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Petite scène d'un dépit amoureux


« Un berger et une bergère, qui font en musique une petite scène d'un dépit amoureux. »
Les Amants magnifiques, troisième intermède, scène 5.

Toute la scène, qui ressortit aussi à la tradition comique du dialogue de "Sdegno e pace", est écrite à l’imitation de l’ode d’Horace Donec gratus eram tibi, dont on retrouve également des traces dans le Dépit amoureux ("Si mon cœur encor revoulait sa prison") :

HORATIUS
Donec eram gratus tibi,
Nec quisquam potior bracchia candidae,
Ceruici juvenis dabat
Persarum vigui rege beatior.

LYDIA
Donec non alia magis
Arsisti, neque erat Lydia post Chloen:
Multi Lydia nominis
Romana vigui clarior Ilia .

HORATIUS
Me nunc Thressa Chloe regit,
Dulces docta modos et citharae sciens:
Pro qua non metuam mori,
Si parcent animae fata superstiti.

LYDIA
Me torret face mutua
Thurini Calais filius Ornithi;
Pro quoi bis patiar mori,
Si parcent puero fata superstiti.

HORATIUS
Quid si prisca redit Venus
Diductosque iugo cogit aheneo?
Si flava excutitur Chloë?
Rejectaeque patet ianua Lydia?

LYDIA
Quamquam sidere pulchrior
Ille est, tu levior cortice, et improbo
Iracundior Adria,
Tecum vivere amem, tecum obeam libens.

A Lydie. Dialogue, touchant ses premières amours qu’il a renouvelées avec Lydie.
Horace
Tandis que j’étais en vos bonnes grâces, et qu’un plus jeune, et plus favorisé que moi, n’enlassait point ses bras autour de votre beau sein, j’ai vécu plus heureux que le Roi des Perses.
Lydie.
Tandis que votre cœur ne fut point embrasé si fort d’un autre feu que du mien, et que Lydie ne fut pas moins chérie que Chloé ; Lydie en grande réputation, a vécu avec plus de gloire, que n’en eut jamais la Romaine Ilie.
Horace.
Chloé que nous devons à la Thrace, me possède maintenant par les charmes de sa voix, et de son luth, qu’elle sait toucher admirablement : je ne craindrai point de mourir pour elle, si les Destinées veulent épargner sa vie pour la laisser immortelle après moi.
Lydie.
Calaïs fils d’Ornithe Thurien, me brûle d’une flamme mutuelle, pour qui je souffrirais deux fois la mort, si les Destinées veulent épargner sa jeunesse pour la laisser immortelle après moi.
Horace.
Que serait-ce, si notre premier amour devait renaître au monde ? Et si par son moyen nous étions réunis ensemble sous un joug d’airain : si la blonde Chloé était chassée, et si la porte était ouverte à la Lydie rejetée ?
Lydie.
Bien qu’il soit plus beau qu’un Astre, et que vous soyez plus léger qu’une écorce, et plus colère que la mer Adriatique si facile à se troubler, je voudrais vivre en votre compagnie, et achever mes jours auprès de vous.

(Horace, Odes, III, 9, traduction Michel de Marolles, 1652, 2e édition, 1660, p. 81-82)




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