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Les spectacles et la vie de cour dans les Continuateurs de Loret en 1674


Cette page constitue une des composantes de la documentation sur LES SPECTACLES ET LA VIE DE COUR SELON LES GAZETIERS (1659-1674)

PAGE EN COURS D’ÉLABORATION (D.C.)

Lettre du 6 janvier 1674, par Robinet.

-Comme certains des passages précédemment mentionnés pour l'année 1672, celui de cette lettre se trouve uniquement dans l'ouvrage manuscrit de Thomas-Simon Gueullette, Histoire du théâtre italien (voir http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531009823/f45.image) :

Les grands acteurs Italiens
Aimés de tous joyeux chrétiens
Par leur jeu plaisant, et folâtre
Donnent sur le même théâtre
La Semaine qui vient je crois
Un grand Spectacle en bonne fois.
Défunt Héraclite en personne
Y rirait, Dieu me le pardonne
Et Démocrite y crèverait
De rire, tant il y rirait.
Sans m'étendre sur tout le reste,
C'est le franc Baron de foeneste
Qui pour paraître faisait tout
Et qu'Arlequin de bout en bout
Représentera dans la pièce.
Ce sera donc pleine allégresse.

Lettre du 10 février 1674, par Robinet.

-Encore un passage issu du manuscrit de Gueullette, sur la même page que le précédent (voir http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531009823/f45.image) :

Un billet obligeant m'apprend
Qu'aux Italiens on m'attend
Pour voir le Baron de foeneste,
Qui selon que chacun atteste
Est un spectacle assez charmant,
Et même où l'on rit pleinement.

Lettre du 7 avril 1674, par Robinet.

-Robinet souhaite que les vers qu'il consacre à ses protecteurs soient entendus de par le monde :

Altesses Royales que j’aime,
Sans doute, à l’égal de moi-même ;
Et par Phoebus j’en puis jurer,
Sans qu’il faille m’en parjurer,
Puisque n’ayant, dans la Semaine,
Que ce jour pour reprendre haleine
D’un assez pénible labeur,
Je vous le donne de bon cœur.

Grand Couple, pour plus dire encore,
Que je regarde, et que j’adore,
Sous le brillant Lambris des Cieux,
Comme mes Tutélaires Dieux,
Voici, sans un plus long langage,
Mon nouvel et très humble hommage,
Ou nouveau Tribut de mes Vers,
Qui vont, en tous les temps divers,
Jusques dans les Pays étranges,
Chanter vos très justes louanges.

-Et continuant :

Après ce petit Compliment
Tel qu’on voit ordinairement,
Que j’en fais pour Préliminaires
De mes discours épistolaires,
Par reconnaissance, et respect,
Ma Muse tourne son aspect,
Sous vos favorables auspices,
Vers mes Lecteurs, et mes Lectrices,
Pour leur narrer les nouveautés
Qu’on apprend de plusieurs côtés.

Car, quant à vous, peu de ces choses
Vous sont, sans doute, lettres closes,
Et je ne les sais qu’après vous.
Ainsi, quand d’un accueil si doux,
Vous honorez les miennes Rimes,
Quoi que de l’Ordre des Minimes,
Ce n’est pas pour y trouver rien
Que vous ne sachiez et très bien.

Mais c’est par une bonté pure,
Et vous n’en faites la lecture,
Tout au plus, que pour voir comment
Je débite un Événement.

Mais, sus, commençons notre Bulle,
J’ai fait un second Préambule,
Sans y penser, voire, plus long
Que le premier, ouï tout de bon.

-Les affaires de Pologne occupent le devant de la scène, depuis bien un ou deux ans. Ainsi :

Ceux qui, de monter, ont envie,
Dessus le Trône, à Varsovie,
Y font jouer tous les ressorts,
Et couler, mêmes, des Trésors,
Afin de gagner les suffrages.

Mais, au dire de Personnages
Qui savent bien l’air du Bureau,
Ce Siège Royal et si beau,
Ne sera point le prix des Brigues,
Des Cabales, et des Intrigues,
De plusieurs Princes Jouvenceaux,
Lesquels sont trop peu martiaux,
Trop peu versés dans la pratique
Du grand Art de la Politique,
Et, n’étant pas, d’Écus, cousus,
Sont, même, aussi, trop peu Crésus.

-Les candidats sont les suivants :

Sur ce pied, je n’en vois, donc, guère, [Le Prince de Danemark, le Duc de Neubourg,]
Qui ce Trône, à bon titre, espère, [l’Électeur de Brandebourg, le Prince de Lorraine,]
J’entends des Candidats présents [le Prince moscovite, et le Prince Ragotski.]
Qui nous paraissent sur les rangs,
Et dont vous pouvez, à costière,
Voir la Liste, ici, toute entière.

-Ces affaires concernent donc de nombreux pays et les relations internationales sont tendues :

Pour l’Électeur de Brandebourg,
J’entendais dire, l’autre jour,
Que pour raison de sa créance,
Il en a perdu l’espérance.

Quant au Prince Charles Lorrain,
Il va toujours le même train :
Et couche, dit-on, de largesses
Et de plantureuses promesses,
Lève des Troupes, mêmement,
Et n’omet rien, finalement,
Afin d’enfiler la Couronne.

Mais on répond à sa Personne,
En lui parlant franc sur ce point,
Qu’en Pologne, l’on ne veut point
De Roi qui prou ni peu dépende,
(Afin que ce Prince l’entende)
De notre Cousin l’Empereur.

D’autre part, vous saurez, Lecteur,
Sans que rien ici, je suppose,
Que la Suède, aussi, s’oppose,
Tout net, à son Élection,
Ainsi qu’à celle, ce dit-on,
Du Prince de la Moscovie,
Où d’aller, je n’ai nulle envie,
Et du Prince de Danemark,
Lequel, d’or, offre maint bon marc.

De plus, la Polonaise Armée,
Et la Noblesse est gendarmée
Contre la même Élection,
Ailleurs, j’en ai fait mention.

-Après un passage concernant les Turcs et leur prétention au trône de Pologne - mais sans passer par l'élection -, l'Europe bruisse de la rumeur de la guerre :

Tout se prépare pour la Guerre,
Tant sur la Mer, que sur la Terre,
Entre nous autres les Français,
Amoureux et friands d’Exploits,
Et les Allemands, d’Allemagne,
Les Espagnols, aussi, d’Espagne,
Et les Belges, leurs chers Amis.

Mais ce grand Trio d’Ennemis,
Aucunement, ne nous étonne,
Et de quelque côté qu’il tonne,
Mars, et la Victoire, je crois,
Seront pour notre Auguste Roi.
Toujours, pour eux, rempli de charmes :
Et la Justice de ses Armes,
Que l’on doit, partout, redouter,
M’empêchent bien fort, d’en douter.

-Tandis que les Impériaux semblent disposés à faire passer la négociation avant le fracas des armes, d'autres voudraient embraser la plaine. Ainsi :

Cependant, diverses Puissances
Font faire, à Vienne, des instances,
Par leurs Ministres, tout exprès,
Pour une Générale Paix,
De pitié qu’ils ont pour l’Empire,
Et de crainte qu’il n’ait du pire
Dans la Guerre qui s’y fera,
Et dont le Théâtre il fera.

L’Empereur donne des indices
Que leurs charitables offices,
Avecque les Secours d’En-Haut,
Touchent son cœur, comme il le faut,
Et qu’enfin la Guerre il postpose
A cette Paix qu’on lui propose.

Mais certains Esprits pointilleux,
Intéressés et querelleux,
Tant de son Conseil, que d’Espagne,
Veulent voir la Guerre en campagne.

Mais morbleu, là-dessus, je dis,
Pour leurs Maîtres, tant pis, tant pis.

-Et qui veut la violence, nourrit la rancune :

Ces Esprits pleins de violence,
Faute d’un peu de conscience,
Entretiennent toujours l’aigreur
Du susdit Seigneur l’Empereur,
A l’endroit du Prince Guillaume.
Et j’ai su d’un grand Économe,
Qu’ils l’ont fait conduire à Neustat,
Désirant pousser l’Attentat
Ainsi commis en sa Personne,
D’une manière trop félonne.

Mais, encor, sur cela, je dis,
Pour les Auteurs, tant pis, tant pis.

-Dans la seconde moitié du mois de février 1674, au milieu d'événements extrêmement graves (l'enlèvement par les Impériaux de Furstemberg, ministre de l'empereur inféodé à Louis XIV et partisan de la paix), les soldats germaniques s'emparèrent d'une livraison sonnante et trébuchante destinée à payer la garnison française de la ville de Neuss. Notre gazetier nous en narre les suites ci-dessous :

Cependant, touchant la Pécune,
Que, pensant bien faire fortune,
Les Impériaux, l’autre jour,
Saisirent, par un mauvais tour,
Dessus les Français, à Cologne,
Dont le Magistrat, fort les grogne,
On dit qu’ils commencent, enfin,
De mettre de l’eau dans leur vin :
Et qu’on attend qu’en bref, il vienne,
Là-dessus, des ordres de Vienne,
Id est, ordres de l’Empereur,
Qui, des siens, condamnent l’erreur,
Veut que l’Argent, on restitue,
Sans barguigner, à Lettre vue.
Ainsi, donc, les Preneurs sauront,
Au même instant qu’ils le rendront,
Que les choses bonnes à prendre,
Sont quelque fois, bonnes à rendre.

-La chronique de Robinet informe aussi des catastrophes de son temps, naturelles ou pas. Ici, un orage de grêle particulièrement dévastateur en Belgique :

On dit que le Vendredi saint,
Un Orage, non pas succinct,
Mais vaste, mais épouvantable,
Dont sembla se mêler le Diable,
Fit grand peu à ceux de Namur.
De là vrai grosseur d’un œuf dur,
Il en tomba, tout pêle-mêle,
Un prodigieux tas de grêle,
Aussi claire que le cristal,
Dont le Dégât fut très fatal.

La Foudre fut de la partie,
Et d’un gros nuage, sortie,
Vint choir, sur la Tour, ce dit-on.
D’un Château nommé le Samson,
Et détruisit, avec furie,
Le Magasin, et l’Écurie,
Tuant (o voyez quel malheur !)
Tous les Chevaux du Gouverneur.

Ensuite de ces Funérailles,
Elle mit à bas des murailles,
Et renversa, même, un Moulin,
Qui de Farines était plein,
Dont le Meunier, et la Meunière,
Larrons, eurent frayeur plénière.

Dedans une Grange elle entra,
Que beaucoup elle délabra :
Puis fit le Plongeon dans la Meuse,
Laquelle en fut longtemps fumeuse,
Et là, dit-on, avec grand bruit,
Cette Foudre s’évanouit.

Le Vent fut aussi de la fête,
A savoir un vent de Tempête,
Qui déplanté tout un grand Bois,
Et maint Gibier mit aux abois.

On vit, au-dessus [de] la Ville,
Des Combattants, plus de cent mille,
Par Escadrons, par Bataillons,
S’entrechoquant en Gens félons :
Et, bref, on vit sortir des nues,
(Quelles visions saugrenues !)
D’épaisses Troupes de Corbeaux,
Et d’autres Carnassiers oiseaux.
Qui, croassant d’étrange sorte,
Ainsi qu’un mémoire le porte,
Et que l’on dit être bien sûr,
Fondirent près dudit Namur.

-Mais Robinet essaie de tirer une leçon de cet événement : cet orage serait-il annonciateur de désastres pour cette partie-là de l'Europe ?

Qu’est-ce que cela signifie ?
Ah ! selon ma philosophie,
Sans rien dire de décevant,
Ce qu’à fait la Foudre, le Vent,
Et cette Grêle cristalline,
Dénote dommage et ruine,
De Bois, de Blés, et d’autres Biens :
Et les Combattants aériens,
Avec ces Oiseaux de carnage,
Sont un infaillible présage
De sanglante Guerre, et de pis,
A savoir pour nos Ennemis.

-La période est de toute façon propice aux choses militaires - comme en témoigne Robinet lui-même au sujet de ce jeu qui paraît proche de celui des échecs ou des dames... Ainsi :

Mais à propos ici de Guerre
Qui règne presque, en toute terre,
Un Esprit très ingénieux, [le Sr Desmartins.]
Dans un eu qui cadre des mieux
À cette Saison de Bellone,
Fait apprendre à toute Personne,
En jouant, de quelle façon,
On doit attaquer, tout de bon,
Et, même, défendre une Place.

Allez voir ledit Jeu, de grâce,
Vous y verrez sans coup férir,
Et sans nul risque de périr,
Le Métier de notre Grand Sire,
Où, non sans trembler, on l’admire.

On nomme ce Jeu des Césars, [L’Académie est dans la rue du Louvre]
Les Occupation de Mars, [à l’hôtel d’Argenson.]
Ou bien le Jeu Royal des Lignes,
Des Jeux, certes, l’un des plus dignes.

-Et enfin où il est question de Scaramouche : en plus d'être présent dans la version imprimée de cette gazette, ce passage est également mentionné dans la manuscrit de Gueullette (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531009823/f46.image) :

Je vais finir par un avis
Dont bien des Gens seront ravis.
C’est que le Baron de Feneste,
Qui, loin d’avoir rien de funeste,
Est tout risible, et tout plaisant,
Remontre sa Trogne, à présent :
Et que, pour nous faire connaître
Qu’il veut, de plus en plus, paraître,
Il accroît son Train, d’un Bouffon,
Qui, partout, est de grand renom,
Savoir le fameux Scaramouche
Qui si bien, le Risible, touche.

Lettre du 21 avril 1674, par Robinet.

-Robinet rend grâce à ses protecteurs de lui permettre d'écrire :

Muse de Monsieur et Madame,
Qui me semblez toute de flamme,
Quand je vous invoque pour eux,
Dans mon Travail des plus heureux,
Si, quelques fois, il peut leur plaire.
Clion, ma mignonne, ma chère,
C’est, pour ces Astres de la Cour,
Dignes Objets de notre amour,
De nos respects, et nos hommages,
Qu’encor, je vais, tout plein trois pages,
Enfanter d’historiques Vers,
Sur maints, et maints sujets divers.

Daignez, donc, ma Coadjutrice,
Sans avoir pour moi, nul caprice,
M’assister débonnairement,
Ainsi, que coutumièrement,
Vous m’assistez chaque semaine,
En facilitant, de ma Veine,
L’Enfantement, ci-dessus, dit,
Car c’est, Muse, où le Lièvre git.

-Après un passage sur les affaires de Pologne et sur celles du Turc, on en revient à celles de Hollande :

Selon ce beau raisonnement,
Et cette sorte d’argument,
Si l’Empereur, et si l’Espagne,
Et le Belge, en cette Campagne,
Étaient les Maîtres des Destins,
Pour contrecarrer les Desseins
De nos braves Guerriers de France,
Ils feraient rage, que je pense.
Mais faute de ce, je crois bien
Que tous ces trois ne feront rien,
Soient-ils, même, à l’avenir, quatre,
Sinon que se faire bien battre,
Et que perdre de tous côtés,
Leurs Provinces, et leurs Cités.

L’Espagne en fait déjà, l’épreuve,
Sans que j’en cherche d’autre preuve :
Se voyant, tantôt son Comté,
Presque, d’un bout à l’autre, ôté.

Vous savez comme encor naguère,
Notre Duc d’âme si guerrière, [Mr de Navailles.]
S’est là se couvrant de Laurier, [J’ai dit ailleurs par erreur S. Pierre le Saunier]
Saisi de Lion le Saunier,
Et d’Orgelet, devers la Bresse,
Dont cette Espagne a grand détresse.

Or, je vois le reste flambé,
Et sous notre pouvoir tombé,
C’en est fait car notre Grand Sire,
Y va lui-même, et c’est tout dire :
Lui suffisant, comme à César,
Sans être sujet au Hasard,
Que pour vaincre, il aille, et qu’il voie
Quoi qu’il veuille s’ouvrir la voie
A la Victoire, par son bras,
Pour en augmenter les appas.

-Le roi fait route vers la Bourgogne. Il doit y rencontrer le duc de Navailles qui a envahi la Franche-Comté. Ainsi :

Jeudi dernier, quittant Versailles,
Qui n’est plus un Lieu de Broussailles,
Mais un parfait Séjour des Dieux,
Ce Roi qui nous paraît l’un d’Eux,
Prit la route de la Bourgogne,
Où le Comtois fait grise trogne.

La Reine, qui, dans ses Attraits,
Fournit à l’Amour tant de Traits,
Jusqu’à certain Lieu, l’accompagne,
Comme son Auguste Compagne :
Et notre merveilleux Dauphin
Est, aussi, du Voyage enfin.
Ayant les grâces de la Mère,
Il a le Courage du Père,
Et déjà, sa jeune Valeur
Se mutine dans son grand Cœur,
S’il ne suit l’Auguste Monarque,
Dans les beaux Sentiers qu’il lui marque :
Si bien qu’il querelle le Temps,
De ce qu’il n’a pas assez d’ans,
Pour faire, aux Champs de la Victoire,
Avec Lui l’amour à la Gloire,
Et, par maint Exploit martial,
S’y montrer son digne Rival.

-Charles Genest vient de publier ses Poésies à la louange du roi :

Mais Genest qu’avec tant de grâce,
Nous voyons monter au Parnasse,
Et lequel sait parler des mieux
Le charmant Langage des Dieux,
A pris si dignement carrière
Sur cette royale matière,
C’est-à-dire, sur le beau Los [Dans ses Poésies à la Louange du Roi,]
Du Grand et du petit Héros, [qui se distribuent chez le sieur le Petit,]
Qu’il nous lui faut laisser la gloire [Libraire rue Saint Jacques, à la Croix d’Or.]
De continuer leur Histoire,
Ainsi qu’aux autres beaux Esprits,
Qui, des Muses, les Favoris,
Ont le tour des Vers Héroïques,
Pour les Louanges magnifiques.

-L'archevêché de Paris a été érigé en pairie et duché par Louis XIV : en fait, c'est à Saint-Cloud que se trouve placé le duché. Son titulaire est François Harlay de Champvallon (voir Louis Moréri, Le Grand Dictionnaire historique ou le mélange curieux de l'histoire sacrée et profane..., tome IV, Paris, Mariette, 1718, p.561)

Parlant, donc, historiquement,
Tout bellement, tout simplement,
Je dis, encor, que le Monarque,
Donnant une authentique marque
De cette illustre Piété
Qui brille dans sa Majesté,
Et de cette Magnificence
Qui si bien, cadre à sa Puissance,
Érigea notre Archevêché, [L’Archevêché de Paris.]
Naguère, en Pairie, et Duché.

Voilà, donc, notre Cathédrale,
Du Royaume, la Capitale,
Distingue admirablement,
Par ce Titre, certainement,
Le plus grand, et le plus illustre,
Dont elle put tirer son lustre.
Mais peut-elle avoir trop d’éclat
Dessous l’admirable Prélat
Lequel en soutient la Tiare
Avec un mérite si rare ?
Qui le connaît et sait son Nom,
Sans doute, me répondra non.

-Ce prélat, justement, a fait don de sa bénédiction aux glorieuses armes de sa majesté :

Ce charmant Champvallon, Dimanche,
Jour où l’on prend chemise blanche,
Bénit trente beaux Étendards
Pour les Troupes de notre Mars.
Il fit cette Cérémonie
Devant nombreuse Compagnie,
Qui joignant ses souhaits aux siens,
Comme je fais aussi les miens,
Quoi qu’il aient le moins de mérites,
Pria le Dieu des Exercites,
Qui, dans les hautes Régions,
A des Anges pour Légions,
De faire voler la Victoire
Où, suivant l’appas de la Gloire,
Louis guidera ses Soudards,
Dessous ses nouveau Étendards.

-Le duc de Navailles est sorti de la Franche-Comté pour rencontrer le roi.

Naguère, le Duc de Navailles,
A propos ici, de Batailles,
Revint de la Franche-Comté,
Rendre compte à sa Majesté,
De l’air qu’allaient là, les Affaires,
Cela s’entend, les militaires :
Et, comme elles y vont fort bien,
Ainsi qu’on sait, par son moyen,
C’est-à-dire par son courage,
Et par sa conduite si sage,
Cette Majesté l’accueillit
D’une façon, ce m’a-t-on dit,
Tout à fait digne de son zèle,
Et de son ardeur si fidèle.

-

Le Général des Capucins,
La plupart, blond comme Bassins,
Mais, quant au reste, très bons Pères,
Et, certes des plus exemplaires,
Arriva l’autre jour, ici :
Et (de l’un d’eux, j’ai su ceci)
Fut reçu dans leur Monastère, [De la rue S. Honoré.]
Par chaque Père, et chaque Frère,
Humblement, filialement,
Et même fort joyeusement.

Il s’appelle le Père Étienne,
Et son Surnom est de Cezenne.

Il est d’une ancienne Maison
Estimée avecque raison,
Savoir de Clermont de Lodève :
Et ce Religieux Fils d’Ève,
Est, au surplus, tout revêtu
De la Séraphique Vertu,
Et doué, du long et du large,
De celles qu’il faut pour sa Charge.

