables :
Et le Roi, des plus adorables,
C’est le Grand Louis, que je dis,
Lui vint rendre, dit-on, Jeudi,
Ainsi qu’à Monsieur, en ce Gîte,
Sa très obligeante Visite,
Qui, partout, comble de Bonheur,
Ainsi qu’elle comble d’honneur.
Ah ! qu’on voudrait bien dans Lutèce
Avoir ce sujet d’allégresse.

-Le roi de Pologne, toujours dans l'entourage de la cour de France, et à qui Robinet rend ici un hommage spécial (a-t-il reçu de lui quelques subsides ?), a rencontré Élisabeth-Charlotte :

Le très sage Roi Casimir,
Dont (n’oubliant rien pour dormir)
Je conserve dans ma Mémoire,
Et, partout, dedans mon Histoire,
Les chères faveurs envers moi,
Dont, toujours, Grâces je lui dois,
Ce Prince, dis-je, des plus dignes,
Qui n’a que des Vertus insignes,
Le Mardi, vint voir, à son tour,
Ce nouvel Astre de la Cour,
J’entends la Princesse susdite :
Laquelle reçut la Visite,
Avecque tant d’honnêteté,
Qu’en un mot, cette Majesté,
Laquelle admira l’Héroïne,
En qui la Bonté prédomine,
Fort satisfaite, en retourna,
Et, bien des fois, le témoigna.

-Mais Robinet doit aussi rapporter d'autres nouvelles :

Ayant, en Écrivain fidèle,
Narré tout ce que je sais d’Elle,
Quant à présent, soit pour l’Actif,
Où soit, aussi, pour le Passif,
Je m’en vais exercer ma Rime,
Laquelle, jamais, je ne lime,
Sur les autres Nouvelletés,
Dignes des Curiosités ;
Et, voire même, je commence
Par une de haute importance.

-Aussi poursuit-il sa narration en Flandre :

Monsieur le Duc de Méclebourg,
Très estimé dans notre Cour,
Dont l’on sait bien, aussi, qu’il aime
L’auguste Porte-Diadème,
Étant allé dans ses États,
Aussi beaux qu’aucun Potentats
En possédant dans l’Allemagne,
Où régna défunt Charlemagne,
Et désirant que, dans iceux,
On rende des Honneurs pompeux
À son Épouse merveilleuse,
Et de beauté miraculeuse,
Qui fait bruit partout l’Univers,
Est venu, jusques dans Anvers,
Au devant de cette Princesse,
Par un effet de la tendresse
Qu’une si charmante Moitié
Méritait de son Amitié.

Dans toutes les Villes de Flandre,
Où (comme on me l’a fait entendre)
Cette belle Altesse a passé,
À l’envi, l’on s’est empressé,
De l’honorer, chose certaine,
Comme on aurait fait une Reine.
Surtout, au susdit Lieu d’Anvers,
Où, bref, tous les honneurs divers,
Qu’on ne rend qu’aux Têtes suprêmes,
Sur qui brillent les Diadèmes,
Ou bien, tout au plus, aux Seigneurs,
De leurs Provinces, Gouverneurs,
Lui furent rendus à merveille,
Et d’une façon non pareille,
Ainsi qu’au Prince, son Epoux.

Tout le Canon fit bou-dou-doux [sic],
Étant (point ici, je m’emballe)
Chargé, comme il le faut, à balle,
À leur Entrée, et leur Départ :
Et la Garnison, d’autre part,
Joignit, avec l’Artillerie,
Le bruit de l’Escopèterie.

Item, Monsieur le Gouverneur,
Qu’on tient pour un Homme d’honneur,
Les convia de belle sorte,
Avec Madame sa Consorte,
À venir loger au Château :
Et leur y fit un grand Cadeau,
Où, d’autant qu’il était jour maigre,
Ce m’a dit certain Homme allègre,
On vit, avec étonnement,
Que vous aurez pareillement,
Apporter, en vingt beaux Services,
Depuis les rouges Écrevisses,
Jusqu’aux Poissons plus monstrueux,
Qu’on puisse lorgner des deux yeux.

Mais qui plus est, le Corps de Ville
Vint, d’une façon bien civile,
Leur faire là, le Compliment,
Et les Régales, mêmement,
De Vin, Confitures, et Cire,
Et c’est, ce me semble, tout dire.

