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Que diable allait-il faire dans cette galère


" C'est à vous, Monsieur, d'aviser promptement aux moyens de sauver des fers un fils que vous aimez avec tant de tendresse.
- Que diable allait-il faire dans cette galère? Il ne songeait pas à ce qui est arrivé. - Va-t'en, Scapin, va-t'en vite dire à ce Turc que je vais envoyer la justice après lui. - La justice en pleine mer! Vous moquez-vous des gens
- Que diable allait-il faire dans cette galère? – Il faut, Scapin, il faut que tu fasses ici, l'action d'un serviteur fidèle. - Quoi, Monsieur? - Que tu ailles dire à ce Turc, qu'il me renvoie mon fils, et que tu te mets à sa place, jusqu'à ce que j'aie amassé la somme qu'il demande. - Eh, Monsieur, songez-vous à ce que vous dites? et vous figurez-vous que ce Turc ait si peu de sens, que d'aller recevoir un misérable comme moi, à la place de votre fils?
- Que diable allait-il faire dans cette galère?[...]"
Les Fourberies de Scapin, II, 7

La répétition d'une expression presque identique structurait l'effet comique d'une scène de la comédie Le Pédant joué (1654) de Cyrano de Bergerac, qui développe la même situation :

CORBINELI :
Votre fils, à la vérité, n'est pas mort, mais il est entre les mains des Turcs.

GRANGER :
Entre les mains des Turcs ? soutiens-moi, je suis mort.

CORBINELI :
[...] à peine avons-nous éloigné la côte que nous avons été pris par une galère turque. [...] Mon maître ne m'a jamais pu dire autre chose, sinon : "Va-t'en trouver mon père et lui dis...". Ses larmes aussitôt suffoquant sa parole m'ont bien mieux su expliqué qu'il n'eût su faire les tendresses qu'il a pour vous...

GRANGER
Que diable aller faire aussi dans la galère d'un Turc ? D'un Turc ! Perge.

CORBINELI :
Ces écumeurs impitoyables ne me voulaient pas accorder la liberté de vous venir trouver si je ne me fusse jeté aux genoux du plus apparent d'entre eux: "Eh ! Monsieur le Turc, lui ai-je dit, permettez-moi d'aller avertir son père, qui vous envoiera tout à l'heure sa rançon." [...] Je me suis promptement jeté dans un esquif pour vous avertir des funestes particularités de cette rencontre.

GRANGER
Que diable aller faire dans la galère d'un Turc ? [...] Va-t'en donc leur dire de ma part que je suis prêt de leur répondre par devant notaire que le premier des leurs qui me tombera entre les mains, je le leur renvoierai pour rien (Ah que diable, que diable aller faire en cette galère ?) Ou dis-leur qu'autrement je vais m'en plaindre à la justice. Sitôt qu'ils l'auront remis en liberté, ne vous amusez ni l'un ni l'autre, car j'ai affaire de vous.

CORBINELI
Tout cela s'appelle dormir les yeux ouverts.

GRANGER
Mon Dieu, faut-il être ruiné à l'âge où je suis ? Va-t'en avec Pasquier, prends le reste du teston que je lui donnai pour la dépense il y a huit jours (aller sans dessein dans une galère !). Prends tout le reliquat de cette pièce. (Ah ! malheureuse géniture, tu me coûtes plus d'or que tu n'es pesant). Paie la rançon et, ce qui restera, emploie-le en oeuvres pies (dans la galère d'un Turc !). Bien, va-t'en (mais, misérable, dis-moi, ue diable allais-tu faire dans cette galère ? Va prendre dans mes armoires ce pourpoint découpé que quitta feu mon père l'année du grand hiver.

CORBINELI
A quoi bon ces fariboles ! Vous n'y êtes pas. Il faut tout au moins cent pistoles pour sa rançon.

GRANGER
Cent pistoles ! [...] S'en aller dans la galère d'un Turc ? Eh quoi faire, de par tous les diables dans cette galère ? Oh ! galère, galère, tu mets bien ma bourse aux galères.
(Oeuvres diverses, 1654, II, 5, p. 53-61)




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