Il a vu dedans notre Cour,
Les deux Majestés, tour à tour,
Le Dauphin, Monsieur, et Madame,
Et je vous jure, par mon âme,
Qu’il fut de tous, et chacun d’eux,
Accueilli, si qu’on ne peut mieux.

-L'épouse de Joachim Seiglière de Boisfranc, dont il a été question à deux reprises l'année 1673 (voir lettre du 10 juin et du 5 août), est allée rejoindre ses ancêtres. Ainsi :

Je finis par un Épitaphe,
Qu’hélas ! foi d’Historiographe,
Je mets, avec un Deuil très grand,
C’est de Madame de Boisfranc

Elle était sage, belle, et bonne,
Et très aumônière Personne,
Elle avait des Honneurs, du Bien,
Et, pour Époux, qui l’aimait bien,
Le Surintendant des Finances,
Bâtiments, et Appartenances
De Monsieur, Seul Frère du Roi,
Duquel très glorieux Emploi,
Chacun confesse qu’il s’acquitte
Avecque beaucoup de mérite.

Mais hélas ! tout ce que j’ai dit,
Près de Cloton, fut sans crédit :
Et cette Parque, Archi-félonne,
Qui n’épargna jamais, Personne,
Vient de mettre tout récemment,
Ladite Dame au Monument.

-Quant à Monsieur et Madame, ils sont à Saint Cloud :

Nos belles Altesses Royales,
Qui, nulle part, n’ont leurs égales,
Sont en leur Palais de Saint-Cloud,
Où les Cascades font glou-glou :
Et c’est là, Rimes telles quelles,
Que vous paraîtrez devant Elles.

Lettre du 5 mai 1674, par Robinet.

-Une "apostrophe" du gazetier à ses protecteurs en ce début mai 1674 :

J’Apostrophe, en vain, en ce jour,
L’une et l’autre Altesse Royale
Ma Muse, à les servir, si prompte, et si loyale,
Croit, en vain, leur faire sa Cour.
Monsieur, avecque le Monarque,
Ce Héros de si haute marque,
Se voit tout occupé de la Gloire, et de Mars,
On ne saurait, en conscience,
En espérer nulle audience,
Et ni même surprendre un seul de ses regards.

Pour Madame, n’en doutons pas,
Son Âme est toute possédée,
Soit la nuit, soit le jour, par la charmante Idée
De son Époux si plein d’appas.
Dans Saint-Cloud, parmi les Naïades,
Et les verdoyantes Dryades,
Sans cesse, elle se plaint de son Éloignement :
Et l’on n’y peut, en conscience,
Avoir d’Elle, aucune audience,
Ni même lui surprendre un regard seulement.

Je vais, pourtant, à tout hasard,
Pour ces deux Royales Altesses,
Faire agir derechef, et ma Muse, et les Presses,
En passant ce jour à l’écart.
La Fortune pourra, peut-être,
Un heureux moment faire naître,
Soit dans ce beau Saint-Cloud, soit dans les Champs de Mars,
Où nous pourrons, en conscience,
Obtenir un peu d’audience,
Et sur nous attirer, du moins, quelques regards.

-L'élection à la couronne de Pologne, dont nous n'avons pas toujours retranscrit systématiquement les mentions, continue d'aiguiser les appétits. Ainsi :

Nonobstant la belle Morale
Qu’aux Sermons, souvent, on étale,
Sur la vanité des Grandeurs
Qui font le charme des grands cœurs,
Nonobstant ce qu’en Vers, et Proses,
On dit touchant les mêmes choses,
Afin d’en abaisser le prix,
Et d’en engendre le mépris,
Nonobstant ce qu’on exagère,
(Mais qu’aucun, presque, ne digère)
Des soin et peines que produit
La Couronne qui plus reluit,
Aujourd’hui, Celle de Pologne,
Qui ne manque point de besogne,
Et qui, dessous les froids Climats,
Est toute pleine de frimas,
Ne laisse pas d’être chérie
Tout ainsi que la plus fleurie,
Et d’avoir, de tous les côtés,
Des Amants, par elle, enchantés.
Nul, enfin, ne lui fait la moue,
Et Monsieur le Duc de Mantoue
Vient de se mettre sur les rangs,
Dans le nombre des Concurrents.

-Et encore :

Mais à lui plaire, ils ont grand peine,
Le Prince Charles de Lorraine,
Sur tous, ne saurait espérer
De s’en pouvoir jamais parer.

Un bruit court, vient-on de me dire,
Lequel l’achève de détruire,
C’est qu’il s’est, depuis quelques jours,
Tenant secrètes ses Amours,
Fait Époux de l’Impératrice : [Douairière]
D’où le Polonais tire indice
Qu’il s’attache, de tout son cœur,
Aux intérêts de l’Empereur,
Et que ce Monarque des Aigles
Qui font un peu trop les Espiègles,
Pourrait bien se servir de lui,
Pour effectuer, aujourd’hui,
Ce qu’il promit, quand sa Personne
Fur élevée à la Couronne,
Et promit même, en son Serment :
À savoir que, sans manquement,
Il joindrait, pour en être Sire,
La Pologne avecque l’Empire.
S’il en pouvait avoir jamais,
Le moyen selon ses souhaits,
Sur quoi chacun pouvait le croire,
Puisque ce serait pour sa gloire.

Que cela soit, ou ne soit pas,
Les Polonais ont, sur ce cas,
Résolu, selon qu’on le prône,
De n’admettre dessus leur Trône,
Aucun Ami de l’Empereur :
Si que ce serait une erreur
De l’aller d’autre sorte croire,
Puisque c’est le vrai de l’Histoire.

-Et puis :

Quant au Prince de Danemark,
Il n’aura guère plus de part
À cette Couronne susdite.
Ce n’est pas qu’il n’ait du mérite,
Mais c’est qu’il ne veut pas quitter
Le Parti de Martin Luther,
Que l’on n’ait élu sa Personne
Pour porter icelle Couronne :
Et la Loi des Polonais veut
(Laquelle éluder on ne peut
Par nul détour de Politique)
Que l’on élise un Catholique.

-Et enfin :

Le Prince, aussi, de Brandebourg,
Suivant le bruit qui, de lui, court,
Ne voit pas beaucoup d’apparence
À maintenir son espérance
Touchant ce royal Couvre-chef :
Et la raison en est, en bref,
Qu’il s’opiniâtre, et qu’il insiste
À demeurer bon Calviniste.

-Bref, l'issue de cette élection est incertaine :

Mais sur qui, donc, enfin, dit-on,
Que tombera l’Élection ?
On ne peut bien savoir ces choses,
Et ce sont, certes, Lettres closes.
Mais les plus huppés Polonais
Veulent, ce dit-on, un Français,
Quelques-uns d’eux l’ont nommé, même,
Et de plus, avec joie extrême,
Ont bu, hautement, la Santé
De sa future Majesté.

Mais c’est trop tenir en Chapitre,
La Pologne, dans notre Épitre,
Et de Texte, il nous faut changer,
Pour, les matières, mélanger.

-Ce "monsieur le duc" qui n'est pas nommé, c'est Enghien. C'est sous son action conjuguée à celle de Vauban que Besançon est encerclée fin avril 1674. Après l'arrivée du roi, la ville est prise (voir les propos de ce dernier à ce sujet dans Œuvres de Louis XIV, tome III, Mémoires et pièces militaires, Paris, 1806, p. 459-460).

Monsieur le Duc, qui, de son Père,
A cette Vertu militaire
Qui le fait admirer toujours,
Et n’a point en lui, de décours,
Fut investir, le vingt-cinquième, [Avril.]
Besançon, en personne même :
Et l’on n’attendait que le Roi,
(Ce m’écrit un Homme de foi)
Pour en mettre, en forme, le Siège,
Qui, pour la Place, est un franc Piège.

Elle-même est un Piège aussi,
(Je puis bien soutenir ceci)
À Vaudemont, qui, par disgrâce,
S’étant trouvé dans cette Place,
Alors qu’on alla l’investir,
En vain, essaya d’en sortir.

Les nôtres de si bonne sorte,
Donnèrent dessus son Escorte,
De plus de cent Chevaux choisis,
Dont un quart, du moins, fut occis,
Qu’en rétrogradant, au plus vite,
Il y retourna prendre gîte.

Or je pense, quant à présent,
Quoi que le cas soit déplaisant,
Qu’il ne lui sera pas facile,
Fût-il mille fois plus habile,
De s’échapper de ce Lieu-là,
Sans qu’on lui dise Qui va là ?

-Le roi se dirige vers la Franche-Comté :

En passant par diverses Villes,
Notre Monarque, notre Achilles [sic],
Arriva le trentième, à Gray, [Avril.]
Et l’on assure, pour le vrai,
Qu’ayant visité cette Place,
Ce Roi qui vaut un Dieu de Thrace,
Est allé devant Besançon,
Faire, de la belle façon,
Chanter la Garnison mutine,
En cas, s’entend, qu’elle s’obstine
À résister à tel Vainqueur.
Mais aurait-elle assez de cœur
Pour faire tête à sa Victoire ?
Non, non, je ne le saurais croire.

-Pendant ce temps, la reine et le dauphin attendent à Dijon :

La Reine, avec son cher Dauphin,
Digne du plus brillant Destin,
Et le second Appui du Trône,
Est à Dijon, non dans l’Aussone,
Et va là, fixer son Séjour,
Jusques au triomphant retour
De notre Sire si bellique [sic] :
Et son très digne Frère Unique,
Est allée, près sa Majesté,
À la Conquête du Comté.

-Rien n'arrête Condé, par même la goutte. Lui aussi se trouve à Dijon d'où il part rejoindre les armées se trouvant en Flandre :

Le Grand Condé, malgré la Goutte,
Où la Faculté ne voit goûte,
Partir avant-hier, je crois,
Pour aller joindre l’Ost du Roi,
Qu’il doit commander dans la Flandre :
D’où je prévois étrange esclandre
Pour l’Espagnol, qui tant et plus,
Faisait déjà, l’Olibrius.

-Quant au duc de Navaille, également dans le séjour dijonnais, il fait mouvement mais pour suivre Condé :

D’autre part, le Duc de Navaille,
Lequel, de si bon cœur, travaille,
Au service du Potentat,
D’où vient qu’on en fait tant d’état,
Partit, aussi, de cette Ville,
Mardi, quittant son Domicile,
Où règnent toutes les Vertus,
Même en ce temps des plus tortus,
Pour aller en icelle Armée,
Qui, par lui, doit être animée,
Sous ledit Prince de Condé
Que je souhaite secondé
De son Mars. Et de sa Victoire,
Comme ailleurs, avec même gloire.

-Au-delà des Alpes, ce ne sont que jeux et ris en l'honneur de quelque grande duchesse :

On a, dans la Cour de Turin,
En commençant dès le matin,
Et finissant à la nuit noire,
Selon que le porte un mémoire,
Fait une grand’ solennité
Du jour que vint à la clarté,
La Duchesse de la Savoie.
Les Banquets les plus beaux qu’on voie,
Les Courses, Carrousels, Bals, Feux,
Et les Concerts délicieux,
Furent de la réjouissance,
Où chacun fit connaissance.

-Un événement tragique aurait-il eu lieu ? Nous n'en saurons pas plus. Ainsi :

À propos de Feu, las ! hélas !
Qu’il vient de causer d’embarras…
Mais laissons-là ces Aventures
Où tant d’aimables Créatures,
Par la peur, ou bien autrement,
Ont essuyé maint détriment,
En leurs blancs et délicats Membres,
Laissons là, dis-je, ces Esclandres.

-Pour finir, le récit d'un concert :

Mais à propos de beaux Concerts,
Consacrons un peu dans nos Vers,
Ceux que nous ouïmes naguère,
Ce Chapitre en peut que plaire.
Ah ! qu’Hébert, le charmant Hébert,
Par son Théorbe si disert,
Et par sa voix toute complète,
Si forte, si douce, et si nette,
Sait nous enchanter puissamment !
Qu’il est charmant ! qu’il est charmant !

Que la belle Langé, sa Fille,
Qui, de toute manière, brille,
Sait, aussi, l’âme transporter
Quand ses blanches mains font conter
A son Luth, ces douces merveilles
Que l’on peut dire nonpareilles !

Ah ! que ce Roi des Instruments,
Sous ces doigts fins, a d’agréments !
Je pense que même Uranie,
La Déesse de l’Harmonie,
Ne pourrait pas le toucher mieux.

Ah ! qu’ils méritent, donc, tous deux,
A savoir la Fille, et le Père,
Le sort glorieux et prospère,
D’avoir, comme ils ont, à la fois,
L’Oreille du plus grand des Rois !

Mais, pour achever la louange
De Langé (disons mieux, de l’Ange)
Ajoutons qu’elle chante, aussi,
Non pas, vraiment, cossi, cossi [sic],
Mais avec propreté, justesse,
Esprit, grâce, délicatesse,
Et d’une bouche, mêmement,
Qui peut charmer extrêmement.

Mais n’oublions pas, dans ses Charmes,
D’insérer, aussi, dans nos Carmes,
Les Admiratifs que je dois,
Et que je fis lors, maintes fois,
Pour l’agréable d’Alerville,
De qui l’esprit, l’humeur civile,
La jeunesse, et douce façon,
Peut plaire au Sexe, tout de bon.

Ah ! comment il touche sa Viole !
Ah ! sans que j’use d’hyperbole,
Qu’avecque chaque coup d’Archet,
De doux passages il y fait,
Par qui l’oreille est chatouillée,
Et de ravissements, comblée !

O chère Pluie à qui je dois
Ces plaisirs, vrais plaisirs de Rois,
Pluie à faire Fleurettes, naître,
Puis-je assez vous en reconnaître !

Et vous Mesdemoiselles Ians,
La Fleur des plus honnêtes Gens,
Puis-je assez de grâce vous rendre,
M’ayant permis d’aller entendre
Toutes ces Merveilles chez Vous ?
Non, non, je l’avoue entre nous,
Comme en public, dans ce Chapitre
Par qui je finis mon Épître.

Lettre du 12 mai 1674, par Robinet.

-Dans le manuscrit de Gueullette, cet extrait est présenté comme étant "au sujet du triomphe de la médecine" (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531009823/f60.image).

Lundi chez les Italiens
Ces très facétieux chrétiens
Vous aurez une comédie,
Ou quoi que d'autre part on dit,
La Médecine enfin vaincra,
Et même un beau triomphe aura.
La comédie est curieuse,
Et je crois l'assistance y sera fort nombreuse.

Lettre du 19 mai 1674, par Robinet.

-Une autre mention, dans le même document, sur la même page, de la représentation de cette pièce (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531009823/f60.image) :

De mes yeux j'ai vu la victoire
J'ai vu le Triomphe et la gloire
De la Médecine et vraiment
On l'y chatouille pleinement.
Outre le temple d'Esculape
Qui par sa pompe les yeux frappe
Mademoiselle Aurelia
Dit d'elle mirabilia,
Arlequin de peindre l'achève
Et presque de rire l'on crève
À ce plaisant triomphe-là
Ah ! tout Paris doit voir cela.

Lettre du 9 juin 1674, par Robinet.

-Lettres après lettres, les éloges se suivent :

Muse, cherche les beaux Atouts,
Et n’ait rien d’à tous les jours,
Car tu vas voir une Princesse
Dont la Royale et belle Altesse
À l’Esprit des plus délicats :
Et je conclus en un tel cas,
Que tu serais la malvenue,
Paressant, d’Appas, dépourvues.

J’entends des Appas qu’Apollon,
Ce Dieu du Parnasse, si blond,
Donne à ces Muses favorites,
Qui, sur ses papiers, sont écrites :
Savoir cette grâce, et ce sel
Qui charme tout Lecteur mortel,
Dans la Lecture d’un Ouvrage,
Cette pureté de Langage,
Cette douceur, et ce brillant,
Ce style, aux oreilles, coulant,
Ce beau tour, cette politesse
Cette fine délicatesse,
Cet enjouement, et ce bon sens,
En un mot, que cherchent les Gens,
Soit dans les Vers, soit dans la Prose.

Mais, ici, défendant ta Cause,
Tu me diras, chère Clion,
Que tout ce que je dis est bon
Pour des Muses moins affairées,
Que l’on voit, à loisir, parées,
Et qui peuvent, avec le temps,
S’appliquer tous ces agréments,
Qui, néanmoins, à bien des Muses,
Manquent, sans avoir tes excuses.

Il est vrai : bien donc, vas ton train,
Tu peux, sans faire l’esprit vain,
Défier de nos plus habiles,
De travailler, dans les deux styles,
Sur l’Histoire, aussi vite, et mieux

Mais de crainte d’être ennuyeux
Par une trop longue Préface,
Nouvellisons [sic], Muse, de grâce.

-Dans la Franche-Comté, Dole est assiégée par les Français. Le récit de ce siège et de son issue, heureuse pour les troupes de Louis le Grand :

Dole seul, nous fournit vraiment,
De quoi jaser fort amplement,
Il est une riche matière
Pour toute Muse Gazetière

De là, les Vaillants Assiégés,
Du Gouverneur, encouragés,
Et les Assiégeants, tout de même,
Vaillants d’une valeur extrême,
Et mieux encouragés encor,
Par Louis qui là prend l’essor,
Font parler d’eux, de bonne sorte :
Et le Renom nous en rapporte
De quoi faire un Volume entier,
Bien plutôt qu’un simple Cahier.

Les Assiégeants, par la Tranchée,
Où, souvent, la Parque est nichée,
Poussent, vers la Place, leur pas,
Sans y redouter le Trépas.

De jour, de nuit, bref, à toute heure,
Sans qu’en repos, aucun demeure,
Ils foudroient, par leur Canons,
Portes, Courtines, Bastions,
Contrescarpes, et Demi-Lunes,
Pires que de certaines Lunes,
Parapets, Ravelins, Glacis,
Qu’à voir on a les sens transis,
Des Angles qui sortent, et rentrent,
Qui, les Gens de Plume, épouvantent,
Certains effroyables Redans
Qui font frissonner jusqu’aux Dents,
Et tels autres diantres [sic] d’Ouvrages,
Qu’avec d’intrépides Courage,
Attaquent nos Gens, toutefois,
Suivants, de Bellonne, les Lois.

Les Assiégés font des Sorties,
Des meilleurs Soldats, assorties,
Soient à pied, soit sur des Chevaux,
Pour défendre, aussi, leurs Travaux.

Ils nous poussent, l’on les repousse,
Plus fortement qu’avec le poulse [sic],
De Canon, d’Épée, et Mousquet,
Qui causent le dernier hoquet,
Le part et d’autre, illec [sic], on joue,
Et Maint, en ce chaud jeu, s’échoue.

On se loge, on est délogé,
Mais pour tout dire en abrégé,
Dans ce Conflit, enfin, les Nôtres
Ont, toujours, barre, sur les autres.

Ils triomphent en noble arroi,
Et puis, quels Plaisirs ! ce grand Roy
Qui, dans chaque Exploit magnanime,
Héroïquement, les anime,
Vient, chaque fois qu’ils ont vaincu,
Louer leur bellique [sic] vertu.

O quelle douce récompense
D’être, ainsi, loué, quand j’y pense !
Et qui, si lâche et si poltron,
N’irait après, et sans plastron,
Dans les périls, tête baissée !
Ah ! je crois, dans cette pensée,
Que moi-même, ainsi j’agirais,
Et qu’aux dangers, ainsi, j’irais.

En la Prise des Contre-escarpes,
Où l’on grillait comme des Câpres,
Dans le grand Feu que l’on y fit,
Le Duc de Crussoles agit
D’une manière très galante,
Ce qui veut dire ici, vaillante :
Menant, en ce Choc martial,
Le Brave Régiment Royal,
Et l’on ne peut, certes, mieux faire,
Mais n’est-ce pas son ordinaire ?

Dans la Sortie qui suivit,
Où tel, encor, fut le Conflit,
Qu’on n’ouït jamais tels vacarmes,
Il reçut deux Coups dans ses Armes,
Qui tous deux étaient périlleux,
Si, pour les repousser tous deux,
Ses Armes des mieux éprouvées,
Plus fortes ne s’étaient trouvées.
On dit qu’aux jours suivants, l’on fit,
On élargit, on agrandit
Divers Logements et qu’en somme,
On travailla sans faire un somme,
A tout ce qui peut, tant y a,
Réduire une Ville à quia :
Appliquant, comme l’on sait faire,
Le Mineur au Lieu nécessaire.

Mais Messieurs les Assiégés
En Gens prudents, et bien sensés,
Craignant (attendant davantage)
Un Sac funeste, et le Pillage,
Demandèrent, le six, je crois,
Capitulation au Roi.
C’est la Nouvelle d’hier, reçue,
Et qui fut la très bienvenue,
On s’apprête à s’en réjouir,
Et l’on va voir épanouir,
Tout de plus belle, dans Lutèce,
Haut et bas, des feux d’allégresse.

Id est, sur la Terre, et dans l’Air,
Tandis qu’hélas ! ô cas amer !
L’Espagnol, en telle aventure,
Ne voudra voir que l’ombre obscure,
En Terre, en l’Air, de-çà, de-là,
Pour cacher le Chagrin qu’il a,
D’ainsi payer la folle enchère
Du Pas de Clerc, qu’il vient de faire,
En se déclarant l’Ennemi
Du Français, son meilleur Ami.