-Le cardinal de Bouillon a été nommé Grand Aumônier de France.

Le Grand Cardinal de Bouillon,
À qui le sacré Vermillon
Sied mieux qu’à pas une Éminence,
Est le Grand Aumônier de France.

Notre ROI, notre sage ROI,
N’a pu remplir ce grand Emploi,
Après le Cardinal Antoine,
D’un Sujet qui fût plus Idoine,
Que ce beau Prince purpuré,
De tant de Vertus décoré,
Outre celles de l’Ecarlate,
Qui sans qu’aucun brin, on le flatte,
L’Eglise n’a point d’Ornement
Et plus illustre, et plus charmant.

Il a, pour la Charge susdite,
Si convenable à son Mérite,
Naguère, le Serment prêté,
Dans les Mains de Sa MAJESTE,
Comme, aussi, pour cette autre, encore,
Qui, des mieux, vraiment, le décore,
De Commandeur du Saint Esprit,
Dont le ROI le Cordon lui mit,
Avec grande Cérémonie,
Devant très belle Compagnie :
Et, depuis, de toute la Cour,
Il en a reçu, chaque jour,
Compliment de Conjouissance,
Comme à sa vermeil Eminence,
Je le fais en particulier,
Avec un plaisir singulier.

-Enfin, d'autres nouvelles des grands terminent cette lettre :

Le Comte d’Auvergne, son Frère,
Qui, dans la belliqueuse Spère,
Sait, de Lauriers, faire Moisson,
Fut, l’autre jour, dans Bergopsom,
Reçut de façon cordiale,
Aussi bien que très martiale,
Par les Bourgeois gros, et menus :
Qui lui rendant les honneurs dûs,
De leur Marquis, tous, le traitèrent,
Les Canons, et Mousquets tirèrent,
Et firent, bref, tout leur pouvoir,
Afin de le bien recevoir.

De Marsillac, le brave Prince,
Gouverne la belle Province
De Berry, par l’ordre du ROI,
Depuis le subit désarroi
Du Compte de Lauzun, qui montre
Que la Fortune, est pour, et contre,
Et précipite, bien souvent,
Les Mondains, en les élevant.

Lettre de courant décembre 1671, par Mayolas.

-Voici la dernière lettre de Mayolas que nous possédons : elle reprend la plupart des nouvelles auparavant rapportées par Robinet.

Grand Monarque, toute la Terre
(Sur le simple bruit de la Guerre)
Vous offre le coeur et les bras,
Des Cavaliers et des Soldats ;
Quoi qu’on sache bien que la France
Fournit des gens en abondance,
Et que dans les occasions
En donne aux autres Nations,
Puisque les Français ont la gloire
D’être suivis de la Victoire,
Mais il en vient de toutes parts,
Italiens et Savoyards,
Anglais et Portugais et Suisses,
Composant des bonnes milices,
Prétendent parmi nos Guerriers
Cueillir ensemble des Lauriers.
Ils sont tous remplis de courage,
Sachant bien qu’ils ont l’avantage
De servir dans leur bel emploi
Pour un Conquérant, pour un Roi,
Qu’aucun ici bas ne seconde,
Digne d’être le ROI du Monde.

Cet Article est fait tout de bon
Pour le Cardinal de Bouillon,
Et je dis avec assurance
Qu’il est grand Aumônier de France :
Le ROI plein de vives clartés
Sachant les belles qualités
De ce Prince savant et sage
Et très éminent personnage,
En a fait le choix justement
Avec grand applaudissement :
La Cour, Paris, toute la France
En montre sa réjouissance,
Aussi bien que tous ses parents,
Et les petits comme les grands.
Entre les mains du ROI suprême
(Qui l’estime fort et qui l’aime) [Commandeur de l’Ordre du S. Esprit.]
Ces jours passés il a prêté
Deux serments de fidélité
Pour cette Charge grande et belle
Et pour une autre jointe à elle,
Le Cordon bleu pareillement
Qu’à la marge on voit amplement.
Cette Altesse très signalée
Ayant été toujours zélée
Et pour l’Eglise et pour l’Etat
Fera sa Charge avec éclat :
Comme on connaît bien son mérite,
Tout le monde l’en félicite.