-Pendant ce temps, les autres corps d'armée français écument la région :

Tandis que l’on faisait ce Siège,
Où Dole est pris comme en un Piège
Monsieur le Duc de Luxembourg,
Allait, tant de nuit que de jour,
Les autres Postes reconnaître,
Dont Louis veut se rendre Maître,
Pour soumettre à sa Majesté,
D’un bout, à l’autre, le Comté :
Et ce Duc qui sait si bien faire
Tout ce que veut l’Art militaire,
S’est acquitté de cet Emploi,
Au grand contentement du Roi.
Allant reconnaître Saint Anne,
Une Troupe au teint de basane,
Prétendait de l’en empêcher :
Mais ayant osé l’approcher,
Il lui fit mordre la poussière :
Et continuant sa carrière,
A son aise, très bien, et beau,
Il lorgna, partout, ce Château,
Perché sur une haute Roche,
Qui semble en défendre l’approche
A tous autres qu’à nos Guerriers,
Qui, partout, cueillent des Lauriers.

Le Duc, en toute cette Route,
Quoi qu’assez scabreuse, sans doute,
Fut et revint sans aucun mal :
Mais, le Sort n’étant pas égal,
Pour toute et chacune Personne,
Non plus qu’autre part chez Bellonne,
Son Neveu, Marquis de Beauvau
Que l’on surnomme le Rivau,
Eut la Cuisse, non pas cassée,
Mais, certe, en deux endroits, percée,
De deux Coups d’un Mousquet fatal,
Dont mêmes, aussi, le Cheval
Qui lui servait lors, de Monture,
Reçut mince ou grosse blessure.

-L'archevêque de Marseille, Toussaint de Forbin-Janson, joue le rôle de plénipotentiaire en Pologne (Pour son échange épistolaire avec Colbert qui révèle la teneur de sa mission, voir : http://www.persee.fr/doc/corr_0000-0001_1855_cor_4_1_901_t2_0748_0000_2).

Le grand Prélat des Marseillais,
Et, du Monarque des Gaulois,
Ambassadeur Extra'ordinaire [sic],
Est, avec ce beau Caractère,
Dit-on, à Varsovie, entré,
Comme un Vainqueur, fort à son gré,
Entrerait, après sa Victoire,
Dans ses Villes couvert de Gloire :
Et quand, en Langage latin,
Non moins élégant, et moins fin,
Que parlait feu Cicéron même,
Voire, avec une grâce extrême,
Dans la Diète qu’on tient là,
Au Nom de Louis, il parla,
Il fut, aussi sans nul obstacle
Ouï de tous, comme un Oracle,
Et chacun, enfin applaudit,
Battant des mains, à ce qu’il dit,
Faisant son estime paraître
Pour le Grand Héros, notre Maître,
Et même aussi, pour la Grandeur
De son illustre Ambassadeur.

-L'élection au trône est terminée : c'est Jean Sobieski qui a obtenu la couronne tant convoitée, comme la correspondance du prélat cité ci-avant l'a révélé. Ainsi :

Le Grand Maréchal de Pologne,
Dont joie, ici, chacun témoigne,
Fut, de l’autre mois, le vingt-un,
Par un Destin fort opportun,
Mais, à ses mérites, conforme,
Élu Roi dans la bonne forme :
Et nous pouvons bien dire ici,
Qu’on n’a fait, l’élisant ainsi,
Que lui donner une Couronne
Tout à fait dûe à sa Personne,
Puisque la sauvant, tant de fois,
Par ses grands, et rares Exploits,
Il l’avait assez bien gagnée,
Pour se la voir ainsi donnée.

-Une grande duchesse a quitté ce monde, non pour l'autre, situé dans les enfers, mais pour le monde où la gloire et les grandeurs ne sont que vanités. Ainsi :

L’illustre Dame de Vaujour, [Dame Louise de la Vallière Duchesse de Vaujour.]
En mettant des Vertus au jour,
À ce Siècle, peu familières,
Et, certainement, singulières,
A quitté les Mondains Atours,
Dans les formes, depuis huit jours,
Et renoncé, d’un franc courage,
Avec un esprit ferme, et sage,
À la Pompe, et tous les Plaisirs
Qui flattent les jeunes Désirs.

Le beau Monde, et toute sa Gloire,
De son Cœur, et de sa Mémoire,
Se voit exilé pour jamais,
Et son seul Objet désormais,
Est Celui qu’on les Carmélites, [Du grand Couvent]
Du Ciel, les chères Favorites,
Dont le saint Habit elle a pris,
De quoi les Anges sont ravis.

Sur ce Sujet, l’Évêque d’Aire,
Ce digne Oracle de la Chaire,
Parla, dit-on, divinement,
Et charma tout chrétiennement,
Son célèbre et bel Auditoire,
Nombreux autant qu’on peut le croire.

-La Franche-Comté étant soumise, le gazetier présume que le roi se dirigera à nouveau vers la Flandre où, rappelons-le, il a envoyé Condé et La Feuillade. Ainsi :

Après la Prise du Comté,
On pense que Sa Majesté
Viendra chercher d’autre matière,
En Flandre, à sa Vertu guerrière :
Et les Ennemis tout pantois
En ont des frissons maintes fois.

Dans cet intervalle, peut-être,
Que Monsieur pourra bien paraître
(Donnant relâche à ses Travaux
Par lesquels se font les Héros)
Auprès de sa noble Famille,
Où tant de gloire, et beauté brille :
Et qui va croître, au premier jour,
Ou d’une Grâce ou d’une Amour,
Dont Madame, par sa Grossesse,
Nous comblera tous de liesse.

Lettre du 16 juin 1674, par Robinet.

-Certains éloges, comme celui-ci par exemple, rompent la régularité (presque monotone ?) des octosyllabes burlesques. Ainsi :

Hé bien cesserez vous de cueillir des Lauriers ?
Grand Philippe, hé quoi, donc, aimez-vous tant Bellone,
Qu’il faille que toujours, votre grand cœur bouillonne
De l’ardeur qu’elle inspire à ses fameux Guerriers ?

Autrefois, les Césars, si vaillants, et si fiers,
N’aimaient pas plus les Champs où la Déesse tonne !
Ah ! vous en faîtes trop, et la France en frissonne,
Modérez, modérez ces Transports trop altiers.

N’avez-vous pas assez mortifié l’Espagne,
Aidant à notre Auguste, en un mois de Campagne,
A soumettre à ses Lois, et Dole, et Besançon :

Que l’Amour, à son tour, de vous vaincre ait la gloire,
Madame en est l’Ouvrage, elle est de sa façon,
Et, sans doute, vaut bien la plus belle Victoire.

Mais Princesse, vos Yeux, vos adorables Yeux,
Et tant et tant d’Appas en vous dignes d’hommage,
Au Cœur de ce Héros, ont déjà dit bien mieux,
Ce qu’ici, je lui dis en mon faible langage.

Quand Hymen et l’Amour, par des nœuds glorieux,
Vous unirent ensemble, avec tant davantage,
Il senti, ce Héros, leurs coups victorieux,
Et, de leur résister, il n’eut pas le courage.

S’il est aux Champs de Mars, de la Gloire, charmé,
S’il est, par la Victoire, en ces Champs, enflammé,
S’il est là, le Captif de la fière Bellonne.

Il les quitte, à la fin, pour revenir vers Vous,
Et, couvert des Lauriers dont leur Main le couronne,
Il vient, dans vos Appas, chercher un Sort plus doux.

-Mais très vite le retour au style usuel s'impose pour "gazetiser" :

Les choses allant de la sorte,
Dont ma joie est, certes, bien forte,
Illustres Époux, je me tais
Sur ce Chapitre, et je m’en vais,
Comme toujours, sous vos Auspices,
A ma Musette, si propices,
Gazetiser [sic], et tant et plus,
Car, car, par monseigneur Phoebus,
Nous avons assez de Nouvelles
Toutes fraîches, et toutes belles.

-Des nouvelles de Dole : après le siège, le gouverneur de la place a quitté, avec ses hommes, ce lieu désormais français pour le milanais toujours espagnol.

De Dole, le fier Gouverneur,
Don Carlo d’Este, Homme d’Honneur,
D’avoir su de si bonne grâce,
Contre nous, défendre sa Place,
En est sorti, du très bel air,
Le Cas, à tous, paraîtra clair,
Disant, sans dire davantage,
Qu’il emmène son Équipage,
Et même qu’il a liberté,
S’éloignant d’icelle Cité,
De faire, en tel Lieu, sa retraite
Qu’il la jugera la mieux faite.

Sa Garnison, pareillement,
Se retire honorablement,
Avec Armes, avec Bagages,
Et tous les autres avantages,
Qu’on peut imaginer, sinon
Qu’elle n’a Mortiers, ni Canon.

De plus, jusqu’à Milan, son Gîte,
Soit qu’elle aille tout doux, ou vite,
Étant conduite par nos Gens,
Elle est défrayée aux dépens
De notre magnanime Sire,
Qui de la sorte, le désire
À cause qu’en si noble arroi,
Ils ont montré courage, et foi,
Pour leur Prince, et pour leur Patrie.

Jamais, avec tant de furie,
On n’avait vu des Gens aussi,
Se défendre comme ceux-ci,
Jusqu’aux extrémités dernières,
Et des plus guerrières manières.

Car, la Nuit du cinquième, au six, [Juin.]
Où lors, à un sens des plus rassis,
Ils cédèrent à la Victoire
Du Monarque couvert de gloire,
Ils firent d’horribles efforts,
Pour empêcher la Prise au Corps,
De Dole, leur cher Domicile :
Et, de dire, il est difficile,
Tout ce qu’ils firent d’étonnant,
De terrible et de surprenant.

Ce ne fut qu’une épaisse grêle,
Où, dessus nos Gens, pêle-mêle,
Tombaient pierres, coups de Mousquet,
Grenades, bûches, dont l’effet...
On l’imagine bien sans doute.

Comme de nuit, l’on ne voit goûte,
Ils jetaient, dedans leurs Fossés,
Des Fagots brulants, bien poissés,
Et d’autres ardentes matières,
Mais moins, pour servir de lumières,
Que brûler les matériaux
Qu’on destinait à nos Fourneaux.

O Dieux ! quelle funeste image !
Et quel épouvantable Orage !
Quels Courages ne frémiraient,
Et d’effroi ne se transiraient,
À voir ces volants incendies ?
Néanmoins, nos Âmes hardies,
Nos Braves, nos fameux Guerriers,
Qui sont si friands de Lauriers,
Étaient, illec, comme à la Noce,
Et comme on serait chez Mendoce
Ils y couraient tout comme au feu,
Et, pour eux, ce n’était qu’un jeu.
Il allaient, de leurs mains, étreindre
Ces Matières, pour les éteindre,
Versant, même, dessus, de l’eau,
Qu’ils puisaient avec leur Chapeau :
Et c’était, dans cette rencontre,
A qui, de son cœur, ferait montre.

Les Officiers, les beaux premiers,
Servaient d’Exemple à leurs Guerriers :
Et le Chevaliers de Lorraine,
Bien digne de l’eau d’Hippocrène,
Y fit voir, pour le trancher court,
Tout le grand cœur du grand d’Harcourt,
Dont brillera toujours la Gloire,
Dans le saint Temple de Mémoire.

Ayant vu que les Ennemis,
Dans la crainte d’être soumis,
De cette sorte, faisaient rage,
Par ce fracas, et cet orage,
Et rendaient nos efforts ainsi,
Inutiles, du moins, quasi,
Lui, tout transporté par la Gloire,
Pour faire avancer la Victoire,
S’en va court, vole à découvert,
Méprisant le Danger ouvert,
A la tête de vingt-cinq hommes,
Tant Officiers, que Gentilshommes,
Descend au pied d’un Bastion,
Où tout est en combustion,
Où les Parques, parmi les flammes,
De maints et maints, coupent les Trames,
Et fait, allant de bout, en bout,
Éteindre là, le feu partout,
En la manière que j’ai dite,
Dont j’ai l’âme toute interdite.

Aller au feu de deux beaux yeux,
Triomphants et victorieux,
Quelque danger qu’il y paraisse,
Encore baste, avec allégresse,
On s’expose à ce péril-là :
Mais quoi ! courir comme cela,
À des Feux qui privent de vie,
Je ne conçois pas cette envie,
Mais revenons au Chevalier.
De son Exploit si singulier,
Le Roi lui fit compliment faire
Par le Comte Marsan, son Frère,
Autre Brave qui, dans son rang,
Ne dément point, du tout, son Sang.

-Le dauphin était présent au moment de la reddition de la place de Dole. Ainsi :

Comme les Assiégés de Dole,
À présent Ville de la Gaule,
Se défendaient si bravement,
Fièrement, et résolument,
Notre charmant Dauphin de France,
Prince de si haute apparence,
Fut, cavalièrement, au Camp :
Et, presque, sur le même champ,
Ces Gens, la Chamade, battirent,
Et, sans barguigner, se rendirent.
Ainsi, pour la première fois,
Que ce Fils du plus grand des Rois,
Paraît dans la guerrière Lice,
Où tout au Père, est si propice,
La Fortune, en ce premier jour,
Par un chef gage de l’amour
Dont, pour lui, déjà son cœur brûle,
Veut qu’une Place capitule :
Et nous témoigne à tous, par là,
Combien, de cette façon-là,
Il aura d’autres faveurs d’Elle,
Par une assistance fidèle.

-Ce dauphin, précisément, est le portrait de son père selon Robinet :

Ce brillant Dauphin que je dis,
Avec ce Monarque des Lys,
Qui, des Dieux, a le Privilège,
Se promenant, partout, au Siège,
Pour voir le Dehors des Dolois [sic],
Et les grands Travaux des Français,
Montrait, sur sa face mignonne,
Tout le feu qu’inspire Bellonne.
On y découvrait, de son Cœur,
Une impatiente Valeur
Qui naissant, désirait paraître :
Enfin, il y faisait connaître
Qu’un jour, par des Faits inouïs,
Il ressemblerait à Louis.

-Ce passage est intéressant : il s'agit probablement d'une interprétation "poétique" et "burlesque" de ce que les historiens contemporains ont nommé une "guérilla" et qui fut engagée contre les Français après la prise de Dole par les ruraux des alentours. Sur ce sujet, voir François Pernot, La Franche-Comté espagnole : à travers les archives de Simancas, une autre histoire des Franc-Comtois et de leurs relations avec l'Espagne, de 1493 à 1678, Besançon : Presses universitaires de Franche-Comté, 2003, p. 318 notamment).

On dit que les Dames Doloises,
Rechignent fort d’être Gauloises,
Et qu’on ne pourra réussir
À quelque peu, les radoucir,
Tant elles chérissent l’Ibère,
Et prennent à cœur, cette affaire.

Mais c’est un conte que cela,
Et dès qu’elle auront vu là,
Nos Courtisans à douce mine,
En bonne foi, je m’imagine,
Qu’elles aimeront un Français,
Plus que vingt Espagnols, cent fois.

-La victoire devant Dole a été suivie d'une fastueuse célébration à laquelle la reine et de nombreux courtisans ont participé. Ainsi :

Louis, après cette Conquête,
Fit sous sa Tente, une ample Fête,
Traitant, par un assez beau jour,
La Reine, avec toute sa Cour :
Et cette auguste Souveraine,
Qui, depuis plus d’une quinzaine,
N’avait point vu ce grand Vainqueur,
Sentit lors, submerger son cœur
Dans un charmant torrent de joie,
(Il faut qu’ainsi, chacun le croie)
De le voir Triomphant, et sain :
Chassant ainsi, de son beau Sein,
Tant de frayeurs presque mortelles,
Qu’Elle sentait sur les nouvelles
Des Dangers où ce franc Héros,
Va s’exposant à tous propos.

-Puis c'est l'armée elle-même qui a été traitée comme il se doit par le roi : passage en revue et harangues éloquentes au programme avant de repartir vers de nouveaux fronts ! Ainsi :

Après ce Repas magnifique,
Suivant son Étoile bellique [sic],
Il fut, ses Troupes visiter :
Et les su si bien exciter,
Par des louanges, et largesses,
A continuer leurs prouesses,
Qu’il connut dans leur mouvement,
Que, sans différer d’un moment,
Elles étaient, à marcher, prêtes,
Pour aller à d’autres Conquêtes.

Profitant, donc, de leur transport,
Il leur a fait prendre l’essor
Devant Salins, lequel, de Dole,
Suivra le Sort, sur ma parole.

-Le duc de Luxembourg a également fait mouvement vers la Flandre, pour y rejoindre Condé et Navailles. Ainsi :

Monsieur le Duc de Luxembourg,
Du Comté, partit l’autre jour,
Où, certe [sic], il a pris maint bon Poste :
Pour s’en venir en Flandre, en poste,
Où, près le Prince de Condé,
Comme le Roi l’a décidé,
Il continuera ses Services,
Dans les belliqueux Exercices.

-Il faut le redire : la victoire sur l'Espagnol en Franche-Comté a été grandement célébrée.

Grands et Petits ont fait ici,
Par un juste et digne souci,
Des Feux de toutes les espèces,
Avec grand chères et liesses,
Pour nos Progrès dans la Comté,
Dont l’Ibère est moult contristé.

-Mais foin des affaires militaires : c'est de justice que Robinet parle désormais et de la manière brillante dont les hommes de loi ont exercé leur office en cette matière dans quelque histoire de fraude. Ainsi :

L’un des deniers jours, aux Requêtes*, [*De l’Hôtel]
Où l’on voit tant de sages Têtes,
Un célèbre Arrêt, on rendit,
Qu’on croit être sans contredit.
C’est sur certain Contrat de Vente,
Qui n’était pas, de fraude, exempte,
Qu’une Novice Nonne a fait,
(Car, en un mot, voici le Fait)
De tous ses Biens de Patrimoine.

Or, d’une façon très idoine,
Mabout, Procureur Général,
Personnage habile, et moral,
Plaida dessus cette matière,
Je crois, du moins, une heure entière :
Et chacun, vraiment, applaudit,
A cent belles choses qu’il dit.

D’autre part, l’Avocat Nivelle,
Demandant, avec force zèle,
Cassation dudit Contrat,
Au Bureau, fit très grand éclat,
N’oubliant raison, ni passage,
Ni pas un trait du beau Langage
Qu’employer, chez Thémis, on voit
Afin d’appuyer le bon Droit.

-Ainsi finit la dernière lettre que nous possédons pour ce mois de juin 1674 :

Beau Couple d’Altesses Royales,
Foi de Muse des plus loyales,
Tout ce que je sais, le voilà,
Et je vais dater sur cela.

-Et donc :

Le seize Juin, ces Vers naquirent,
Et le lendemain, ils vous virent.

Lettre du 7 juillet 1674, par Robinet.

-La période estivale est parfois peu propice pour s'enfermer et se mettre à son écritoire : il est tellement plus simple de "rêvasser" au dehors et de profiter avec tous ses sens de la faune et de la flore, alors resplendissants. Ainsi :

Tout en moi-même, recueilli,
Flairant un œillet frais cueilli,
Écoutant mon Serin qui chante,
Et qui, par ses fredons [sic], m’enchante,
Tenant mon bras gauche accoudé,
Pour être moins incommodé,
Et dessus, appuyant ma tête,
Je rêve, je songe, et m’apprête
À mon Historique Labeur,
Où j’ai besoin de cette ardeur
Que le brillant Dieu Porte-Lyre,
Monseigneur Apollon inspire
À tous grands et petite Auteurs
Du rang de Versificateurs.

Je prends mes Tablettes, et vois
Tout ce que j’ai, pour cette fois,
D’Historiettes, et Nouvelles,
Je les trie, et prends les plus belles,
Je les arrange en mon esprit,
En l’ordre que, dans mon écrit,
À peu près Elles doivent être,
Pour méthodique un peu paraître.
Puis je souhaite que le tout,
De l’un jusques à l’autre bout,
Puisse, en ma véridique Gamme,
Plaire à Monsieur, plaire à Madame,
Et puis quand j’ai fait tout ceci,
Je commence, et débute ainsi.

-Quelques nouvelles de la Pologne et du nouveau détenteur de la couronne : Jean III Sobieski. Celui-ci a "prêté serment" si l'on peut dire :

Le nouveau Roi de la Pologne,
De qui grande estime on témoigne,
Et qui, partout, a grand renom,
Savoir Jean Troisième, du Nom,
Magnanime, éclairé, bon, sage,
Et dont quarante-cinq ans font l’âge,
A juré solennellement,
Comme font coutumièrement
Les nouveaux Rois dudit Royaume,
D’en être équitable Économe,
Observant les Conditions,
Les Pactes et Conventions,
Sous lesquels, enfin, on lui donne
Le plein Pouvoir, et la Couronne.

-Mais son avènement au trône n'est pas pour réjouir tout le monde et ceux qui se sont opposés à lui n'ont pas l'intention, même l'élection passée, de considérer la querelle comme vidée.