-Retour sur la duchesse de Richelieu et sa nouvelle charge de dame d’honneur de la reine, éléments mentionnés par Mayolas dans sa lettre du début décembre :

La Duchesse de Richelieu
Qui sort d’un très illustre Lieu,
Étant depuis mainte semaine
Dame d’Honneur de notre REINE,
A prêté solennellement
De fidélité le serment,
Avecque beaucoup d’allégresse,
Entre les mains de sa Princesse ;
Son zèle et son affection
En font fort bien la fonction
Au gré de l’Auguste THERESE,
Dont toute la Cour est bien aise.

-Le roi à fait donner le bal à la cour :

Le ROI très Juste et Libéral,
Ces jours passés donna le Bal
Dans une Salle bien parée
Et superbement éclairée,
Aux plus beaux Astres de la Cour,
Dont ce Soleil produit le jour ;
Notre auguste et charmante Reine,
Belle et pieuse Souveraine,
Et le Dauphin doux et charmant
Y parurent Royalement,
Ainsi que Monsieur et Madame,
Unis d’une parfaite trame,
Avec Mademoiselle aussi,
Que je n’omettrai point ici :
La parure et la politesse,
La galanterie et l’adresse,
Le maintien, la grâce et les pas,
Étalèrent là leurs appas,
Car chacun marchait en cadence,
Et n’omettait rien à la danse.
Après ce plaisir ravissant,
On servit somptueusement,
Et d’une façon libérale,
Une Collation Royale,
Qui termina fort galamment,
Ce noble Divertissement.

-Quelques nouvelles religieuses suivent cette nouvelle mondaine : d'abord, un évêque sacré à Langres... :

De Langres, le fameux Évêque,
Fut sacré par un Archevêque,
L’Illustre Archevêque de Reims,
Animé de pieux desseins,
Deux Prélats de haute importance,
Donnaient alors leur assistance,
Savoir, et d’Uzès et d’Autun,
Dont le mérite est non commun ;
Magnifique fut l’Assemblée,
La Reine même étant allée
Aux Récollets de Saint Germain
Où se fit ce sacre divin ;
Le Gardien du Monastère,
Aussi pieux qu’il est austère,
Avec ses bons Religieux
Joignit ses désirs et ses voeux,
Durant cette Cérémonie
Faite en très bonne Compagnie.

-... Puis, une abjuration a été faite devant l’archevêque de Paris :

Notre Archevêque de Paris,
Un de nos plus rares Esprits,
Dont la piété, la science
Répond à sa haute naissance,
A reçu l’abjuration
Avec édification
Du brave Comte de Linange,
Digne d’estime et de louange,
Puisqu’il a pris le bon parti,
S’étant bravement converti ;
Aussi tout le monde l’admire,
Et chacun peut hardiment dire
Que cette pieuse action
Le met dans la perfection.

-Mayolas revient ensuite à Versailles, où il donne des nouvelles de l'avancement des travaux relatifs à la décoration intérieure :

Avant que d’avancer ma Lettre,
Je dois écrire et je puis mettre
Qu’à Versailles incessament
On travaille si promptement
Que de Setuc tous les Ouvrages
(Faits par d’habiles Personnages)
De chaque vaste Appartement,
Sont dans leur accomplissement ;
De sorte que je puis bien dire,
Puisque tout le monde l’admire,
Que cela paraît rare et beau
Dans ce magnifique Château,
Où la diligence et l’adresse
Travaillent avec politesse :
Ajoutons que ceux des Gaspars,
Brillent par là de toutes parts,
Et c’est dommage que ces hommes
(Estimés au Siècle où nous sommes)
(Comme Grenoble) n’aient été
À Rome fameuse Cité ;
Sans doute ils feraient des merveilles
Par leurs adresses nonpareilles,
S’il avaient pendant quelque temps
Et l’espace de plusieurs ans
Considéré ce qui s’y passe,
Des premiers ils tiendraient la place.