Les Partisans de l’Empereur,
Étant toujours remplis d’aigreur,
Pour son Élection contraire
À celle qui pouvait leur plaire,
Ont le vert et sec employé,
Mais en vain, dont Dieu soit loué,
Pour lui faire rendre ces Pactes,
Lorsque l’on en dressa les Actes,
Si fâcheux, si fort onéreux,
Qu’étant tout dégoûté par eux,
De la Couronne à lui donnée,
Elle fut, de lui, dédaignée,
Voire, abandonnée, en un mot.

Afin d’en faire un Roi manchot,
Et tout entrepris sur le Trône,
Ils prétendaient, à ce qu’on prône,
Qu’il ne put, selon ses souhaits,
Faire la Guerre, ou bien la Paix,
Lever des Troupes militaires
Dedans les Polonaises Terres,
Envoyer icelles dehors,
Soit en petits, soit en grands Corps,
Les conduire sur les Frontières,
Dans les Occasions guerrières,
Faire Alliances, et Traités,
(Étant borné de tous côtés)
Avec d’Étrangères Puissances,
Sans les expresses Ordonnances
De la République, ou, vraiment,
Sans son exprès Consentement.

Or, ceux qui prétendaient ces choses,
Avaient leur but en telles Clauses,
Et ce n’était, en bonne foi,
Que pour lier les mains au Roi,
Concernant la Maison d’Autriche :
Mais voilà leur projet en friche,
Et bien loin qu’on les ait suivis,
Étant fondus dans leur Avis,
On a déchargé ledit Sire,
Plus libre ainsi, dans son Empire,
De plusieurs Obligations,
Lois, et Capitulations,
Que, par une ancienne Pratique,
Imposait cette République,
À tous ses Prédécesseurs Rois :
Si bien qu’on va voir, cette fois,
Un vrai Roi dedans la Pologne,
Quoi que Madame Autriche en grogne.

-L'archevêque de Marseille, envoyé rappelons-le par Louis XIV pour soutenir Jean Sobieski dans l'élection, est toujours présent :

Notre admirable Ambassadeur,
Qui des mieux, tient-là, sa Grandeur,
A, dit-on, en cette Occurrence,
Fait des miracles, d’assurance,
En faveur de ce Prince ami :
L’ayant servi non à demi,
Pour faire choir sur sa Personne,
Comme vous savez, la Couronne,
Et pour affermir sur son Chef,
Ce riche et brillant Couvre-chef.

-Suivent quelques nouvelles de l'Orient...

D’un bruit, derechef, on nous berce,
A savoir que le Roi de Perse,
Apprête un puissant Armement
Pour venir contre l’Ottoman,
Et reprendre sa Babylone,
C’est encor quelque conte jaune.

Mais on ajoute, mêmement,
Que ce Persien Armement
Se fait de concert, et fort vite,
Avec le Seigneur Moscovite,
Et que le Cosaque inconstant,
Est de ce Complot important.

-... lesquelles devraient rassurer l'Empire mais en même temps le convaincre, selon Robinet, de cesser de troubler les entreprises françaises autour du Rhin. En effet :

De quelque part que l’avis vienne,
On souhaiterait à Vienne,
Qu’il fut véritable, et pourquoi ?
C’est, cher Lecteur, comme je crois,
Qu’il faudrait qu’ainsi, sa Hautesse,
Rétrogradant avec vitesse,
Pour s’opposer avec son Ost,
A ce beau Trio, ou plutôt,
Laissant la guerrière Besogne
Qu’il s’en va chercher en Pologne.

De cette sorte, l’Empereur
N’aurait plus une si grand'peur,
Pour le Royaume de Hongrie,
Où fort il craint la Confrérie
De Messieurs les Mahométans,
Avec, d’illec, les Mécontents,
S’il faut, pour comble de disgrâce,
Que le Grand Seigneur la Paix fasse
Avec le Roi des Polonais,
Et qu’il n’ait plus d’autres emplois,
Pour occuper son Exercite [sic].

Mais que là-dessus il médite,
Et laisse ses Projets du Rhin,
Pour s’épargner bien du chagrin.

-Comme le révèle la Gazette, le frère de celui qui fut, de 1672 à 1693, le premier médecin de Louis XIV, à savoir Antoine Daquin, est nommé à l'évêché de Provence. Sur le médecin, dont parle aussi Robinet dans cet extrait, voir Jean-Jacques Peumery, "La disgrâce d'Antoine Daquin, Premier médecin de Louis XIV (1693)", Vesalius, II, 2 1996 (www.biusante.parisdescartes.fr/ishm/vesalius/VESx1996x02x02x079x085.pdf).

À Rome dans un Consistoire,
Je le puis mettre en mon Histoire,
On préconisa comme il faut,
Un Abbé qui n’a nul défaut,
Pour porter, avec juste Titre,
De Saint Paul, la brillante Mitre, [En Dauphiné.]
Et ce futur Évêque, enfin,
Est appelé l’Abbé Daquin,
Dont beaucoup, le mérite éclate,
Frère du Premier Hippocrate
De l’Alexandre des Français,
Qui passe celui d’autres fois,
Dont il est, par son soin illustre,
Qui le couvre d’immortel lustre,
Le visible Ange Gardien,
Comme vous le comprenez bien :

-Tandis que Condé, la Feuillade et Luxembourg ont été missionné par le roi pour faire parler les armes en Flandre, c'est dans le sud-ouest que celui-ci a envoyé Schomberg pour contrer les Espagnols. Ainsi :

De Perpignan ici, l’on mande
Qu’avec une Bravoure grande,
Notre excellente Duc de Schomberg,
Qui si bien porte le Haubert,
A déniché de verte sorte,
Avec sa vaillante Cohorte,
Les Castillans du Roussillon.
Ils jouaient, dit-on, du talon,
D’une façon des plus allègre,
En courant comme des Chats maigres,
Devant ce Duc, et nos Soldats
Qui leur faisaient hâter le pas,
Après un Choc entre leurs Troupes,
Qui n’avaient pas le vent en poupes,
Et les Nôtres où, pour certain,
De maints, on trancha le Destin.

Étant retranchés dans la Plaine,
Le Duc eut la dernière peine
De les engager au Combat,
Chacun d’eux, faisait là, le Fat,
Et fallut qu’à la fin finale,
Par une vigueur martiale,
On les forçait jusqu’en leur Camp
Qui, de Bataille, fut le Champ.

Plusieurs de ces lâches Soudrilles,
Illec, laissèrent leurs guenilles,
Et le reste, ainsi qu’il le put,
Fit, de la fuite, son salut :
Et voilà, pour le dire en somme,
Voilà, vraiment, Lecteur, tout comme
Ils furent, à beau carillon,
Licenciés du Roussillon.

-Le détail de l'affrontement est ensuite donné :

Ce Congé-là fort brusque et rude,
Avait naguère, eu son Prélude.

Car deux mille et plus, de leurs Gens,
Tant Miquelets que Castillans,
Étant venus sous un Dom Sanche,
Fleurer de trop près, Ville Franche,
De ce Lieu-là, le Gouverneur,
Parlant de Saigne, homme d’honneur,
Et de cœur, s’il en est sur terre,
Sortit dessus eux, fort belle erre,
Avec un Secours qu’il reçut,
Et fit si bien tout ce qu’il dût,
Que les poussant dans la Carrière,
Jusqu’au-delà d’une rivière,
Il en tua, fit prisonniers,
Près des deux Tiers, des deux milliers,
Leur enleva plus d’un bon Poste,
Tout ainsi qu’en courant la poste :
Et sans la Nuit qui survint lors,
Je ne sais, dans ses beaux transports,
Jusqu’où, pour accroître sa gloire,
Il n’eût point poussé sa Victoire.

N’oublions pas que Fisica,
Qui le Secours conduisit là,
Était, aussi, de la Partie,
De la sorte, bien assortie :
Et qu’il frotta physiquement,
C’est-à-dire, réellement,
Et de fait, les Gens de Castille,
Dont la belle Armée, encor, drille.

-Après celles des Espagnols, ces sont les témérités des Hollandais qui sont battues en brèche - mais sur l'empire des ondes, comme on peut le dire, poétiquement ! Ainsi :

La Flotte Hollandaise, ainsi,
Fuit devant Belle-Île, aussi,
Où, comme une pauvre innocente,
Elle avait fait une Décente,
Avec tant de faste, et d’éclat,
À faute d’en savoir l’état

Mais quand au Trompette de Trompe
Qui, dans ses grands projets, se trompe,
Coëtlogon, Lieutenant de Roi,
Eut fait voir, en quel bon arroi,
Était, de tous côtés, la Place,
Et, de ses Gens, la noble audace :
Quand, de plus, ledit Lieutenant,
Pour lors sa gravité tenant,
Eut dit ces mots à ce Trompette :
» Voilà comment la Place est fait,
» Voyez-là, considérez-là,
» Et la Garnison que voilà,
» Votre Trompe a belle carrière,
» Pour acquérir gloire plénière,
» En cas qu’il puisse exécuter
» Tout ce qu’il a pu projeter,
» Mais égale est, aussi, sa honte,
» S’il arrive qu’il se mécompte.

Quand, dis-je, le Trompette eu vu,
Et ce franc discours entendu,
Quand il eut reporté les choses,
Sans nuls commentaires, ni gloses,
Les Hollandais aussi camus,
Et voire, même, encore plus
Que ne sont des Fondeurs de Cloches,
Sans aucun égard aux reproches,
Levèrent l’Ancre si soudain,
Que l’on en vit, le lendemain,
Pas même, les moindres vestiges,
Non plus que si, par des prestiges,
Ils étaient alors, disparus
Ainsi que des Moines bourrus.

-L'espace manquant sur la page, il est temps de conclure avant de commettre une faute de frappe :

J’aurais, encor, d’autres Nouvelles,
Et quelques-unes de Ruelles,
Mais je suis au bout du papier,
Et plus que plein est mon cahier.
Ce sera, donc, pour la huitaine,
Et sur ce, je barre ma Veine.

-Car cette lettre est bien du 7 juillet, non du 7 juin :

Le sept de Juin [sic], un Samedi,
Ceci fut fait sur le midi.

Lettre du 11 août 1674, par Robinet.

-Dure est, comme nous l'avons déjà dit, la condition du gazetier qui, quel que soit le temps, quel que soit l'humeur, doit, chaque semaine, rédiger sa missive informative ! Quel que soit aussi son état général, car la mauvaise santé ne saurait justifier une quelconque interruption dans ce labeur constamment renouvelé. Ainsi :

Quoi qu’un indiscret Rhumatisme,
Dans notre Santé, fasse un Schisme,
Et nous la déconcerte un peu,
Quoi qu’on n’ait pas l’esprit en jeu,
Ou bien, si vous voulez, en fête,
Et que l’on soit comme une Bête,
Pendant un si sensible mal,
Si faut-il que, soit bien, soit mal,
Aujourd’hui, je grimpe au Parnasse,
Et que ma Légende je fasse.

Le Royal Couple a qui j’écris,
Et tous bénévoles Esprits
Qui liront ma Lettre future,
Sachant cette Mésaventure,
M’excuseront, peut-être, bien,
S’il arrive qu’elle n’ait rien
De galant, de gai, d’agréable.

Car, en conjoncture semblable,
L’Esprit, je crois, le plus huppé,
Par la douleur, tout occupé,
Ne pourrait, dans un tel martyre,
Sinon déchaîner la Satyre
Contre la Nature qui, las !
De ces maux ne nous défend pas,
Tout ainsi que devrait le faire
Une provide [sic] et bonne Mère.
On aurait beau champ là-dessus,
Pour s’étendre tant que rien plus :
Mais ma Muse étant historique,
Et non pas, Muse satirique,
Je vais, ma Préface bornant,
Nouvelliser [sic] tout maintenant,
Selon ma petite puissance,
Et voici comme je commence.

-Un passage précédent faisait déjà allusion aux caprices de la nature et à leurs caractère ravageurs sur les réalisation des hommes. Concernant déjà la Hollande, Robinet y voyait quelque présage de mauvais augures pour ce pays ennemi. Il a désormais de quoi se réjouir après un autre événement semblable : le gros temps a endommagé très sérieusement une partie de la flotte mouillant à Amsterdam.

Les Seigneur Éole, et Pluton,
Le très bon ami de Cloton,
Cette impitoyable Homicide,
Naguère, avaient lâché la bride
À tous leurs Vents, et leurs Démons.
Ciel ! qu’ils firent les Rodomonts,
Tant sur la Terre, que sur l’Onde,
Dans cette course vagabonde.

Depuis longtemps, ces Déchaînés,
Ces Dégondés, ces Forcenés,
N’avaient, avecque plus de rage,
Produit tempête, ni naufrage,
Qu’ils en ont montré, ce dit-on,
En leur dernière irruption.

Chacun s’en plaint, et de Hollande,
Voici, primo, ce qu’on en mande.

Les Vaisseaux, au Port d’Amsterdam,
Qui bien rime avec Rotterdam,
Eurent leurs gros et menus Câbles
Brisés par ces Vents, et ces Diables.

Quatorze en furent renversés,
Voire, dans les flots, enfoncés.

D’autres coururent dessus l’Onde,
(Où Neptune faisait la gronde)
Tout de même que pois en pot :
L’un contre l’autre, se choquèrent,
Et, dans un tel choc, se brisèrent.

Dans la Ville, en francs Découvreurs,
Pour faire plaisir aux Couvreurs,
Tous les Logis, ils découvrirent :
Item, les Vitres, il rompirent,
Pour obliger les Vitriers.
D’Arbres de parade, on fruitiers,
Ils firent un dégât horrible,
Et c’est un dommage indicible.

Utrecht, par ces Séditieux,
Vit détruire ses plus beaux Lieux :
Et trente Maisons de plaisance,
Telles qu’on en peut voir en France,
Ayant des Parterres, des Eaux,
Et des Grottes, et des Berceaux,
Des Boulingrins, et des Dédales,
Par des secousses Boréales,
Trébuchèrent subitement,
Jusques dedans leur fondement,
Trouvant ainsi leur Sépulture,
Dans un pompeuse Masure.

Mais comme c’est chez l’Ennemi,
Que tout cela s’est fait, vraimi [sic],
Gré j’en sais à ces Troubles-fêtes,
À ce Géniteurs de Tempêtes.
Si langue ils avaient pris de moi,
Ils auraient plus fait bonne foi,
Ils auraient été vers Belle-Île,
Faire aussi danser, en beau style,
Sans Violons, tous leurs Vaisseaux :
Et pour le dire en peu de mots,
Les Belges, méritaient, sans doute,
Qu’ils prissent, vers eux, cette route,
Pour, compétemment [sic], les punir
D’avoir bien osé revenir,
Comme ils ont fait, en ladite Île,
(Où ces Messieurs n’ont croix ni pile)
Afin d’y fleurer nos Français,
Encore une seconde fois.

Ces Belges en auraient je pense,
Payé, mais de belle importance,
Comme l’on dit, les pots cassés,
Ou bien les Vaisseaux fracassés.

-Mais pourquoi diable ces désastres n'ont-il pas frappé la flotte de Ruyter qui attaquait Belle-Île ?

Au lieu de cela, dont j’enrage,
Au lieu d’aller faire un Orage,
Sur leur dos, des plus furieux,
Ils sont allés en d’autres Lieux,
Faire ressentir leur furie :
Et maints Cantons de notre Brie,
En ont eu leur mauvaise part,
Si qu’illec aucun n’est gaillard.
Par des Grelots pesant cinq livres,
Ces Vents, et ces Démons, lors, ivres,
Occirent-là, Bêtes, et Gens :
Lesdit aériens Agents
Faisant soudain les Funérailles
Des Oiseaux, Pigeons, et Volailles,
Des Bœufs, des Vaches, et Veaux,
Des Moutons, des Brebis, Agneaux,
Cerfs, Biches, Daims, Lapins, et Lièvres,
Des Boucs, des Taureaux, et des Chèvres,
D’Hommes, Femmes, Filles, Garçons,
Bref, d’Animaux de cent façons,
Tant à poil, que laine, et que plume,
Que ces Grelots d’ample Volume,
Écrasaient par un triste cas,
Ablativo tout en un tas.

-Semblables tempêtes ont touché Paris :

Mais ne nous firent ils pas pièce,
La Nuit de Lundi, dans Lutèce ?
Quels souffles, quels bruits, quels éclairs !
Que de feux partout, dans les airs !

Mais ce fut peu, du tintamarre
Qui faisait dire gare, gare,
Et redoubler à chaque fois,
Sur le front, des signes de croix.
Peu, des lueurs par qui les Nues
Étaient, sans cesse, décousues,
Et qui précédaient ces hauts tons
Plus tonnant que ceux des Canons.
Peu, de ces sifflantes haleines
Qui chassent les zéphirs des Plaines,
Et qui, du Tonnerre, augmentaient
Le bruit par celui qu’ils faisaient.

Enfin, peu de la peur étrange
Qu’ils nous causaient par leur mélange,
Ah ! baste, encor, pour le repos
Qu’ils nous ôtaient mal à propos.

Mais les Lutins sachant pis faire,
Et ne cherchant qu’à nous déplaire,
Firent un grand dégât de Toits :
Car on en compta plus de trois
Dont ils avaient, d’un bout à l’autre,
Envoyé les Tuiles au peautre.
Ils rompirent aussi, le cou,
En divers lieux, je ne sais où,
À quantité de Cheminées
Qui furent, par eux, ramonées.

Ils mirent, poursuivants leur jeu,
Même, à des Maisons, le feu,
Et donnèrent de l’exercice
A nos dignes Chefs de Police,
Qui soudain, quittèrent leur lit,
Pour reconnaître le Délit,
Pour donner l’ordre nécessaire
Sur ce qu’en tel cas l’on doit faire,
Et pour empêcher les Filous
D’y venir faire de leurs coups.

Plusieurs Nonnes, et plusieurs Moines
Qui chantaient lors, leurs Antiphoines [sic],
Accusent ces Démons, ces Vents,
D’être venus à contre temps,
Les troubler dedans leurs Matines.

Outre ces Moines, et Béguines,
Maintes Cloris, maintes Phylis
Que, pour leur roses, et leurs lys,
Craignent les fâcheuses Nuitée,
Sont, aussi, contre eux, emportées.
Et leurs reprochent que leurs teints
Sont tous défleuris, tous éteints
Depuis leur sotte Sérénade
Qui les troubla dans leur Estrade.

Plusieurs Femmes grosses, aussi,
Qu’ils mirent en très grand souci,
Et de qui la pauvre bedaine,
De crever, se retint à peine,
Tant elles eurent de frayeur,
Ne leur pardonne point leur peur.
Mais on ne peut, sur cette affaire,
Aucune justice leur faire,
Les Coupables impunément,
Peuvent tout faire hardiment.

Mais, à mon tour, sans ici, feindre,
Ne dois-je pas, aussi, m’en plaindre
De m’avoir fait, à parler d’eux,
De mes pages, employer deux,
Sans avoir dit d’autres Nouvelles ?
Ah ! laissons-là, ces bagatelles.

-Mais retour à la guerre de Hollande, puisque c'est le sujet principal en ces temps troublés :

Çà, de la Guerre, discourons,
Quand est-ce que nous combattrons ?
Que fait Condé ? que fait Turenne ?
Chacun d’eux, l’Ennemi, malmène.
Chacun d’eux se fait des Quartiers
En expérimentés Guerriers,
Où toujours les suit l’Abondance,
Tandis qu’à l’autre, l’Indigence
Donne partout, échec et mat.

Il devrait bien, par un Combat,
Décider vite ses affaires,
mais ses Chefs, si grands Militaires,
Bournonville, Souche, Montrey,
Et d’Orange, n’osent, je crois,
Offrir, ne recevoir Bataille,
Et quoi qu’on les en siffle, et raille,
Ils prennent, sans fin, des détours,
Et la déclineront toujours.

-Et encore :

Le Marquis Chamilly, dans Grave,
Comme il faut, Rabenhaut, brave.
Celui-ci la Place bloquant,
Et son Canon contre, braquant,
Se vantait que, dans la huitaine,
Il la voulait avoir sans peine,
Avec ses soudards Hollandais :
Croyant égaler les Français
Qui se font, avec leurs Cohortes,
Presque d’abord, ouvrir les Portes
De Postes aussi bons, du moins,
Qu’est-ce ce Grave-là. Néanmoins
Il déjà passé le terme,
Et pourtant Grave, encor, tient ferme.

-Dans un séjour plus pacifique, le nouveau-né, fruit des Amours de Monsieur et de Madame, a été fait duc de Chartres :

Madame, admirablement bien,
Se porte, ainsi que le Fils sien,
Nommé Monsieur le Duc de Chartres,
Qui, pour ne pas tomber, en chartre [sic],
Dont Dieu le garde s’il lui plaît,
Prend, des mieux, et bouille, et lait.

L’une et l’autre Altesse Royale,
De ce succès, très joviale,
En a les Compliments reçus,
Des mieux tournés et mieux conçus,
De la part du Chartrain Chapitre :
Et l’Abbé le Maire, à bon Titre,
Archidiacre dudit Lieu,
Les fit avec beaucoup de feu.