-Il évoque à son tour et une dernier fois la révolte arabe en pays ottoman et la mort du frère du sultan dans des conditions plus que suspectes. La sultane-validé se serait enfuie... Cela ne présage rien de bon :

Les Arabes (sans dire Amen)
Ont déjà pris Jérusalem
Et saccage[nt] ladite Ville,
En beautés et trésors fertile ;
On assure aussi que ce coup
Épouvante, étonne beaucoup
Le Grand Seigneur où sa Hautesse,
Et plonge son coeur en tristesse,
Sur certaine prédiction
Qui lui promet sans fiction
La ruine de son Empire
(Ce qui ne serait pas le pire)
Par la prise de la Cité
Dont le nom est plus haut cité :
Mais on n’ajoute à ces nouvelles
(Que l’on estime telles quelles)
Que le grand Turc assez hautain
Tient les deux Frères en sa main,
Cela veut dire en sa puissance,
Et mainte Lettre encore avance
La mort de l’un, non sans soupçon
De violence ou de poison,
Que la Sultane a pris la fuite
Et gagné soudain la guérite,
Se promenant par-ci, par-là.
De tout ceci, de tout cela,
Vous croirez ce qui bon vous semble,
Car ces Mémoires que j’assemble
Sur le bruit et sur le rapport
Des gens que l’on ne croit pas fort,
J’entends des Turcs, des Infidèles
Sont souvent de fausses nouvelles.

-A la suite de Robinet, Mayolas mentionne les déplacements de Madame dans Paris (à Notre-Dame notamment) :

Après qu’à la Ville et qu’aux champs,
En divers lieux fort importants
On a bien régalé Madame,
Elle s’en vint à Notre-Dame
Le jour de la Conception
Y montrer sa Dévotion ;
Et tous ceux qui s’y rencontrèrent
En la regardant l’admirèrent :
Plusieurs grandes Principautés
Accoururent de tous côtés
Pour avoir l’honneur de sa vue
Aussitôt qu’elle fut venue,
Et lui firent leur compliment
Qu’elle reçut civilement
Et répondit en notre Langue
À mainte éloquente harangue.
Ses vertus, ses beautés, son prix
Méritent place en mes écrits,
Puisque d’un air incomparable
Et d’une manière agréable
Elle reçut à Saint Germain
Ma Lettre de sa propre main,
Ainsi que Monsieur Frère unique
De Notre Monarque Héroïque.

-Puis il évoque également la nommination de Marcillac au gouvernorat du Berry :

J’appris hier du brave Souillac
Que le Prince de Marcillac,
(Digne Fils d’un illustre Père
Que toute la Cour considère
Pour ses rares perfections,
Et pour ses belles actions
Qu’en notre Histoire l’on remarque ;)
A reçu de notre Monarque
Le Gouvernement du Berry,
De quoi je ne suis point marri ;
Ce Prince rempli d’un beau zèle
A prêté le serment fidèle
Entre les mains de mon grand Roi
Qui sait son mérite et sa Foi.

-Enfin, c'est sur une célébration religieuse que se termine cette ultime missive : la fête de Saint Lazare. Ainsi :

Jeudi, Fête de Saint Lazare,
D’une façon pompeuse et rare
Que tout le Monde approuvera, [Dit des Billetes (sic).]
Aux Carmes on la célébra
Par le concert et la Musique,
Par un docte Panégyrique
Fait par un de nos beaux Esprits,
Connu par ses divers Écrits
En science et vertu fertile
Que l’on nomme de Hauteville,
Mais le Marquis de Nerestang [sic]
Qui tenait là le premier rang,
Étant grand Maître de cet Ordre,
(Où toutes choses vont dans l’ordre) [De Mont-Carmel et de S. Lazare de Jérusalem.]
Régala bien ces Chevaliers
Dont les talents particuliers
Font paraître avec avantage
Leur piété et leur courage.

-Et la date de cette dernière missive :

Écrit le jour de Saint Thomas
Où l’on voit les jours au plus bas.

Lettre du 26 décembre 1671, par Robinet.

-Quant à la dernière lettre de Robinet (mais seulement pour cette année 1671), elle revient nécessairement sur les épousailles de Monsieur et Madame :

Héros brillant, heureux Époux,
Beau Prince, de qui Mars, Amour, et l’Hyménée,
Rendent, également, le Sort illustre, et doux,
Je sais bien qu’en cette Journée,
Je dois poétiser pour Vous,
Le Matin, et l’Après-dînée.

C’est à quoi, je vais m’employer,
Sous la Direction de Phébus qui m’inspire,
Afin de mériter le précieux loyer
Qui me revient de vous écrire :
Et, sans, un moment, délayer,
Voici ce qu’il vous plaira lire.

-Et encore :

Vous ne verrez rien de nouveau
Dedans le Chapitre assez beau,
Par qui je commence ma Lettre :
Mais, mon Héros, je dois le mettre,
Pour continuer, ric-à-ric,
D’informer Monsieur le Public,
Touchant la charmante Princesse
Qui, de Votre Royale Altesse,
Est le très aimable Moitié
Très digne de son Amitié.

-Robinet évoque à nouveau les déplacements de et les divertissements offerts à Madame :

Prenant, donc, ainsi, ma Carrière,
D’abord, sur si belle matière,
Et qui ravit tout Lecteur mien,
Lequel aime tel Entretien,
Je dis que Sa Royale Altesse,
Qu’on tâche à divertir, sans cesse,
En la menant en tous les Lieux
Plus riant, et plus spécieux,
Alla voir, Vendredi, Versaille [sic] :
Après qui, quelque part qu’on aille,
On ne peut rien voir, certes, non,
De plus superbe, et plus mignon.

Or, Dieu sait si l’on lui fit Chère,
Ainsi qu’il fallait la lui faire,
Et si, du Puissant Demi Dieu,
Propriétaire de ce Lieu,
Elle ne fut pas là, reçue,
Comme une illustre Bienvenue.
Illec, il la mena, partout,
De l’un jusques à l’autre bout,
Et cette Perle des Charlottes,
En vit les ravissantes Grottes,
Dont les plus célèbres Sculpteurs
Ont été les Décorateurs,
Les beaux Jardins, où les Naïades
Font merveille avec les Dryades,
Le Théâtre d’Eau, Trianon,
Encor, autre Bijou mignon,
Et la grande Ménagerie,
Qui vaut une Trésorerie,
Tant, pour l’Utile, et le Plaisant,
On y voit de tout à présent.

-Continuant :

Dimanche, ici, dans sa Demeure,
Tout à fait Royale, ou je meure,
Par ses précieux Ornements,
Elle reçut les Compliments
De la Maldachine Eminence,
Qui, de civile contenance,
En sa Langue, s’en acquitta :
Et bien du Monde l’écouta,
Y comprises beaucoup de Belles,
À qui peu de Cœurs sont rebelles,
Lesquelles formaient tout autour,
Comme un brillant Cercle d’Amour.

En ce Cercle, Mademoiselle,
Et sa jeune Sœur, proche d’Elle,
Mademoiselle de Valois,
Qui, sous les amoureuses Lois,
Rangeront bien des Cœurs illustres,
Avant qu’elles aient trois Lustres,
À côté de Madame, étaient,
Et, comme de raison, primaient.
Ces belles petites Déesses,
Avaient, aussi, près Leurs Altesses,
Alors, en de riches Atours,
Maints autres femelles Amours,
Chacun, environ, de leur âge,
Et d’un sublime Parentage,
Qui, dans le grand Cercle, brillaient,
Et, dignement, même, en formaient
Un autre, comme en Miniature,
Des plus charmants, je vous le jure.
Mais, au Grand Cercle, revenant,
Je dois ajouter, maintenant, [Madame la Duchesse de Wirtemberg]
Que d’une Duchesse Allemande,
Avec application grande,
La Fille, chacun admirait,
Pour les Attraits qu’elle montrait,
Et que moi-même trouvai dignes
Que j’en parlasse en quelques lignes
De la mienne Narration.

Deux autres de sa Nation,
Et, de Madame, deux des Filles, [d’Honneur.]
Qui sont des meilleures Familles,
Dont l’une s’appelle Hindreson,
Et l’autre, Villanove a nom,
Toutes deux, grâce à la Nature,
De haute, et mignonne stature,
L’une plus grasse, et l’autre moins,
Et (dont j’aurais plusieurs Témoins)
L’une brune, et l’autre blondine,
Toutes deux de doucette Mine,
Plus ouverte à l’Une, pourtant,
Et l’autre plus fine l’ayant.