-Quant à la reine, elle a rendu visite à une grande princesse de la cour pour la réconforter dans le deuil qui la frappe :

J’ai su que notre Auguste Reine
A fait l’honneur, cette Semaine,
À Madame de Luxembourg,
De la voir, en son beau séjour,
Sur le Trépas du Duc son Père,
Que la Parque, ravit naguère.

Sa Majesté, m’a-t-on appris,
À la Princesse de Tyngris, [Coadjutrice de l’Illustre Église de Poussay.]
Du susdit Duc, la Belle Fille,
En qui force mérite brille,
Fit, en même temps, même honneur :
Et, de toutes deux, de bon cœur,
Et civilement, fut reçue,
Ayant (la chose ainsi j’ai sue)
Avec elles, en noble atour,
La Duchesse de Mecklembourg,
Et d’autre Personnes pareilles,
Toutes, brillantes à merveilles.

-Une adaptation théâtrale de l’œuvre de Rabelais a été jouée à l'hôtel de Guénégaud. Il s'agit des Aventures de Panurge. Selon Michaud, elle a été composée par un certain "Montauban, échevin de Paris, mort en 1685" (voir Biographie universelle, ancienne et moderne..., tome 36, Paris, 1823, p. 484.) Selon une édition critique de la première moitié du XXe siècle, son titre complet est Les Aventures et le mariage de Panurge (Marion F. Chevalier,Les aventures et le mariage de Panurge (1674) a dramatic adaptation of Rabelais in the seventeenth century,Baltimore : The Johns Hopkins Press, 1933).

Au bel Hôtel de Guénégaud,
On joue, et, certe [sic], comme il faut,
Les Aventure de Panurge,
Où la rate, des mieux se purge
Par maints risibles incidents
Auxquels il faut montrer les dents.
Allez-y donc montrer les vôtres,
Comme nous avons fait les nôtres.

Lettre du 18 août 1674, par Robinet.

-Robinet a retrouvé la santé depuis la semaine dernière.

Ce Rhumatisme si maussade,
De qui j’essuyais la boutade,
L’autre Semaine, tout un jour,
Sans y faire plus long séjour,
A, de chez nous, fait sa retraite,
Et sans tambour, et sans trompette.

Mais comment s’est-il évadé ?
La Faculté m’a-t-elle aidé
A le dénicher de son gîte ?
Dont il a fait gile au plus vite ?
Non ce n’est point par elle en tout,
Qu’on m’en a vu venir à bout,
Ce n’est que par mon seul courage,
Que j’ai triomphé de sa rage.
En lui témoignant mon courroux,
Je vous le fis filer tout doux,
Et sentant échauffer ma bile,
Contre lui, de façon habile,
Je vous assure, il détala,
C’est comme dire il s’en alla.
Oui, ce Mal égal à la goutte,
Autre part, ainsi, prit sa route :
Et j’en avertis les Lecteurs
Qui, de mes Vers, sont amateurs,
Sur tous, leurs Royales Altesses,
Que l’Amour comble de liesses,
Pour leur dire qu’encor pour eux,
Je rimerai tout de mon mieux.

C’est une première Nouvelle,
Au Public, importante et belle :
Mais sans beaucoup l’exagérer,
Je m’en vais dans une autre entrer,
Que la Déesse Renommée,
En maints lieux, a déjà semée,
Toute à l’honneur des Allemands,
Des Espagnols et des Flamands,
Qu’exprès, donc, d’abord, j’apostrophe,
Pour les congratuler, dans la suivante Strophe.

-Les gazetiers font leur travail avec sérieux. Chez eux, l'incertitude est avouée quand il le faut (cf. les passages sur la "palinodie" dans les lettres précédentes) comme le mensonge toujours pourchassé. Ainsi en est-il en ce début du mois d'août 1674 pour ce que l'on nommerait aujourd'hui la désinformation : Robinet s'attaque ici à des écrits infirmant la victoire française du Roussillon sur les Espagnols. Selon ces textes publiés en-deçà des Pyrénées, ce sont les troupes castillanes qui auraient remporté l'affrontement. Las ! il faut donc démentir et de la manière la plus ferme !

Hé bien ! grand Trio d’Ennemis,
Le Triomphe vous est permis,
Vous avez Victoire gagnée :
Et votre illustre Destinée
Vous couvre, aujourd’hui, de Lauriers
Cueillis sur nos plus grands Guerriers !

Vite, vite, des feux de joie,
Qui s’aillent ouvrir une voie,
Avec grand bruit, jusques aux Cieux,
Pour, de vos Faits victorieux,
Entretenir même les Astres,
Et leur raconter nos désastres.

Mais, surtout, vous, prenez ce soin,
Espagnols, qui savez de loin,
Comme de Madrid, à Bruxelles,
Faire exprès venir les Nouvelles
De Combats gagnés tout du long,
Sur nos Français, en Roussillon,
Et, par de flatteurs préambules,
Obliger vos Peuples crédules,
A brûler tous leur pauvre bois,
Pour célébrer vos faux Exploits.

Oui, suivant un semblable style,
Faites qu’à Madrid, qu’à Séville,
Et dedans les autres Cités
Que vous avez de tous côtés,
En Aragon, en Catalogne,
(Où vos Gens un peu l’on recogne)
Dans la Castille, et bref, ailleurs,
Des Courriers menteurs et railleurs,
Portent, aujourd’hui, la Nouvelle
D’un Combat gagné près Nivelle,
Sur les mêmes Français, encor,
Par vos Gens plus vaillants qu’Hector.
Que, de la Victoire, on s’y vante,
Que le Te Deum, l’on y chante,
Et que l’on y fasse en tous lieux,
De même, briller de beaux feux,

Il a (comme le dit l’Adage,
Qui me semble assez juste et sage)
Beau mentir lequel vient de loin.
Cependant, je vais prendre soin
De publier dans ma rimaille,
Le vrai tout pur de la Bataille,
Dont il est ici question,
Sans prou ni peu de fiction.

-Mais où en sont les capitaines français dans la Hollande ? Des nouvelles plus longues nous sont ici données avec la mention de la fameuse bataille de Seneffe :

J’entends battre la Général,
Condé, dont l’Âme martiale
Ne respire que les Combats,
Au Camp de Piéton, est las
De voir ces trois Corps d’Adversaires
Si nombreux en grands Militaires,
Éluder, sans cesse, le Choc,
Où, pour lui, la Victoire est Hoc.
Une ardeur, en lui, non pareille,
Vous lui met la Puce à l’Oreille,
Il est à la pointe du jour,
À Cheval, en guerrier atour.

Il part avecque son Armée, [le XI. Août à cinq heures du matin.]
Par lui, comme il faut, animée,
Et qui pétille de se voir
Où l’appelle son cher devoir.

D’Enghien qui, loin qu’il dégénère,
Veut tâcher d’égaler son Père,
Est près de lui, monté des mieux,
Et faisant briller, dans ses yeux,
Tout le beau feu du Dieu de Thrace,
Comme des plus près de sa Race.

Le fameux Duc de Luxembourg,
Si bien chez Mars, et dans la Cour,
Et l’illustre Duc de Navailles,
Des plus stylés dans les Batailles,
Le sieur Marquis de Rochefort,
Que l’on peut dire en Guerre, un Fort,
Et le Chevalier de Fourille,
En qui le Courage, aussi, brille,
Comme Lieutenants Généraux,
Accompagnent ces deux Héros :
Et, sur leurs traces militaires,
Tous nos Braves, soient Volontaires,
Ou soient Officiers commandés,
Se voient par l’Honneur guidés.

Allemands, Espagnols, Bataves,
Quoi que plusieurs, aussi, soient braves,
Sachant le Dessein de Condé,
Qui ne peut plus être éludé,
Emploient toute leur prudence
A bien préparer leur Défense.
Quoi qu’ils aient vingt mille hommes plus,
Ils craignent de se voir battus,
De fossés, et de marécages,
De défilés, et de villages,
De ravines, et de ruisseaux,
De bois, de jardins, de coteaux,
Ils se couvrent, ils se remparent,
Ils se retranchent, ils se garent :
Et, par des Dédales, enfin,
Il faut se tracer un chemin
Où le péril, et la disgrâce,
Se montre, d’espace, en espace.

Condé, nonobstant tout cela,
Et tous ces Labyrinthes-là,
Fait passer sa noble Cohorte,
Qui, partout, gaiement se porte,
A la suite d’un si Grand Chef,
Sans redouter aucun méchef.
Par son ordre, le brave Compte
Montal, dont on fait tant de compte,
A la tête des Fantassins,
Va, perçant fossés, et jardins,
Faire l’attaque d’un Village, [Sénef (sic).]
Où s’était, à son avantage,
Un Corps des Ennemis, posté,
Qui fut d’importance, frotté.
Ce Corps était d’Infanterie,
Dont fut fait grande boucherie.

Pendant ce Prélude, Condé,
Des autres Vaillants, secondé,
Va chercher leur Arrière-garde,
Lors assez loin de l’Avant-garde.
Traversant ruisseaux, et marais,
Il se met en Bataille, auprès,
Charge les Escadrons, les perse,
Enfin, les rompt, et les renverse :
Et, de trente, au moins, qu’ils étaient,
Les Débris poursuivis, se voient,
Avec une vigueur semblable,
Et c’est-à-dire, incomparable,
Jusques vers un grand Défilé.
L’Ennemi, certe [sic], en est troublé,
Il craint son entière Défaite,
Et pour assurer sa retraite,
Jette un grand Corps de Fantassins
Dans des haies, et des jardins,
Met six gros Bataillons derrière,
Et, bref, borde une plaine entière,
De sa Cavalerie, aussi.

Mais que fait Condé ? le voici.
Il fait, et sur l’Infanterie,
Et dessus la Cavalerie,
Charger encor si vertement,
Qu’on les voit plier au moment.

De cette faiblesse, on profite,
L’Infanterie est déconfite,
La Cavalerie a l’effroi,
Et se retire en désarroi,
On la poursuit dedans sa fuite,
Et Lecteurs, en voici la suite.

Ils se retranchent, derechef,
Pour éviter nouveau méchef [sic],
En un Village inaccessible. [Du Fay.]
Et dont le chemin est terrible.

Là, dans des haies, et buissons,
Plus piquants que des hérissons,
Ils rangent leur Infanterie,
Entre elle, et la Cavalerie,
Ils entassent leurs Bataillons,
Et conservant de très grand fronts.
Attendent Condé de la sorte.

Ils arrive avec sa Cohorte,
Déjà, par deux très beaux Exploits,
Victorieuse par deux fois.
Il en fait, dans un ordre sage,
Avancer, devers le Village,
L’Infanterie, en la postant.
Il met dedans le même instant,
Sa Cavalerie en bataille,
Et, tout de nouveau, l’on chamaille,
Très ardemment, très chaudement,
Et s’entend, mutuellement.
Car nul n’entendant raillerie,
Chacun, de son Artillerie,
Avait fait venir en ce lieu,
Peu, ou prou, pour faire beau feu.

Mais la Victoire, comme un Terme,
Près de Condé, demeure ferme,
Et, comme ailleurs, il est Vainqueur.

L’Ennemi, pourtant, a du cœur,
Et quoi que, dans cette aventure,
Il croisse sa perte à mesure
Qu’il veut réparer ses échecs,
Il se défend sur nouveau frais.

Mais la Lune, dont la Lumière,
Du Jour, allongeait la Carrière,
Par pitié qu’elle eut des vaincus,
Ainsi, par trois fois, bien battus,
Disparut : et lors, la nuit sombre,
Qui met toutes bêtes à l’ombre,
Obligea les Victorieux,
Après tant d’Exploits glorieux,
À laisser en repos les autres.

Le jour prochain, aux Lecteurs nôtres,
Bien d’autres choses, je dirai
Du Combat, qu’ici je tairai,
Pour, deux petits Chapitres, mettre,
En la présente Épître en mètre,
Que je ne saurais différer,
Et que je vais en bref, narrer.

-Retour dans Paris, pour des nouvelles des Capucins. Ainsi :

Mercredi, grand Jour de la Vierge,
À l’Autel garni de maint Cierge,
Où l’on l’honore aux Capucins,
Tous si bons, si pieux, si saints,
Leur Général, excellent homme,
Pour vous dire la chose en somme,
Donna l’adorable Corpus,
Dont tous les Chrétiens sont repus,
À chacun des cinquante Pages,
(Dont lors il fit autant de sages)
De la Grand Écurie du Roi :
Et puis, dit-on, en saint arroi,
Il leur donna les indulgences
Qu’on donne en telles occurrences.

Bartel, leur digne Gouverneur,
Et tout à fait Homme d’Honneur,
Prenant soin de leur Conscience,
Indocile, par fois, je pense,
Leur avait ce bien procuré,
Dont ils lui doivent savoir gré.

-Viennent ensuite des nouvelles des Carmélites et de ce fameux Daquin dont nous parlions plus haut :

L’Abbé Daquin, aux Carmélites,
Du Ciel, les chères Favorites,
Fut, Dimanche dernier, sacré, [Évêque de S. Paul.]
Et, de tous les atours, paré,
Qu’on porte quand on la Mitre,
Il la porte à très juste Titre,
Il a savoir, il a vertus,
Dont doivent être revêtus,
Les Personnes Épiscopales,
Et, sur tout , les Théologales.

Lettre du 1er septembre 1674, par Robinet.

-La chose est évident : dans ses éloges, Robinet présente ses protecteurs comme dotés des qualités les plus élevées... Ainsi :

Par nulle excuse, je n’élude,
Quant à ce jour-ci, le Prélude,
Et, de suite, y manquer deux fois,
C’est mériter dessus les doigts.

Brillantes Altesses Royales,
Dignes des plus parfaits Régales [sic]
Que fassent les Savante Sœurs,
Et qui, par d’insignes faveurs,
Vous contentez, chaque semaine,
Néanmoins, des fruits de ma Veine,
Vous en mériter bien vraiment,
À chaque fois, un Compliment,
Sinon d’un style magnifique,
Au moins de manière historique.

Par exemple, ainsi, je vous dis
Qu’en notre belle Cour des Lys,
Vous avez des premières Places,
Et qu’on voit marcher, sur vos traces,
Deux Grâces, avec deux Amours,
De qui l’on doit compter les jours
Parmi les plus beaux que l’on voie,
Et tous filés d’or et de soie.

J’ajoute, ô Couple glorieux,
Que, de la Nature, et des Cieux,
En vous, tous les Dons, on admire,
Et qu’on ne saurait bien décrire,
Ni chanter vos perfections,
Et vos illustres Actions.

Comment, ô, du ROI, FRÈRE UNIQUE,
Dans le Chant le plus héroïque,
Peut-on peindre votre grand cœur,
Votre bonté, votre douceur,
Votre Esprit, et votre sagesse,
Magnificence, et politesse ?

Comment, ô sa noble Moitié,
Qui, de toute son amitié,
Épuisez les justes tendresses,
Et les transports, et les caresses,
Peut-on, dans le Chant le plus beau,
Tracer, comme il faut, le tableau,
(Dites-le nous, un peu, MADAME)
De ces grâces de Corps, et d’Âme,
Qui votre Caractère font,
De cet Esprit si vif, si prompt,
De ces yeux où tant de feu brille,
Et, bref, de tout ce qui fourmille
En vous, d’adorables appas ?
Oui, bon, cela ne se peut pas.

Laissant, donc, ici l’impossible,
Auquel, ainsi qu’il est visible,
Nul ne saurait être tenu,
Je vais, en langage ingénu,
Narrer, d’aujourd’hui, les Nouvelles
Qui me sembleront les plus belles,
Après cet assez long Ingrés,
Que, pour deux fois, j’ai fait exprès.

-Notre gazetier évoque la représentation de l'Iphigénie de Racine qui a été un succès selon ce qu'il en a entendu. Il n'a en effet pu assister ni à la pièce ni aux festivités qui l'ont suivie :

La très touchante Iphigénie,
Ce Chef-d’œuvre du beau Génie
De Racine, ravit la Cour,
Quand elle la vit, l’autre jour,
Si fidèlement récitée,
Et dignement représentée,
Par les grands Acteurs de l’Hôtel.

Alors, Mortelle, ni Mortel,
Alors, ni Prince, ni Princesse,
Alors, et ni Dieu, ni Déesse,
De tous ceux qui se trouvaient là,
A ce rare Spectacle-là,
Ne put onc [sic], retenir ses larmes,
La voyant, avec tant de charmes,
Par l’ordre d’un barbare sort,
Ainsi, destinée à la mort

Le pathétique, et vraisemblable
Tenant là, lieu du véritable,
Tant ce Dramatique est parfait,
Produisit un pareil effet :
Et, pour lors, la Cour toute pleine
De Pleureurs, fit une autre Scène
Où l’on vit maints des plus, beaux yeux
Voire des plus impérieux,
Pleurer, sans aucun artifice
Sur ce fabuleux sacrifice.

L’Auteur fut beaucoup applaudi,
Aussi vrai que je vous le dis,
Et mêmes notre auguste Sire,
L’on louangea fort, c’est tout dire.

Ce Divertissement de Roi,
Sera donné, comme je crois,
Aux chers Habitants de Lutèce,
Qui le verront avec liesse,
Pendant le Quartier Hivernal :
Et moi, d’un si charmant régal,
D’avoir ma part, j’ai grande envie,
Si jusqu’alors, je suis en vie.

Les deux Majestés l’ayant pris,
Avec les Grâces, et les Ris,
Dedans leur verte Orangerie
Si parfumée, et si fleurie,
En eurent un autre plus gai,
(Ce m’a dit un Monsieur du Gay)
Qui fit grand bruit, et grand'lumière
Pendant la Nuit sereine, et claire.

Ce fut un Feu qui, très complet,
Fit, comme on dit, du feu violet,
De qui la Machine brillante,
Sur le Canal, était flottante,
Et dont mille bruyants Éclairs
S’allaient élevant dans les Airs,
Et, loin du lieu de leur Naissance,
Dans cette aérienne distance,
Se tournaient en Astre nouveaux,
Et de très fringants Serpenteaux.

C’est là, du superflu des poudres
Dont notre Jupin fait ses Foudres,
Ce qui se fait pour ses ébats,
Quand, des Sièges, et des Combats,
Il revient, tout couvert de gloire,
Se délasser de sa Victoire.

Dire que la Collation,
Causant pleine exultation,
Vint-là, très bien assaisonnée,
Et très galamment ordonnée,
Présenter ses bonbons friands
A quantité d’Objets riants,
La chose est assez inutile,
Car on sait bien que c’est le style.

Finissant ce Chapitre, donc,
Qui, désormais, est un peu long,
Et que, dans ma dernière Lettre,
Aucunement, je ne pus mettre,
Je m’en vais prendre le souci
D’en rappeler un autre ici,
Encor de Date plus antique,
Mais aussi, non moins authentique,
N’ayant pu le placer non plus,
Dans cet autre Ecrit trop diffus,
Grâce à nos triples Adversaires,
A nos Vainqueurs imaginaires,
Qui m’en ont fourni le sujet.

-Le précepteur du dauphin a été reçu à l'Académie française :

Sachez, donc, que l’illustre Huet,
Par sa science, un Homme insigne,
Et le Sous-Précepteur bien digne
De Monseigneur notre Dauphin,
Est, augmentant son beau Destin,
Admis dans notre Académie,
Des Gens Lettrés, le bonne Amie.
En la place on le colloqua,
Que laissait vide ce Lieu-là,
La mort du fameux Gomberville,
Assez connu dans cette Ville,
Et partout le Gaulois État :
Où l’on faisait beaucoup d’état
De son Roman en grand volume,
Où l’on vit sa charmante Plume
Si chrétienne en dernier ressort,
Que l’on le croit saintement mort.
Huet fit pour sa bienvenue,
Une Harangue bien tissue,
Et qui convainquit amplement,
Qu’on le plaçait là justement.

Fléchier, autre rare Génie,
Directeur de la Compagnie,
Délicatement répondit,
Et tous les deux on applaudit.

Je devrais, et m’en voilà quitte,
Cette remarque à leur mérite,
Passons, donc, à d’autres sujet
Qui sont aussi beaux, et plus frais.

-Les suites de la bataille de Seneffe : les captifs ont été ramenés à Paris et à Versailles... à leur grand ravissement si l'on en croit notre gazetier !

Le Duc d’Holstein et plusieurs autres
Des Prisonniers faits par les Nôtres,
En la Bataille de Sénef,
Et que, pour le conter en bref,
On a conduits en cette Ville,
Ont été voir, à Domicile,
Nos visibles Divinités,
Cela s’entend, les Majestés,
Et le Dauphin que Dieu conserve.
Ils ont aussi, vu, sans réserve,
Versaille [sic], en tous ses beaux endroits,
Et se sont récriés, cent fois,
Tant sur ses pompeuses Structures,
Que sur ses Meubles, ses Dorures,
Ses Grottes, ses Jardins, ses Eaux,
Ses Dédales, et ses Berceaux,
Et tous leurs cinq sans de Nature
En furent charmés, chose sûre.

Mais ce qui les a plus surpris,
Rien ne pouvant leur plaire au prix,
C’est, de ce Lieu, les divins Hôtes,
Qui montrent des vertus si hautes,
C’est, surtout, ce Roi glorieux,
Si triomphant, partout, chez eux,
Ce sont les bontés, pour tout dire,
Que leur fit voir l’Auguste Sire.