Ces deux Filles d’Honneur, vous dis-je,
Dont, pour l’Histoire, je rédige
Dedans ces Rimes, tous les traits,
Qui peuvent faire leur Portrait
Etaient de ladite Assemblée,
De tant de beau Monde, comblée.

Or, outre ces deux Filles-là,
Une troisième parut-là,
Laquelle n’est point Allemande,
Mais, à ce qu’on m’a dit, Flamande :
Qui peut s’attirer bien des Vœux,
Par ses bruns, mais très beau Cheveux,
Par ses Yeux qui, pleins de lumière,
Rompent à chacun, en visière,
Par son Nez, qui des mieux formés,
Est des plus dignes d’être aimés,
Par sa Bouche, où l’on voit, me semble,
Le Corail, et la Nacre, ensemble,
Par son Teint de Rose et de Lys,
Des plus fins, et des plus unis,
Par la rondeur de son Visage,
Entièrement digne d’Hommage,
Par une certaine Douceur,
Toute propre à ravir un Cœur,
Par sa Taille, et par tout le reste :
Et ces Objets, presque, céleste,
A Nom Mad’moiselle de Lans,
Qui cadre bien avecque Lens,
Ville, comme Elle, aussi, de Flandre,
Qui causa le mortel Esclandre
Du feu belliqueux Gassion,
Et je pense, sans fiction,
QU’elle n’est pas moins meurtrière
Que ladite Ville guerrière.
De la quatrième, Lecteur,
En très ponctuel Relateur,
Je ferais, aussi, la Peinture
Suivant, trait pour trait, la Nature,
Mais je ne l’ai point vue, encor,
Ainsi je poursuis mon essor,
En continuant mon Epître,
Par cet autre suivant Chapitre.

-Les jours suivants n'ont été que fêtes et collations en pompeuse compagnie. Ainsi :

Lundi dernier, et le Mardi,
Et, mêmement, le Mercredi,
L’une et l’autre Altesse Royale,
Eurent, encor, un grand Régale
De Harangues, et Compliments,
Des plus doux, et des plus charmants,
Avecque force Révérences,
Que, dans diverses Audiences,
Leur firent, en suivant leurs Rangs,
Les Ambassadeurs, Résidents,
Et d’autres Personnes Publiques,
Agents des Rois, et Républiques,
Par le Sieur Saint Laurent, conduits,
Introducteur des mieux instruits,
Et qui, de cet Emploi, s’acquitte
D’une façon qu’il en mérite
Applaudissement, gloire, honneur,
De chacun, comme de Monsieur,
Près duquel, de ce bel Office,
Ou bien Charge, il fait l’exercice.
Madame, en cette Occasion,
Sur sa grande Estrade, dit-on,
Et dessous un Dais magnifique,
Parut d’un air tout Héroïque,
Entourée, encor, de Beautés,
Qui semblaient de vrai Déités,
Dont les yeux clairs comme des Astres,
Féconds en amoureux Désastres,
Déployaient là, de la Clarté,
Avec, presque, une infinité
De vastes et superbes Lustres,
Qui, dessus l’Argent des Ballustres,
Et dans les Glaces, redoublaient,
Les feux brillants qu’ils produisaient.
Car la Nuit couvrait l’Hémisphère,
Quand ces Compliments l’on vint faire
À Madame, sur son Hymen,
Que le bon Dieu bénisse, Amen.

Si j’eusse admis là, ma Présence,
Avec un peu plus de Science,
Et, même, aussi, plus amplement,
J’en jaserais, ici, vraiment,
Et déduirais, au moins, des Belles,
Qu’auraient lorgné mes deux Prunelles,
Les Noms, et les brillants Appas,
Mais, par malheur, je n’y fus pas.

-Pour les fêtes de Noël, le couple nouvellement uni a fait montre de sa dévotion :

Le jour de Noël, et la Veille,
Madame, dévote à merveille,
Avec Monsieur, si bon Chrétien,
De son Devoir, s’acquitta bien,
Et, dans maint et maint sacré Temple,
Sa Piété servit d’Exemple :
Ayant aux Messes de Minuit,
Que, dans l’Oratoire, Elle ouït,
Reçu, dans sa blanche Poitrine,
La Haute Majesté Divine.