-Le récit de la cérémonie religieuse célébrant la victoire est l'occasion pour Robinet de contrer à nouveau la propagande espagnole qui toujours remet en cause le succès français :

Quelques-uns d’iceux, ce dit-on,
Étaient à notre Te Deum,
Qui, chanté fut, en belle gamme,
Dans le Temple de Notre Dame,
En présence des Majestés,
Du grand Dauphin à leurs côtés,
De Monsieur, de Mademoiselle,
Et de leur brillante Séquelle.

Ils reconnurent les Drapeaux
Pris dessus les Impériaux,
Les Espagnols, et les Bataves,
Et qu’en l’honneur de tous ces Braves
Du fameux Combats de Sénef [sic],
On arbora là, dans la Nef.

De la sorte, notre Victoire
Digne d’éternelle Mémoire,
A bonnes Enseignes, je crois,
Se manifeste à tous : mais quoi ?
Nos Vaincus, pourtant invincibles
Dans leurs Écrits des plus risibles,
Crient sans cesse, tant y a,
En Capitan, vittoria :
Et soutiennent, vaille que vaille,
Qu’en un mot, du Champ de Bataille,
Ils sont les Maîtres demeurés.

-Pour démentir, rien de mieux que de faire parler ceux des braves Français qui, selon cette propagande, seraient morts au combat :

Ils ont fait de nouveau efforts
Pour accroître encore nos Morts,
Et leur Plume qui s’évertue
A cela, par plaisir, nous tue,
Ou fait tuer, par leurs Guerriers,
Le Duc de Chevreuse, et Villiers
Qui n’étaient point à la Bataille,
Ce qui vaut bien que les en raille,
Le dernier même, ayant vendu
Sa Charge, ainsi que je l’ai su.

Pourtant, la semaine prochaine,
En étendant leur Liste vaine,
De Noms tués, et de Morts feints,
Ils en promettent, encor, maints.

Or, je les veux, oui, je vous jure,
Aider en cette Conjoncture :
En leur envoyant, tout exprès,
Soit-ce même, à mes propres frais,
Un Livre qu’ici l’on débute,
Qui, de tous nos Gens de mérite,
Et des plus illustres Maisons,
Contient les Noms, et les Surnoms,
Afin qu’ils puissent occire
Ceux qu’ils voudront, le tout pour dire,
A telle fin que de raison,
Qu’ils ont vaincu, quoi qu’hélas ! non.

Ils content mainte autre Sornette,
Ils ont pris la Blanche Cornette,
Avec deux autres Officiers,
Ils ont, en très vaillants Guerriers…

Mais c’est trop, sur cette matière,
Pour aujourd’hui, prendre carrière,
Et d’ailleurs, d’autres là-dessus,
Les raillent si bien que rien plus.

-Cette cérémonie a été brillante jusque dans les moindres détails des parures portées par les participants. Ainsi :

Chacun, d’une ardeur noble et belle,
A fait, à l’envi, voir son zèle,
Par des Prières pour le Roi.
Mais j’ose dire, en bonne fois,
Que nos Messieurs de la Perruque
Qui sied si bien sur toute Nuque,
Ne l’ont, à nuls autres, cédé.

Me trouvant, sans être mandé,
Dedans la Paroisse Royale,
Je vois la Pompe qui s’étale,
Partout, et dedans, et dehors,
Et qui, par de dignes efforts,
Des plus belles Tapisseries,
Et plus riches Orfèvreries,
Pare, avec éclat, et splendeur,
Le Maître Autel, et tout le Chœur.

Je vois à tous les Frontispices,
Les Portraits, les Armes propices,
De notre Roi victorieux.
Je vois, tout cela de mes yeux,
Toutes ces choses nonpareilles :
Et puis j’entends de mes Oreilles,
Après le Sermon, des Saluts
Chantés non pas avec des Luths,
Mais avec Musique excellente :
Et j’apprends, dont fort je les vante,
Que ce sont lesdits Perruquiers
Qui, sur tous les Corps, et Métiers,
Veulent, montrant, ainsi leur zèle,
Certe [sic], après Eux, tirer l’Échelle.

Lettre du 15 septembre 1674, par Robinet.

-Monsieur et Madame sont à Villers-Cotterêts :

C’est en votre Villers-Cottrets,
Dont vous augmentez les attraits,
Par votre royale présence.
C’est en ce Château de plaisance,
Ô Couple plus charmant cent fois,
Que l’Endymion d’autres fois,
Et sa Chasseuse diaphane,
Que l’on nomma toujours Diane.
C’est là, dis-je, où, peut-être, aussi,
Vous sentez le même souci
Que causait à cette Déesse,
La Chasse, et l’aimable Tendresse.
C’est dans ce Lieu, que ma Muson
Qui n’est nullement camuson [sic],
Vous adresse, aujourd’hui, l’Épitre
Que, sur un assez beau Pupitre,
Elle vient de rimer exprès
Pour la faire imprimer après,
Et puis étant ainsi rimée,
Et, de cette sorte, imprimée,
Lui faire prendre bien et beau,
Le droit Chemin de ce Château.

J’y convoque, dessus vos traces,
Flore, Zéphir, Amour, les Grâces,
Les Ébats, et tous les Plaisirs,
Si propres aux jeunes Désirs.

Mais c’est bien à moi, certe [sic], à faire
À me mêler de cette affaire,
Il vous suffit de vos appas,
Pour les attirer sur vos pas,
Quant à moi, le Devoir exige,
Sans qu’à davantage, il m’oblige,
Que je vous offre les Discours
Que je rime tous les huit jours,
Et je vous rends, de ma Verve,
Les petits Tributs sans réserve,
Y joignant mes respects profonds,
Dont j’ai, pour vous, un très grand fonds.

-Un passage sur la Pologne permet à Robinet de rappeler l'inconstance des choses dans l'existence. Ainsi :

Voilà la Pologne bien aise,
Le Sultan, en Carrosse, ou Chaise,
A Cheval, ou d’autre façon,
Retourne, au plus vite, dit-on,
Non, encor, à Constantinople,
Mais, pour certain, dans Andrinople,
S’employer à d’autres ébats,
Qu’à des Sièges, et des Combats.
Soit par faiblesse, ou politique,
Il montre une humeur paciffique,
Et, par le Kahn des Taratarois,
Il fait jurer au Polonais,
En faveur de leur sage Sire,
Qu’en amitié, vivre il désire,
Avec eux, sans Car, Si, ni Mais,
Cela s’entend, faire une Paix,
Qui ne soit point, du tout, fourrée,
Mais qui, des deux côtés jurée,
Soit ferme et stable pour toujours,
Ce qui me semble un grand Discours.

Car las ! hélas ! parmi les hommes,
Notamment au Siècle où nous sommes,
Rien n’est stable, rien n’est constant.
Au contraire, tout est flottant,
Dedans les Affaires du Monde,
Plus cent fois, que la fuyarde Onde.
Dans les Amours, de tous côtés,
On ne voit qu’infidélités.

La Faveur, même la plus ferme,
N’a bien souvent, qu’un petit terme.

D’un Emploi, qu’on croit assuré,
Vous êtes, tout soudain, sevré.
La Santé, sans cesse, s’altère.
La Jeunesse ne dure guère.
Ce qui plaît aujourd’hui, demain,
Deviendra l’objet du dédain.

Quelque temps, Phylis sera belle,
Et tout d’un coup, ce n’est plus elle,
On voit les roses et les lys
De son Teint, promptement flétris.
Un tel à qui rit la Fortune,
L’a bientôt après, importune.

Mais ô longue Digression
Que j’ai faite à l’occasion
De Chapitre de sa Hautesse !
N’en faisons plus, le temps nous presse,
Sus revenons à nos Moutons
Et des Nouvelles débitons.

-Les Impériaux ont réuni de nombreux soldats pour contrer Turenne. Tous se dirigent vers Entzheim (orthographié ici "Zintsim") où la bataille aura lieu. Ainsi :

Maintes Troupes Auxiliaires,
Mais, la plupart, très peu guerrières,
De Bade, Lunebourg, et Zel,
Comme, aussi, de Volfenbutel,
Et, pour ric-à-ric, tout vous dire,
De quelques Cercles de l’Empire,
Ont joint de Bournonville, enfin,
Puis, ensemble, passé le Rhin.

On dit que la Cavalerie,
Je ne sais si c’est raillerie,
Est perchée sur des Chevaux
Qui sont si puissants, et si gros
Que pour rembourser leur Corsages,
Il faut d’innombrables fourrages ;
Et que dès qu’ils en manqueront,
De telle sorte ils maigriront,
Que ces Animaux de Carrosses,
Deviendront des Squelets [sic], des rosses,
Et des fantômes sans vigueur,
Seulement bons pour l’Écorcheur.

À l’égard de l’Infanterie,
On dit, encor, sans flatterie,
Que les vertus elle n’a pas,
Qui conviennent aux francs soldats,
Surtout, les vertus de Diète :
Qu’elle se chême [sic], et s’inquiète,
Aussitôt ne fait point,
Par jour, ses trois repas, à point,
De pain, de lard, fromage, et bière,
Pour avoir bedaine plénière :
Et que dès qu’elle jeûnera,
Le courage lui manquera,
Et deviendra très inutile
Audit Prince de Bournonville.

Il avait de vaste desseins
Qui sont maintenant plus succincts.
Car Philisbourg, et d’autres Places
Dont il devrait, pour les Préfaces
De ses Exploits si belliqueux,
Faire les Sièges deux à deux,
Sont de son Agenda, rayées,
Et bref, il prend d’autres brisées.

Il devait, aussi, disait-on,
Pour s’acquérir un beau renom,
Faire bien une autre merveille
Qui nous eût paru nonpareille,
Venir prendre revanche, enfin,
Du fâcheux échec de Zintsim,
Battant le Prince de Turenne :
Mais il s’est trouvé hors d’haleine,
Pour en avoir simplement fait
Le grand et dangereux projet.

-Continuant sur la même lancée, Robinet déprécie les forces ennemies et leur capacités, comme pour mieux éloigner avec l'inquiétude, le danger qui se dirige vers Turenne.

Monterey, Souches, et d’Oranges,
Voulant mériter des louanges,
Sont aussi grands Entrepreneurs,
Mais très petits exécuteurs.

Depuis un longtemps, ils promettent,
Et, délayant toujours, remettent
Les Sièges au nombre de trois,
Qu’ils désirent faire à la fois.

Ceux de la Haye, et de Bruxelles,
Sans cesse, en attendent nouvelles,
Tout à fait, impatiemment,
Et murmurant fort, mêmement,
De ces longueurs, et ces remises,
Touchant des choses tant promises.

Mais qu’ils s’en prennent à Condé,
À ce Mars qui tient là le Dé.
De si près, leurs Gens il talonne,
Qu’ils n’ont pas, Dieu me le pardonne,
Quoi qu’ils projettent, le moyen
De jamais exécuter rien.

Cependant, leurs nombreuses Troupes,
N’ayant, souvent ni pain ni soupes,
Raves, Oignons, Bière, ou Tabac,
Pour régaler leur estomac,
Meurent de mort assez funeste,
De la Faim pire que la peste,
Qui les étouffe, toute ainsi
Qu’elle, sans aucun merci.

D’ailleurs, un grand nombre désertent
Malgré leurs Chefs, qu’ils déconcertent,
Et les autres, vrais Garnements,
Mais notamment, les Allemands,
Pillent, saccagent, et violent,
Et les Pays entiers désolent,
Tant en Flandres, que vers le Rhin,
Pour se venger de cette faim.

-L'histoire à laquelle Robinet peine à donner foi est pourtant vraie : Ruyter a bel et bien attaqué la Martinique, en fait le 20 juillet 1674 (voir Charles Bourel de La Roncière, "L'Attaque du Fort-Royal de la Martinique par Ruyter (20 juillet 1674)", Revue de l'histoire des colonies françaises, Paris, 1er trimestre 1919).

On conte une plaisante Histoire
De Ruyter, que j’ai peine à croire.
C’est qu’ayant pensé pouvoir mieux,
Les Français vaincre en lointains Lieux,
Était allé, dans l’Amérique,
Attaquer notre Martinique :
Mais qu’il y fut si bien reçu,
Aussitôt qu’il fut aperçu,
Qu’il se vit contraint au plus vite,
De rembarquer et cherche gîte,
Tout le plus loin qu’il put, de là,
S’entend bien, de cette Île-là.

Du Canon tirant à Cartouches,
Vous lui donna de telles touches,
D’un Fort voisin d’un Cul de Sac,
Qu’il en eut, ab hoc, et ab hac,
Pour plus de deux cent de ses Drilles
Qui laissèrent là, leurs guenilles,
Outre certain Baron de Strum,
Et par sus les Morts, environ
Quatre cent Blessés pour leur compte.

C’est ce que de Ruyter, on conte,
Ce que de son Voyage, on dit,
Dont chacun se gausse, et se rit.

Il pensait conquêter [sic] nos Îles,
Tout d’emblée : et le pauvre Gilles,
N’a, pour tout, conquis que des coups
Dont il se voit raillé de tous.
Mais, coups pour coups, comme je pense,
On l’eût pu satisfaire en France,
Hé pourquoi, sans aucun besoin,
S’aller faire battre si loin ?

-Pendant ce temps, dans la Hollande, les combats se poursuivent, comme par exemple le siège de Grave :

Rabenhaut qui tranche du brave,
Aime mieux, au Siège de Grave,
Dans son Pays, être battu.

Il est toujours Cogne-Fêtu,
N’avançant rien au susdit Siège
Qui semble, à son courage, un piège
Que lui-même s’est procuré.
Car il se tenait assuré
D’emporter, en huit jours, la Place,
Et depuis quarante, il se lasse,
Et perd tous ses Gens à crédit.
Ô Siège, pour lui, bien maudit !

Mais comment un Apothicaire
Peut-il aussi, des Sièges faire ?
Car on dit que, de ce Guerrier,
Ce fut, autres fois, le Métier :
Et qu’il avait bien plus d’adresse
À manier Seringue à Fesse,
Que les Seringues du Dieu Mars,
Dont l’on abat murs, et remparts.

Sans l’offenser, certain Adage
Dit, d’une manière bien sage,
Que quand chacun fait son métier,
Comme il faut, en particulier,
Et n’a que de justes Idées,
Les Vaches eu [sic] sont mieux gardées.

-Retour à Paris et aux affaires de la cour, qui ne furent pas bonne pour tous ces derniers jours si l'on en croit notre gazetier :

On a, ces jours-ci, de la Cour,
À plusieurs, un si cher Séjour,
Congédié quelques Personnes,
Pour des raisons, sans doute, bonnes :
Mais comme je ne les sais point,
Je me tairai dessus ce point.

Deux ou trois autres Personnages,
Ont été, comme Oiseaux, en cages,
Conduits en diverses Prisons,
Aussi pour de bonnes raisons :
Mais d’autant que je les ignore,
Je m’en tairai, Lecteur, encore.

Pourtant, selon mon jugement,
Ils auront péché, sûrement,
Par pensée, œuvres, ou paroles,
Et ce ne sont point hyperboles.

-Un ouvrage considéré comme blasphématoire a été détruit par ordre des autorités :

Un Homme anonyme, et caché,
Dans tous ces trois cas a péché,
Ces jours passés, par un Libelle
Qui faisait voir son cacozèle [sic].
Le Titre est Premier Entretien,
Mais entretien fort peu chrétien,
D’un Euchariste [sic], et d’un Eudoxe,
Qui, de façon non orthodoxe,
Parlaient injurieusement,
Faussement, scandaleusement,
Contre l’Auteur digne de gloire,
Lequel nous a donné l’Histoire
De l’Arianisme, exécré.

Pour cela, dont je sais bon gré
Au sage Chef de la Police,
Cet Écrit-là, plein de malice,
Fut, par son juste Jugement,
Mis en pièces, publiquement,
Et puis jeté dedans la Flamme,
Afin d’en purger le diffame.

Lettre du 29 septembre 1674, par Robinet.

-Monsieur et Madame ont quitté Villers-Cotterêts : c'est à Paris, dans le Palais Royal qu'ils sont désormais.

O Vers dont je vais être Père,
Je vous souhaite un sort prospère,
Sous les Ascendants glorieux,
De ces deux Astres radieux,
Que d’un si beau feu, l’on voit luire
Dans l’Olympe de notre Sire,
Et dont l’on voit ici, toujours,
A la tête de mes Discours,
Comme d’augustes Frontispices,
Les Noms illustres et propices.

Ce n’est plus à Villers-Cottrets,
Que l’on voit briller les Attraits
De ces deux Altesses Royales
De qui les flammes Conjugales
Produisent de jeunes Héros.
Pour premier avis, en deux mots,
Je dis qu’elles sont à Lutèce, [Paris.]
Où j’espère avoir la liesse
De pouvoir leur donner demain,
Dans leur Palais Royal, ma Lettre en propre main.

-Audenarde semble avoir été menacée par les Hollandais mais ils ont battus en retraite à l'arrivée des capitaines français, dont Condé.

Je ne sais si l’on goguenarde,
Mais on assure qu’Oudenarde [sic],
Que l’on avait assiégé,
Fut sept jour après, dégagé.

Comment ? trois fameuses Armées
Si grosses, si bien animées
Par les trois grands Chefs qu’elles ont,
Des Exploits, de la sorte font ?
Bonne foi, je ne le puis croire,
Ils aiment, je crois, trop la gloire.

Examinons un peu cela,
Et voyons si sur ce pied-là,
Nos Ennemis auraient pu faire
Ce que l’on veut nous faire croire.

Depuis un mois, ils concertaient
Sur ce qu’ils exécuteraient,
Et, dans leurs grands Conseils de Guerre,
Ils avaient résolu, belle erre,
D’attaquer, pour dignes Exploits,
Jusqu’à deux Places à la fois,
Puis arrêté, par leur prudence,
Qui, partout, est en évidence,
Qu’Oudenarde [sic] seul suffirait,
Et que seul on l’attaquerait.

Depuis un mois, de la Hollande,
À cette fin, et de Zélande,
Ils faisaient venir, par l’Escaut,
Sourdement, et d’un esprit caut [sic],
Des Canons, des Mousquets, des Mèches,
Des Poudres toutes des plus sèches,
Des Boulets, Balles, et Mortiers,
Ingrédients fort meurtriers,
Des Piques, Grenades, et Bombes,
Qui, promptement, creusent des tombes,
Des pèles, des pics, des hoyaux
Dont on se sert pour les Travaux,
Et d’autres tels Outils de guerre.

Depuis un mois, aussi, par terre,
Ils faisaient un amas très grand,
Dedans Teremonde [sic], et dans Gand,
De soins, d’avoines, de fourrages,
De blés, farines, et fromages,
De raves, de choux, et d’oignons,
De navets, de noix, champignons,
De beurre, de lard, et de tripes,
De biscuit, de tabac, de pipes,
Bière, eau de vie, et cetera.

Ensuite de ces Apprêts-là,
Ils partent, ils passent la Haine,
Trois jours leurs suffisent à peine,
Pour ce Passage : mais enfin,
Ils arrivent sur le terrain
De cette Ville d’Oudenarde [sic],
Que moult d’avoir prise il leur tarde,
Devant la Place, ils sont postés,
Ils la serrent de tous côtés,
Ils dressent quatre Batteries
Pour faire de grandes tueries,
Ils travaillent habilement
À leurs Lignes. Finalement,
Deux ou trois Attaques ils forment,
Ils sont là, sept jours sans qu’ils dorment,
Qui sont quatre plus, tout de bon,
Qu’ils n’y croient être, dit-on,
Car, à la troisième journée,
La Place, par eux, malmenée,
Devait tomber en leur pouvoir.

Néanmoins, après cet espoir,
Et tout ce que je viens d’écrire,
Comme par un conte pour rire,
On dit que ce septième jour,
Ils ont, sans trompette, et tambour,
Ou sans tambour, et sans trompette,
Un beau matin, fait leur retraite.

Un beau matin ! pour cela, non,
Car un brouillard un peu brouillon,
Brouillait l’air cette matinée,
Si que, par sombre destinée,
On ne se pouvait non plus voir
Qu’au plus noir et plus sombre soir.

Mais revenons à la retraite,
Est-il vrai qu’elle se soit faite,
Comme on le dit publiquement ?
Oui, Lecteur, mais voici comment,
Et nos Ennemis j’en excuse,
Oui, certes, sans que je m’abuse.

Notre incomparable Condé,
Du Dieu Mars, si bien secondé,
Et qui vient, avec tant de gloire,
D’avoir sur eux, pleine Victoire,
S’était avancé vers leur Camp,
Afin d’y trouver nouveau champ
À signaler ce grand Courage
Qu’il montra dès son plus jeune âge.

Hé quoi ? l’auraient-il attendu ?
Tout eût été, pour eux, perdu.
Le Duc d’Enghien qui, sur sa trace,
Marche d’une si belle audace,
Accompagnait ce grand Héros,
Pouvaient-ils, donc, bien à propos,
Risquer contre eux, une Bataille ?
Ils n’auraient risqué rien qui vaille,
C’eût été leur perte, vraiment,
Il n’en faut douter nullement.

Je loue ici, donc, leur prudence,
Ils ne pouvaient en conscience,
(Soit dit sans adulation)
Faite une plus belle Action
Que de profiter, comme ils firent,
Et bien des Gens les en admirent,
De l’épais Brouillard dessus dit,
Qui, pour leur retraite se fit.

À propos de ce, je puis dire,
Sans qu’on puisse en faux, s’en inscrire,
Que ce Brouillard, illec, diffus,
Fut favorable, tant et plus,
À ceux de la Maison d’Autriche :
Si que bien loin d’entre dire briche,
Ils doivent, d’un cœur tout gaillard,
Rendre grâce au Ciel, du Brouillard.

-Accompagnant de Condé, le duc de Navaille était de la partie et a joué son rôle comme il se doit :

Au reste, le Duc de Navaille,
Lequel si dignement travaille
En tout rencontre belliqueux,
Agit en celui-là, des mieux,
Et, ce qu’il est, y fit connaître,
Allant divers Lieux reconnaître
Et faisant tout ce qu’il fallait
Pour préparer un grand Exploit,
Mais ce qui n’eût aucune suite,
L’Adversaire ayant pris la Fuite.

-Même chose pour Luxembourg :

Le Vaillant Duc de Luxembourg
Qui sait si bien mettre en son jour,
Quand l’occasion s’en présente,
Sa Bravoure à tous évidente,
Étant là, près du grand Condé,
Dieu sait s’il en fut secondé
En tout ce qui fut nécessaire.
Je n’en doute point, au contraire,
J’en crois plus encor que n’en dit,
À sa louange, un beau Récit.

-Récit auquel Robinet ajoute :

Mais, pour terminer ce Chapitre,
N’eus-je pas, dans mon autre Épître,
Bon nez touchant l’Événement
Que j’écris historiquement :
Et, je vous prie, notre Muse
Était-elle niaise et buse
De douter que les Ennemis
Fussent bien plantés, bien assis ?

-Les nouvelles du siège ont visiblement mis la cour en effervescence :

Dès que l’on sut ici ce Siège,
Chacun brigua le privilège
D’aller en cette Occasion,
Faire quelque digne action.

Monsieur le Marquis de Livourne
Lequel, en notre Cour, séjourne, [Chevalier de l’ordre de Savoie]
Étant friand du beau Laurier [et Fils du Marquis de Pianezze.]
Qu’on cueille au Métier de Guerrier,
De leur nombre, s’empressait d’être,
Pour faire son grand cœur paraître,
Dedans Oudenarde [sic], avec eux,
Par des Actes tous belliqueux,
Ou bien dans la célèbre Armée,
À sa délivrance animée.
Et conduite par son grand Chef,
Que Dieu garde de tout méchef [sic].

Mais quoi ? le Roi sachant son zèle
Et son ardeur si noble et belle,
Ne le jugea pas à propos
La Raison en est en trois mots,
Qu’on n’a pas encor fait la cure
De la glorieuse blessure
Qu’il avait reçue à Senef[fe],
Mettant sa Valeur en relief,
Dans ce Combat où la Victoire,
À Condé, donna tant de gloire :
Et le Monarque, obligeamment,
Modéra son emportement,
En lui parlant d’une manière
Qui lui vaut une Éloge entière.

-Revenant au récit des combats, Robinet retrouve son ironie, pour mieux déprécier l'ennemi, quel qu'il soit :

Si dans le Pays des Flamands,
Les Espagnols, les Allemands,
Et les Hollandais font merveille,
On peut dire chose pareille
Des Confédérés sur le Rhin,
Ils les imitent, certe [sic], à plein.

Ils sont venus lorgner Turenne,
On croyait que dans une Plaine,
Au Combat, ils le défieraient,
Ou du moins, qu’ils se préparaient
À quelque Siège d’importance.
Mais bon ! toute cette apparence
Vient de s’évanouir soudain,
Comme, dans un temps incertain,
Disparaît un rayon solaire
En même temps qu’il nous éclaire.

En un mot, ces hardis Poltrons,
Ou bien ces lâches Fanfarons,
Ont, de façon fort militaire,
Repassé le Rhin sans rien faire.

-Après avoir évoqué les ravages que les Turcs ont assuré de commettre dans la Pologne, Robinet évoque la disparition de deux personnages de hautes estime dans cette France du dernier tiers du XVIIe siècle. Le premier est Henri de Pardaillan de Gondrin, archevêque de Sens :

La Parque, qui dans tous les âges,
Ravit les plus hauts Personnages,
Vient de nous en enlever deux
Lesquels étaient assez fameux.

L’un portait une illustre Mitre
D’Archevêque ayant le grand titre,
Et c’est l’Archevêque de Sens,
Qui loin de flatter ses cinq sens,
Leur était un maître sévère,
Menant une vie exemplaire.

-Le second est Antoine Arnauld :

L’autre est le très célèbre Arnaud,
De qui, sur le ton le plus haut,
Il faudrait chanter les louanges : [M. Arnaud [sic] d’Andilly.]
Mais cela n’appartient qu’aux Anges
Qui seuls chantent bien les Vertus
Dont ses pareils sont revêtus.

Nous avons le Sage Pomponne
Qui ressuscite en sa Personne,
Les Mérites de ce grand Mort,
Étant, par un illustre Sort,
Le digne Fils de ce rare Homme,
Et dont, pour en tout dire en somme,
On voit le cas qu’en fait le Roi,
Par son illustre et noble Emploi. [De Secrétaire d’État.]

Lettre du 13 octobre 1674, par Robinet.

-Le prologue de cette lettre nous gratifie d'un récit qui rappelle combien, la tristesse si elle frappe les pays en guerre, comme ceux qui sont au cœur de l'actualité en ces années 1670, ébranle aussi les familles de la France de la même époque, lorsque les enfants passent de vie à trépas.

Augustes Altesses Royales,
Des Parques un peu déloyales,
Ont mis ma Muse en désarroi,
Et vous n’en aurez rien, je crois,
Qui puisse aucunement vous plaire
Dans ce Discours Épistolaire.

Lesdites Parques qui sont trois,
Ont, le cinquième de ce mois,
Mis une jeune Vierge en Bière,
Mais je dis Vierge toute entière.

Elle avait deux lustres au plus.
Avec mille pleurs superflus,
Ses Père et Mère affligés, certe [sic],
Regrettent une telle perte.
Elle est bien grande en vérité
Dans cette puérilité,
Dans cette enfance que j’ai dite,
Las ! elle avait plus de mérite
Et plus de merveilleux talents
Qu’on n’en a souvent a trente ans.
Elle savait Philosophie,
Latin même, et Géographie,
Histoire, Roman, Prose, et Vers,
Et parmi tant de dons divers,
Elle savait encor la Danse,
Entendant des mieux la cadence.
Elle chantait, discourant bien.
Elle charmant dans l’entretien.
Elle avait vivacité, grâce,
C’était, bref, une jeune Grâce
Dont les Appas auraient un jour,
Causé des embarras d’amour.

Jugez si Père et la Mère [M. et Melle M.]
Ayant une douleur amère
De voir ce Trésor au Cercueil,
N’ont pas un raisonnable Deuil.

J’ai pour eux, estime et tendresse,
Et justement je m’intéresse
En la grande perte qu’ils font,
Car, pour moi, des boutez ils ont :
Et participant de la sorte,
Au profond Deuil qui les emporte,
O Couple Royal, pardonnez
Si les Vers suivants nouveau nés,
N’ont ni sel, ni brillant, ni grâce,
J’espère de vous, cette grâce.

-Gloire à Turenne, qui a vaincu les armées envoyées contre lui :

La Déesse du beau Renom,
Du Héros qui Turenne a nom,
Partout, les merveilles, récite,
Et d’en parler, aussi, m’excite.

Il vient, pour la troisième fois,
Selon les militaires lois,
De battre l’Armée Allemande,
Et cette troisième Guirlande
Qu’il en mérite sur son front,
Fait rejaillir un triple affront
Sur celui de nos Adversaires
A qui les Destins sont contraires.

C’est à deux heures de Strasbourg,
Et, du mois courant, le quart jour,
Qu’après une Marche hâtée,
De deux jours, et double nuitée,
Ce Prince qui fut les chercher,
Les battit et fit dénicher
D’un Poste, dont en un Village,
Ils tiraient un grand avantage.

Il leur convint diligemment,
De quitter leur Retranchement,
Avec perte de six mille hommes,
Tant Roturiers que Gentilshommes,
Tant Fantassins, que Cavaliers,
Tant simple Soldats qu’Officiers,
De qui la Trame fut coupée
Par Canon, Mousquet, ou l'Épée.

Des Prisonniers on fit sur eux,
En un nombre aussi très nombreux,
Celui des Blessés fut notable,
Et dans ce Combat mémorable,
Qui, du moins, dix heures dura,
De huit Canon on les sevra,
Portant vingt-et-quatre debales [sic],
Avec deux Mortiers, six Timbales,
Maints Étendards, et maints Drapeaux
Ornés d’Aigles impériaux.
Après quoi, Lecteur, on peut dire,
Sans qu’on puisse nous contredire,
Qu’à bonne Enseigne, nous chantons
La Victoire que nous contons.

Je ne suis pas un grand Prophète,
Mais cette Action qui s’est faite,
Je la prévis le même jour
Que je sus l’Exploit de Strasbourg.

Qu’on voie ma dernière Épître,
On y verra, dans un Chapitre,
Ce que touchant cela, je mis,
Pour le malheur des Ennemis.

Milord Dumas, plein de Courage,
En cette occasion, fit rage,
Il eut, sous lui, trois Destriers
Tués par des plombs meurtriers.
Jugez s’il fit le ci-derrière
Dans la belliqueuse Carrière.

Le Chevalier de Bouillon fit
Fort bravement, sans contredit,
Et de très belle, et bonne sorte,
Soutint l’illustre Nom qu’il porte.

Le Comte d’Auvergne montra
Le grand cœur que partout il a,
Et donnant d’estoc, et de taille,
Eut grand' part au gain de Bataille.

Mais comme l’honneur est fatal,
Qu’on acquiert au Champ martial,
Il reçut dans la jambe droite,
Deux coups de mousquet dont il boîte :
Mais, en bref, on le guérira
Et, peu de temps, il boitera.

Ces Milord, Chevalier, et Comte,
Dont les merveilles je raconte,
Sont, de Turenne, les Neveux.
S’ils sont, donc, tous si valeureux,
Et si braves de leur Personne,
Il ne faut pas qu’on s’en étonne.
Pour Lui, pour ce Prince si preux,
Pour cet illustre Généreux,
Pour ce merveilleux Capitaine,
J’entends le susdit de Turenne,
Il servit là, d’Exemple à tous,
En s’exposant aux plus grands coups,
Sans avoir sur lui, nulles Armes,
Tant la Gloire a, pour lui, de charmes :
Et sa Pie un très beau Cheval,
Reçut sous lui, le coup fatal
Qui, chez Mars, renverse par terre,
Plus vite qu’un coup de Tonnerre.

-De son côté, Condé se prépare également à une victoire : il donne la chasse aux assiégeants d'Audenarde.

Le Grand de Condé, toujours suit
L’Ost Confédéré qui le fuit,
Et l’on écrit bien plus encores [sic],
Que ces Confédérés sont, ores,
En divers Cantons, séparés,
Tous camus, et tous effarés,
Ne sachant où chercher refuge.
Les Généraux sont en grabuge,
L’un à l’autre, se reprochant,
Même avec des termes piquant,
Le mauvais succès d’Oudenarde.
Un chacun d’eux, l’autre en brocarde :
Et, pour éclaircir le Public,
De cette Affaire, ric-à-ric,
Chacun d’eux, ce dit-on, proteste
Vouloir donner son Manifeste.

-Quant au siège de Grave, la messe n'est pas encore dite : les Français tiennent toujours malgré les coups infligés par les hommes de Rabenhaut. Ainsi :

Grave, dedans l’état qu’il est,
N’est plus de Ville, qu’un Squelet [sic],
Tant, par les bombes, et grenades,
Et mêmes, par les canonnades,
Les Ennemis l’ont décharné,
Et, de tous les côtés, miné.

Mais ce Squelet [sic] sait se défendre,
(Ce que l’on ne peut bien comprendre)
Ainsi qu’un Corps de Ville entier,
Et Rabenhaut, ce grand Guerrier,
Est surpris qu’après tant d’entorses,
Il y trouve encor tant de forces.
L’ardent Marquis de Chamilly,
Dont le Cœur n’a jamais failli,
A, par trois fois, eu l’avantage,
De le débouter du Passage
Qu’il tentait de l’Avant-Fossé,
L’ayant, ces trois fois, repoussé
De façon vigoureuse et verte,
Et lui causant notable perte.

Le premier jour du courant mois,
Ce Marquis propre aux beaux Exploits,
Fit, avec sa Cavalerie
Mêlée avec l’Infanterie,
Où l’on ne voit que braves Gens,
Sortir sur les Assiégeants :
Et l’on nettoya leur Tranchée
Qui, de leur Gens morts, fut jonchée,
Sans qu’à pas un on fit quartier.

Ensuite, un Parti tout entier
Desdits Assiégeants de Grave,
Conduit par un Chef fier et brave,
Fut rencontré, battu, défait,
Je vous assure, tout à fait,
Et aillé, par male [sic] aventure,
Comme on dit, à plate couture.

Tout cela montre à Rabenhaut,
Que le courage point ne faut
A ce faible Squelet [sic] de Place,
Et qu’enfin, quelque effort qu’il fasse,
Il pourra, devant ce Squelet [sic],
Être encor longtemps au Filet.

-Après les désordres perpétrés par les Turcs dans la lointaine Ukraine, c'est de la non moins lointaine mais plus méditerranéenne Messine que les troubles résonnent jusque dans Paris. Ainsi :

À Messine, l’Émotion
S’accroît journellement, dit-on.

Le Peuple, avec de grands vacarmes,
Partout, d’Espagne, ôte les Armes,
Et dévotement, en leur Lieu,
De la Vierge, Mère de Dieu,
Place l’Image qu’il regarde
Comme sa sûre Sauvegarde,
Et dessous, ou bien à côté,
On y voit ce mot, Liberté.

Liberté chère pour laquelle
Son cœur veut demeurer fidèle.

Il ne veut point d’Ajustement,
Ni d’Amnistie, aucunement,
Que le sieur Marquis de Bayonne
Ne s’éloigne en propre Personne.
Qu’on ne retire les Soldats
Qui le tiennent dans l’embarras,
Et qu’avecque [sic] ces Militaires,
On ne renvoie les Galères
Dont pour le bloquer on se sert :
Et sans cela le temps on perd
A lui proposer autre chose.

Car c’est là la première clause
De son Marché, sans quoi, Lecteur,
Le Messinois tout plein de cœur,
Continuera de se défendre,
Et de faire des Merles pendre. [C’est le nom de la Faction Espagnole.]

-Rien de mieux qu'une petite historiette, pour terminer cette gazette :

On conte un plaisant incident
Arrivé touchant une Dent,
Savoir Dent artificielle
Qu’ici, s’est fait mettre une Belle,
Pour conserver, de son Dentier,
L’arrangement plein et entier.

Elle voulait, ce dit l’histoire,
Pour ce petit morceau d’ivoire,
Donner demi-louis d’abord.

Mais l’Artisan en veut, en or
Dix entier, ou sa Dent reprendre.
Elle, ne voulant pas la rendre,
Jugeant le cas trop hasardeux,
Lui dit qu’elle en donnera deux.

Lui, tient bon, et cet honnête Homme,
Pour ravoir sa Dent, ou la Somme,
A fait cette Belle, assigner.

Vous laissant, Lecteur, deviner
Qu’elle pourra, sur telle instance,
Être des Juges, la Sentence,
Je finis et date à l’instant,
Après ce récit important.

-Un errata pour une lettre que nous ne possédons pas :

Fautes survenues en la Lettre dernière du six Octobre.

Lisez Bagdet, au lieu de Babdet, en la deuxième colonne de la première page. Monsieur le Duc de Chartre, au lieu de Monsieur le Duc de Valois, à la fin de la première colonne de la 3e pages. Ruiner les Gens par cabale, au lieu de par la cabale, en la dernière colonne.

Lettre du 20 octobre 1674, par Robinet.

-De cette lettre et des deux suivantes pour le mois de novembre, nous ne possédons que ces extraits issus du deuxième volume du manuscrit de Gueullette (http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531009823/f70.image) :

Des chers comiques d'Italie
La troupe ici bien établie
Depuis très peu joue un sujet
Plaisant et moral tout à fait
Et qui concerne bien du monde
En tel monde le siècle abonde
Jugez en lecteur mon ami
C'est À fourbe, fourbe et demi
Or qui n'a pas le caractère
Mais quoi que l'on ne saurait qu'y faire
C'est Cynthio qui l'a traité
Et sur le théâtre ajusté
Et qui l'a manié de sorte
Qu'argent et los il en emporte.
Monsieur et Madame l'ont vu,
Et digne d'y rire ils l'ont cru.

Lettre du 10 novembre 1674, par Robinet.

-http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531009823/f85.image) :

Nos très plaisants Ausoniens
Ce qui veut dire Italiens
Donnent pour aimable régale [sic]
Sur la scène une pastorale
Qu'ils nomment avec beaucoup de los
Arlequin Berger de Lemnos
Afin que mieux je m'en explique
La pièce est héroï-comique
On entend là de doux concerts
Il s'y chante de jolis airs
À l'italienne, et française
Arlequin y rend chacun aise
Par son beau jargon pastoral
Admirablement jovial
Enfin Lecteur c'est un spectacle
Où l'on s'ébaudit à miracle
À le voir je suis convié
Et de bonne grâce prié.

Lettre du 24 novembre 1674, par Robinet.

-(http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b531009823/f85.image) :

Or à propos de Comédie
Il faut ici que je vous die [sic]
Que les Italiens toujours
Donnent avec un grand concours
Leur pièce charmante et nouvelle
Qui de plus en plus paraît belle
Savoir Le Berger de Lemnos
Dont Cynthio mérite los
Puisqu'il l'a mise à leur théâtre
Dont le français est idolâtre.

Lettre du 8 décembre 1674, par Robinet.

-Une fois n'est pas coutume, Robinet écrit un vendredi. Il s'en explique ainsi :

Il est demain, Fête trop grande
Pour y griffonner la Légende
Que j’écris tous les Samedis
Depuis des ans tout au moins dix.
Je vais, donc, contre ma coutume,
Ayant bien retaille ma Plume,
Écrire aujourd’hui, Vendredi,
Cette Légende que je dis.

Or sus, Clion, ma chère amie
Venez, donc, vite, je vous prie,
M’assister en ce mien Travail,
En cet ordinaire Détail
Que, pour nos Altesses Royales,
Je fais en Rimes triviales,
De ce que de huit, en huit jours,
J’apprends par Lettre, ou par Discours.

Allons, entrons dans notre Étude,
C’en est assez pour un Prélude,
Qui n’est ni trop long, ni trop court.
Ô Muse la Dame d’Atour
De nos historiennes Rimes,
Faites que celles-ci paraissent légitimes.

-La Pologne il y a peu menacée par les Turcs ne l'est plus : ceux-ci ont fait mouvement vers la Perse, pour se protéger des menées du Sophi, évoquées dans une précédente lettre. Ainsi :

Rien n’est plus du genre douteux,
Et l’on n’en saurait parler mieux,
Que les nouvelles de Pologne.
Mais on n’est pas là, sans besogne,
C’est ce qu’on en sait de plus sûr ;
Et quoi que le Grand Seigneur Turc,
Le Danube, enfin, retraverse,
Pour, avec le Sophi de Perse,
Aller ses Armes mesurer,
On peut bien toutefois, jurer
Que les Cosaques, les Tartares,
Peuples revêches et barbares,
Et quelques Turcs encor restés,
Qui sont en divers lieux postés,
Fournissent assez d’exercice
À la Polonaise Milice.

Son Roi, vaillant comme un César,
Est allé du côté de Bar,
Pour dénicher de cette Place,
Des Tartares remplis d’audace,
Qui s’étant léans, cantonnés,
Y font les Démons déchaînés.

Il veut, soit de gré, soit de force,
Ou par douceur, ou par entorse,
Les soumettre, à sa volonté :
Et l’on dit que sa Majesté,
Si, de résister, ils font mine,
Les fera sauter par la Mine.

-Mais d'Ukraine, les nouvelles ne sont pas très bonnes où se déroule un siège aussi meurtrier que ceux que peut connaître la Hollande :

Tandis que, selon les besoins,
Elle-même porte ses soins
Vers l’Ukraine, de cette sorte,
Avec mainte et mainte Cohorte,
Elle a commandé promptement,
Un très nombreux Détachement,
Sous le Voïvode de Russie,
Pour aller, dans la Podolie,
Assiéger Kaminiec,
Où les Ennemis sont à sec.