-Quant au roi et à la reine, ils n'ont pas vécu de moments différents à Saint-Germain-en-Laye :

De vous dire qu’à Saint-Germain,
Leurs Majestés, pour le certain,
Ont fait toute la même chose,
Ce n’est à pas un, Lettre close :
Et l’on sait bien qu’en pareils jours,
Ces beaux Couronnés sont toujours,
De leur Sujets, le grand Modèle,
Ce n’est, donc, pas une Nouvelle.

Ce n’en est, non plus, une aussi,
De vous aller marquer Ici,
Que Mascaron, qui doit, de Tulles [sic],
Aussitôt qu’il aura ses Bulles,
Être le digne Episcopus,
A prêché si bien que rien plus,
L’Avant, devant leur Cour Royale :
Car on sait comme il la régale
De l’exquise Mane des Cieux,
Dans ses Sermons délicieux.

Mais puisqu’on en veut, des Nouvelles,
L’aliment de mainte Cervelle,
En voici, Lecteur, en voici,
Dont j’ai, d’effroi, le cœur transi.

-De l'Empire ottoman, les nouvelles ne sont décidément pas bonne : ici, un empoisonnement...

Un Favori de la Sultane,
Princesse fort Mahométane,
But, l’autre jour, mal à son gré,
Et, sans du tout, être altéré,
À la santé de Sa Hautesse,
Et, par son Ordonnance expresse,
Certain breuvage empoisonné,
Dont il mourut, fort étonné.

-...Et là, un fraticide (encore un) : tous les ingrédients de Bajazet que l'on va voir dans quelques jours. Ainsi :

Par un semblable Mortifère,
Du Sultan, un troisième Frère,
S’est vu, de même, expédié,
Et de la Cour, congédié.

Un bruit, courant la prétentaine ;
En la précédente semaine,
Disait que c’était Solyman,
Mais c’était Conte de Roman,
Ainsi qu’un autre avis le porte,
S’il ment, aussi, je m’en rapporte.

Mais il ajoute que le Mort
Était redouté bien plus fort,
De Sa Hautesse dessus dite,
D’autant qu’il avait du mérite ;
Et plus que lui, les qualités,
Propres aux Souverainetés,
Au lieu que l’autre est un Landore.

Par là, ce dit l’Avis, encore,
La Sultane, laquelle fuit,
Voit son puissant Parti détruit :
Et le Grand Seigneur, tout en fête,
Va remonter dessus sa Bête,
Dedans Constantinopolis,
Où l’on révère fort les Lys.

-Dans les grandes îles qui bordent la péninsule italienne, ce n'est pas mieux mais cela est probablement du à des problèmes de climat. Le manque de grain empêche, comme le dit Robinet, les uns et les autres de faire leur "quatre repas" quotidiens... :

Dans la Sardaigne, et la Sicile,
À chacun, il n’est pas facile
De faire ses quatre Repas ;
Et tel, le plus souvent, n’a pas
La faculté d’en faire un, même,
Tant, las ! leur disette est extrême,
Et tant jusqu’aux plus Gens de Bien,
Manque le Pain quotidien,
Faut de blé, et de farine,
Ce qui fort, ressemble à Famine.

-L'année 1671 se conclut par une mention qui permet de comprendre que Monsieur se déplacera bientôt à Paris. Ainsi :

Charmant HÉROS, à qui j’écris,
DIEU nous en préserve à Paris,
Et, dans sa Garde, aussi, vous tienne,
Je vais finir par cette Antienne.

PAGE EN COURS D’ÉLABORATION (D.C.)

(Textes sélectionnés, saisis, réunis et commentés - sauf mention contraire - par David Chataignier à partir des gazettes composées par Charles Robinet et La Gravette de Mayolas au cours de l'année 1671. Les gazettes de Robinet (Lettres en vers à Monsieur du 3 janvier au 26 décembre) sont réunies dans le volume conservé sous la cote 296 A-5 à la Bibliothèque mazarine. Les épîtres de Mayolas (Lettres en vers et en prose au roi) sont conservées à la Bibliothèque de l'Arsenal sous la cote RESERVE FOL- BL- 1126.)




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