Ils n’ont ni viande, ni potage,
Pommes, ni poires, ni fromage,
Farines, miche, ni gâteau,
Goûte de vin, de bière, ou d’eau,
Raisins, figues, noix, ou noisettes,
Aucuns œufs, pour faire omelettes,
Raves, oignons, choux, ou tabac,
Orges, ris, bref, ni fric, ni frac,
Pas même, de l’huile, ou vinaigre,
Pour faire repas gras, ni maigre,
Ni rien non plus de ce qu’il faut
Pour se défendre en un Assaut,
N’ayant poudres, ni plomb, ni mèches,
Ni pas un bois à faire flèches,
C’est ce qu’on en dit. En ce cas,
Kaminiec ne tiendra pas.

-Les Turcs, dont nous n'avons pas retranscrit toutes les mentions, doivent tout de même être évoqués dans ce qui sont les deux dernières lettres de cette section documentaire :

L’autre jour, la Sultane Mère,
Du Sultan, eut réponse amère
Sur ce qu’elle lui demandait
(Comme, par Lettre, on le mandait)
Qu’elle put, à Constantinople,
Retourner, enfin, d’Andrinople,
Avec un autre de ses Fils.
Car le Sultan, semel et bis,
Lui répondit, d’une voix fière.
Et d’une façon fort altière,
Qu’il lui défendait de quitter
Son Gîte, et de s’en écarter,
Sous peine, même, de la vie.

C’est que d’icelle, il se défie,
Et qu’il craint que, comme jadis,
Elle veuille, à cet autre Fils,
Tâcher de faire avoir l’Empire.

Je me suis souvent, laissé dire
Que la Sultane, dans son sein,
Roulait un semblable dessein :
Mais si la chose est bien certaine,
De vous l’assurer, j’aurais peine,
Et le Lecteur, ainsi, croira,
Là-dessus, ce qui lui plaira.

-Après le choc contre Turenne, les Impériaux rentrent chez eux :

Les Impériaux que Turenne,
De tous les côtés, si mal mène,
Se résolurent, dit-ont, enfin,
À repasser vite, le Rhin.

On ajoute, et l’on peut le croire,
Que ce Prince, friand de gloire,
Ira leur faire ses adieux,
Et prendre, pour lors, congé d’eux,
S’entend de façon martiale
Qui pourrait leur être fatale.

Or, les Troupes de Brandebourg,
Avec celles de Lunebourg,
Voudraient hiverner dans l’Alsace,
Savoir, la Haute, et non la Basse :
Mais ce Prince, encor, j’en suis sûr,
Ayant, pour elles, le cœur dur,
Irait leur tailler des croupières
Avec les siennes si guerrières,
Et ne leur souffrirait jamais
D’y manger leurs soupes en paix.

-Dans les autres lieux, la tension est à son comble. Ainsi dans la Belgique :

Les Alliés qui sont au [sic] Liège,
Y dressent, partout, quelque piège
Aux Habitants de ce Pays.

Les Janissaires et Spahis,
N’y seraient pas si redoutables
Que ces Alliés intraitables
Qui leur font des pétitions
De grosses Contributions
Pour qui, je crois, toutes leurs Bourses
Seraient de stérides ressources.

Ils veulent partout, çà, de là,
Sans qu’on leur dise Qui va là ?
Prendre des Quartiers à leur aise.
Mais, sur ce, iles mains on leur baise,
Et les Magistrats Liégeois,
Ne pouvant supporter ces Lois,
Vont, en reprenant du courage,
Se mettre à couvert de l’Orage,
En renforçant leurs Garnisons,
Et fortifiant leurs Cloisons,
Mettant en divers lieux, des Portes,
Et de vigoureuses Cohortes,
Bref, en faisant tout ce qu’il faut
Pour n’être pas pris en défaut
Par ces Alliés plus Corsaires
Que Spahis et que Janissaires.

-Ce n'est pas mieux à Cologne :

Dans l’Électorat Colonais [sic],
Ainsi qu’au Pays Liégeois,
Ils cherchent aussi Domicile :
Et d’une manière incivile,
Ils cherchent mêmes, des Quartiers
Au Pays de Bergue, et Julliers,
Quoi qu’ils n’en aient aucun prétexte.
Car le Duc de Neubourg proteste,
A qui sont les susdit Etats,
Qu’il n’a fait démarche ni pas,
Dans toute la présente Guerre,
Qui puisse attirer sur sa terre,
Les Alliés comme ennemis.
Mais de Nul, ils ne sont amis,
Et dans leurs vols, dans leurs pillages,
Dans leurs Courses, dans leurs ravages,
Ils mettent les Gens, en tels cas,
Ablativo tout en un tas.

-Descendant plus au sud, en direction de Messine, Robinet évoque un fait de banditisme qui a eu lieu dans les Abruzzes :

À propos d’eux, parlons ma Muse,
Un peu des Bandits de l’Abruzze [sic],
Car, je crois, sans leur faire tort,
Que tous se ressemblent bien fort.
Ces Bandits, Engeance funeste,
Jouant, donc, illec, de leur reste,
Avant d’aller servir, dit-on,
En vertu d’un certain pardon,
Les Espagnols dans la Sicile,
Ont, dans un sacré Domicile,
Ou bien Monastère, autrement,
Enlevé sacrilègement [sic],
Deux Pucelles, deux Damoiselles,
Toutes deux jeunes, riches, belles,
Pour leur faire donner la main,
Par l’effet d’un sort inhumain,
A deux des Chefs qui les commandent,
Qui sont damnés s’ils ne s’amendent.

-Où l'on en arrive finalement à la Sicile et aux événements de Messine :

Les Espagnols, pour leurs secours,
Ont là, certes, un chétif recours,
Et s’ils n’ont point d’autre assistance,
De mal, en pis, ira leur chance,
Avec Messieurs les Messinois [sic]
Qui font toujours de beaux Exploits,
Toujours, de bons Postes s’emparent,
Et, de tous côtés, se remparent
Contre leurs Ennemis plus durs,
Dans le cœur, que ne sont des Turcs.

Le Français, de la bonne sorte,
Et généreusement, se porte
Au secours de de ces Messinois [sic],
Par l’ordre du plus grand des Rois,
Qu’on voit, ainsi qu’un autre Hercule,
Qui du feu de la Gloire brûle,
Mettre encor des Monstres à bas,
Qui veulent troubler ses États,
Dompter, en tous lieux, par ses Armes,
Ses Ennemis, dans les alarmes,
Et protéger les Opprimés,
Lesquels, de sa gloire charmez,
Et de son Âme généreuse,
Des grandes Vertus, amoureuse,
Se font, comme l’on peut le voir,
Un Asile de son Pouvoir.

-L'actualité mondaine, plus réjouissante, fait que Robinet nous ramène brutalement plus au nord :

Le trente Octobre, et six Novembre,
Dans une Cour où tout sent l’ambre,
Où les Grâces et les Amours,
Comme, en la nôtre, sont toujours,
À savoir la Cour de Bavières [sic],
On ouvrit deux grandes carrières,
Pour les Jeux, et pour les Plaisirs,
Si propres au jeunes Désirs.

C’est l’Électeur et l’Électrice,
Dont le Destin est si propice,
Qui se chérissant, et s’aimant,
Non comme Époux, mais comme Amants,
Fêtaient le jour de leur Naissance
Avec pompe, magnificence,
Et d’une galante façon,
Qui pourrait servir de leçon.

Ladite excellente Électrice,
De mille beaux Jeux inventrice,
Fêta celle de l’Électeur,
Par un Ballet presque enchanteur,
Tant de belles et rares choses
En ce Spectacle, étaient encloses,

Monsieur, l’Électeur, à son tour,
Solennisa le charmant jour
Où l’Électrice vint au monde,
Tout à fait blanche, belle, et blonde,
La régalant d’un grand Tournoi
Où tout allait en noble arroi.

Ah ! ce serait, en mon Épître,
De quoi faire un très beau Chapitre,
Mais le papier me va manquer,
Je n’y saurais rien remarquer
Des merveilles, et des miracles
Qu’on vit en ces deux grands Spectacles.

Mais allez, fois d’Historien,
Chers Lecteurs, vous n’en perdrez rien,
Car j’en veux tout le Détail mettre
Dans ma fine première Lettre,
Comme en belle prose l’écrit,
Avecque grâce, un bel Esprit
Qui possède à la grand mesure,
Les dons du Ciel, et de Nature.

Aussi ce Personnage là,
Pour les divers talents qu’il a,
Est pourvu du beau Caractère
D’Envoyé, même, Extr’ordinaire [sic],
D’un Grand Prince, et des plus galants,
Des plus polis, des plus brillants,
Qu’en beaucoup d’autres Cours on voie,
À savoir le Duc de Savoie.
Or le susdit brave Envoyé
Qui, sans doute, est ainsi doué,
De qualités très singulières,
Se nomme le Sieur de Caillères.

Lettre du 29 décembre 1674, par Robinet.

-Fin d'année oblige, la coutume est de passer en revue l'actualité des nations de ce monde. Cette gazette, nous la retranscrivons intégralement et sans autre commentaire que celui-ci : c'est la dernière de notre section et l'ultime que nous possédons intégralement de Robinet - laissons-le donc parler sans lui couper la parole.

J’ai coutume, Altesses Royales,
De finir toutes mes Annales
Par certain Discours général,
Historique et non point moral,
Où je narre, par Épitomé,
Pour éviter de faire une Tome,
Les Affaires de tous États,
De tous Princes, et Potentats,
Selon qu’au déclin de l’Année,
Par bonne ou male [sic] Destinée,
Elles se trouvent bien ou mal.

C’est, donc, cet État général,
(Qu’aussi je pourrais faire en Prose,
Sans qu’on voit changer toute chose)
Que je vous offre en ce Cahier.
Vous pourrez, sans vous ennuyer,
Tout au plus, en demi quart d’heure,
Et sans quitter votre Demeure,
Par sa Lecture, faire un tour
Aussi grand que celui du bel Astre du Jour.

888

Toujours, au Royaume de Perse,
Un riche Commerce s’exerce,
De pompeux et brillant Bijoux,
Dans un repos profond et doux :
Et le Sophi, hors de sa Terre,
Chez l’Ottoman, porte la Guerre.

C’est tout de bon que vers Bagdet [sic],
Il pique à présent son Bidet :
Et ce qui fut, si longtemps, Fable,
Est une Histoire véritable,
De tous les côtés, on le dit,
Et, c’est, enfin, le commun bruit.

888

De là, j’insère que la Porte,
Aura deux Guerres, de la sorte,
À soutenir en même temps,
Puisque outre celle des Persans,
Elle a celle de la Pologne,
Et c’est là, beaucoup de besogne.

On croit que la Porte, en tel cas,
Afin d’avoir moins d’embarras,
Fera, comme sage Économe,
La Paix avec ledit Royaume.
Car Elle ferait trop de frais
S’il lui fallait avoir exprès,
Ainsi qu’il faudrait, deux Armées
Fort nombreuses, et bien armées.

D’ailleurs, les Arabes mutins,
Derechef, font les francs Lutins :
Et, dans la Mecque, qu’ils ont prise,
Méditent mainte autre Entreprise,
Dont, à la Porte, l’on a peur,
Connaissant d’iceux, la fureur.

Le Grand Seigneur, fort en cervelle,
Sur l’une, et sur l’autre Nouvelle,
Qui n’est point selon son plaisir,
Ni celui du Premier Vizir,
S’en retourne à Constantinople,
Non, je voulais dire Andrinople,
Pour donner l’ordre de plus près,
À tous militaires Apprêts.

888

La Pologne triomphe d’aise,
En voyant cette parenthèse,
Ou bien cette digression,
Ou, si l’on veut, diversion,
Dans les Armes du Turc, chez Elle :
Et moi qui, pour elle, ai grand zèle,
J’en sens grande allégresse au cœur.

Elle va, donc, avec vigueur,
Désormais combattre le reste
De l’Engeance Turque, et funeste,
Qu’encor en Podolie, on voit,
Et dans l’Ukraine. Oui, l’on croit
Que son Roi si digne de l’être,
Se va rendre, partout le Maître,
Et qu’outre ce reste de Turcs,
Dont les cœurs sont cruels et durs,
Il dénichera les Tartares
Qui font là, mille actes barbares.

Il a pris Bar, bon Poste, d’où
Il est allé vers Mohilou :
Poussant ainsi, par Mont et Plaine,
Incessamment devers l’Ukraine,
Et ne veut point voir sur son Chef,
Mettre le royal Couvre-chef,
Qu’il n’en ai mérité la Gloire
Par quelque importante Victoire,
Quoi que, par tant d’autres Exploits,
Méritée, il l’ait mille fois.

888

Le Czar, ou César Moscovite,
Voudrait bien que tout au plus vite,
On put, tous les Turcs échigner,
Où chez eux, les bien rencoigner [sic]:
Car il redoute fort l’insulte
De ces Infidèles sans Culte.

Il demande en toutes les Cours,
Une Jonction de Secours,
Par une Ligue Défensive,
Qui passe jusqu’à l’Offensive.

Cependant, par Diversion,
La Pologne, il secourt, dit-on,
En attendant que leurs Armées,
À même dessein, animées,
Se puissent, par un bon Traité,
Joindre ensemble, au prochain Eté.

888

Ce qu’on peut dire de l’Empire,
Est que, tous les jours, il empire.
Sa Diète n’opère rien
Qui puisse le remettre bien,
Et c’est (la chose est très certaine)
Comme l’Onguent miton-mitaine.

De plus en plus, le Mal Hongrois,
(Attendant le Mal Suédois
Et le Mal Turc, encor, peut-être)
Augmente son piteux bicêtre.

Un Remède appelé la Paix,
Lui serait tout à fait bon. Mais
L’Empereur, hélas ! la refuse,
Et qui refuse, souvent, muse,
Suivant trop, les mauvais Conseils,
Ces Maux, à maints autres, pareils,
Seront, à la fin, intraitables,
Ou, pour le mieux dire, incurables.
Ce seront, oui, je le dirai,
De vrai Noli me tangere.

888

Chaque Membre dudit Empire,
Chaque Prince, dis-je, en soupire,
Et l’on reconnaît qu’à chacun,
Ses Maux sont comme un Mal commun.
L’un d’iceux, en est pour ses Terres
Qu’il voit désoler par les guerres.
L’autre y perd, aussi, ses Etats,
Et tous en sont dans l’embarras,
Et demandent la paix, ensemble,
Qui l’unique moyen leur semble,
De pouvoir sauver les Débris
De leur Pays pillés, ou pris.

888

Les pauvres Provinces-Unies,
A présent, d’argent peu munies,
Ayant longtemps thésaurisé,
Ont, tout leur Trésor épuisé
Dans la Guerre de deux Campagnes,
Avec maints Doublons des Espagnes [sic].

Elles avaient perdu, de plus,
Outre tous leurs beaux Carolus,
Plusieurs de leurs plus riches Villes,
Contenant de beaux Domiciles,

On avait d’Elles, mêmement,
Fait un guerrier Démembrement,
En prenant, d’icelles Provinces,
Les plus amples, non les plus minces.

Or, les États, par un bonheur,
Que leur a permis leur Vainqueur,
Les ont, la plupart, recouvrée :
Et quoi que beaucoup délabrées,
Une telle joie ils en ont,
Que maintes Fêtes il en font.
Aussi l’ont-ils échappé belle,
Et leur crainte est encore telle,
De recheoir [sic] en ces accidents,
Que, soit malgré bon gré leurs Dents,
La Paix, hautement, ils demandent.
Ô que leurs Vœux, au Ciel, s’entendent,
Et qu’ils puissent être exaucés !
S’écrient des Gens bien sensés.

Ce sont les Messieurs du Liège,
Afin que cette Paix abrège
Les cruelles hostilités
Que font chez eux, de tous côtés,
Les Impériaux plus corsaires
Que Spahis, et que Janissaires.

888

La Suède est en plein repos
Sous son jeune et vaillant Héros.
Mais ce Descendant de Gustave,
Héritier de son cœur si brave,
A, sur la Terre et sur les Eaux,
Maintes Troupes, et maints Vaisseaux.
Ce n’est nullement pour des Prunes,
Et j’apprends des rumeurs communes,
Qu’il destine ses Armements
Pour mettre à la raison, des Gens
Qui le Traité de Westphalie,
Ont, d’enfreindre, fait la folie,
Et tous ceux lesquels désormais,
Voudront s’opposer à la Paix :
Dont le susdit louable Sire,
Par un motif chrétien, désire,
Et s’offre, de belle hauteur,
D’être le cher Médiateur.

888

Le Danemark, prend des mesures,
Ce dit-on dans ces conjonctures,
Il arme, aussi, de son côté,
Et même il est sollicité
De mettre ses Gens en Campagne,
Par l’Empereur, et par l’Espagne,
Par le Belge, et le Brandebourg :
Mais, tranchant cet article court,
Je crois son Roi si politique
Qu’en vain, sur ce, l’on le pratique,
Et que si d’armer, il prend soin,
C’est pour lui, s’il en est besoin.
Il se souviendra de l’Adage
Qui me semble d’un sens très sage,
Et vous le direz comme moi,
Dieu pour tous, et chacun pour soi.

888

Que dirons-nous de l’Angleterre ?
Elle est Neutre dans cette Guerre,
Dont, pour elle, tel est le fruit,
Que du Commerce, elle jouit
Toute seule, la chose est sûre,
Tandis que cette Guerre dure :
Dont son Voisin le Hollandais,
Par grand dépit, se mort les doigts.

C’est ce qui fait, las ! qu’il souhaite
Ardemment que la Paix soit faite.
Le Roi Britannique, en ce cas,
Suivant ses Vœux, lui tend les bras,
Et lui fait offre, avec franchise,
Sur cela, de son entremise.

Au reste, cette Majesté,
Par sa justice, et sa bonté,
Sa politique, et sa sagesse,
Son accortise [sic], et son adresse,
Conserve, dans ses trois États,
Un Calme qu’on n’y voyait pas.

888

À Rome, avec instance grande,
Les Promotions l’on demande.
Mais, pour le présent, Clément Dix,
N’est, sur son puissant Trône, assis.
Que pour des Trésors de l’Église,
Que tout vrai Chrétien, beaucoup prise
(Trésor spirituels, s’entend)
Faire un épanchement fort grand,
Par la puissance, à lui donnée,
En la prochaine Sainte Année,
Dont le magnifique Appareil
Sera, ce dit-on, non pareil.

888

À Venise, très pacifique,
Avec grand succès, l’on trafique,
Et l’on voit aller et venir,
Pour ce Commerce, entretenir,
Sans cesse, avec toute franchise,
La Galère à la Marchandise,
Laquelle en apporte des Turcs,
Dedans les Vénitiens Murs,
Et réciproquement, en reporte,
De Venise, à ceux de la Porte.

888

Le Portugal, riche en Joyaux,
Et mêmes en luisant Métaux,
Naguère a découvert deux Mines
D’Or fin, et d’Émeraudes fines,
Dans son Brésil, dont il lui vient
Mainte richesse qu’il contient.

Son Prince Régent, le régente,
D’une façon douce et prudente,
Et le maintient, partout, en paix,
Malgré ses Ennemis secrets.
Que dis-je ? ils se sont fait connaître,
Et ce sont eux qui firent naître
Ces noires Trames contre Lui,
Dont l’on tremble encor aujourd’hui.

888

L’Espagne est bien embarrassée,
Et se serait fort bien passée
De la Guerre où le Hollandais
L’a fait entrer en fin matois.

On voit que la susdite Espagne
Y perd bien plus qu’elle n’y gagne,
Et plus certe [sic], elle durera,
Et plus cette Espagne y perdra.

Ses Doublons, je pense, et ses Places,
Y courant les mêmes disgrâces,
Passeront dans les mains d’autrui,
Et son Roi trop jeune, aujourd’hui,
Pour ; à tel Mal, trouver Remède,
À grand besoin que le Ciel l’aide.

888

La France, par où je finis,
Cette belle Reine des Lys,
A toujours, une pleine Gloire :
Et l’on voit toujours la Victoire,
Suivant le Char de son Grand Roi,
Remplir les Ennemis d’effroi,
Quand même il prend quelque relâche
Dedans la martiale Tâche.

Cependant, partout l’Univers,
Et chez tant de Peuples divers,
Qui sont tout l’un et l’autre Pôle,
De ce Grand Roi, le Renom vole :
Et Pacifique, ou bien Guerrier,
Sous l’Olivier, ou le Laurier,
On dit, lui donnant un los juste,
Qu’en toute chose, il passe Auguste.

Voilà mon État Général,
Soit qu’il soit bien, soit qu’il soit mal,
Je le fis en robe de Chambre,
Presque sans m’arrêter, le vingt-et-neuf Décembre.

À Paris, chez Ch. Chenault, Imp. et Lib. aux Armes du Roi, rue et devant l’Église S. Séverin.

PAGE EN COURS D’ÉLABORATION (D.C.)

(Textes sélectionnés, saisis et commentés - sauf mention contraire - par David Chataignier à partir des gazettes composées par Charles Robinet et La Gravette de Mayolas au cours de l'année 1674. Les gazettes de Robinet (Lettres en vers à Monsieur du 7 avril au 29 décembre) sont réunies dans le volume conservé sous la cote 296 A-6 à la Bibliothèque mazarine.)




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